de Leonardo Di Costanzo (Italie 2021)
avec Toni Servillo, Silvo Orlando, Fabrizio Ferracane et aussi des acteurs non professionnels
Accrochée aux montagnes sardes, une prison vétuste est en cours de démantèlement quand le transfert de douze détenus est soudainement suspendu pour des questions administratives. Gargiulo, le surveillant le plus expérimenté, est alors chargé de faire fonctionner la prison quelques jours encore, en équipe réduite. Lagioia, qui finit de purger une longue peine, entrevoit lui la possibilité de faire entendre les revendications des quelques détenus en sursis... Peu à peu, dans un temps suspendu, prisonniers et officiers inventent une fragile communauté
Extérieur nuit, autour d’un feu de camp après une dernière partie de chasse, les surveillants de la prison qui est censée fermer, se disent adieu. Une scène d’ouverture apparemment « conclusive » et pourtant « annonciatrice » ? Mais de quoi?
Un imprévu va contraindre ces surveillants à rester (le transfert de certains détenus ayant été retardé)
Nous allons pénétrer avec eux dans le milieu carcéral. Une véritable « Machine optique » qui rappelle par la disposition des cellules autour d’une ellipse, le centre de détention de Caen Bâtiment A dont nous avions pu voir des photos au Centre photographique Rouen Normandie fin 2019 début 2020, pour l’expo Le Ciel par-dessus le toit Maxence Rifflet.
Rien ne doit échapper au regard du surveillant et simultanément se posait pour l’architecte la question que doit voir le prisonnier ? quand s’ouvrira sa cellule, lieu de pénitence, porte fermée.
Une architecture donc au service d’une circulation des regards.
Circulation (regards) et circularité (architecture) tel est bien le dispositif panoptique dans le film de Leonardo Di Costanzo. Voyez ces plans en légère contre plongée où les acteurs -surveillants et prisonniers- assument leur rôle/fonction, ces autres plans larges et leur lignes incurvées; et même lorsque vous pénétrez dans une cellule, il n’y aura pas de hors champ.
Mais un autre « circuit » va se mettre en place (et ce, dans tous les sens de l’expression) quand après une « grève de la faim » -et suite à une demande pour le moins intempestive et …originale, Garguilo (Toni Servillo admirable de justesse et de sobriété) accompagnera en cuisine, Lagiola (Silvio Orlando) ce mafieux (respecté des autres prisonniers) qui va exercer ses « talents » de cuistot. Et lorsque la livraison tardera, une autre échappée, sur le dehors où la végétation a repris ses « droits », Gargiulo et Lagiola accroupis presque côte à côte cueillent des « plantes ».
Telle est bien la thématique de ce film pour le moins original (par rapport à tous les films sur la prison) transformer -même provisoirement- le « surveiller et punir en « surveiller et unir ». La scène où prisonniers et surveillants- suite à une panne d’électricité- dînent à la même table (faite de l’assemblement de toutes les tables sorties des cellules individuelles) dans un clair-obscur très « travaillé » est bien l’acmé de cette « démonstration » (certes un peu appuyée et accentuée par la bande-son) Cette scène ne fait-elle pas écho à la scène liminaire (cercle d’une joie partagée, jeu du clair-obscur) ?
Mais dès le retour de la « lumière » chacun endossera son statut initial… « comme il se doit »
« Ariaferma ne raconte pas les conditions des prisons italiennes. C’est peut-être un film sur l’absurdité de la prison »(propos du réalisateur)
Un film à ne pas rater !
Colette Lallement-Duchoze