Documentaire réalisé par Emerance Dubas
Sortie nationale le 23 novembre
En partenariat avec la Fondation des Femmes, Le Planning Familial, Nous Toutes, la Fédération Solidarité Femmes, Osez le Féminisme et Causette, la 7ème Obsession & les Inrocks.
Bande annonce https://www.facebook.com/arizonadistribution/videos/857956572236486
Insoumises, rebelles, incomprises ou simplement mal-aimées. Comme tant d’autres femmes, Édith, Michèle, Éveline et Fabienne ont été placées en maison de correction à l’adolescence. Aujourd’hui, portée par une incroyable force de vie, chacune raconte son histoire et révèle le sort bouleversant réservé à ces « mauvaises filles » jusqu’à la fin des années 1970 en France.
Alors que la caméra se déplace lentement (travellings latéraux profondeur de champ) pour donner à voir une cartographie de ce que fut l’enfermement, le spectateur est guidé par une voix off, celle d’Edith qui, précisément a vécu dans ce lieu, avec ses cloisonnements (répartition de l’espace censée épouser des dysfonctionnements caractériels), ses escaliers (qu’il fallait gravir à genoux « quand ça allait mal ») ses murs, ses couloirs. C’est la séquence d’ouverture. Sorte de prologue qui « encode » le film : lacérations, vitres éventrées, moisissures, ne sont-elles pas comme les stigmates des souffrances endurées par ces jeunes filles séquestrées maltraitées (par ….des « bonnes sœurs ») exclues de la société ?
En allant à la rencontre d’Edith, d’Eveline de Michèle de Fabienne, -qui est aussi rencontre avec leur passé- (elles avaient 11 ans 16 ans dans les années 50 60) Emerance Dubas fait advenir grâce à leur voix mémoire, la puissance de témoignages et se lit en filigrane toute une période de politique sociale "inhumaine" scandaleuse, mise en œuvre au quotidien par l’Eglise catholique (bonnes sœurs, Bon Pasteur !!!).
Certaines adolescentes ont été placées à la demande des parents, d’autres étaient déjà enfants de l’assistance.
Placées parce que "déviantes" "irrécupérables" ?
Ce documentaire va tordre le cou à ces sordides clichés
Nous pénétrons dans l’intimité d’un appartement (Eveline s’adonne à la peinture, présence d’un piano chez Fabienne) comme dans celle d’une conscience, sans effraction (Michèle souvent accompagnée de sa petite fille commente les extraits de lettres qu’elle lit) alors que la voix d’Edith prolonge notre approche d’un " vécu" plus que traumatisant (au spectateur de « concrétiser » ce que sa parole suggère)
Paroles ressuscitées, photographies, extraits de documents. Au montage les raccords entre les rencontres/interviews sont assurés par des plans sur les intérieurs de ces maisons/prisons et le tempo l’est à la fois par cette alternance et par des gradations dans les révélations. Comble d’ironie ! Des extraits d’un film en noir et blanc – de propagande ?- semblent « contredire » les paroles /témoignages.
Ces paroles de septuagénaires qui, avec une retenue poignante (cf au tout début Eveline évoquant son viol à l’âge de 11 ans) un franc parler (Eveline Fabienne) et jusque-là inécoutées, mettent à nu une vérité (que l’on avait délibérément occultée) Oui Fabienne a fugué, oui Eveline était un « petit diable ». Fallait-il pour autant recourir aux brimades - maltraitances, humiliations , cachot ? et pourtant c’est avec un calme et une forme de sérénité qui forcent le respect que ces femmes, ces « cabossées de la vie » s’expriment face à la caméra d’Emerance Dubas (Or beaucoup de femmes meurtries par ces années de sévices souffrent aujourd’hui d’amnésie post-traumatique, de dissociation)
Faut-il rappeler que le documentaire est comme une mémoire du monde ?
Gageons que celui-ci « qui lève le voile sur un secret bien gardé »et qui est « témoignage unique de la condition féminine de l’époque » non seulement laissera -dans notre mémoire collective- des traces « de cette vie de chien » mais qu’il incitera les pouvoirs publics à « réagir »
Signalons que les anciennes du Bon Pasteur, soutenues par Maitre Frank Berton et Maitre Yasmina Belmokhtar, se sont réunies au sein d’une association, et commencent à manifester un peu partout en France. Le rdv est pris pour la fin novembre, devant le ministère de la justice à Paris.
Colette Lallement-Duchoze