de Louis Garrel 2021
avec Louis Garrel, Roschdy Zem, Noémie Merlant, Anouk Grinberg, Jean-Claude Pautot
Présenté hors compétition festival Cannes 2022
Abel panique : il vient d'apprendre que sa mère Sylvie, la soixantaine, est sur le point de se marier avec un homme en prison. Aidé par sa meilleure amie Clémence, il va tout faire pour essayer de la protéger. Mais la rencontre avec Michel, son nouveau beau-père, pourrait bien offrir à Abel de nouvelles perspectives
Le film s’ouvre sur une leçon de théâtre en trompe-l’œil. Et le trompe-l’œil, le faux semblant, sera la « dynamique » de ce film-comédie aux allures de polar (braquage) où cohabitent avec plus ou moins d’élégance et de conviction les sentiments amoureux et familiaux, et les clins d’œil au métier d’acteur (et de scénariste…)
Oui trompe-l’œil, faux semblants, que ces "masques", cette filature grotesque (Abel, protecteur de sa mère suit, encapuchonné et maladroit, Michel son nouveau beau-père), ce braquage rocambolesque; mais paradoxalement trompe-l’œil vitalisant dans la recherche du vrai. Si la répétition (face à face Abel/Clémence) dans un hangar fait écho à la scène d’ouverture, elle va enclencher un processus de dévoilement (la frontière entre l’imaginé et le réel devenant de plus en plus ténue ; on ne sait si les larmes d’Abel sont sincères...) Une séquence mérite une attention particulière car elle cumule dispositif narratif, processus dramatique et choix cinématographiques ; voici au premier plan à l’intérieur du restaurant le couple assis simulant une dispute conjugale, au second plan le chauffeur cible, à l’arrière-plan le parking drapé de nuit, « théâtre » des opérations ; montage parallèle et alterné et circulation des regards ; tout est minuté, il faut être inventif face à des impondérables (la cible ne mangera pas le plat initialement prévu ; les "braqueurs" peinent à ouvrir le "fourgon de caviar" jusqu’à l’apparition intempestive de "faux" policiers »…)
L'aquarium, cette "bulle translucide" aux effets spéculaires connus de tous, devient le théâtre de "tous les possibles" et la thématique essentielle, celle de la "reconstruction" , ne sort-elle pas agrandie, en dépit de ou grâce à ces "faux semblants" ??
Des acteurs assez étonnants (mention spéciale à Noémie Merlant) Un récit souvent loufoque dans ce faux aspect "amateur" (car tout est "monté" comme une pièce de théâtre) qui clignote d’allusions (le choix de la ville des frères Lumière, les chansons d’un autre âge Pour le plaisir d'Herbert Léonard entre autres) la dédicace à la mère (on sait que Brigitte Sy non seulement avait animé des ateliers d’écriture en prison mais avait épousé un "détenu" Louis Garrel avait alors 18 ans…puis avait adapté ce vécu dans les Mains libres) tout cela fait que "l’innocent" serait de l’aveu même de Louis Garrel le contrechamp des "mains libres " du point de vue de l’enfant avec cette légèreté des premiers spectacles faits d’aventures de suspense de vaudeville qu’on voit avec ses parents »
L'innocent une joyeuse galéjade? une comédie bouffonne?
Si au sens étymologique l’innocent est celui qui ne nuit pas, ne pourrait-on - mutatis mutandis- l'appliquer à ce film dans son entièreté ?
Jouer le rôle d’un autre pour mieux appréhender son être, n’est-ce pas l’innocence même…. de l'acteur de cinéma, et de Louis Garrel , ..... en particulier ??
Colette Lallement-Duchoze