Documentaire réalisé par Wang Bing (Chine)
Ta'ang est une minorité ethnique birmane contrainte à l'exil à cause de la guerre civile: telle est la première information qui apparaît dès le prologue sur écran noir et depuis 2015 des dizaines de milliers de personnes tentent de franchir la frontière chinoise depuis le Myanmar. Parfois une notation en bas de l'écran (camp de Maidhe..... province de ...) précisera l'éclatement géographique qu'affrontent ou ont affronté ces "exilés" et la narration sera marquée elle aussi par la discontinuité
Les causes du conflit? La guerre restera hors champ mais elle affleure dans les discours des mères le soir de "veillées" ou elle se fera plus palpable dans des coups de feu des explosions ou des lambeaux de flammes, au loin. Ce qui intéresse le documentariste ce sont surtout les conséquences du conflit: l'exode, les déplacements incessants afin d'échapper à ces menaces et de survivre!
Ainsi Wang Bing va suivre des groupes constitués essentiellement de femmes et d'enfants; sa caméra emboîte leurs pas; s'immobilise en les filmant dans des camps en Chine (première séquence) ou des nocturnes (deuxième séquence) "la nuit on est moins visible donc plus en sécurité. Et cela apporte une plus grande liberté pour tourner" . Ces moments se prêtent aussi aux confidences: long monologue d'une femme qui en vient à regretter d'avoir voulu aider une autre mère et du coup de s'être dissociée de son groupe. Car c'est cela aussi l'exode: marcher vers et parfois "abandonner" les autres, les proches qui n'auraient pas suivi le même chemin. Comment les (re)joindre? En communiquant par portable; et à chaque fois le documentariste accompagne la personne qui s'isole pour "parler". Le groupe assemblé autour d'un feu était cadré façon Georges de La Tour puis vu de loin il va se confondre avec les braises dans un embrasement ..aux connotations "mortifères"
Des activités : le travail dans des champs de canne à sucre par exemple, vont permettre de "payer" un bout de "survie"... Des femmes surtout, au visage laminé par la fatigue, et dont le corps ploie sous les fardeaux (enfants et baluchons) car les hommes ont peut-être trouvé du travail en Chine ou sont restés dans les villages birmans; on ne le saura pas vraiment ..
Documentaire "saisissant" dit le dépliant. En effet voici le quotidien dans sa nudité; une plongée sans misérabilisme dans le dénuement; mais surtout voici la "mise en scène" de ce que signifie "se réfugier" : fuite et attente, marche forcée et pauses ponctuelles (ce qu'illustrent les trois parties du film).
Et pourtant l'intérêt voire l'empathie du spectateur sont parfois mis à rude épreuve à cause de longueurs -comme si une séquence "interminable" était à elle seule un moyen métrage hors du temps.... alors que les oiseaux" sont terrorisés"
Colette Lallement-Duchoze