de Naoko Ogigami (Japon 2024)
avec Mariko Tsutsui (Yoriko Sudo ) Tamae Ando Misae Watanabe Noriko Eguchi (Hitomi Ogasawara) Hana Kino (Mizuki) Akira Emoto (Taro Kadokura ) Kami Hiraiwa (Setsuko Ito) Hayato Isomura (Takuya Sudo)
Luxe, calme et volupté. Tout va pour le mieux dans la vie parfaitement réglée de Yoriko et de tous ceux qui, comme elle, ont rejoint la secte de l'eau. Jusqu'au jour où son mari revient à la maison après de nombreuses années d'absence.
L'appel de l'eau réclame un don total, un don intime
Premier long métrage à être distribué en France-(alors que la cinéaste japonaise Naoko Ogimami en a réalisé bien d'autres...) , le jardin zen allie avec élégance, perfection formelle, humour pince-sans-rire parfois ravageur, performance d’acteur (Mariko Tsutsui vue entre autres dans Harmonium est magistrale dans le rôle de Yoriko). Ce film se prête en outre à une lecture plurielle (rôle de la femme dans la société japonaise, "zénitude", critique acerbe des sectes, etc. ) Mais dans le traitement c’est bien la thématique de l’eau qui infuse toutes les autres – la "goutte d'eau" sa récurrence en des circonstances diverses, l’eau contaminée suite à la catastrophe de Fukushima, l’embrigadement par la gourou de la secte Eau de la vie verte, l’entretien méticuleux de ce jardin zen (plutôt sec) où l’eau doit être suggérée car elle est "en nous" , piscine, pluie. Aux mouvements ondulatoires du gravier -symbolisant une "mer apaisée"- voici en écho inversé l’accumulation en cercles concentriques de différents maux perturbateurs qui renforcent les dérives hygiénistes et les comportements pudibonds de Yoriko (dès la scène d’ouverture la position tête bêche des époux intriguait le spectateur …)
On pourrait certes déplorer certains excès (cf le plan récurrent d’une nappe d’eau où s’affrontent deux personnages, censée illustrer le conflit intérieur de Yoriko ; le très gros plan sur une goutte d’eau à la fonction symbolique, l’appartement de Mizuki d’abord étouffant et étouffé par un fatras d’objets et de détritus et que Yoriko transformera en épure à l’instar de son jardin zen). Mais ces excès semblent s’inscrire dans la longue liste des séquelles de Fukushima ....
Le jardin zen frappe par son humour multiforme (froid, décalé, pince-sans-rire ou acerbe) qui tout sous-tend et par l’adéquation entre la forme et le fond -les plans cadrés au millimètre près avec un jeu sur les horizontales et les verticales, les couleurs pastel, les effets de lumière, soulignent les contrastes entre des apparences bien lisses (comme aseptisées) et des …tourments intérieurs, entre un calme de surface et une violence latente qui éclatera dans des propos sarcastiques. A vélo ou à la caisse du supermarché, en position d’offrant (chants prières mains jointes) ou à l’écoute des conseils vengeurs de Mizuki (quand elle ne profère pas elle-même des "vacheries" avec élégance voire une éloquence cynique), Yoriko est de tous les plans sans jamais envahir l’écran et ses "mimiques" en coin ou ses faux silences sont plus éloquent.es que la parole.
Le final (une apothéose) avec le rouge du parapluie, le ruissellement de la pluie, la danse, le rire, la musique restera gravé dans les mémoires…
Ce final ne corrobore-t-il pas les propos de la cinéaste Je trouve étouffant d'être une femme au Japon et j'ai fait ce film dans l'espoir de changer cela ?
A ne pas manquer !
Colette Lallement-Duchoze
Un film qui bouscule les relations homme -femme telles que nous les voyons traitées le plus souvent au cinéma, sans pour autant faire dans le manichéisme.
Un régal que la dernière scène : une japonaise dansant le flamenco voilà qui casse les codes (en tout cas ceux que nous avons en tête nous les occidentaux).