De Karim Ainouz (USA /G-B 2023)
Avec Jude Law, Alicia Vikander, Sam Riley, Eddie marsan, Simon Russell Beale, Amr Waked, Erin Doherty
Présenté en compétition officielle Cannes 2023
Catherine Parr est la sixième femme du roi Henri VIII, dont les précédentes épouses ont été soit répudiées, soit décapitées (une seule étant décédée suite à une maladie). Avec l’aide de ses dames de compagnie, elle tente de déjouer les pièges que lui tendent l'évêque la cour et le roi...
L'Histoire nous dit peu de choses, elle raconte surtout les hommes et la guerre » (prologue)
Karim Ainouz va « raconter les femmes » et particulièrement Catherine Parr, en tant que Régente, épouse, « mère », érudite et cultivée, en ces derniers moments de la royauté d’Henry VIII ; tout en adoptant le point de vue de la future Elisabeth 1ère (voix off relayant ses écrits)
A la barbarie de cet homme qui sadique prend plaisir à humilier intimider, Catherine feint de se « soumettre » La jambe malade exhibée avec complaisance (gros plans sur les purulences béantes) devient très vite la métaphore de l’énorme pénis. Car tout est énorme chez ce géant de la cruauté dont la stature peut envahir tout l’écran et ses grognements sont ceux d’un porc qu’on égorge (Jude Law est méconnaissable)
Catherine nommée Régente en l’absence de son mari guerroyant en France, saura déjouer l’attention de ses escortes en rendant visite à son amie protestante calviniste Anne Askew, tout comme elle sera la « mère » et « complice » des enfants issus d’autres mariages, (le prince Edouard les princesses Marie et Elisabeth) tout comme elle s’ingéniera à influencer les conseillers du roi (c’était hélas ! sans compter sur leur vilénie leur trahison leur félonie leur soif de pouvoir).
Si l’Histoire a délibérément occulté cette figure féminine (à la différence d’Anne Boleyn par exemple) Karim Ainouz la réhabilite - avec la contemporanéité du mouvement MeToo, pourra-t-on objecter
Toujours est-il qu’à travers elle, il célèbre le pouvoir de la femme, la force de la sororité. En les intégrant au sein d’un film d’époque (dont la reconstitution sera remarquée car très documentée, tant au niveau des costumes des ambiances que du mobilier) il cherche à en déjouer les « codes » (les rares échappées en extérieur renvoient au gothique et/ou romantique alors que le choix d’une musique rock pour le final tout comme celui d’une photo qui refuse « la froideur grandiose de la monarchie » tranchent avec ce que l’on attend d’un « film en costumes » ; quant aux scènes de danses, de chants, elles ponctuent l’intrigue ; loin d’être « plaquées » sur , loin d’être pures décorations elles participent au récit (rôle narratif) et à l’action (rôle dramatique)
On pourra toujours déplorer le côté crade (c’est un choix délibéré) les excès, une forme de complaisance (Catherine essayant vainement de stopper sa fausse couche ; le visage du prélat anglican ciselé telle une eau-forte ; le roi entonnant un air telle une popstar etc)
Un film surprenant que je vous recommande
Colette Lallement-Duchoze