de Hirokazu Kore-Eda (Japon 2023)
avec Sakura Andô (Saori) Soya Kurokawa (Minato) Eita Nagayama (Hori)
Queer Palm et Prix du Scénario Festival de Cannes 2023
Film dédié au pianiste Ryuichi Sakamoto, ( décédé en mars 2023
Argument: Le comportement du jeune Minato est de plus en plus préoccupant. Sa mère, qui l’élève seule depuis la mort de son époux, décide de confronter l’équipe éducative de l’école de son fils. Tout semble désigner le professeur de Minato comme responsable des problèmes rencontrés par le jeune garçon. Mais au fur et à mesure que l’histoire se déroule à travers les yeux de la mère, du professeur et de l’enfant, la vérité se révèle bien plus complexe et nuancée que ce que chacun avait anticipé au départ...
Moins un film à plusieurs voix qu’un film puzzle, à énigmes. Là où le film de Kurosawa Rashômon (1950) (auquel on compare inévitablement L’innocence à cause de la structure fragmentée en chapitres) montre les « mêmes événements vus sous des angles différents », celui de Hirokazu Kore-Eda va « dévoiler le hors champ du témoignage précédent » Le spectateur ainsi placé au cœur d’un « drame » social familial, est amené à découvrir ce qui se cache derrière la « monstruosité », (cerveau de porc ? harcèlement ?) et il peut éprouver de l’hostilité envers le corps enseignant éducatif - en adoptant le point de vue de la mère – puis de la « sympathie » (sens étymologie) pour le prof d’abord incriminé avant d’être immergé dans le monde de l’enfance, avec ses vertes lumières qui vont calmer les douleurs stigmatisantes de l’amour naissant....
L’innocence ou la remise en cause de nos certitudes ? Une remise en cause en trois « temps » soit trois chapitres ponctués par le plan récurrent sur l’immeuble en flammes. Un embrasement prélude à…Un embrasement et toutes ses connotations !!!
Chemins de traverse fausses pistes c’est bien la construction progressive d’un puzzle qui s’impose à l’écran. Dans un contexte social et sociétal précis (lieux de travail, d’habitation, idéologie dispensée) Avec ses huis clos (l’appartement où vivent mère et fils, le collège avec ses escaliers ses salles de cours et de discussion, ses vitres ses w-c comme autant de cloisonnements ); avec ses changements de cadre (quand la mère sera précisément en dehors aux moments les plus douloureux ou que le professeur « accusé » et contraint de battre sa coulpe… est tenté par le vide) et surtout avec cette envolée à la fois poétique et solennelle vers la lumière…quand un wagon d’un autre âge, customisé et enguirlandé, abrite l’innocence.
Et le tremblement de terre n’a-t-il pas son équivalent dans le séisme intérieur qui ébranle chaque personnage et plus particulièrement les deux garçons ?
En fait L’innocence (sens étymologie « ce qui ne nuit pas ») est de l’aveu même du cinéaste plus une quête de justice que de vérité Le fait de vouloir revendiquer à tout prix qu'une chose est juste peut constituer un acte de violence pour d'autres personnes. C'est plutôt ce mécanisme qui m'intéressait Et le titre original Kaibutsu, (qu’on peut traduire par « monstre ») serait plus éloquent
Un film à voir ! c’est une évidence !
Colette Lallement-Duchoze