4 octobre 2023 3 04 /10 /octobre /2023 08:23

d'Iris Kaltenbâck (2023)

 

avec  Hafsia Herzi Alexis Manenti Nina Meurisse Younès Boucif

 

 

Présenté à Cannes 2023  Semaine de la Critique 

 

 

Lydia, sage-femme très investie dans son travail, est en pleine rupture amoureuse. Au même moment, sa meilleure amie, Salomé, lui annonce qu’elle est enceinte et lui demande de suivre sa grossesse. Le jour où Lydia recroise Milos, une conquête d’un soir, alors qu'elle tient le bébé de son amie dans ses bras, elle s’enfonce dans un mensonge, au risque de tout perdre…

Le ravissement

Ce film est inspiré d’un fait divers (c’est ce qu’affirmait hier soir la réalisatrice lors d’une rencontre débat à l’issue de la projection). Mais on ne peut s’empêcher d’établir certains parallèles avec  Le ravissement de Lol V Stein,  roman de Marguerite Duras - même si ces rapprochements n’ont pas été signalés par tous ceux qui ont pris la parole! . Lol V Stein est « ravie » à elle-même par cette histoire d’amour -qui n’est pas la sienne- imaginée et racontée par un homme qui l’aime, Jacques Hold, amant de sa meilleure amie Tatiana. De même Lydia est  "ravie"  à elle-même par la parole de Milos censée élucider son geste, ses dérapages. Très vite, le spectateur sait qu’un procès a eu lieu (ravissement délictueux passible de …) et cette voix off  oriente notre « appréhension » du personnage. A l’instar de Jacques Hold contraint de devoir chercher Lol là où elle commence à bouger, venir à ma rencontre et partir d’éléments factuels vérifiables, Milos se sent investi de cette mission : débusquer le(s) moment(s) d’une prise de conscience, revoir les "lieux", se remémorer les confidences…et ô suprême "ironie" ! alors que le ton frappe par sa neutralité, les  "images"  parfois  "contrediraient"  un jugement trop hâtif. Un des intérêts de la  "voix off" dans un tel contexte réside précisément dans ce  décalage apparent!  Si  Iris Kaltenbäck ne "juge"  pas son personnage -Un personnage habité par trop d’amour? en revanche, elle "manipule"  son public par l’exercice consommé du suspense … (indices à la fois suffisants et incomplets pour « imaginer » le pire !! ) Fort heureusement elle n'impose pas  un décodage unique  !!

Dès le début la cinéaste décline une forme de ravissement. Lydia prise dans le tourbillon de ce quartier parisien, tache rouge dans la foule de piétons, se démenant avec sa pâtisserie et son portable, est comme ravie à sa propre existence; ce que vient confirmer pour ne pas dire aggraver l’aveu d’infidélité de son compagnon. Désorientée et désormais sans repère refusant d'affronter ses propres chagrins, elle va « fabriquer » un autre ravissement par identification. Elle prend en charge la grossesse de sa meilleure amie Salomé et la naissance de l’enfant, jusqu’à épuisement de la parturiente …- comme s’il s’agissait du sien, tant elle s’est appropriée la conscience, l'être tout entier de Salomé.

Maïeuticienne dévouée, elle sera la compagne d’une nuit de Milos, un « machiniste » -autre solitude nocturne dont la capitale est peuplée. .Ses  tentatives réitérées pour instaurer une « relation » sont frappées d’inanité ; c’est au hasard d’une rencontre qu’elle s’enfermera dans le « mensonge » par usurpation d’identité (malgré quelques mises en garde que Milos n’entend pas ou ne veut pas entendre…) jusqu’à l’acte répréhensible

La visite au musée Henner, (drôle d’endroit pour un rendez-vous constate Milos) la « contemplation » des portraits de  femmes à la chevelure rousse, les explications « fabuleuses » prouveraient, si besoin était,  que Lydia est « réellement » passée de l’autre côté du miroir !!!  Fuyant le « réel », elle s’est « investie » dans un ailleurs si loin si proche !!!

Un premier long métrage de facture assez classique dans sa mise en scène, sa trame narrative chronologique, et son mélange de « fiction » et de « réalisme » (les séquences d’accouchement ont été tournées en live à la maternité des Lilas) . Il est valorisé par la prestation de deux acteurs : Alexis Manenti dont le jeu très sobre exalte la complexité (rappelez vous son interprétation dans Dalva), et Hafsia Herzi dont la seule présence à l’écran a une force d’aimantation insoupçonnée, un visage de madone qui  envahit parfois l’écran, un regard sombre qui dans le silence, dit le désarroi et la douleur …. !

 

 

Colette Lallement-Duchoze

 

 

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