de Laura Mora (Colombie 2022)
avec Carlos Andrés Castaneda, Brahian Acevedo , Davison Florez, Cristian Campaña, Cristian David Duque, Jacqueline Duque, Luis Eduardo Benjumea, Violeta Zabala
Coquille d’or au Festival international du film de Saint-Sébastien,
Prix Feroz Zinemaldia
Prix SIGNIS de l’Association catholique mondiale pour la communication.
Présenté à Rouen samedi 4 mars 2023 Festival à L'Est (compétition d'Est en Ouest)
Rape (17 ans), Culebro (16 ans), Sere (14 ans), Winny (11 ans), Nano (13 ans), 5 enfants des rues de Medellín. 5 rois sans royaume, sans famille, sans loi, sans racine. Leur espoir renaît lorsque le gouvernement promet à Rà le droit d'acquérir un terrain duquel sa famille avait été chassée, comme des milliers d’autres Colombiens, par les paramilitaires) .Ils quittent la ville, traversent la chaîne de montagnes jusqu’au Bajo Cauca, à la recherche de leur propre Royaume.
La première séquence frappe par son ambiance et ses ruptures de rythme : voici une ville nimbée d’un bleu nocturne, apaisant avant que la bande-son et le passage violent du métro ne s’en viennent perturber l’apparente sérénité. Et voici une mob défoncée conduite par Rà la machette à portée de main. Nous sommes à Medellin.! La caméra nous mène à la rencontre d’un clan de cinq adolescents, une famille d’orphelins; des laissés pour compte ? livrés à eux-mêmes vivotant de trafics et de chapardages, de drogue, des jeunes qui n’ont que la violence en héritage ?
Mais le film va bifurquer !
Munis de papiers officiels ces jeunes vont partir vers leur « terre promise » eux les « rois du monde », rois sans couronne certes , mais, chevillé à leur corps, l’espoir d’un « chez soi et d’une vie digne », loin des tourment(e)s urbain(e)s (souvent c’est le mouvement inverse, de la campagne vers la ville, qui sert de dynamique)
Pénétrer dans cette forêt aussi fascinante que dangereuse, aussi luxuriante que périlleuse, se laisser guider par un mystérieux cheval (vision due aux substances hallucinogènes ? allégorie de l’espoir ?) vivre pleinement certaines rencontres comme offrandes d’apôtres salvateurs (les prostituées, l’ermite) assister aux dissensions internes du groupe (jusqu’à sa dissolution) plonger dans les ténèbres à la quête de ce Graal, c’est l’odyssée que nous propose Laura Mora Ortega dans ce deuxième long métrage (après Matar a Jesus ( cf Matar a Jesus - Le blog de cinexpressions
Un road movie qui joue sur les changements d’atmosphère (photographie superbe de David Callego) et de son, sur l’alternance entre rêve et réalité, fable onirique et cinéma du réel, entre ralentis pauses et rythme plus débridé, Road movie où une voix off intérieure se heurte à des images d’une réalité crue, où sur le fond blanc de l’écran se détachent les silhouettes de ces jeunes vus de dos : rêvent-ils, "morts-vivants", à ce "monde parfait où ce que vous ne voulez pas n'existe pas"? l'épilogue renforcera l'ambigüité !!
Un film aux couleurs ocres des ruines, au blanc cotonneux des rêves, un film aussi dense que la verte compacité de la forêt colombienne !
Un film à voir c’est une évidence !
Colette Lallement-Duchoze