De Mariano Cohn et de Gaston Duprat (Argentine Espagne) 2022
avec Penelope Cruz, Antonio Banderas et Oscar Martinez
Un homme d'affaires milliardaire décide de faire un film pour laisser une empreinte dans l'Histoire. Il engage alors les meilleurs : la célèbre cinéaste Lola Cuevas, la star hollywoodienne Félix Rivero et le comédien de théâtre radical Iván Torres. Mais si leur talent est grand… leur ego l’est encore plus !
Le ton -dénonciation d'un certain milieu-, est donné dès la longue séquence d’ouverture : un magnat de l’industrie pharmaceutique a la prétention de laisser un nom dans l’histoire (autre que celui de milliardaire) et à défaut de faire construire un pont "à son nom", il produira un BON FILM. Son assistant est chargé de convaincre la "meilleure" réalisatrice du moment (multirécompensée pour ses films art et essai) qui choisira les "meilleurs" acteurs, en vue de l’adaptation d’un livre écrit par un prix Nobel…..Fabriqué à partir de cette "recette" (comme on mitonne un menu succulent) le film d’auteur est susceptible d’être couronné à Cannes à Venise et à Berlin !!! et de flatter l’immense bonté du généreux mécène….(lui qui n’a pas lu le livre ....et qui n’est pas du tout versé dans la culture….cinématographique)
Premier grincement dans l’univers du cinéma -alors que précisément s’achève la "grand-messe" cannoise avec son cortège de faux-semblants, ses surenchères promotionnelles, Compétition officielle viendrait à point nommé??
Cette comédie – qui pose la question incontournable "qu’est-ce qu’un BON film", (serait-ce le film d’auteur, vs divertissement ?) va en outre parachever la "mise à mort" de certains clichés sur le "sérieux" de l’entreprise cinématographique. Dans le décor d’un immense bâtiment moderne – les cadrages, les plans en épouseront l’aspect architectural et géométrique-, voici, pour les séances de lecture du scénario et pour les répétitions, une réalisatrice, Lola Cuevas -aux méthodes peu orthodoxes- et deux acteurs fort dissemblables – Felix Rivero, une sorte de playboy exaspérant et Ivan Torres, un comédien lugubre qui ne jure que par l’engagement ; tous les trois imbus de leur personne, aux égos surdimensionnés.
L’astuce des deux réalisateurs argentins est moins d’avoir procédé à une double mise en abyme (les deux acteurs s’invectivent et sur le plateau et dans leur vie privée ; le scénario (fiction romanesque) est dupliqué (réel) par la vie réelle des protagonistes) que d’avoir fait endosser par les acteurs eux-mêmes le " poids" de cette mise en abyme comme si ça allait de soi …. et ainsi d’avoir maquillé astucieusement ce qui relèverait d’un parti pris trop facile !!!
A cela s’ajoutent des dispositifs pour le moins étonnants (cf cette pierre de 5 tonnes suspendue au-dessus des deux acteurs telle l’épée de Damoclès afin de "mettre la pression" ou l’emballage cellophane des deux acteurs ) , "plaisants" (menthol et larmes, blanchiment des dents) ; et la broyeuse de trophées illustrera la tyrannie ravageuse de Lola, (le parangon de l’égocentrisme en broyeur d’égos !!)
S’ils connaissent les "affres" de la création, les personnages n’en sont pas moins souvent grotesques dans leurs souveraines prétentions, leurs poses et leurs snobismes outranciers. Et les trois acteurs Penelope Cruz (exubérante avec cette perruque rousse et ses minauderies) Antonio Banderas (étonnant numéro de faux « malade ») et Oscar Martinez (coupe Volpi 2017 pour Citoyen d’honneur où il interprète un …prix Nobel) semblent s’en "donner à cœur joie" pour fustiger ce que précisément ils incarnent eux-mêmes…car le film est censé plaire au secteur qu'il parodie……
Malgré certaines longueurs, des gros plans fixes prolongés, complaisants, malgré l’absence d’une critique venimeuse (mais était-ce le but recherché ?) Compétition officielle est un film que je vous recommande pour son rythme souvent enlevé, son humour bon enfant ou corrosif, sa photo "design", sa mise en scène "théâtrale" et la prestation de ses trois acteurs.
Colette Lallement-Duchoze