8 décembre 2021 3 08 /12 /décembre /2021 07:08

  Film réalisé par Audrey Diwan 2020

 

Avec Anamaria Vartolomei (Anne) Kacey Mottet Klein,(Jean)  Pio Marmaï (le professeur). Anna Mouglalis (la faiseuse d'ange  Madame Rivière )  Fabrizio Rongione (docteur Ravinski)  Sandrine Bonnaire (la mère) 

 

Lion d'Or Venise 2020

 

France, 1963. Anne, étudiante prometteuse, tombe enceinte. Elle décide d’avorter, prête à tout pour disposer de son corps et de son avenir. Elle s’engage seule dans une course contre la montre, bravant la loi. Les examens approchent, son ventre s’arrondit.

L'événement

En adaptant le texte d’Annie Ernaux, Audrey Diwan -comme la romancière d’ailleurs- fait moins un film sur l’avortement (pratique illégale, passible de prison avant la loi Veil de 1975) que sur "le désir des femmes,  la volonté de disposer de son corps"  dans une société misogyne et conservatrice,  avec pour toile de fond un système social inégalitaire  "Je me suis fait engrosser comme une pauvre"  "C’est une maladie qui ne frappe que les femmes" et surtout les  "transforme en femmes au foyer.  J’aimerais avoir un enfant un jour, mais pas un enfant au lieu d’une vie"! 

Un texte éminemment politique !

Une caméra immersive (qui ne lâche pas son personnage, la filme à sa hauteur dans sa détermination farouche, à la manière des frères Dardenne,  ¾ dos,  pour Rosetta  ou de László Nemes pour Le Fils de Saul) , un format 4/3 (qui enferme et le personnage et le spectateur jusqu’à la perte du souffle), des effets de flou qui entourent le visage de l’héroïne, le recours majoritairement aux plans-séquences, un travail sur la bande-son (Evgueni et Sacha Galperine) qui doit accentuer l’insoutenable solitude au fur et à mesure que défilent les semaines, -annoncées en encart-,  autant de procédés qui font "qu’on ne regarde pas Anne mais qu’on se glisse dans sa peau". L’ambition de la réalisatrice était précisément de faire éprouver -de façon presque viscérale - ce que ressent Anne pendant ces 10 semaines jusqu’à la scène "terrible" (violente certes mais nullement choquante au regard d’une autre forme de violence culturelle et sociale....) Convoquer le corps du spectateur, ses sens, pour lui laisser ensuite l’espace nécessaire pour réfléchir et prendre position.

Pari réussi !!

L’actrice franco-roumaine Anamaria Vartolomei née en 1999 -que nous avions vue, gamine, interpréter Violetta dans My little princess d’Eva Ionesco 2011-, incarne de façon exceptionnelle le personnage d’Anne Duchesne dans sa solitude torturante et son acharnement jusqu'au-boutiste. Exceptionnelle !  l’épithète n’est pas galvaudée : qu’elle soit submergée par la douleur, pétrifiée de stupéfaction, qu’elle passe de la légèreté à la souffrance, ou qu’elle suggère par le regard le sourire ou la moue des états d’âme, sa prestation est exemplaire ; ajoutons un phrasé particulier qui emporte l’adhésion !!

L’événement : une course d'obstacles où le danger d'y laisser sa peau était égal à la honte et à la culpabilité  dans une société non seulement pudibonde mais hypocrite  "Tout le monde cherche la même chose ici mais personne n’ose le dire"  (Anne, lors d’une soirée dansante ). 

L’événement un film à ne pas rater !

 

Colette Lallement-Duchoze

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