de Tony Gatlif France 2020
avec David Murgia (Tom) Slimane Dazi (Ulysse), Karoline Rose Sun (Stella) , Suzanne Aubert (Suzanne)
Festival Cannes 2021
Dans la mystique Camargue, Tom Medina débarque en liberté surveillée chez Ulysse, homme au grand cœur. Tom aspire à devenir quelqu’un de bien. Mais il se heurte à une hostilité ambiante qui ne change pas à son égard. Quand il croise la route de Suzanne, qui a été séparée de sa fille, Tom est prêt à créer sa propre justice pour prendre sa revanche sur le monde…
Il interprétait le fiancé fougueux de Geronimo (Geronimo 2014) le voici dès la première séquence de Tom Medina dans les arènes d’Arles remplaçant un toréador superstitieux (fantasme ou réalité ?). David Murgia son sourire, son ardeur impétueuse.
Dans ce film au titre éponyme, Tom Medina incarne l’audace du matamore et la fragilité de l’enfant cabossé par la vie, le charmeur et l’oiseau blessé, le fantasque, le poète, le justicier. Il est de tous les plans -souvent en duo avec Ulysse, Suzanne ou Rose, filmé de près (visage sourire regard pénétrant) De plain-pied dans le réel (dont l’embourbement liminaire pourrait être la métaphore) et simultanément dans cet ailleurs halluciné où il affronte l’énorme taureau blanc. Le film est ainsi traversé de ces fulgurances oniriques qui avec les images somptueuses de la Camargue (marais, chorégraphies de flamants, cavalcades) le parent de cette magie qui sert de contrepoint à l’aspect erratique du scénario et du montage (ce film n’a-t-il pas été tourné juste avant le premier confinement de mars 2020 ?).
Flamboyant le film l’est aussi par sa musique. Chants gypsies, musique gitane certes mais aussi rock hurlé de Karoline Rose Sun (qui interprète Stella, la fille d’Ulysse) C’est que « les forces telluriques traversent le delta camarguais bousculent les âmes et la musique est son medium »
Les plaies d’un passé, (Tom le taiseux les confiera, vers la fin du film à Ulysse), sont encore béantes Et dans ces plaies, se devinent tel un palimpseste, des éclats d’autobiographie. Rappelons tout simplement cet épisode des années 60 -Michel Boualem Dahmani dit Tony Gatlif a quitté l’Algérie natale pour la métropole- où un juge pour mineurs l’expédia, entre deux maisons de correction, auprès d’un éducateur et éleveur de chevaux. Ce « gardian » est devenu dans le film Ulysse (que de connotations !!!) interprété par un Slimane Dazi, tendre aimant généreux. A travers lui c’est à la communauté des éducateurs que rend hommage le cinéaste
Un autre thème cher au réalisateur : la lutte contre l’invasion du plastique (pour des raisons tant écologiques qu’esthétiques) c’est Suzanne ( double féminin de Tom ?) qui l’incarne. Combat écologique qui d’ailleurs va de pair avec un combat humanitaire -une constante dans les films de Tony Gatlif - le respect de l’autre de l’étranger du migrant
Mais…longue, longue est la route sur laquelle chemine le duo Tom Suzanne !!!
Vers ce point de fuite comme centré sur une ligne d’horizon.
C’est le dernier plan de Tom Medina avec cet effet de profondeur -un clin d’œil au plan final des Temps modernes?
Un film généreux et tonique que je vous recommande vivement
Colette Lallement-Duchoze