de Jan Komasa (Pologne)
avec Bartosz Bienelia, Eliza Rycembel, Aleskandra Konieczna, Tomasz Zietek
Festival A L'Est (Rouen du 3 au 8 mars 2020)
Soirée d'ouverture le 3/03/2020
Daniel, 20 ans, se découvre une vocation spirituelle dans un centre de détention pour la jeunesse mais le crime qu'il a commis l'empêche d'accéder aux études de séminariste. Envoyé dans une petite ville pour travailler dans un atelier de menuiserie, il se fait passer pour un prêtre et prend la tête de la paroisse. L'arrivée du jeune et charismatique prédicateur bouscule alors cette petite communauté conservatrice.
Un atelier. Des corps qui épousent le mouvement des scies Et en l’absence momentanée du gardien un « règlement de comptes » violent (traité partiellement hors champ) Daniel joue le rôle de guetteur zélé . Nous sommes dans un centre de détention pour délinquants. Fin du prologue. (à cette scène d’ouverture fera écho la séquence finale...)
Si les croyances et pratiques religieuses semblent omniprésentes (rôle du père Thomas dans le centre, activités du village/paroisse rythmées par les rites que sont la messe, les enterrements, les confessions, les processions) la religion s’inscrit dans une dialectique Eros et Thanatos, dialectique dont la résolution serait la rédemption incluant le pardon. Pardon que Daniel s’octroie pour lui-même, (il a commis un meurtre) pardon qu’il tente de dispenser à une communauté corsetée dans ses rancœurs -suite à un épisode tragique. Eros sera Agapé. Telles sont bien les forces en présence dans ce film dont le titre renvoie aux deux acceptions du terme « communion » « croyance uniforme de plusieurs personnes qui les unit sous un même chef dans une même église et « réception de l’eucharistie » -corpus christi- ce qu’illustre la représentation iconique du Christ sur la Croix (vue souvent en contre-plongée)
Daniel a "usurpé" la fonction de prêtre : non seulement il en revêt l’habit mais dans ses prêches, il fait siens tous les préceptes enseignés par le père Thomas (dont il "usurpe" aussi l’identité) L’acteur Bartosz Bienelia aux yeux bleu acier, au regard halluciné, à la peau parfois translucide, au corps tatoué (les tatouages ne seraient-ils pas devenus stigmates?) interprète de sa présence charismatique, ce personnage ambigu ambivalent. Prédicateur, amant, rock star, habité et violent, il est de tous les plans (souvent fixes) : son visage vu de profil ou de face peut envahir l’écran, seul face aux paroissiens (mais vu de dos) il prodigue la "bonne parole", ses lèvres dans le confessionnal à travers le grillage murmurent le pardon, son corps mis à nu se love dans l’embrasement amoureux. Parfois il est comme "détaché" de l’image, comme aimanté vers un Ailleurs et quand les paupières sont closes c’est un regard intérieur qui doit irradier tout son être…
Comment guérir une âme de ses tourments ? On retiendra cette séquence où -comme dans une séance de thérapie collective- les villageois sont invités à hurler, dans un cri primal, leurs obsessions. Daniel devenu aussi justicier, a repris une enquête (un chauffeur en état d’ébriété aurait provoqué l’accident mortel) . Disculper, déculpabiliser, accéder à la sérénité
Un film souvent sombre (et le parti pris des ambiances au bleu flouté ou glaciales le prouverait aisément) mais aussi empreint d’humour; un film à la construction sinon rigoureuse du moins très habile (schéma circulaire, alternance scènes d’intérieur et d’extérieur, progression du personnage dans son chemin de croix) la scène finale, percutante et dans sa forme et dans son message, n’est pas pour autant épilogue….
Un film à ne pas rater !
Colette Lallement-Duchoze