Film de Pål Sletaune avec Noomi Rapace, Kristoffer Joner, Velte Qvenild Werring
Un homme se penche sur le corps d'une jeune femme au visage tuméfié, aux lèvres sèches "Anna, Anna où est Anders?" interroge-t-il. C'est la scène d'ouverture. Qui est Anna? qui est Anders? Le film évoquera en un long flash back le parcours de cette jeune femme qu'un trauma a fait sombrer dans la paranoïa….
Comme dans Nextdoor (présenté à Rouen en compétition lors du festival du cinéma nordique 2006) le réalisateur norvégien transforme un décor banal en un labyrinthe mental. L'appartement que l'on verrouille craignant l'intrus, le baby phone qui fait entendre des bruits ou cris plus que suspects, une immense cour d'école dans laquelle Anna (interprétée par Noomi Rapace qu'on a pu voir dans Millenium en Lisbeth Salander) est comme égarée, les façades de l'immeuble (images récurrentes de ce damier vertical), la froideur glacée des couloirs (et en écho celle de l'hôpital où Helge rend visite à sa mère mourante): tel est le coutumier qui se mue en cauchemar (la caméra adoptant le point de vue de la mère). La peur plan par plan va s'installer avec cette progression dramatique jusqu'au dénouement tragique –que précède de peu la révélation d'un agent de la DDASS….
L'art (ou la magie du cinéma) réside précisément dans cette simultanéité d'images ancrées dans un vécu (repérable il a force d'authenticité) et dans le fantasme, l'illusion le cauchemar - le spectateur est ainsi constamment ballotté entre un fantasmé aux allures de vécu et un vécu cauchemardesque. Cloisons et portes comme métaphores qui séparent le réel du fantasme? Images mentales que ces ecchymoses sur les bras et le corps de l'enfant?(on se rappelle les brûlures qu'Ingrid exhibait dans Nextdoor) blessures réelles ou stigmates de la Douleur qu'il éprouve au profond? Un chemin serpente jusqu'à un lac, havre d'amour, de paix. Images de rêve? Lac ou parking? Conte merveilleux? Même Helge (Kristoffer Joner l'acteur principal de Nextdoor) vendeur d'électroménager, semble cautionner puis "rationaliser" le désarroi d'Anna et son amour monomaniaque pour son fils…-en empathie avec elle, il illuminera de sourires (certes à de rares moments) un visage jusque-là enfermé dans la peur; il voit l'ami d'Anders, lui parle, inversant à son insu les identités…- Mais quel que soit le plan adopté, le réalisateur rend palpable l'anxiété de son personnage. Dans un plan large (cour d'école, couloir, forêt, cafétéria, autoroute) Anna est "perdue" (comme elle l'est dans sa chevelure); dans un plan serré (chambre, cuisine) elle semble étouffer. Un gros plan sur le visage ou un plan rapproché et c'est une palpitation des pupilles, un marmonnement des lèvres comme autant d'appels au Secours!!
La mère d'Helge était gardée artificiellement en vie à l'hôpital. Dans la solitude des grands ensembles Anna l'abandonnée, devient post mortem le Sujet de la Complainte susurrée par Helge "c'est l'histoire d'une mère et d'un fils qui n'avaient rien à part eux-mêmes"
Colette Lallement-Duchoze