7 mars 2024 4 07 /03 /mars /2024 06:32

De Maxime Rappaz (Suisse 2023)

 

Avec Jeanne Balibar (Claudine) Pierre Antoine Dubey (Baptiste) Thomas Sarbacher (Michaël)

 

festival de Cannes 2023 Acid (association du cinéma indépendant pour sa diffusion)

 

Sortie salle 20 mars 2023

Claudine consacre toute sa vie à son fils handicapé. Toutefois, chaque mardi, elle s’offre une plage de liberté et se rend dans un hôtel de montagne pour y fréquenter des hommes de passage. Lorsque l’un d’eux décide de prolonger son séjour pour elle, Claudine en voit son quotidien bouleversé et se surprend à rêver d'une autre vie.

Laissez-moi

Long travelling avant dans un train, un personnage féminin vu de dos, puis la femme de blanc vêtue emprunte un téléphérique avant de rejoindre un immense hôtel de montagne (la compacité de la façade emplit tout le cadre) C’est ainsi que le spectateur entre dans l’univers de Claudine avant de « partager » son intimité avec des hommes de passage.

L’étrangeté naît du décalage entre la tenue vestimentaire de cette élégante quinquagénaire (bottines à talons, trench serré, carré de soie autour du cou) et le décor qui serait plus adapté à des randonneurs aux chaussures adéquates…(Ce que lui fera remarquer Michaël)….

Nous sommes à 2500m d’altitude… C’est un mardi. Au retour dans la vallée c’est une autre Claudine que nous allons découvrir : cheveux lissés en chignon, tenue plus stricte ; l’amante des hauteurs, l’amoureuse d’aventures furtives, la femme qui libre -car libérée d’un carcan- décide de son destin, est la mère aimante de Baptiste, son fils handicapé moteur, une mère courage, couturière à domicile, une femme qui se mure et musèle ses pulsions.

La topographie (les hauteurs, le barrage, le tunnel, les monts enneigés contrastant avec la vallée dans sa quotidienneté, sa spécificité ) rend compte de la double vie menée par le personnage, et surtout de la cohabitation intérieure de deux «univers » Leur lien ? l’escapade hebdomadaire donne aussi la matière soutirée aux amants d’un jour, pour des lettres destinées à Baptiste, censées être écrites par le père ….absent ….et la voix de Claudine (ah le timbre de voix de Jeanne Balibar) suppléera celle des amants quand elle lit les missives décrivant Florence Hambourg, Baptiste exulte même si ce voyage risque d’être entaché par les dires de la voisine  dénonçant une « mascarade »…

Nous sommes en 1997 (on a le droit de fumer, Baptiste est fan de la princesse Diana, dont on annoncera la mort en juillet)

Si le rituel impose la répétition de gestes identiques, (réceptionniste,  chambre d’hôtel déshabillage, étreintes, préparation de patrons (couture) essayage, chambre réveil bain pour Baptiste, piano sonatines voisine, etc) la plupart ne seront pas filmés de la même façon…changement perceptible de lumière, d’angle de vue ou de cadrage. Mais l’essentiel est de montrer que le rituel millimétré va se fissurer, que la muraille intérieure - en harmonie d’ailleurs mutatis mutandis avec l’élément minéral du décor et l’immense sous-terrain de la Grande Dixence englouti dans les entrailles de la montagne -, cette muraille/carapace contrainte et acceptée va se craqueler et la voix suave de Jeanne Balibar elle aussi se met à trembler… C’est la dynamique interne du film - ayant rompu le pacte de ne voir qu’une seule fois l’homme de passage, Claudine accepte de « rencontrer » à nouveau Michaël ; ébranlement des sens, dans l’évidence de leur lascif abandon mais surtout déflagration intérieure (elle envisage de rompre avec le mode de vie qu’elle s’était jusque-là imposé…)  L’instant de bascule éventuel a précisément pour cadre le tunnel souterrain du barrage et pour accompagnement sonore la musique d’Antoine Bodson….

Peu importe après tout, la décision que prendra Claudine

Laissez-moi un film porté de bout en bout par une actrice au meilleur de sa forme

Laissez-moi un film aux ambiances à la Hopper (Excès de formalisme ? Ce reproche éventuel serait de facto frappé d’inanité…)

 

 

Colette Lallement-Duchoze

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