7 décembre 2023 4 07 /12 /décembre /2023 08:48

de Martin Provost (2023)

 

avec Cécile de France (Marthe) Vincent Macaigne (Pierre) Stacy Martin (Renée) Anouk Grinberg (Misia) André Marcon (Monet) Grégoire Leprince Ringuet (Vuillard)

 

présenté au festival de Cannes 2023  Cannes première

 

sortie janvier 2024

 

vu en avant-première mardi 5/12 en présence du réalisateur 

Argument: Pierre Bonnard ne serait pas le peintre que tout le monde connaît sans l’énigmatique Marthe qui occupe plus d’un tiers de son œuvre. Maria Boursin, alias Marthe de Méligny, s'est fait passer pour une aristocrate italienne ruinée le jour où ils tombèrent fous amoureux l’un de l’autre. Elle ne savait pas encore qu’elle allait devenir le pilier d’une œuvre gigantesque, aujourd’hui considérée comme une des plus importantes du début du XXe siècle.

Bonnard, Pierre et Marthe

Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime
Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend.

Car elle me comprend, et mon cœur, transparent
Pour elle seule, hélas ! cesse d'être un problème
Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême,
Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant.

(Verlaine Mon rêve familier)

Pourquoi ce sont  toujours les femmes qui posent nues? (Marthe)

Parce que ce sont les hommes qui les peignent  (Pierre)

Martin Provost lors de son passage à Rouen (mardi 5/12) a évoqué la genèse de ce film. Contacté par la petite nièce de Marthe, il fut d’abord réticent ; puis à la « faveur » du confinement, de la proximité géographique aussi (il habite non loin de la « roulotte » où ont vécu Pierre et Marthe) il décide de faire un film ; non pas sur Marthe mais sur le couple, en mettant en évidence vivacité sexualité ce qui est organique charnel et lumineux. Pour le personnage de Marthe Il dit s’être inspiré entre autres de l’Indolente de Françoise Cloarec. Mais attention pas de biopic (il abhorre ce terme) pas de « reconstitution historique » (même détestation) pas de « réalisme » ; en revanche la « recréation d’une forme poétique » et le choix d’une lumière unique (précisément celle qui manque à toutes les reconstitutions…)

Or force est de constater que la trame scénaristique (même avec un découpage en 4 mouvements signalés à chaque fois en bas de l’écran) est souvent redondante pour une « anatomie du couple » à la prétention picturale. Que les débordements intempestifs, la complaisance affichée pour les galipettes, les simagrées,  les crépages de chignon hystériques (entre Marthe et Misia la mécène, entre Marthe et Renée la jeune amante de Pierre Bonnard) nuisent à une œuvre qui se veut « recréation poétique ». Que les plans qui reviennent à intervalles réguliers sur la main qui dessine -que ce soit celle de Vincent Macaigne ou d’un double peu importe- n’ont absolument rien à voir avec le « geste créateur » il en va de même pour ces « coups de pinceau» (or n’est-ce pas le cas de figure que récuse précisément le cinéaste « faire vrai ou du moins vraisemblable » ?) Que le discours des « visiteurs » Monet Alice Vuillard vantant les produits du terroir, en vue d’un piquenique, a cette emphase inappropriée, contrefaisant le naturel (autre paradoxe entre les intentions affichées et leur "rendu") Que dans la dernière partie les signes extérieurs du vieillissement (Vincent Macaigne au dos qui ploie sous les ans, Cécile de France grimée) frisent la caricature voire le ridicule (certains cinéastes refusent cet excès de pseudo réalisme au traitement si complaisant et facile). que et que…

Cécile de France est certes pétulante de légèreté, colérique quand il se doit. Mais jamais cette alanguie vibrante d’ondes sensuelles et quand elle s’adonne à la peinture esseulée animée par une rage jalouse Martin Provost loin de l’exalter en fait une hallucinée…Vincent Macaigne tout en retenue reste de bout en bout ce timoré même quand il doit se dévêtir et rejoindre la nudité de la femme aimée dans un bain d’effervescence lustrale

Un film assez classique pour une représentation peu convaincante du couple Bonnard.

Un bémol toutefois : la complexité du personnage féminin. Marthe assume être une « transfuge de classe », elle s’est inventé un passé une identité à l’insu de tous (hormis de sa famille qu’elle aide financièrement…) elle s’accomplira en créant. Des pastels dont on sait que le « grain velouté traduit des textures soyeuses et vaporeuses tout comme la fugacité de la lumière »

Et si in fine le commentaire que Pierre Bonnard est censé formuler face à un tableau du Caravage (il est alors à Rome avec Renée qu’il doit épouser) était comme la mise en abyme du film de Martin Provost ? La jeune femme est exaltée par la fougue, les tourments et l’amoralisme du peintre italien ; Pierre Bonnard, admiratif certes,  avoue qu’il ne pourra « jamais opter pour cette tendance »

 

Colette Lallement-Duchoze

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