de Wim Wenders (2023 Japon)
avec Koji Yakusho, Tokio Emoto, Arisa Nakano, Aoi Yamada
Prix d'interprétation masculine (Koji Yakusho) Cannes 2023
Argument: Hirayama travaille à l'entretien des toilettes publiques de Tokyo et semble se satisfaire d'une vie simple. En dehors de sa routine quotidienne très structurée, il s'adonne à sa passion pour la musique et les livres. Il aime les arbres, et les prend en photo. Une série de rencontres inattendues révèlent peu à peu son passé.
Un "thème" qui n’a rien d’original (on pense bien évidemment au Paterson de Jim Jarmusch, ( Paterson - Le blog de cinexpressions) avec Adam Driver dans le rôle d'un chauffeur de bus, auteur et poète à ses heures ou encore au rituel répétitif de Jeanne Dielman).
Au départ une commande : la ville a sollicité Wim Wenders pour un documentaire sur les " toilettes hi-tech" d'un quartier de Tokyo, Shibuya . Mais renouant avec le "voyage cinématographique" de Tokyo-Ga (1985), le cinéaste, plus de 30 ans après, va créer une fiction qui "sublime" le quotidien d’un « Sisyphe des chiottes » (expression ô combien savoureuse!!!…) un agent d’entretien bossant pour la société "The Tokyo Toilet." Sublimer? moins par l’élégance de gestes toujours recommencés, de gestes ritualisés chorégraphiés, que grâce à ces captations parfois furtives d’une feuille qui tombe d’un regard qui se dérobe(rait) d’un sourire (il illuminera d’ailleurs les derniers plans), grâce à cette façon de filmer le vertige du réseau labyrinthique urbain (tant transversal que vertical) ou de faire cohabiter solitude d’une chambre monacale et présence de la littérature !
En optant pour le format « dit carré » le cinéaste non seulement enserre son personnage (gros plans sur son visage par exemple) mais a toute latitude pour varier l’apparente routine : il ponctue le périple en camionnette par des titres de rock vintage différents (Lou Reed Patti Smith The Rolling Stones, the Animals, Otis Redding…) et comme de surcroit Hirayama est poète et photographe à ses heures, voici une nuance de jaune de vert un rai de lumière diffractée –Sur les lieux mêmes du travail, diagonales ou profondeurs de champ alternent avec plans très rapprochés ou gros plans sur les mains gantées alors que dominent des couleurs froides, pour faire advenir l’inattendu ?..Mais surtout dans ce faux « road movie » Wim Wenders fait la part belle aux rencontres qui en de courtes scènes denses et comme habitées permettent au spectateur de mieux cerner un personnage peu loquace. De même le film est entrecoupé par des séquences oniriques (en noir et blanc, elles ont été créées par Donata la femme de Wim Wenders ) comme autant de haïkus ? comme autant de « virgules » sur la partition du Temps?
De l’arte povera à l’écran ? Je ne pense pas mais plutôt beauté fugace des petits riens (et peu importe dès lors si l’on frôle parfois la mièvrerie)
Colette Lallement-Duchoze