d'Alice Rohrwacher (Italie 2023)
avec Josh O’Connor, Carol Duarte, Isabella Rossellini
Présenté en Compétition officielle Cannes 2023
Festival du film italien de Villerupt (2023) Amilcar du jury de la critique et Amilcar du jury des exploitants
Argument: Chacun poursuit sa chimère sans jamais parvenir à la saisir. Pour certains, c'est un rêve d’argent facile, pour d'autres la quête d’un amour passé… De retour dans sa petite ville du bord de la mer Tyrrhénienne, Arthur retrouve sa bande de Tombaroli, des pilleurs de tombes étrusques et de merveilles archéologiques. Arthur a un don qu’il met au service de ses amis brigands : il ressent le vide. Le vide de la terre dans laquelle se trouvent les vestiges d’un monde passé. Le même vide qu’a laissé en lui le souvenir de son amour perdu, Beniamina.
Eclatement de la chronologie avec changements de format, mélange de réalisme et de fantasmagorie, de burlesque et de satire sociale, références -dont certaines appuyées - à Fellini et à la commedia dell arte, contraste entre l’apparente placidité du personnage principal et la fougue primesautière de ses acolytes pilleurs de tombes, opposition entre forces chtoniennes et apolliniennes sur fond de trafic, de marché noir, présence d’une figure tutélaire dans un univers en ruine. Oui il y a tout cela dans le film d’Alice Rohrwacher ce qui en fait sa singularité son charme sa richesse mais aussi ses « limites » Ne serait-ce que dans cette multiplication de "fils directeurs" (dont le rouge qui, s’il est saisi, va détricoter la robe de l’amoureuse perdue et partant le souvenir ??? comme le suggère la construction circulaire du film qui s’ouvre et se clôt précisément sur ce "fil rouge"). Multiplication qui va de pair avec des dissonances et des disparités de traitement (autant la réalisatrice excelle dans l’évocation de ces néo Vitelloni , autant certains épisodes (dont la vente aux enchères sur le bateau) sont peu convaincants . Dès lors ne pourrait-on pas comparer le film à un patchwork? Tant pour la forme -de l’hétéroclisme surgiraient certains "morceaux" mieux travaillés et/ou singularisés- que pour la musique -chansons de saltimbanques et fantômes d’un opéra « muet » -incarné précisément par Italia !!!
Voici un archéologue doué d’un incroyable " flair", (grand découvreur de cavités …) qui à l’opposé des tombaroli n’est pas attiré par l’argent mais par une Chimère (dans ses sens propre et figuré) incarnée par Beniamina : le film s’ouvre d’ailleurs sur un superbe plan où la lumière accompagne le sourire de l’aimée alors que la voix de l'amoureux retentit d’adieux feutrés ; nous sommes en fait à l’intérieur du rêve d’Arthur, ce voyageur qui "revient" dans son village natal ( ?) voyageur dont se moquent les passagères, le bonimenteur vendeur de chaussettes ou le contrôleur (jamais une fonction n’aura été autant déterminante par ses secrets- le symbolisme du fameux trousseau… de ...clés). Le train reviendra telle la métonymie de tous les « voyages » dans le temps et l’espace. Adulateur de Flora (mère de la femme aimée, elle croit tout comme lui au retour de Baniamina) il (re)prend possession d’un boui-boui témoin du passé ( ?) tout comme les tunnels sont les entrailles de la terre, terre si féconde en "trésors" terre qui abrite les âmes de tous les disparus et surtout ces Etrusques dont les rites funéraires ont laissé pour l’éternité( ?) tant d’objets « sacrés » ou du moins sacralisés) et auxquels les « pilleurs » rendent hommage….à leur façon…émerveillement et vénalité!
Un film qui exalte une forme de solidarité dans une Italie des années 80 où les individus étaient parfaitement intégrés à leur environnement, leur culture ou leur histoire (fête de village, habitations biscornues...). Tout comme la réalisatrice rend hommage à une forme de cinéma patrimonial (?)
Argument suffisant pour découvrir La Chimère et ses fantômes éternels ?
Colette Lallement-Duchoze