d'Aritz Moreno (Espagne 2019)
avec Luis Tosar, Pilar Castro, Ernesto Alterio, Quim Gutiérrez, Belen Cuesta, Macarena Garcia, Javier Godino Gilbert Melki
- Prix Feroz 2020 : meilleure comédie
- Grindhouse Paradise 2021 : Prix du public
Helga, éditrice madrilène, vient de faire interner son mari en clinique psychiatrique. Dans le train du retour, elle fait la connaissance du Dr Angel Sanagustín qui lui fait part de ses expériences les plus fascinantes, sordides et obsédantes. Cette rencontre bouleverse Helga et la plonge dans une profonde introspection. Et ce sont bien là quelques-uns des avantages de voyager en train.
«Imaginons qu’une femme rentre chez elle et trouve son mari en train d’inspecter ses excréments avec un bâton.» «Imaginons qu’elle le fasse interner.» «Imaginons que le lendemain, elle prenne le train.»
Vous êtes cette femme vous prenez le train du retour (la voix off, le serpent ferroviaire sinuant dans la campagne, la valise habitacle de votre « moi ») vous vous installez et voici qu’un passager vous surprend il a envie de raconter des histoires pourquoi pas ? Mais cet homme est un « psychiatre » et il connaît les bas-fonds de la gent humaine, il sait les pires fantasmes et en « racontant » les « autres » il met à nu votre propre « moi ». Dès lors se superposent, s’enchâssent des intrigues sous forme de tableaux farfelus (voire écœurants) comme autant d’approches de notre quotidien fortement « dérangé »
Audacieux, irrévérencieux cultivant gaiement le surréalisme à la Buñuel l’absurde à la Roy Anderson, ce film inspiré du roman d’Antonio Ojerudo est structuré en trois mouvements (avec effets de circularité) ; il imbrique plusieurs intrigues et fait la part belle aux digressions. Des sujets scabreux - zoophilie coprophagie-, des sujets sérieux et graves -violences faites aux femmes, trafic d’enfants, guerre au Kosovo-, une sorte de « dystopie » sur les déchets domestiques (plus aptes que le traçage sur internet à suivre l’individu lambda, c'est la conviction de Martin -Luis Tosar-, un schizophrène) s’inscrivant dans une problématique littéraire -distinguo entre auteur et narrateur, entre fiction et réalité, relation personnage inventé et lecteur-(la femme Helga est éditrice), y sont traités -du moins évoqués- avec un humour noir tel que le « mauvais goût » n’est que de façade.
En fait l’image mentale imposée par le Verbe s’en vient créer un univers de fantasmagorie visqueuse et sanguinolente, un univers où sont abolis les repères habituels…pourtant ancrés dans un monde familier. En d’autres termes les histoires enchâssées sont déformées à la fois par le locuteur et par la perception qu’en a le destinataire ; tout le travail du réalisateur étant de « jongler » avec ces « disparités » : l’esthétique surprenante (couleurs pastel des amoncellements de déchets, cadrages audacieux) et surtout le montage (enchâssement, au rythme débridé, des trop-pleins de déviances ) témoignent d’une incontestable maîtrise !!!
Si vous refusez d’ouvrir une « boîte de Pandore » aux confins du surréel et de la nausée, alors reprenez votre valise …afin de passer outre les déjections
Si vous n’êtes pas choqué, dégoûté par les images morbides, si vous acceptez le mélange des genres (horreur, comédie noire), et des registres (pathétique et absurde), si vous consentez à pénétrer dans les ombres tordues et tortueuses de la (votre) psyché humaine, laissez-vous emporter !
Vous serez captif d’un wagon de surprises dont le rythme infernal épouse celui du train bolide !!
Et où le dédale mental s’est paré de tous les oripeaux du bizarre
Colette Lallement-Duchoze