documentaire réalisé par Laura Poitras (2022 USA)
Lion d'Or Festival de Venise 2022
Festival international du film de Stockholm 2022 : meilleur film documentaire
Nan Goldin a révolutionné l'art de la photographie.
Immense artiste elle est aussi une activiste infatigable qui se bat contre les médicaments opiacés responsables de centaines de milliers de morts
Structuré en plusieurs séquences, ce documentaire réinscrit le parcours de l’artiste et de la militante dans une trajectoire familiale. Ainsi dès le 2ème "mouvement" (après une ouverture sur la manifestation devant le Metropolitan Museum de New York contre la famille Sackler géant de l’industrie pharmaceutique qui s’enrichit grâce aux opiacés mais aussi grand mécène de la culture) c’est la relation entre les deux sœurs – illustrée par maintes photographies- qui est mise en valeur (Barbara, la sœur aînée, éjectée du foyer familial, Barbara une adolescente rebelle régulièrement internée et qui se "suicide" à 18 ans)
Le documentaire obéit à une construction circulaire : la sœur revendiquant son homosexualité et prématurément disparue va irriguer la dernière séquence (cf le split screen de rails mortifères si tragique dans son élégance !) de même qu’elle aura insufflé un esprit libertaire, esprit en conformité avec les choix de l’artiste dont nous avons suivi le parcours (archives interviews œuvres).
Plusieurs fils narratifs -comme autant de visages ou plutôt comme autant d'éléments composant une personnalité- (Nan Goldin activiste et militante, Nan Goldin artiste photographe, Nan Goldin l’amoureuse, l’amante Nan Goldin marquée à jamais par la mort de sa sœur aînée) s’enchevêtrent ainsi dans ce documentaire "exemplaire" (=à nul autre pareil!) tissant une intrigue à la chronologie éclatée et à la beauté (souvent) subversive
Voici le collectif P.A.I.N (prescription addiction intervention now) avec lequel Nan Goldin mène un combat -dont le documentaire retrace les différentes étapes. Si les stratégies rappellent celles d’Act-up, d’autres seront complètement « inédites » compte tenu de la "notoriété" de l’artiste : Nan Goldin menace en effet de retirer ses œuvres là où les "partenaires culturels" -musées et galeries-, reçoivent de l’argent du "mécène" Sackler (odieusement impuni !!)
Voici, en outre, un procès en « téléjustice » : nous voyons les visages de deux ou trois membres de la famille Sackler, contraints d’entendre les cris de douleur de « patients » au seuil de la mort, suite à l’ingestion de ces médicaments opiacés (on dénombre 500 000 morts !!)
Toute la beauté et le sang versé (extrait d’une lettre de la sœur ) : un réquisitoire qui vibre ainsi d’un souffle pamphlétaire !
C'est aussi un "bel" hommage à l'artiste photographe, qui toujours s’est inspirée de sa propre "vie" (questionnement sur les « marges », sur ses addictions, sur les formes d’existence en dehors des normes sacralisées, sur la "contre-culture" , les homosexuels, les travestis, les toxicos, les paumés). Artiste qui était entrée dans le monde de l'art en taillant une pipe à un chauffeur de taxi qu'elle "ne pouvait pas payer, pour se rendre à la seule galerie alors prête à montrer ses photos" !!
Une artiste de renommée mondiale !! (honorée dans les musées et galeries. On a pu la "découvrir" à Paris au Centre Pompidou en 2001 et 2008, et en 2004 dans le cadre du Festival d’automne elle avait « installé » Chapelle Saint Louis de la Salpêtrière, Sœurs Saintes et Sibylles,)
Guide précieux, toute la beauté et le sang versé est un documentaire à ne pas rater !!
Colette Lallement-Duchoze