d'Emmanuelle Nicot (2022)
avec Zelda Samson, Alexis Manenti, Fanta Guirassy
présenté au festival de Cannes Semaine de la Critique 2022
prix Fondation Louis Roederer de la révélation décerné à Zelda Samson
Dalva a 12 ans mais s'habille, se maquille et se vit comme une femme. Un soir, elle est brusquement retirée du domicile paternel. D'abord révoltée et dans l'incompréhension totale, elle va faire la connaissance de Jayden, un éducateur, et de Samia, une adolescente au fort caractère. Une nouvelle vie semble alors s'offrir à Dalva, celle d'une jeune fille de son âge.
NON Dalva, premier long métrage d'Emmanuelle Nicot, ne saurait être "un film convenu sur l'inceste"
La problématique soulevée est moins l’inceste que la "résilience". La réalisatrice l’a dit et répété lors de la discussion qui a suivi la projection du film au festival d’Angers Premiers Plans en janvier 2023 Mon intention était de faire un film de reconstruction, de libération, d’émancipation, montrer un cheminement vers la lumière
Y est-elle parvenue ?
La réponse est, sans conteste, OUI
Entre le prologue, écran noir, cris de déchirement, arrachement supposé au "père", hors champ, et la séquence finale -salle d’audience, pour le procès "à venir" - où la « distance » entre le père et la fille n’est pas seulement d’ordre spatial mais surtout -et définitivement- mental-, c’est le chemin parcouru par Dalva qui « intéresse » la cinéaste.
Une quête de l’existence, plus qu’une quête de sens , même si les deux sont intimement liées. Une quête douloureuse en ses étapes successives (tentatives de fugue, résistances, refus, dénégations, tentatives de « séduction », violences verbales ou comportementales, etc…et première « révélation » lors du « choc de la rencontre au parloir !)
Douleur qu’accentue le format 4,3 (soit un rapport de 1,3 entre la largeur et la hauteur de l’image) celui de l’enfermement, celui de l’emprise (car Dalva avant d’être placée dans le centre de protection de l’enfance n’aura connu -cela est suggéré- que la relation au père sans référent extérieur sans la présence de la mère)
Enfermée dans le cadre, comme dans le déni.
Univers qui ira se craquelant ; fragmentaire et contradictoire, mutique et solitaire, avant de se « re »constituer » lentement, plus sensoriel et affectif ( ce dont témoigne ce gros plan sur la main de Dalva serrant la cuisse de sa mère, mère longtemps déniée, conspuée)
La jeune Zelda Samson (qui est quasiment de tous les plans et dont le visage de trois quarts envahit parfois l’écran) rend palpable ce huis clos intérieur tout comme elle illumine les métamorphoses ; elle a d’ailleurs gagné le prix Fondation Louis Roederer décerné à la Semaine de la Critique 2022
Le rôle de l’éducateur est primordial dans la « libération » et Alexis Manenti (César du meilleur espoir pour les Misérables) interprète avec beaucoup de nuances le personnage de Jayden. Ses regards ses silences comme autant de paroles apaisantes, ses réactions plus véhémentes comme autant d’armes de dissuasion, ses gestes comme autant de marques d’empathie. Non pas prodiguer un amour de "substitution" mais être près d’elle, l’accompagner afin qu’elle soit « mieux aimée »
Rien de didactique ni de sentencieux donc, qui ferait de Dalva un film convenu
Comment « incarner » le père ? que l’on voit à deux reprises (visite au parloir de la prison, banc des accusés) comment rendre compte de la dualité Homme/Monstre, pour ne pas tomber dans les clichés ?
Cette question délicate épineuse n’a pu être soulevée lors de la rencontre mardi 14 mars à l’Omnia Rouen (en présence de la réalisatrice, de Zelda Samson et d'Alexis Menanti)
Car -et il faut bien l’avouer- un film est souvent prétexte à…
On a entendu des interventions très autocentrées à valeur de témoignages (fonction déterminante de la parole pour « sauver » l’enfant de l’emprise ; rôle dévolu à l’Education nationale, etc…) florilège des « moi, je… » Dommage !
Sortie nationale le 22 mars 2023
Un film à ne pas manquer!
Colette Lallement-Duchoze