Film documentaire d'Emanuele Gerosa (Italie Liban Suisse 2019)
avec Abdallah Inshasi et Jehad Abo Sultan
présenté dans plusieurs festivals ce film a obtenu entre autres le PRIX EUROPA Meilleur documentaire TV européen de l'année 2020
panorama des cinémas du Maghreb et du Moyen-Orient
Abdallah, athlète professionnel, a réussi à s'échapper de Gaza. Son ami Jehad, lui, y vit toujours. Il y entraîne de jeunes athlètes pour qui le sport reste le seul espace teinté d'espoir au milieu du conflit. Faut-il partir pour accomplir ses rêves ou rester pour se battre pour son pays ?
Il n'aurait pas dû s'enfuir seul déplore Jehad -qui s'entraîne avec deux amis sur des pneus alignés en bord de mer- regarde cette ligne; au-delà c'est l'Europe. Séquence suivante: nous sommes en Italie, dans une maison abandonnée, Mohammed déclare sans ambages à son pote Abdallah "tu seras toujours un étranger ici, mais aussi à Gaza que tu as quitté et où tu ne pourras retourner"
Partir oui mais à quel prix? Et le retour? frappé d'inanité?
Le film est construit sur cette dialectique et ce dilemme ce qu'illustre le choix d'un montage alterné et/ou parallèle. Voici deux histoires qui s'écrivent à distance presque dans la même durée mais avec des points de vue divergents. Ce sont les parcours d'Abdallah et de Jehad. Le premier qui avait créé Gaza parkour team a quitté la Palestine pour devenir un athlète professionnel; Jehad son coéquipier resté à Gaza a pris le relais d'entraîneur et formateur. L'un invité en Italie y restera afin de concrétiser un rêve : participer à une compétition en Suède; l'autre rêve de quitter Gaza -même s'il doit abandonner les siens
Aux entraînements dans les décombres répondent ceux d'Abdallah dans les souterrains de la gare de Firenze ou sur les bords de l'Arno; au quotidien familial du premier (prendre en charge un père invalide, souscrire aux directives de la mère) répond celui d'Abdallah (recherche de travail, pauses aléatoires dans des squats); au visage songeur du premier, filmé en gros plan répond celui du second où se lit une infinie tristesse.
Séparés et pourtant si proches!
D'abord filmé de près, de profil, Jehad semble méditer; le plan s'élargit : il est assis dans l'embrasure d'une fenêtre; la vision s'ajuste à un "paysage" où se dessinent des grillages, la ville et un horizon inaccessible ; cadre dans le cadre c'est le dernier plan , si éloquent dans son non-dit (avant que l'épilogue n'informe sur la "destinée" cruelle des deux protagonistes)
Dans ce film documentaire, le sport -et particulièrement le parkour-, n'est-il pas la métaphore de la condition de tous les jeunes à Gaza ? Une condition faite "d'obstacles à franchir" , des obstacles permanents (barrages, grillages, coupures de courant, passages réguliers de drones israéliens, ...). Dès lors courir dans les ruelles (c'est le plan d'ouverture) escalader des lambeaux de constructions (vestiges de raids israéliens) "voler" de l'un à l'autre (filmés en contre plongée ces voltigeurs semblent défier les lois de la pesanteur), inventer, maîtriser des figures acrobatiques, ne serait-ce pas synonyme de "survie" ?
Colette Lallement-Duchoze
Un film que je vous recommande, ainsi que "200 mètres"