27 janvier 2021 3 27 /01 /janvier /2021 12:00

Film documentaire de Morgane Witz (Belgique 2019)

 

A Agadez, aux portes du Sahara, les migrants en route vers l’Europe croisent ceux qui fuient la Libye ou qui ont été expulsés d’Algérie. La réalisatrice les suit pendant plusieurs jours, ainsi qu’un passeur, André, qui a gagné sa vie pendant plus de vingt ans en organisant le transport de migrants entre Agadez, au Niger et Sabha, en Libye.

à voir sur le site festival "elles tournent"

https://ellestournent-damesdraaien.org/programme2021/

TEGHADEZ    AGADEZ

Je suis venue de mon plein gré ; pourquoi je peux venir aussi facilement au Niger alors que ceux qui m’accueillent ont tant de mal à venir chez moi? 

Pourquoi un passeur est-il perçu comme un être dangereux ? 

 

 

Au tout début des visages en gros plan face à la caméra ; la réalisatrice hors champ interroge, s'interroge. Quelles sont leurs motivations? Que sont leurs espoirs devenus?   Ces « migrants » répondent avec calme et dignité malgré les humiliations et les tortures qu’ils ont subies. Nous les retrouverons à la fin du documentaire une fin en forme de bilan conclusif après leur "escale" au Niger à Agadez dans les ghettos (= maisons où sont hébergés les migrants)

 Voici Fifty Boubakar Myriam Mudathair. On sera au plus près de destins individuels et non plus dans une masse indifférenciée  dont nous abreuvent les médias (les migrants) 

 Morgane Wirtz (voix off) explique le contexte des flux migratoires -alors que se déploie une carte détaillée de cette partie de l’Afrique -,  ainsi que la position  "stratégique" de la ville ; Agadez, dernière escale pour les migrants d’Afrique de l’Ouest avant les 2000kms de désert ; Agadez base arrière pour les expulsés d’Algérie ou pour ceux qui ont fui l’enfer de la Libye, Agadez dernière étape avant l’illégalité…Agadez ville des passeurs.

Agadez une ville aux murs ocres ; ses couleurs épousent celle de la terre qui elle-même se marie à la lumière  quand elle se diffracte s’épanouit ou se meurt  selon les moments de la journée. Quelques plans - vues aériennes ou plans plus rapprochés sur des habitants et des animaux- suffisent à en restituer l’âme ; Agadez, une ville accueillante, au milieu de nulle part  qui, dans ce film devient  un personnage  à part entière

 

André un « passeur », est non seulement  "le fil conducteur"  de ce documentaire, mais aussi le porte-parole de bien des Nigériens ou du moins des habitants d’Agadez.

Pendant 20 ans il a  organisé le transport de migrants  entre Agadez, au Niger et Sabha en Libye. Mais depuis la loi 2015-036 (qui réglemente le trafic "illicite" des migrants) il a vu son commerce décliner. A signaler que d'autres commerçants -tel ce  vendeur de jerricans interviewé-  subissent de plein fouet les effets  de cette loi. Mais ils ne sont pas dupes . André affirme sans fard que les "vrais criminels" sont à rechercher du côté de l'Occident, de la France en particulier et de rappeler aussi les conséquences désastreuses de l'intervention (euphémisme) en Libye . Or Agadez fut de tout temps une ville d'accueil (son nom est dérivé de  Teghadez qui veut dire "rendre visite")  

Dans la courte séquence au Palais de justice (confiscation de véhicules, retrait de permis, amendes) on comprend vite que le Mal a changé de secteur et que peut-être une autre boîte de pandore est ouverte, plus insidieuse et plus mortifère. Un plan fixe prolongé sur des pick-up abandonnés sur un parking illustre les effets.... de la nouvelle réglementation

Myriam -seule  femme que filme la cinéaste- a fui le Nigeria;  mais elle a préféré se prostituer à Agadez plutôt qu'aller en Libye. Elle reviendra "la tête haute" dans son pays natal.  Nous la voyons boucler des valises emplies de vêtements pour les siens!  

On ne juge pas , on est à l'écoute, on devine les blessures latentes, à peine cicatrisées ou encore béantes...

Ils nous ont parlé de leurs espoirs, de leurs rêves, de leurs difficultés  Parfois, ils jouent, cuisinent ou dansent: ce sont des êtres humains

 

Un documentaire qui allie l’efficacité (du témoignage) à l’esthétique (de la forme)

Un documentaire que je vous recommande 

 

Colette Lallement-Duchoze

 

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