16 juin 2019 7 16 /06 /juin /2019 07:28

de Bertrand Bonnello (France Haïti)

avec Louise Lebeque, Wislanda Louimat, Adilé  David

 

présenté à Cannes 2019 (Sélection Officielle) 

Haïti, 1962. Un homme est ramené d'entre les morts pour être envoyé de force dans l'enfer des plantations de canne à sucre. 55 ans plus tard, au prestigieux pensionnat de la Légion d'honneur à Paris, une adolescente haïtienne confie à ses nouvelles amies le secret qui hante sa famille. Elle est loin de se douter que ces mystères vont persuader l'une d'entre elles, en proie à un chagrin d'amour, à commettre l'irréparable.

Zombi Child

Comment faire coexister l’histoire vraie de Clairvius Narcisse, celle d’adolescentes pensionnaires à l’école de la Légion d’honneur (fondée par Napoléon…) , l’interrogation sur la liberté, la transmission de l’histoire, la dénonciation de l’esclavage ?

Bertrand Bonello (réalisateur exceptionnel  de Tiresia, l’Apollonide, Nocturama) a certes choisi le montage alterné – deux lieux, deux temporalités (Haïti en 1962 1980 et Paris XXI°siècle), deux façons de filmer; mais il les relie par de subtiles correspondances  : ainsi la voix de Melissa récitant un extrait d’un poème de René Depestre semble se confondre avec celle du poète ; ainsi les parallèles -inclus dans le titre-, entre la souffrance du vrai zombi et les inquiétudes des lycéennes de Saint-Denis ; (mais avec ces audaces contrastées entre la rigidité des salles de cours à la lumière froide, des élèves figées telles des statues, et sa transgression par la musique rap de Damso..)

Mais  c’est la séquence du cours d’histoire où l’on entend Patrick Boucheron (professeur au Collège de France il interprète ici un enseignant) énoncer ces vérités  "Napoléon a achevé la Révolution dans les deux sens du terme" ou "comment raconter l’Histoire alors qu’elle est hoquetante"  qui -située juste après une scène d’ouverture presque terrifiante-, va irriguer telle une mise en abyme tout le film…( par un jeu permanent d’échos tant formels que thématiques ne serait-ce que par ces histoires souterraines hésitantes et résurgentes)

Le film s’ouvre sur les "préparatifs" à la  lenteur calculée d’une mise à mort : on extirpe d’un poisson spongieux ce qui va servir à fabriquer une poudre que l’on verse dans une paire de chaussures ; puis dans une rue déserte et sombre la caméra suit en travelling la victime titubante qui s’effondre : c’est Clairvius Narcisse. Nous sommes en 1962 Haïti ...Il sera enterré, déterré, exploité dans les champs de canne à sucre .La figure de ce zombi hante encore l'Histoire et les mentalités !

Et c’est Melissa (personnage de fiction) dont les parents ont connu la dictature de Duvalier, qui servira de relais ; pensionnaire intronisée par Fanny dans le cercle des sororités, elle "racontera"  l’histoire de son grand-père

 

Progressivement les frontières s’abolissent : images et paroles se confondant par des effets de superposition ; images mentales et réalité (l’être aimé fantasmé(?) dont se languit Fanny jusqu'à en être possédée) ; rites et rituels à l’atmosphère curieusement envoûtante (ceux pratiqués par le cercle des 5 pensionnaires à Saint-Denis et ceux des Haïtiens avec Baron Samedi par exemple); etc.

 

Tout cela fait de Zombi Child un film presque hypnotique ; à condition -excusons ce truisme- de se laisser porter voire transporter  !

 

Colette Lallement-Duchoze

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