25 septembre 2023 1 25 /09 /septembre /2023 10:23

De Faouzi Bensaïdi (Maroc 2022)

 

avec Fehd Benchemsi (Mehdi)  Attaf Abdelhadi Talbi (Abdelhadi Taleb) (Hamid )Dergoune Rabii Benjhaile (L'Évadé) Hajar Graigaa Selma / Hadda Mohamed Choubi (Père de  Naïma) Nezha Rahil (Patronne) Faouzi Bensaïdi (l’épicier bradeur)

 

présenté au festival Cannes 2023 La Quinzaine des Réalisateurs 

Amis de longue date, Mehdi et Hamid, travaillent pour une agence de recouvrement. Ils sillonnent les villages du grand Sud marocain dans leur vieille voiture et se partagent des chambres doubles dans des hôtels miteux. Payés une misère, ils essaient de jouer aux durs pour faire du chiffre. Un jour, dans une station-service plantée au milieu du désert, une moto se gare devant eux. Un homme est menotté au porte-bagage, menaçant. C’est l’Évadé. Leur rencontre marque le début d’un périple imprévu et mystique…

Déserts

Voici une carte du Maroc dépliée sur le capot d’une voiture; les deux occupants se chamaillent peinant à s’orienter se repérer ; la carte est emportée par une saute de vent soudaine…Le spectateur lui aussi sera désorienté presque déboussolé quand après avoir suivi les deux « pieds nickelés » dans un road movie burlesque et cruel à la fois, on le fait « basculer » dans un conte quasi mystique où l’évadé mutique redistribue à sa manière les cartes du Tendre pour  l'aimée et du partage pour les deux larrons du début !!!

Déserts : un terme aux multiples acceptions !

L’emploi du pluriel signifie qu’il y a un désert pour chaque homme affirmait le réalisateur

Mais il  est aussi des « déserts affectifs », des déserts créés par l’ultralibéralisme ; et ces déserts « humains et politiques » s’inscrivent au Maroc dans des paysages arides désolés aux couleurs ocres d’une sidérante beauté. Voici des habitations troglodytes où s’entassent des familles qui survivent dans la misère ; accablées de dettes, incapables de rembourser,  elles donneront en échange à ces « agents du recouvrement » qui une chèvre, qui un tapis (le seul destiné aux enfants …) qui une camionnette bien piteuse. Voici une population rurale désertée par le pouvoir, une humanité profondément ancrée dans  les traditions,  et malgré la virulence des propos leur apparente inhumanité, les deux compères spécialistes du recouvrement et  sommés de faire « du chiffre », sont embarqués dans la même galère !!!! Nous sommes témoins de leurs mésaventures, rions des gags dont ils sont souvent les « victimes » ; tout cela singulièrement théâtralisé (répartition de -et dans- l’espace, gémellité et comique de répétition, personnages/pantins ; la séquence de management vaut son pesant de ridicule assumé et de cruauté latente). Le contraste entre le burlesque de situations et le tragique du sous-texte social n’en sera que plus patent (un peu trop surligné !!)

 

On sait que le désert ne se découvre pas mais se rencontre ; milieu naturel de l’extrême il va dans une deuxième partie du film servir d’écrin à une forme de conte mystique et anachronique où le personnage de l’évadé et sa dulcinée se réapproprient l’espace et le temps; un espace/temps des origines ?. Filmés de dos et face à la vastitude, les « amants » quittent souvent le cadre comme pour s’ensevelir dans le sable, puis ressurgissent, miraculés, alors que le "méchant" ,  excellent cavalier,  les poursuit de sa vengeance…

 

Une procession de « migrants » et la soudaine « réapparition » de Hamid et Mehdi nous rappelle si besoin était le contexte initial

 

Un film étrange qui brouille les genres (western road movie burlesque conte) juxtapose images surréalistes (cf récurrence de ces stries et stridences à chaque passage chez le  "récupérateur de métaux") et comédie caustique

 

Un film qui tord le cou à certains de nos clichés sur les Marocains !!

 

Un film à ne pas manquer ! (malgré d’évidentes complaisances )

 

Colette Lallement-Duchoze

 

PS:  Est-ce une composition de Dhafer Youssef (cet oudiste et vocaliste original) que l’on entend plusieurs fois ??

 

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