de Claire Denis (2022 Panama USA)
avec Margaret Qualley, Joe Alwyn, Benny Safdie, John C. Reilly, Danny Ramirez, Nick Romano
Une jeune journaliste américaine en détresse bloquée sans passeport dans le Nicaragua d’aujourd’hui en pleine période électorale rencontre dans un bar d’hôtel un voyageur anglais. Il lui semble être l’homme rêvé pour l’aider à fuir le pays. Elle réalise trop tard qu’au contraire ….
Une atmosphère moite (corps en sudation, douche libératrice, touffeur des chambres de motel) un environnement « politique » hostile (factions, traques, affrontements entre la journaliste sans passeport et des groupes armés, entre le Britannique énigmatique et les forces de l’ordre, cavale de tous les dangers) un contexte fortement impacté par la pandémie de la covid (port du masque obligatoire, contrôle PCR) voilà quelques données factuelles mais qui ne sauraient satisfaire la curiosité de qui s’intéresserait à une « contextualisation » (genèse ? histoire ou passé récent des deux personnages ? relations Nicaragua et USA ?)
Mais…on sait le goût prononcé de la réalisatrice pour les ellipses
Adapté de la nouvelle de Denis Johnson parue en 1986 et dont l’action se déroulait en pleine révolution sandiniste, le film stars at noon va faire la part belle aux pulsions sensuelles (pour ne pas dire érotiques) et l’on sait que Claire Denis excelle dans la captation du grain de la peau, des spasmes, des caresses, des ondulations de la chair en extase. Caméra qui fixe l’intime (jusqu’à cette sublimation certes un peu outrancière du sang), caméra ultra sensible aux atmosphères (cf celle de lumière violette où évoluent les corps dansants au son de la musique des Tindersticks -ce groupe britannique qui collabore depuis longtemps avec la réalisatrice).
Bilingue, Trish aura l’occasion de « parlementer » afin de sortir du « merdier » le couple qu’elle forme avec Daniel, le mystérieux Britannique.. Peine perdue ! L’actrice Margaret Qualley, (fille d’Andie MacDowell) qui est de tous les plans interprète avec aisance ce personnage ambigu fantasque porté sur le sexe et l’alcool
Grand prix du jury au festival de Cannes 2022,ce film qui certes privilégie l’atmosphère au détriment de la narration laissera perplexes voire pantois certains spectateurs (mais certaines critiques sont si négatives qu’elles en deviennent suspectes « intrigue ultrafumeuse qui manque d’idées » «à croire que C Denis a mis bout à bout des rushes improvisés sur un canevas d’espionnage, prétexte à une passion sous le soleil nicaraguayen anecdotique ». On en vient même à "accuser" le président du jury Vincent Lindon en le rendant responsable de cette récompense "imméritée" . Quand un film déconcerte, au lieu de nous interroger sur nos propres attentes, nous avons tendance à imputer au film lui-même nos propres "manques". (il en va de même en littérature). Dommage!
Or filmer le désir naissant son accomplissement -ou non- l’attente et même l’engluement, sur fond d’espionnage, au son de la flûte des Andes « el condor pasa » peut se révéler revigorant dans l’impermanence même de l’incomplétude !!
Colette Lallement-Duchoze