7 février 2022 1 07 /02 /février /2022 11:24

de Jane Campion  2021

avec Benedict Cumberbatch, Jesse Plemmons, Kirsten Dunst, Kodi Smit-McPhee

 

Lion d’argent de la meilleure mise en scène à la dernière Mostra de Venise

 

sortie Australie novembre 2021

sur Netflix depuis décembre 2021

 

Au cœur du Montana, au milieu des années vingt, deux frères, célibataires endurcis, règnent sur un gros cheptel. George (Jesse Plemons), le cadet, est un bosseur taiseux mais généreux. Phil (Benedict Cumberbatch), l’aîné, un bel esprit doublé d’un monstre calculateur. Cultivé, arrogant, pervers, ce dernier joue à la perfection son rôle de macho pour dissimuler son secret, que le film révélera dans un stupéfiant moment de bascule. Quand George décide d’épouser Rose (Kirsten Dunst), une jeune veuve qui vient s’installer chez ces deux frères avec son fils Peter, le drame peut exploser.

The power of the dog

Protège mon âme contre le glaive, ma vie contre le pouvoir des chiens !

 

Le film adapté du roman de Thomas Savage (1967) débute comme une variation du mythe d’Abel et Caïn, transposé dans la région d'Otago en Nouvelle-Zélande (où le film a été tourné, cf. le making of); antagonisme de deux frères ; désir de vengeance quand George épouse Rose ; plans plus ou moins diaboliques élaborés dans le silence d’une conscience affolée. Dans un premier temps c’est le « triomphe » du virilisme (cow-boys invincibles et machistes). Puis s’opère un basculement quand Peter, le fils de Rose, découvre les « secrets » de Phil…Et le « western » (dont la réalisatrice fait voler en éclats les codes) se concentre sur la relation entre Phil et Peter, avec des effets collatéraux (dont l’alcoolisme de Rose) et une inversion ( ?) des rôles

 

Composé de 5 chapitres (passage écran noir, ellipses) dont la structure rappelle la tragédie à l'antique (exposition, noeud,  dénouement)  the power of the dog frappe par la permanence de thèmes chers à la réalisatrice néo-zélandaise, ceux qui ont innervé sa filmographie.  L’adolescence meurtrie -ici celle de Phil sous la forme de réminiscences -la perpétuation d’un trauma, l’idéalisation par des rites purificatoires -; celle de Peter, dans un premier temps du moins, celui des humiliations infligées par Phil, la douleur de voir sa mère aimée et aimante se détruire, le trauma lié au suicide du père . Le regard des autres – outre la beauté plastique des intérieurs et extérieurs toute une circulation de regards traverse le film, regards surdimensionnés par le gros plan, regards de l’intime, regards de feux de Phil destinés à Rose ou Peter, regard d’une caméra subjective, etc..  La monstruosité : Phil non seulement incarnerait une virilité toxique mais aussi le sadisme, le machiavélisme ; ce qu’accentue son regard bleu acier…lui qui émascule les veaux du cheptel aurait-il le pouvoir d’émasculer son entourage ? et pourtant ….Et de quoi Peter est-il capable pour « protéger sa vie, celle de sa mère contre le pouvoir des chiens » ?

 

Et comme à l’accoutumée la réalisatrice fait la part belle à la peau, au corps (des séquences d’une beauté sidérante et sensuelle à défaut d’être sacrée, celles des baignades par exemple, resteront gravées chez le spectateur); elle fait la part belle aussi à la nature (certains plans panoramiques rappellent par leur cadrage leur lumière leurs couleurs,  la peinture, et osons la comparaison avec certaines toiles de Virginia O’Keeffe !) mais une nature qui malgré sa vastitude peut donner la sensation d’enfermement (comme dans la leçon de piano) tout comme l’intérieur peut ressembler à une cage (dont les cadrages de fenêtres seraient l’illustration)

 

Certes on pourra toujours "reprocher"  un certain étirement (lenteur et longueur) ou l’insistance sur certains détails (gros plan sur la coupe de champagne, sur la saleté qui colle à la peau de Phil à l’instar de ses démons intérieurs qui lui collent à l’esprit, sur des images aux symboles phalliques dénonçant un masculinisme éhonté, ou sur la silhouette de chien en anamorphose dans la montagne, que seuls Phil et Peter sont à même de deviner, etc. ) mais force est de reconnaître que ce film qui revisite la mythologie du western est non seulement une "œuvre d'art" mais propose aussi un questionnement sur la masculinité (et le parcours de Phil est très éloquent à cet égard) et sur tous nos clichés,  voire nos poncifs !

 

Colette Lallement-Duchoze

Partager cet article
Repost0

commentaires

Mode d'emploi

Ce blog est destiné à collecter nos ressentis de spectateurs, à partager nos impressions sur les films (surtout ceux classés Art et Essai).

Envoyez vos articles ou vos réactions à: artessai-rouen@orange.fr.

Retrouvez aussi Cinexpressions sur Facebook

 

 

Recherche