De Baptiste Debraux (2023)
avec Léa Drucker, Bastien Bouillon, Pierre Lottin
Rochebrune est au bord du chaos. Johnny, leader du mouvement de protestation de la ville, a disparu après avoir braqué un fourgon. Lorsque Paul Ligre apprend la nouvelle, il quitte précipitamment Paris et revient dans la ville qui l'a vu grandir pour retrouver son ami d'enfance avant la police. Seulement, l'enquête d'Anna Radoszewski la mène inéluctablement vers le secret qui unit Paul et Johnny.
Entremêler enquête policière et luttes ouvrières, enchâsser plusieurs temporalités, en privilégiant une histoire d’amitié, voilà qui n’a rien d’original, le tout étant (il est bon parfois de rappeler certains truismes) dans la façon de filmer (rythme, montage ,cadrages, etc..) Or l’opposition (très, trop) marquée entre une enquête au rythme ralenti (et la rigidité de l’actrice concourt à cette apparente placidité) et la fougue des " retrouvailles " (Paul à la recherche du "frère" blessé disparu, Paul à la recherche d'un temps "perdu"? à reconquérir (?) ...) mobilisation ouvrière et intrépidité (malgré quelques querelles intestines) ne sauraient à elles seules illustrer un aspect bancal assez déplorable. Dès les premiers plans (forêt et brouillard, vues aériennes sur une route sinueuse telle une saignée ; très gros plan sur le " fugitif" torturé par la douleur, momentanément arrêté dans sa "course" , sur la rambarde d’un pont avant d’être happé par l’élément liquide (?) tout -même ce prétendu ancrage dans un territoire- sonne faux (ce qu’accentue la musique illustrative assez envahissante)
Si la littérature a scellé une amitié indéfectible entre Johnny et Paul (l’île au trésor, de Stevenson) deux gamins issus de milieux sociaux opposés, s’ils construisent sur leur île un bastion forteresse, témoin et gage de…, cette même littérature subit des dévaluations répétées (fierté dubitative de parents "ah tu es devenu écrivain" , ébaubissement de Charlène, sollicitée par le « bon sens » et les « intuitions » de Léa Drucker en charge de l’enquête, intuition qui s’interrogeant sur la créativité aborde de façon biaisée docu et fiction, autofiction ; de même le « statut » de l’auteur, contraint de pratiquer moult métiers pour « survivre » est mentionné au détour d’un échange entre Paul et Charlène ; la notion de « transfuge de classe » d’abord inversée sera comme réhabilitée par les choix assumés de Paul! )
Certes le trio s’en sort honorablement (étonnant Bastien Bouillon dans ses courses effrénées, mutisme réfléchi de Léa Drucker dont le visage est souvent filmé en gros plan, rôle charismatique assumé par Pierre Lottin en Robin des Bois ou fils éploré portant sa mère telle une Pietà inversée).
Mais que d’invraisemblances ! Que de passages racoleurs (une prise de bec au bar et des propos machistes, un tabassage et surtout le misérabilisme) Que de formules clichés et clivantes manichéennes sur les « bons » et les « méchants » formules désincarnées car souvent récitées. Et ces fréquents allers et retours entre un passé lointain ou proche et le moment présent !! si, d’un point de vue purement « dramatique » ces flash-back sont censés justifier l’indéfectibilité d’une amitié, d’un point de vue « narratif » ils sont souvent plaqués artificiellement
Et que dire de ce silence mensonger qui met fin à l’enquête… préserver le(s) secret(s) d’une Amitié (?)
Et de ce « portrait » de Johnny en Che ardennais, flottant au vent pour l’éternité !
Décevant !
Colette Lallement-Duchoze