de Mani Haghighi (Iran 2022)
avec Taraneh Alidoosti, Navid Mohammadzadeh
A Téhéran, un homme et une femme découvrent par hasard qu’un autre couple leur ressemble trait pour trait. De cette découverte stupéfiante va naitre une histoire d’amour… et de manipulation...
Le thème est séduisant : celui du double, dont la littérature et le cinéma se sont volontiers emparé.es
Dans le film de Mani Haghughi -et c’est peut-être une « première »- ce sont les deux membres d’un couple qui rencontrent un autre couple, fait de leurs ...sosies !!! Farzaneh, monitrice d’auto-école, « découvre » le « double » de son mari Jalal ; afin de se « justifier », ce dernier va « découvrir » le double de sa femme. Taraneh Alidoosti et Navid Mohammadzadeh interprètent les différents rôles, jouant habilement leurs partitions où de légères nuances permettent de « distinguer » sans les caricaturer les 4 personnages ; et le titre ombres persanes est pleinement justifié ; car à l’inverse des ombres chinoises, elles ont un profil moins plein et plus découpé laissant apparaître d'infimes et subtiles dissemblances
Voici deux couples en miroir, deux couples qui « battent » de l’aile, mais au statut social très différent, deux couples interchangeables- malgré cela ?
Refusant la « veine » fantastique, lui préférant une forme de « réalisme », le réalisateur se plaît à opposer sous forme de contraste (souvent trop appuyé) la violence machiste du mari riche (Moshen) à l’humilité du « pauvre » Jalal d’une part (encore que son sacrifice est plus dicté par l’attirance, l’amour la romance qui ne dit pas son nom), le bovarysme de l’épouse riche Bita à la dépression de Farzaneh, d’autre part ; et après moult jeux de « pistes » et de « combinaisons» , un twist final, sorte de « recomposition » mais ….comme « la vérité sort de la bouche des enfants » le fils de Moshen a deviné la supercherie et l'énonce sans emphase (dernier plan)
La pluie incessante sur Téhéran tel un écran (ou comme l’alerte d’un dérèglement plus général ?), les plans récurrents sur les escaliers, comme métaphore d’un labyrinthe mental ? la paranoïa (réelle ou fantasmée) comme illustration d’une maladie généralisée, entrave à un questionnement sur le libre arbitre et le déterminisme ? la couleur sombre comme illustration d’une forme d’enténèbrement, une « progression » dramatique sous forme « d’engrenage fatal », tout cela accentué par une bande-son (trop illustrative) fait que bien vite le spectateur (du moins est-ce ce que j’ai ressenti) restera extérieur à ces jeux d’échos (répétitifs) à ces « étirements » inutiles, bref à ces jeux de « substitution » -alors que le film se veut éminemment "politique" (ne serait-ce que par certains thèmes abordés: vie clandestine, adultère et féminicide)
Je vous laisse juge !
Colette Lallement-Duchoze