3 septembre 2021 5 03 /09 /septembre /2021 04:25

d' Andreï Kontchalovski (Russie  2020)

avec Julia Vyssotskaïa,  Andreï Goussev, Ioulia Bourava

 

Prix Spécial du Jury à la 77ème Mostra de Venise

 

À Novotcherkassk, petite ville industrielle de l’URSS des années 60, Lyudmila est une communiste convaincue et membre du pouvoir exécutif local de la ville. Son idéologie est profondément ancrée dans le stalinisme et elle fait une confiance aveugle à son gouvernement soviétique. Après une sanglante répression de la grève des ouvriers de la ville, Lyudmila va néanmoins tout faire pour retrouver sa fille qui a disparu lors des manifestations…

Chers camarades

 

Si on ne peut plus croire au communisme, alors il nous reste quoi ?

Certes le réalisateur rappelle à notre mémoire la répression sanglante d’une grève (les événements de juin 1962 à Novotcherkassk seront occultés jusqu’en 1992). Mais à travers l’itinéraire d’une femme, membre du comité local, fervente admiratrice du défunt Staline, à l’ère de la « déstalinisation » entreprise par Khrouchtchev, mais qui en tant que mère voit sa foi, ses idéaux vaciller, se fissurer, il rend palpable un basculement et sans oublier vraiment les enjeux initiaux il les humanise, les inscrivant dans une histoire personnelle qui pourrait être universelle

Après les somptueuses couleurs ocres ambrées et les ambiances « renaissance italienne » du biopic Michel Ange, Konchalovsky a choisi pour « chers camarades » le noir et blanc. Pourquoi ? l’histoire russe et soviétique est toujours en noir et blanc, très manichéenne. La mentalité russe n’a pas de gris, de neutralité, c’est toujours les extrêmes. C’est très médiéval finalement affirme-t-il non sans humour non sans cynisme. Mais ce faisant c’est aussi un hommage au cinéma russe, à une forme d’académisme qu’accentue le format 1,33 :1 (qui rappelons-le enferme le(s) personnage(s) dans le cadre). Et la comédienne Julia Vyssotskaïa , femme du réalisateur, théâtralise par son jeu certaines « situations » (cf les réunions où s’affrontent les représentants du KGB et ceux de l’Armée, la tourmente d’une épicerie assaillie par la foule affamée qu’elle parvient à juguler grâce à «son « laisser passer », la confrontation grévistes et forces répressives qu’elle défie à la recherche de sa fille, etc.)

Une scène -parmi tant d’autres- au puissant symbolisme :  Lyudmila est assise sur un banc public (dévastée par l’attente torturante…sa fille est-elle vivante ?)  elle regarde une chienne qui vient de mettre bas, ses chiots tètent avec avidité, pour leur …survie... alors qu’au même instant la Russie cette fameuse Mère Russie « massacre ses propres enfants »…

Comme dans Paradis le réalisateur préfère suggérer plutôt que montrer avec insistance (la place maculée de sang qu’on doit de nouveau asphalter tout comme on ensevelit l’histoire sous une chape de silence, une chaussure comme métonymie de l’ampleur de la répression) et comme dans le film de 2016 aussi les héros seront volontairement ambivalents ; c’est que le réalisateur traque ce qu’il peut y avoir à la fois de pur et de corrompu dans la croyance aveugle en un système.

Un film au titre ironique à ne pas rater !

 

Colette Lallement-Duchoze

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