20 février 2021 6 20 /02 /février /2021 13:37

Docufiction de Radu Jude (2020) Roumanie 

avec Serban Lazarovici (Mugur Calinescu) Ioana Jacob (la mère) Bogdan Zamfir (agent de sécurité) 

 

Listapad 2020 : sélection en compétition internationale

Black Movie 2021, festival de films indépendants de Genève : sélection en section War Zone

 

à voir sur MUBI

1981 : on découvre des inscriptions à la craie -en majuscules- sur des panneaux de chantier à Botosani , prônant la LIBERTE. Enquête. Arrestation du coupable : un jeune homme de 16 ans Mugur Calinescu... Celui-ci le paiera de sa vie quelques années plus tard (mort en février 1985 à 19 ans) dans des circonstances peu claires

Uppercase print

Adapter la pièce de théâtre documentaire de Gianina Carbunariu?

La scène de Uppercase print est un décor de studio télévision les acteurs impassibles et comme figés "récitent" les dépositions faites à la Securitate ; ils sont filmés soit en frontal soit face à face avec parfois de gros plans sur leurs visages (ils interprètent la mère, le père, le jeune Mugur, ses camarades de classe, les professeurs, les agents de la Securitate, entre autres). Acteurs désincarnés soucieux de "respecter"  l’intégralité de leur texte. Texte qui nous immerge dans l’intimité d’un jeune de 16 ans, dont les  "idéaux" vont être broyés, -certaines  didascalies lues avec une distance impassible pourraient faire froid dans le dos. Un texte qui illustre aussi une forme de paranoïa collective (la séquence du conseil de discipline où les professeurs d’abord filmés de dos, assis sur les bancs d’élèves, puis se tournant face à la caméra dénonçant l’un après l’autre le crime passible de châtiment, par exemple)

 

Or ces "témoignages" - déclarations écrites et récitées aujourd’hui- sont entrecoupés d’images d’archives (la plupart en noir et blanc) louant les bienfaits du socialisme de Ceausescu - vertus de l’éducation, croissance économique et fierté d’appartenir à la mère patrie- images de défilés de gens "heureux", d’ambiances festives; une séquence assez longue est consacrée à  la remise de médailles:   entrepreneurs et industriels serrent la main du "bienfaiteur"; d’autres archives concernent la vie de tous les jours (la façon et le lieu adéquat pour dépoussiérer son tapis, des recettes de moussaka) alors que  les verbalisations pour avoir osé ... klaxonner (ce qui est interdit) signalent la surveillance de la police (secrète ou non).

Un tel montage - confrontation entre deux modes d’écriture scénaristique, entre deux visions d’une même période ancrée dans un réel factuel, (et vérifiable) l’une idyllique (les images de propagande à la gloire de Ceausescu) l’autre illustrant la politique tyrannique et mortifère du régime, et sa forme éclatée- , est à coup sûr original pour interroger un passé que d’aucuns tendraient à oublier ; le regard du cinéaste (rappelez-vous Anferim, Peu importe si l’Histoire nous considère comme des barbares ) est toujours  ironique et sans concession!!

Dès le prologue une scène (réelle? reconstituée?) donne le ton... Voici trois présentateurs de télévision  (années 1980) ils crient   "quand on parle de la valeur de la Roumanie, Ceausescu est dans nos âmes"   Mais brouillage..., une deuxième et une troisième prise..., silence! : il n’y a plus de texte sur le téléprompteur ….Il est en panne....Présentateurs muets ! Le film peut commencer

 

1981 l’épisode de la Clôture, 1982, 1985, Aujourd’hui et 1981 tels sont les cinq mouvements qui scandent la narration. Le premier le plus long insiste sur la monstruosité quasi tentaculaire de l’enquête alors que le deuxième est l'intrusion outrancière dans l'intimité d'une famille. Le troisième 1985 l’année de la mort de Mugur est tout simplement glacial (une mort non élucidée…). Le quatrième (aujourd'hui) donne la parole à tous ceux de la Securitate qui avaient œuvré à l’arrestation puis au « dressage » de Mugur Calinescu.  Jamais on n’utilisait le mot surveillance de la jeunesse mais protection ...l’enrôlement obéit à des lois strictes ; jamais de coercition, place au bon vouloir des jeunes, avant 1964 ce jeune aurait été emprisonné mais Ceausescu lui ne voulait pas de prisonniers politiques » et pendant leurs  "révélations" défilent des images de panneaux publicitaires (Vuitton, poupée Barbie) dans une ville congestionnée par un trafic intense. Pérennité d’une parole officielle dans un contexte prétendu moderne ? Le dernier mouvement (retour 1981) joue le rôle de contrepoint ; il se passe de commentaires. Voici en gros plans (avec zooms sur certains mots) les fac-similés des textes de Mugur passibles du châtiment suprême Le crime ? UN HYMNE A LA LIBERTÉ „Vrem democrație”

 

Un docufiction efficace (même si certains spectateurs en déploreront la longueur! )

 

Colette Lallement-Duchoze

 

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