De Babak Jalali (Mexique USA)
Avec Rod Rondeaux, Florence Klein, Wilma Pelly, James Coleman
Présenté au festival de Berlin (Sélection Panorama)
Land se déroule au Nouveau-Mexique, dans la réserve indienne de Prairie Wolf et ses alentours. C’est l’histoire de trois frères appartenant à la grande famille des DenetClaw. Raymond, l’aîné, est un alcoolique repenti. Il travaille dans une exploitation de gros bétail pour nourrir sa famille. Wesley, le second, côtoie quotidiennement la population blanche aux abords de la réserve, surtout Sally, propriétaire d’un bar où il boit tous les jours. Floyd, le plus jeune de la fratrie, se bat sur le front afghan. Alors qu’un officier de l’armée américaine annonce à la famille la mort de Floyd, Wesley est passé à tabac par une bande de jeunes et tombe dans le coma. Raymond décide de le venger.
Un film saisissant et d’une rare puissance sur l’humilité et la dignité d’Indiens d’Amérique -native americans- vus par un regard étranger (le réalisateur est londonien d’origine iranienne)
Tout étant -faut-il le répéter ad nauseam- dans la façon de filmer : ici plans fixes, souvent, cadrés comme des compositions, ellipses et non-dits à l’instar de ces douleurs muettes ou du silence emblème de fierté, lenteur du rythme, travail sur les couleurs et la lumière, alternance vues quasi panoramiques sur une immensité désertique et plans plus rapprochés sur l’intime avec de légers mouvements de travelling, jusqu’à ce plan final qui nous entraîne hors cadre....
Certes le réalisateur exploite deux thématiques devenues clichés l’alcoolisme et le désœuvrement des Indiens mais c’est pour mieux les désamorcer : aux paroles de la mère " il y a encore des Indiens abstinents" répondent en écho celles de son fils Ray sur son passé d’alcoolique et l’abstinence de son épouse; en contrepoint on montre du doigt la tenancière du Bob’s Liquor Store et ses fils qui précisément vivent de la vente d’alcool…cette forme d’emprise de la colonisation américaine. Le plan final qui nous entraîne hors de la réserve dans cette immensité désertique -tout comme Ray entraîne son frère vers un centre de désintoxication- suggère peut-être une forme de réhabilitation…
Comme le titre l’indique le thème essentiel est le " territoire" : gros plans sur les panneaux « entrée réserve Prairie Wolf» et « vous venez de quitter la réserve » Un territoire balisé, des frontières démarcations, interdites aux "colonisateurs" (le cercueil où repose le corps du jeune frère tué d’une balle dans la tempe en Afghanistan aura pour convoi funèbre les habitants de la réserve alors que les représentants de l’US Army sont invités à rester à l’extérieur ; alors que le drapeau américain qui sert de linceul restera plié au sol, remplacé par celui de la tribu; on respecte ses propres rites en refusant la civilisation occidentale; frontières qui symboliquement entachent le long discours du Major Robertson ; la famille ne pourra pas percevoir la compensation de 100 000 dollars car le fils a été tué hors de son unité….les témoignages des autres soldats faisant foi ....
On sort comme pétrifié face à cette "lente agonie" , à l’instar de ces visages ridés qui se marient aux paysages arides
Dernière séance ce jour à 21h45 Omnia
Colette Lallement-Duchoze