20 avril 2019 6 20 /04 /avril /2019 06:42

De Rodrigo Sorogoyen  Espagne

Avec Antonio de la Torre, Monica Lopez, Josep Maria Pou

Manuel López-Vidal est un homme politique influent dans sa région. Alors qu'il doit entrer à la direction nationale de son parti, il se retrouve impliqué dans une affaire de corruption qui menace un de ses amis les plus proches. Pris au piège, il plonge dans un engrenage infernal...

El Reino

 Père de famille taciturne dans la isla minima, "vengeur placide" dans la colère d’un homme patient,  Antonio de la Torre est de tous les plans dans le film de Rodrigo Sorogoyen El Reino.

 

Qu’il soit filmé de dos -quand la caméra le suit épousant les battements de la musique répétitive d’Olivier Arson, en très gros plan (visage), avec effet spéculaire (miroirs des toilettes), en face à face avec ses ex-complices devenus ses ennemis etc. c’est le portrait d’un homme politique corrompu rattrapé par la justice et qui, tel un animal traqué, cherche coûte que coûte une échappatoire -par la trahison, le mensonge, la manipulation -il a été à bonne école !!!

 

Mais ce film au rythme soutenu nerveux, dénonce moins un système de corruption généralisé -détournements de fonds publics,  pots-de-vin- qu’il n’illustre l’histoire d’un engrenage -Colère d’un homme impatient, animal traqué soucieux avant tout de sa propre survie et...du sort de sa famille... quitte à opter pour des choix peu judicieux --glisser une clef USB dans sa chaussure lors d'une perquisition,  enregistrer ses "compagnons"-  et/ou peu vraisemblables -récupérer des documents compromettants dans la villa d'un ex ami- : c’est l’aspect loufoque et cynique du film.

Le politique sert ainsi de prétexte à un thriller psychologique

 

Or, pour le spectateur il s’agit moins d’identifier tous les protagonistes (et ils sont nombreux) , d’emplir les béances elliptiques d’un semblant de rationalisation que de s’interroger sur la récurrence de ce cliché  "le monde politique est pourri"  comme si l’exercice du pouvoir était fatalement lié à la corruption et justifiait à bon compte l’aveuglement de ceux qui en font un métier (un cliché accepté devenu truisme …)

De plus en se focalisant sur un seul homme, en adoptant son seul point de vue, on en viendrait presque à éprouver une forme d’empathie pour cette "victime" crapuleuse délaissée par ses pairs, animée d'une soif vengeresse à la limite de la parano, et ce n’est pas la séquence finale (face à face sur un plateau de télévision) trop moralisante -et décevante d’ailleurs- (la leçon venant d’une journaliste au service de médias corrompus …) qui in extremis ferait basculer le film dans la pure dénonciation.;

 

Cela étant, on appréciera la construction, le rythme, l’interprétation et la musique de El Reino :

film plus ou moins convaincant que le précédent  "que dios nos perdone" ?

à vous de juger !!

 

Colette Lallement-Duchoze 

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16 avril 2019 2 16 /04 /avril /2019 17:57

Ciné Friendly, les journées du cinéma LGBTI+ de Rouen reviennent pour une 5ème édition…

 

Cette nouvelle édition de Ciné Friendly se déroulera au cinéma l’Omnia République du mercredi 24 au samedi 27 avril 2019. Quatre journées de cinéma LGBTI+ autour du vivre ensemble et de la culture. Cet événement s’inscrit également dans le cadre du “Mois des Fiertés” à Rouen.

Cet événement est organisé par l’association Pix’M avec des exclusivités, des avant-premières, des invités. Trois prix seront attribués cette année : le prix du public où le public pourra voter à chaque séance, mais également le prix du public documentaire et le prix du jury composé de 5 personnes.

Le Président de Pix’M, Etienne Duval, souhaite “mettre la culture comme facteur d’inclusion”. Il nous précise que “la culture n’a ni genre, ni sexe. Et dans toutes les cultures, il y a le cinéma”. Ciné Friendly permet au public de voir des films qui sont très peu diffusés dans les salles. Il existe encore 8 festivals de cinéma LGBT en France dont Rouen.

Festival Ciné Friendly du 24 au 27 avril 2019

Ciné Friendly dépassera les murs du cinéma l’Omnia avec des soirées spéciales auprès de trois établissements rouennais :
– la soirée d’ouverture au bar XXL à 22h le mercredi 24 avril
– un apéro spécial CinéFriendly au Vixen dès 18h le jeudi 25 avril
– et la soirée de clôture officielle au bar le Milk dès 22h30 le samedi 27 avril

Le coordinateur du festival Ciné Friendly, Benjamin Duval, tient à souligner qu’il y aura cette année, une représentation significative de films d’Amérique du Sud comme le Brésil avec la présence de deux réalisateurs. L’actualité brûlante au Brésil illustre bien la difficulté de vivre sa différence.

Ciné Friendly reste aujourd’hui unique en Normandie avec plus de 1000 spectateurs. Un festival où les différences et les identités s’expriment sur grand écran. Le cinéma LGBT comme une forme de militantisme.

Tarifs

séance 6,50€ (et 5 tarif réduit) pass 3 séances 10,5€

Programme

https://www.gayviking.com/rouen-festival-cine-friendly-5eme-edition-du-24-au-27-avril-2019/

 

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16 avril 2019 2 16 /04 /avril /2019 16:46

Salam, 30 ans, vit à Jérusalem. Il est Palestinien et stagiaire sur le tournage de la série arabe à succès "Tel Aviv on Fire !" Tous les matins, il traverse le même check-point pour aller travailler à Ramallah.  Un jour, Salam se fait arrêter par un officier israélien Assi, fan de la série, et pour s’en sortir, il prétend en être le scénariste. Pris à son propre piège, Salam va se voir imposer par Assi un nouveau scénario. Evidemment, rien ne se passera comme prévu.

Tel Aviv on Fire

Un film du cinéaste  "israélo- palestinien"  Sameh Zoabi

 

mais ce n'est pas encore un plaidoyer pour l'une ou l'autre des deux parties en conflit.

 

Zoabi a choisi un mode "comico-absurde" pour parler de ce conflit qui n'en finit pas

 

Le scénario est un peu compliqué et ne s'apprécie qu'a posteriori.

 

Dans le fond, c'est une analyse fine des obstacles "culturels" à la paix mais qui pourraient aussi aboutir à la paix.

 

L'action est censée se passer en 1967 à la veille de la guerre des "Six jours"…!

 

 

Compte tenu de la modestie des moyens dont a disposé Zoabi, ce n'est pas un sommet du 7ème Art mais il mérite le déplacement.

 

Marcel Elkaim

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7 avril 2019 7 07 /04 /avril /2019 05:08

de Lou Jeunet

Avec Noémie MerlantNiels SchneiderBenjamin Lavernhe  Camélia Jordana, Amira Casa

Pour éponger les dettes de son père, Marie de Héredia épouse le poète Henri de Régnier, mais c’est Pierre Louÿs qu’elle aime, poète également, érotomane et grand voyageur. C’est avec lui qu’elle va vivre une initiation à l’amour et à l’érotisme à travers la liaison photographique et littéraire qu’ils s’inventent ensemble.

 

Curiosa

En art, Curiosa désigne une représentation, écrite ou visuelle, érotique voire pornographique ; -ce que rappelle d'emblée le prologue-;  l’art érotique est appelé  erotica ou curiosa

Pierre Louÿs (1870-1925), l’érotomane connu du public, en fut l’adepte ; moins connue, sa maîtresse Marie de Régnier (1875-1963) (fille du poète José Maria de Hérédia ; épouse d’un autre poète Henri de Régnier ) l’a pratiqué elle aussi et c’est la "passion" -érotisme/photographie- entre ces deux êtres que Lou Jeunet porte à l’écran.

 

Certes la réalisatrice apporte un soin particulier aux décors (ah ces papiers peints!!) aux costumes, aux cadres, aux postures lascives et/ou sculpturales et aux éclairages ; certes le personnage de Marie est admirablement interprété par Noémie Merlant (vue récemment dans "les drapeaux de papier " ); certes le thème de l’amour est scruté dans sa dialectique (séduction manipulation aliénation) et pourtant la volupté languide et flamboyante n’est pas au rendez-vous et le film est moins esthétique qu’esthétisant. Or la recherche plastique à tout prix ne saurait rendre compte de la fulgurance du désir et du plaisir ; et les personnages -surtout Niels Schneider qui interprète Pierre Louÿs- ne sont pas  "habités".

Bien plus, curiosa mêle sans subtilité préciosité et scènes plus triviales (cf les crêpages de chignon entre Marie et Zohra (Camélia Jordana) la maîtresse algérienne)

Et que dire de ce décalage que provoque la musique électro de Rebotini (revisitant par moments Schubert) ?

 

La toute première séquence donnait le ton : un jeune homme regarde trois filles et leur mère derrière le miroir sans tain d’un appartement ; c’est Pierre Louÿs chez son ami José Maria de Hérédia .C’est aussi derrière un tel miroir que se tiendrait le spectateur ?

 

Reste le parcours d’une femme  qui s’émancipe des tutelles familiale et conjugale ; elle sera contrainte néanmoins de recourir à un pseudo masculin -Gérard d’Houville- pour éditer son premier livre "l’inconstante"

 

Colette Lallement-Duchoze

 

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6 avril 2019 6 06 /04 /avril /2019 08:15

De Michel Leclerc

avec  Edouard Baer, Leïla Bekti, Tom Levy (Corentin), Baya Kasmi

Sophia et Paul emménagent dans une petite maison de banlieue. Elle, brillante avocate d’origine magrébine, a grandi dans une cité proche. Lui, batteur punk-rock et anar dans l’âme, cultive un manque d’ambition qui force le respect ! Comme tous les parents, ils veulent le meilleur pour leur fils Corentin, élève à Jean Jaurès, l’école primaire du quartier. Mais lorsque tous ses copains désertent l’école publique pour l’institution catholique Saint Benoît, Corentin se sent seul. Comment rester fidèle à l’école républicaine quand votre enfant ne veut plus y mettre les pieds? Pris en étau entre leurs valeurs et leurs inquiétudes parentales, Sofia et Paul vont voir leur couple mis à rude épreuve par la « lutte des classes »....

La lutte des classes

Se croiser? Oui.  Se mélanger ? Non

Serait-ce le constat amer de cette comédie ? Car hormis le « twist » final (un happy end farfelu aux couleurs bigarrées où l’entraide a eu raison de tous les clivages en une chaîne de vêtements dans une école pauvre sous financée et délabrée …) il s’agit bien de l’échec de la mixité sociale dans l’école publique des quartiers populaires. Michel Leclerc et la co-scénariste Baya Kasmi -qui interprète d’ailleurs Melle Delamare, professeur des écoles- ont pris le parti de l’humour, de la comédie, voire de l’extravagance, pour traiter ce sujet (assez grave ..) ; mais dans leurs dialogues qui revisitent tous les "clichés" (sur la prégnance de la religion, l’ascension sociale, la liberté, l’émancipation de la femme, le financement public) ils ont trouvé le ton juste ! -même si quelquefois certains interprètes donnent l’impression de réciter un texte !

 

C’est alors qu’éclate au grand jour la "vraie" problématique : changer d’école – en contournant la carte scolaire par exemple - au lieu de changer l’école ??…. « pour qu’il y ait de la mixité il faut qu’il y ait de la mixité » ce jugement formulé par Paul le père, n’est tautologique que par la forme ; il interroge sur le concept même de mixité : quel sens lui donner dans des quartiers qu’une politique urbaine a ghettoïsés ?

 

La lutte des classes n’est pas celle qui oppose les élèves de Jean Jaurès (l’école publique) et ceux de Saint Benoît (école privée) ; c’est celle d’un combat intérieur : celui de parents confrontés à une réalité que jusque-là leurs idéaux, leurs convictions avaient plus ou moins gommée ou transcendée. Ecole publique versus école privée ? Que choisir pour son enfant ? l’idéal républicain revendiqué s’effritera quand Corentin le "seul blanc" peine à s’intégrer !

 

On pourra toujours déplorer  les limites d’un tel film -la tendance à ménager chèvre et chou, la caricature facile, le foisonnement de sujets abordés-, il n’en reste pas moins que cette comédie très alerte et vivifiante propose une sociologie de quartier ; elle est, en outre, servie par des acteurs hors pair (mention spéciale à Edouard Baer en anar ébouriffé)

A voir !

 

Colette Lallement-Duchoze

 

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2 avril 2019 2 02 /04 /avril /2019 13:07

De  Beatriz Seigner (Colombie) 

Avec Doña AlbinaYerson CastellanosEnrique Díaz 

 

Présenté au festival de Cannes (Quinzaine des Réalisateurs)

 

Présenté en avant-première dans le cadre du festival "elles font leur cinéma" à Rouen le samedi 30 mars 2019  en présence de la réalisatrice 

Fuyant les exactions des FARC, des groupes paramilitaires et de l'armée, une mère et ses deux enfants se réfugient à la frontière brésilienne dans un village habité par les fantômes des victimes de la guerre, à commencer par celui du mari et père de famille.

ou

Nuria, 12 ans, Fabio, 9 ans, et leur mère arrivent dans une petite île au milieu de l’Amazonie, aux frontières du Brésil, de la Colombie et du Pérou. Ils ont fui le conflit armé colombien, dans lequel leur père a disparu. Un jour, celui-ci réapparaît mystérieusement dans leur nouvelle maison.

Los silencios

Quelle est donc cette île « de la fantasia » où cohabitent vivants et morts ?

Une île sur l’Amazone à la frontière entre le Brésil, le Pérou et la Colombie ; envahie par les eaux 4 mois par an elle refait surface comme par magie…

C’est là que Beatriz Seigner a tourné « los silencios »

 

Dès la première séquence le spectateur est plongé dans une atmosphère étrange celle d’un nocturne énigmatique et inquiétant; on devine la silhouette d’un frêle esquif, une pirogue, on entend le clapotis de l’eau, le bruit des rames et voici qu’une mère et ses deux enfants débarquent dans un village sur pilotis accueillis par une parente (Morte ? Vivante?) « c’est un miracle que vous soyez vivants »

 

Ces déplacés, -suite aux affrontements entre paramilitaires colombiens et guérilleros dont faisait partie le mari tout juste disparu- ces réfugiés vont peiner à s’insérer dans ce village (trouver un emploi, inscrire à la cantine le fils Fabio, lui acheter un uniforme, etc.) mais ils ne sont pas perturbés quand le mari s’assoit tout naturellement à la table, quand la fille caresse le visage de sa mère éplorée, quand la mère dans la lenteur et la délicatesse de ses gestes lisse les cheveux de Nuria ou quand l’assemblée des morts prodigue ses conseils aux habitants...

 

Les âmes errantes ne sont pas traitées sur le mode surréaliste surnaturel ou fantastique. Beatriz Seigner les signale par de petites touches de couleurs fluorescentes et c’est au spectateur d’accepter  la cohabitation, spectateur si accoutumé aux logiques cartésiennes qu’il en oubliera peut-être tous les signaux qui balisent la narration….

Des bruits répétitifs -bruissement de l’eau et du végétal, chant des oiseaux et de la pluie, frémissements – contribuent eux aussi à transformer un récit en une authentique liturgie (dont la longue séquence finale serait le fulgurant aboutissement)

 

Cette alliance entre allégorie et réalité sociale et politique s’inscrit-elle dans ce qu’on appelle "réalisme magique" ? Le concept d’abord réservé à la peinture puis à une forme de littérature latino américaine, peut sans conteste s’appliquer à ce film où la normalité du quotidien le plus banal épouse presque à chaque instant (au détour d’un cadre d’une lumière d’un geste) la magie du sublime;

Un réalisme magique comme  "mode d'écriture" 

 

à voir absolument !

 

Colette Lallement-Duchoze

 

 

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1 avril 2019 1 01 /04 /avril /2019 19:45

Pour son premier téléfilm - un remake des Larmes amères de Petra von Kant de Fassbinder- Vera, réalisatrice, veut le casting parfait. Mais le premier jour de tournage approche rapidement et les nombreuses séances de casting n'ont pas encore permis de trouver d’actrice capable de jouer le rôle principal...

Casting

Hommage à Fassbinder ? Effets de mises en abyme ? Regard à la fois cynique et cruel sur les coulisses de la télévision -qui sont aussi celles du cinéma- au moment du  "casting" quand s’exercent des pressions (celles des producteurs) et qu’éclatent au grand jour injustices et égocentrismes ? Il y a tout cela dans le film de Nicolas Wackerbarth (2017) Et ce plus qu’incarne Gerwin:  cet acteur amateur doit -en l’absence de l’acteur principal retenu sur un tournage- donner la réplique à toutes les actrices  "renommées" qui défilent lors des auditions ; sera-t-il enfin "reconnu" ?ce que semble lui promettre la réalisatrice... Car c’est bien du rapport à l’image, des compromis, du refus ou de l’acceptation des humiliations qu’il est question à travers ce personnage

 

Un studio de télévision (dans le film de Fassbinder c’était l’appartement de Petra) Et dans l’enfermement de ce huis clos, juste avant le tournage on procède aux dernières auditions pour le rôle du personnage titre. La réalisatrice du téléfilm, Vera, sous des dehors affables et des sourires mielleux, fait preuve d’un autoritarisme stupéfiant voire sadique  dans l’exercice de son pouvoir ! L’actrice pressentie par la production refusera d’ailleurs le rôle (elle semble s’insurger contre une mascarade, celle d’une sélection... humiliante ...)

Le rôle qu’interprétait Hanna Schygulla, Karin, est joué par un homme, -à la relation saphique Vera  substitue une relation hétérosexuelle;  jusqu’à cette scène pour le moins étonnante celle du baiser prolongé entre deux hommes (celui qui interprète momentanément Petra et Gerwin ..;) alors que l'on voit les techniciens  en train de monter les rails d’un travelling....

 

Lutte des classes dans un boudoir : -arrogante styliste, Petra maltraite sa secrétaire dévouée puis s’éprend d’une jeune aspirante mannequin Karin de condition plus modeste... c'était la thématique du film de Fassbinder (1972)

Le remake (sujet de casting) est bien, lui aussi, un film politique -le métier d’acteur servant de support à une réflexion sur le « sadisme » des manipulateurs exercés au pouvoir, sur la concurrence et la survie dans l’industrie de la télévision !!! 

 

A voir!

 

Colette Lallement-Duchoze

 

 

Casting

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28 mars 2019 4 28 /03 /mars /2019 09:58

Documentaire réalisé par David Mambouch

Elle est de ces artistes qui creusent des sillons durables et profonds, qui bouleversent les existences. Depuis plus de 35 ans, Maguy Marin s’est imposée comme une chorégraphe majeure et incontournable de la scène mondiale. Fille d’immigrés espagnols, son œuvre est un coup de poing joyeux et rageur dans le visage de la barbarie. Son parcours et ses prises de positions politiques engagent à l’audace, au courage, au combat. En 1981, son spectacle phare, May B, bouleverse tout ce qu’on croyait de la danse. Une déflagration dont l’écho n’a pas fini de résonner.  Le parcours de la chorégraphe Maguy Marin, un vaste mouvement des corps et des cœurs, une aventure de notre époque, immortalisée et transmise à son tour par l’image de cinéma.

Maguy Marin: l'urgence d'agir

Portées par différents interprètes depuis la création en 1981, les figures de May B -inspirées de l'oeuvre de Beckett- ont traversé le temps et les mémoires, gardant intacte, inviolée la force à la fois tragique et cynique, féroce et tendre de ces cabossés de la vie; êtres de poussière, enduits d'argile, glaise qui se craquelle, vêtus de haillons, ils avancent comme un choeur désarticulé, éructant par moments ce cri primal et/ou onomatopéique de la Douleur. May B est bien le fil directeur du film documentaire réalisé par le fils de la chorégraphe,  David Mambouch (il est né en même temps que la pièce; et en 2014 il sera un des interprètes !)

Il s'ouvre sur des extraits du discours de Maguy Marin (urgence d'agir); il mêle images d'archives, interviews (certaines poignantes sont celles de danseurs des années 80 aujourd'hui disparus), extraits de pièces (Cendrillon, 2017, entre autres...), il nous fait assister à des répétitions, nous entraîne en Amérique du Sud (où Lia Rodrigues l'une des premières interprètes a ouvert une école de danse pour les enfants de la favela de Maré, près de Rio de Janeiro), à Ramallah (lors d'une représentation) et dans les différents lieux où Maguy Marin a exercé son art si singulier qui réconcilie danse et théâtre, qui lie étroitement création et engagement dans la vie de la cité (sens étymologique de politis) et qui a fait voler en éclats les canons de la beauté formatée

Sorte de palimpseste (par une double surimpression, celle des reprises répétitions et celle plus intime de chaque visage -en très gros plan parfois- où se lit en filigrane une histoire particulière) le film est à coup sûr, une "oeuvre d'art"  avec des raccords audacieux , des résonances dans la bande-son (extraits de discours de Mitterrand en 1981, de Juppé en 1995 par exemple) et des allers et retours entre présent et passé, garants d'une dynamique celle de la transmission

Malgré la précarité de notre monde ce film rappelle que nous avons le pouvoir d'agir, et à quel point chaque existence, chaque histoire, est précieuse (David Mambouch) 

Vivre ensemble 

Un seul Corps

Visages amis, visages aimés

L'argile unique dont nous sommes faits

 

Un documentaire à ne pas rater !!!

 

Colette Lallement-Duchoze
 

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24 mars 2019 7 24 /03 /mars /2019 08:07

De Benoît Jacquot

avec Vincent Lindon, Stacy Martin, Valeria Golino

Au XVIIIe siècle, Casanova, connu pour son goût du plaisir et du jeu, arrive à Londres après avoir dû s’exiler. Dans cette ville dont il ignore tout, il rencontre à plusieurs reprises une jeune courtisane, la Charpillon, qui l’attire au point d’en oublier les autres femmes. Casanova est prêt à tout pour arriver à ses fins mais La Charpillon se dérobe toujours sous les prétextes les plus divers. Elle lui lance un défi, elle veut qu’il l’aime autant qu’il la désire

Dernier amour

Spectral et désabusé tel nous apparaît Casanova vieillissant au tout début du film. Nous sommes en 1793 château de Dux en Bohême. Reclus dans sa fonction de bibliothécaire, il écrit ses mémoires historia de mi vida. À la demande expresse d’une jeune femme qui l’interroge sur ses conquêtes, il consent à "raconter" un épisode inoubliable de sa vie amoureuse, vécu 30 ans auparavant, comme une douloureuse exception. Exception que Benoît Jacquot traite en couleurs feutrées ou crépusculaires sous forme d’un flash-back. Parant ainsi le propos de la fonction thérapeutique ou dérisoire de la mémoire? Qui sait? Quoi qu’il en soit, la structure narrative adoptée -qui oblige à des allers-et-retours entre le présent, le moment de la narration et l’épisode rapporté, impose une facture classique pour ne pas dire scolaire, d’autant que les commentaires laconiques, des truismes de surcroît, et les questions de la jeune fille, semblent récités

 

Si la vacuité de l’existence des aristocrates anglais est bien restituée (encore que les ambiances de lupanar sont assez soft…) si l’opposition entre frugalité imposée (le désir de posséder ne pourra être assouvi) et obsession de nourriture (nombreuses scènes de repas en intérieur ou extérieur) est patente, si la dialectique imposée par la jeune courtisane corrobore les convictions de Casanova (on n’aime jamais autant que lorsque l’on est éconduit), si la beauté visuelle est incontestable, on est loin d’être habité par ce film tout comme on a l’impression que les personnages eux-mêmes ne sont pas habités...

 

On pourra toujours rétorquer que le primat accordé au "cérébral" sur l’émotion est un choix délibéré. Que le cinéaste nous confine dans la position de "spectateur", à l’instar de Casanova condamné à "être regardeur"           N’empêche !

 

 

Colette Lallement-Duchoze

 

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21 mars 2019 4 21 /03 /mars /2019 15:33

1913, au cœur de l’empire austro-hongrois. Irisz Leiter revient à Budapest après avoir passé son enfance dans un orphelinat. Son rêve de travailler dans le célèbre magasin de chapeaux, autrefois tenu par ses parents, est brutalement brisé par Oszkar Brill le nouveau propriétaire. Lorsqu’Írisz apprend qu'elle a un frère dont elle ne sait rien, elle cherche à clarifier les mystères de son passé. A la veille de la guerre, cette quête sur ses origines familiales va entraîner Irisz dans les méandres d’un monde au bord du chaos.

Sunset

Oui tout -ou presque- est crépusculaire dans ce nouveau film de Laslo Nemes -dont nous avions tant aimé "Le fils de Saul". Aux camps de concentration se substitue ici la ville de Budapest avec ses quartiers chics, son effervescence, sa lutte de classes, sa rivalité avec Vienne, une ville et ses soubresauts qui précèdent la première guerre mondiale !

 

Un très gros plan sur un visage dont on soulève la voilette ...une mini valse dans l’essayage de chapeaux aux formes ingénieuses et raffinées; c’est l’ouverture...Et voici le film "encodé" : d’emblée est impulsée la dynamique du dévoilement -la plupart seront suggérés plus qu’explicités ; de même que la chapellerie illustre par métonymie l’apparat, le luxe, apanage de la haute bourgeoisie. Au très gros plan sur le visage chapeauté répondra en écho le plan final celui d’un visage nu, le regard hébété par l'effroi!

 

Et comme dans "Le fils de Saul" une façon de filmer au plus près comme si la caméra était vissée au personnage -ce sera souvent la nuque pour Irisz Leiter-; et comme dans le film précédent une réalité -ici le crépuscule d’un empire- perçue par un seul regard. Le personnage est au premier plan entre ombre et lumière alors que l’arrière-plan est souvent flou. Un flou qui dit la confusion : celle d’Irisz dans ses déambulations à la recherche d’un frère dont elle ignorait jusque-là l’existence. Des plans-séquences la suivent dans des intérieurs -aux jeux savants de clair-obscur- dont elle semble traverser les parois, à bord d’un tramway, dans des lieux interlopes, sur des places publiques où fermentent les révolutions, au cœur de convulsions, préludes à la première guerre mondiale. Confusion qui s’empare du spectateur lequel dispose de peu de repères (bribes de mots, opacité délibérée, scènes suggérées hors champ) dans son appréhension d’une histoire de famille au rendez-vous avec l’Histoire – Histoire dans laquelle il sera projeté, en frontal, dans ce dernier plan-séquence - qui rappelle les sentiers de la gloire ...

 

"Beauté convulsive" de la forme (que certains n’apprécieront pas…et pourtant elle épouse la décadence d’un monde) mais aussi de la bande-son, sorte de partition, stridente parfois, qui mixe voix humaines, musiques diverses -allant du répertoire classique aux opérettes- et bruits du monde urbain

 

On ferait un mauvais procès en glorifiant "Le fils de Saul"  et en dénigrant "Sunset" ; or le thème du premier (le rôle d’un Sonderkommando) malgré l’horreur, est plus "porteur"…que la ville de Budapest à la veille de la première guerre mondiale...

Et si Sunset était comme le préquel du  fils de Saul  ?

 

Un film à ne pas rater!!!

 

Colette Lallement-Duchoze

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Mode d'emploi

Ce blog est destiné à collecter nos ressentis de spectateurs, à partager nos impressions sur les films (surtout ceux classés Art et Essai).

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