Documentaire réalisé par José Luis López -Linares (France Espagne Portugal 2021)
scénario: Jean-Claude Carrière & Cristina Otero Roth
Chef opérateur : José Luis López Linares, Andrés Recio Illán
Montage : Cristina Otero Roth
Amoureux des arts et fin connaisseur de Goya, Jean-Claude Carrière nous guide dans son œuvre incomparable. Pour en percer le mystère, il accomplit un dernier voyage en Espagne qui le ramène sur les traces du peintre. Des liens se tissent avec des artistes issus du monde du cinéma, de la littérature et de la musique montrant à quel point l’œuvre de Goya est influente.
Une œuvre pépite à ne pas manquer ! c’est ainsi que l’on m’avait vanté les qualités de ce documentaire
Que le réalisateur-documentariste José Luis Lopez Linares donne la parole à Jean-Claude Carrière (scénariste du film) jusqu’à l’inclure dans le titre quoi de plus « naturel » ? Voyage dans l’espace et le temps (récurrence du train, diversité des lieux visités : maison natale de Goya, Musée du Prado, Musée du Louvre, chapelles et basiliques; diversité des personnes interviewées) mais surtout dans l’intime (ce qu’affirme d’emblée J-C Carrière « se mettre dans l’esprit du peintre, ce qu’il imaginait pour lui et non pour les autres »).
Mais là où l’exacerbation -du "ressenti" ou du "doctissime", de la "duplication" du commentaire -celui de Carrière face à un tableau de Goya, repris par l’épouse, du concept de "continuum" ou de la "transmission" qui (re)lie le peintre du XVIII° le cinéaste du XX° (Buñuel) et le scénariste), l’emporte sur tout le reste on est en droit de s’interroger.
Oui l’ombre de Goya va se mêler à celle de Carrière (dont c’est l’ultime voyage par-delà les Pyrénées) et à toutes celles qu’il a côtoyées (Buñuel surtout dont la "proximité" avec le peintre -l’Aragon natal, la surdité, l’exil -est plus qu’évidente) Mais pourquoi "noyer" le « propos » dans une mise en scène parfois racoleuse ? jouer ad nauseam sur les « échelles » (très gros plan du visage de Carrière, regardant La Maja nue et la Maja vêtue qu’il salue au final comme un adieu au peintre ( ?) ou un clin d’œil à « l’obscur objet du désir » de Buñuel ? En frontal ou de profil pour « commenter » de façon très subjective … Que le nœud rouge sur le vêtement blanc de la duchesse d’Albe renvoie à celui du chien patte arrière n’a aucun intérêt s’il se limite à un simple constat ; en revanche opposer la joie de vivre des paysans fiers d’avoir accompli une journée de labeur (scène champêtre) à la présence insidieuse d’un château (symbole du pouvoir) à l’arrière-plan et "comparer" ce dernier avec l’impressionnante meule de foin (premier plan) comme pour signifier la toute-puissance du peuple, fait du personnage JC Carrière un guide précieux quand bien même certains spectateurs dénonceraient des extrapolations
Ne nous méprenons pas. Je ne remets nullement en cause l’intelligence de celui qui fut un des plus grands scénaristes du XX° (et le voir à l'écran entendre sa voix pénétrante fut un régal) mais je m'interroge sur la démarche du documentariste (cf Le mystère Jérôme Bosch - Le blog de cinexpressions )
.Nous retiendrons l'exhortation à "écouter le silence" la chose du monde la plus difficile à entendre"
La lumière peut aveugler tout autant que l’obscurité, n’était-ce pas la « leçon » des « fantômes de Goya » (2006) fiction de Milos Forman dont Jean-Claude Carrière fut le scénariste ?
De même la reconstitution par Carlos Saura de Tres de mayo - dont le documentaire de José Luis Lopez Linares propose des extraits-, s’inscrit dans cette volonté d’immersion à partir des « désastres de la guerre » (on ne peut qu’être ébahi par le travail en studio de ce court métrage de 2021)
Colette Lallement-Duchoze