1 juin 2019
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de Muayad Alayan (Palestine)
avec Maisa Abd Elhadi, Adeeb Safadi, S. Kretchner
Sur fond de conflit politique, une liaison extraconjugale à Jérusalem entre Sarah, une femme israélienne et Saleem, un homme palestinien, déclenche un jeu dangereux de duperie entre ceux qui détiennent le pouvoir et ceux qui ne le détiennent pas.
À partir d’une relation amoureuse entre un Palestinien et une Israélienne à Jérusalem, Muayad Alayan crée une œuvre intelligente et efficace qui refuse la complaisance et le manichéisme. Film politique certes ne serait-ce que par la cartographie des fractures à Jérusalem -ce dont rend compte le montage alterné jouant de la géométrie spatiale- et par l’ingérence manipulatoire des hauts services de renseignement, ces dispensateurs de psychoses et replis identitaires.. Mais le réalisateur avoue s’être intéressé avant tout à des gens "ordinaires qui à cause de la politique se retrouvent dans des situations absurdes" Tout en rappelant qu’aujourd’hui encore, la ségrégation règne à Jérusalem, où vous êtes filmés en permanence
Une histoire d’amour extra-conjugal interdite par la religion et la morale, par le devoir et la culture. Les rencontres « torrides » entre Sarah juive mariée à un colonel et Saleem livreur palestinien dont la femme va bientôt accoucher, se font dans la voiture de Saleem où le plaisir semble exacerbé par l’exiguïté et le risque encouru. Une soirée à Bethléem un début de bagarre la soif de vengeance de " l’humilié" et c’est le début d’une descente infernale. Les accusations qui pèsent sur Saleem et ses dénégations réitérées en font un dangereux espion...Suspecté (par Israël) de faire passer illégalement en Cisjordanie des téléphones portables susceptibles d’être utilisés à des fins terroristes, il se voit également accusé (par l’Autorité palestinienne) de trafic de prostituées et d’espionnage….L’enfer de la prison est suggéré par quelques plans sur le visage capté à travers les barreaux ou quelques séances de tabassage lors des interrogatoires -pour ne pas dire tortures- sans insistance (comme certains seraient tentés de le faire avec gros plans prolongés sur un visage tuméfié par exemple)
Le portrait de l’armée d’occupation (Tsahal) à travers celui du colonel David mari de Sarah (spécialisé dans la Sécurité, en clair l’organisation, la planification des mesures préventives d’interventions chez les Palestiniens) et celui des services de renseignements qui, des deux côtés, use et abuse de fake news, éclatent au grand jour là où souvent ils se dessineraient en creux à travers une trame scénaristique ! Le film prend parfois l’allure d’un thriller quand on assiste à des "courses poursuites"; il mêle dans une structure relativement classique, réalisme documenté et fiction, mais il explore surtout des consciences : que de porosité morale chez le beau-frère de Saleem ! que de bassesses et vilenies chez David obnubilé par sa carrière militaire ! De cette histoire d’amour "interdit" ce sont les femmes qui sortiront grandies :femmes autonomes et responsables (l’avocate de Saleem par exemple) ; femme en passe de l’être : d’abord docile -sans être soumise- la femme de Saleem, Bissan, bafouée et trahie, se libérera d’un carcan (religieux et social)
À voir absolument!
Colette Lallement-Duchoze