De Quentin Dupieux
Avec Benoît Poelvoorde, Grégoire Ludig, Marc Fraize, Anaïs Demoustier
Dans un commissariat parisien des années 70, un inspecteur de police particulièrement tatillon, cuisine à petit feu un pauvre bougre accusé de meurtre...
Hormis le prologue ubuesque -ou bunuelien-:où dans une clairière un chef d’orchestre en slip rouge, chaussures et chaussettes noires dirige ses musiciens debout sur une botte de paille,- tout se passera à huis clos dans un poste de police. Mais la musique que nous avons entendue (Mozart) est précisément celle qu’entendra de son poste radio, un préposé du Poste de police… "Au poste dans le poste" ?
Unité de lieu (un commissariat) de temps (une nuit) d’action (un interrogatoire)
Un lieu aux boiseries d’un autre âge avec des portes qui permettent entrées et sorties (dont celle de l’employé venu chercher seau et serpillière rangés dans le placard où est "planqué" un cadavre !!! -celui de Philippe, le borgne qui avait pour mission de jeter un œil sur le suspect pendant le temps de pause du commissaire!) Fiona sa femme - Anaïs Desmoutier -méconnaissable mais truculente- a hâte de lui annoncer sa grossesse. Les autres lieux - place déserte, immeuble, palier, appartement- illustrent telles des images mentales, les propos de Fugain (le "prévenu" ) lors de son interrogatoire et jouent le rôle de flash back
Un interrogatoire centré surtout sur les 7 allers et retours (ou va-et-vient) du "suspect" . De quoi est-il présumé coupable ? D’avoir découvert un cadavre lors de son 7ème aller et retour et de ne pas avoir alerté aussitôt la police….Suspect numéro 1. Et le commissaire fait répéter (reprenons, reprenons) commente tape à la machine alors que le "suspect" impavide -souvent - s'exécute; il "reprend" lui aussi ....les incorrections syntaxiques les impropriétés lexicales ou les tics de langage du commissaire ....qui s'exécute....
L’intérêt de cette comédie (policière) qui lorgnerait du côté des polars des années 70/80 avec Belmondo -si l'on se fiait à l’affiche rappellant Peur sur la ville-, mais qui assurément est un clin d’oeil à Garde à vue de Claude Miller , réside à la fois dans le jeu des mises en abyme et la logique (faussement) absurde des dialogues.
Les allers et retours évoqués -visualisés aussi- par Fugain, à la fois tortueux et insignifiants ne sont-ils pas à l’image du cinéma de Dupieux (à moitié génial, à moitié poussif pour reprendre la formule d’un critique du Figarock que liront les acteurs … en s'interrogeant sur sa pertinence) ??? En écho voici les allers et retours du commissaire : il interrompt son interrogatoire pour aller manger, rendre visite à son fils et il s'invite dans le discours de Fugain pour en apprécier le bien-fondé
Le langage ? Des formules prises au pied de la lettre : corps à repasser, poumon qui brûle (d’où s’échappent les volutes de la cigarette du commissaire) côtoient le non-sens, le désopilant ; le banal devient comique (cf Buffet froid) et le regard parfois ahuri de Grégoire Ludig accentue cet aspect .
Si l’on ajoute cette jubilatoire contamination du présent par le rêve ou le fantasme (revivant les épisodes récents Fugain abolit les repères temporels) et l’excellente interprétation du duo Benoît Poelvoorde/ Grégoire Ludig, on ne peut qu’être enthousiasmé par ce genre de comédie où l’absurde distillé sans surenchère et l‘humour décalé renouvellent les codes du genre policier….Le rapport à la " représentation" culminera d’ailleurs dans le final
Au poste moins glauque que Wrong Cops moins déjanté que Rubber.? Certes car il s'agit ici d'un questionnement sur le langage, sur les codes d'un genre littéraire et cinématographique, sur les attentes du public
Quoi qu’il en soit, mieux vaut un film barré qu’un film qui incite à se barrer
Colette Lallement-Duchoze