1 juin 2019
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de Muayad Alayan (Palestine)
avec Maisa Abd Elhadi, Adeeb Safadi, S. Kretchner
Sur fond de conflit politique, une liaison extraconjugale à Jérusalem entre Sarah, une femme israélienne et Saleem, un homme palestinien, déclenche un jeu dangereux de duperie entre ceux qui détiennent le pouvoir et ceux qui ne le détiennent pas.
À partir d’une relation amoureuse entre un Palestinien et une Israélienne à Jérusalem, Muayad Alayan crée une œuvre intelligente et efficace qui refuse la complaisance et le manichéisme. Film politique certes ne serait-ce que par la cartographie des fractures à Jérusalem -ce dont rend compte le montage alterné jouant de la géométrie spatiale- et par l’ingérence manipulatoire des hauts services de renseignement, ces dispensateurs de psychoses et replis identitaires.. Mais le réalisateur avoue s’être intéressé avant tout à des gens "ordinaires qui à cause de la politique se retrouvent dans des situations absurdes" Tout en rappelant qu’aujourd’hui encore, la ségrégation règne à Jérusalem, où vous êtes filmés en permanence
Une histoire d’amour extra-conjugal interdite par la religion et la morale, par le devoir et la culture. Les rencontres « torrides » entre Sarah juive mariée à un colonel et Saleem livreur palestinien dont la femme va bientôt accoucher, se font dans la voiture de Saleem où le plaisir semble exacerbé par l’exiguïté et le risque encouru. Une soirée à Bethléem un début de bagarre la soif de vengeance de " l’humilié" et c’est le début d’une descente infernale. Les accusations qui pèsent sur Saleem et ses dénégations réitérées en font un dangereux espion...Suspecté (par Israël) de faire passer illégalement en Cisjordanie des téléphones portables susceptibles d’être utilisés à des fins terroristes, il se voit également accusé (par l’Autorité palestinienne) de trafic de prostituées et d’espionnage….L’enfer de la prison est suggéré par quelques plans sur le visage capté à travers les barreaux ou quelques séances de tabassage lors des interrogatoires -pour ne pas dire tortures- sans insistance (comme certains seraient tentés de le faire avec gros plans prolongés sur un visage tuméfié par exemple)
Le portrait de l’armée d’occupation (Tsahal) à travers celui du colonel David mari de Sarah (spécialisé dans la Sécurité, en clair l’organisation, la planification des mesures préventives d’interventions chez les Palestiniens) et celui des services de renseignements qui, des deux côtés, use et abuse de fake news, éclatent au grand jour là où souvent ils se dessineraient en creux à travers une trame scénaristique ! Le film prend parfois l’allure d’un thriller quand on assiste à des "courses poursuites"; il mêle dans une structure relativement classique, réalisme documenté et fiction, mais il explore surtout des consciences : que de porosité morale chez le beau-frère de Saleem ! que de bassesses et vilenies chez David obnubilé par sa carrière militaire ! De cette histoire d’amour "interdit" ce sont les femmes qui sortiront grandies :femmes autonomes et responsables (l’avocate de Saleem par exemple) ; femme en passe de l’être : d’abord docile -sans être soumise- la femme de Saleem, Bissan, bafouée et trahie, se libérera d’un carcan (religieux et social)
À voir absolument!
Colette Lallement-Duchoze
Published by cinexpressions
31 mai 2019
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De Justine Triet
avec Virginie Efira, Adèle Exarchopoulos, Gaspard Ulliel, Sandra Hüller, Niels Schneider, Laure Calamy
présenté en sélection officielle festival de Cannes 2019
Sibyl est une romancière reconvertie en psychanalyste. Rattrapée par le désir d'écrire, elle décide de quitter la plupart de ses patients. Alors qu'elle cherche l'inspiration, Margot, une jeune actrice en détresse, la supplie de la recevoir. En plein tournage, elle est enceinte de l'acteur principal… qui est en couple avec la réalisatrice du film. Tandis qu'elle lui expose son dilemme passionnel, Sibyl, fascinée, l’enregistre secrètement. La parole de sa patiente nourrit son roman et la replonge dans le tourbillon de son passé. Quand Margot implore Sibyl de la rejoindre à Stromboli pour la fin du tournage, tout s'accélère à une allure vertigineuse…
La réalisatrice aurait-elle inventé un genre nouveau l’ "autothriller" et une nouvelle tonalité la "dramédie"? à travers cette histoire d’une psy qui devient la romancière de sa propre vie ? Spectateur, on assisterait à l’adaptation du propre roman de Sibyl???
Film et roman, en train de se faire, film dans le film, roman dans le roman, fantasmes et réalité ...et ce ad libitum ; ce que vient renforcer le principe de gémellité -entre Sibyl et Margot, Sibyl et sa sœur, Sibyl et Mika la réalisatrice, entre Gabriel et Igor ; et même si la gémellité fonctionne en miroir inversé, Justine Tiret se plaît à démultiplier le motif du double (est-ce Sibyl qui envahit tous les personnages comme elle envahit l’écran de bout en bout ? Chacun reflétant une part d’elle-même : dont la mauvaise conscience "incarnée" par celui qui partage sa vie, et la solitude par l’enfant qu’elle reçoit en tant que psy). Le montage accentue cet enchevêtrement, cet enchâssement d’histoires, (qui se jouent en fait dans l’esprit de Sibyl). Le film bascule avec l’épisode de Stromboli (où le paysage naturel se substitue au paysage urbain ; où les forces vives de la nature remplacent les intérieurs d’appartements) ..mais n’entachons pas le "plaisir" de la découverte ! (fût-elle décevante!)
A tout cela s’ajoute la présence troublante de l’enfant : qu’il s’agisse de Daniel (est-ce le fantôme de l’enfant qu’elle a eu avec Gabriel) et qui prédit au cours d’un jeu de Monopoly "vous allez perdre"; de Selma fille de Sibyl qui se révèlera être le coeur de sa vie (même si la prise de parole finale de l’enfant contraste avec les assertions de la mère/romancière assimilant les gens de son entourage à des "personnages de fiction")
Certes Virginie Efira triomphe dans le rendu du personnage (thérapeute, psy idéale ou sans scrupules, amante folle, séductrice, alcoolique récidiviste, mère aimante et absente) par un talent protéiforme
Mais dans ce foisonnement, ce chaos organisé, il manque pourtant un chaînon susceptible d’entraîner l’adhésion ! Et ce n'est pas la thématique de l'ivresse déclinée dans ses sens propre et figuré (depuis la logorrhée verbale de l'éditeur en ouverture du film jusqu'à l'ébriété finale de Sibyl en passant par l'embrasement de corps aimantés par le désir) qui fera chambouler ! Ni le procédé de la mise en abyme, sur-exploité!
Colette Lallement-Duchoze
Published by cinexpressions
28 mai 2019
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De Pedro Almodovar (Espagne)
avec Antonio Banderas (prix d'interprétation Cannes 2019) Penelope Cruz, Asier Etxeandia, Leonardo Sbaraglia
Une série de retrouvailles après plusieurs décennies, certaines en chair et en os, d’autres par le souvenir, dans la vie d’un réalisateur en souffrance. Premières amours, les suivantes, la mère, la mort, des acteurs avec qui il a travaillé, les années 60, les années 80 et le présent. L’impossibilité de séparer création et vie privée. Et le vide, l’insondable vide face à l’incapacité de continuer à tourner.
Au cinéma de mon enfance, ça sent toujours la pisse, le jasmin et l'été…
A l'instar du titre (où la conjonction et peut signifier complémentarité causalité et/ou opposition) le récit fonctionne sur un jeu de réminiscences, d'allers et retours entre présent et passé mais aussi entre autobiographie et fiction. Un artiste en panne d’inspiration -et ce faisant de création-, victime de troubles physiologiques, de maux réels ou fantasmés (asthme acouphènes douleurs lombaires dysphagie) s’interroge sur la maladie la mort, alors que resurgit son passé proche ou lointain à la faveur d'une sensation, d’une musique, d’une parole, d’une vision - comme dans le processus proustien de la Mémoire. Mais les raccords ici ne sont pas toujours élégants.....certains trop appuyés, d’autres inattendus et aléatoires (faut-il comprendre que l’oeuvre est faite de coutures/sutures -dont l’oeuf de bois serait un élément métaphorique en ce sens qu’il est le support des raccommodages?? œuvre faite aussi d’amalgames savants de couleurs -celles du générique ?)
Oui le cinéma n’a qu’un seul guide : la VIE
On aura reconnu des façons de cadrer ou filmer une scène qui renvoient aux propres oeuvres d'Almodovar de même qu'on retrouve les thématiques chères au cinéaste - chant d'amour dédié à la mère, homosexualité, prégnance de la religion, drogue, vertiges fulgurants et du Désir et de la Création. Car dans Douleur et gloire l'art est bien le médium incontournable : un texte lu en public, un dessin dédicacé et c'est un passé revisité qui s'impose à l'écran et qui dans l’autofiction est déterminant pour une aube nouvelle (rôle salvateur de la création artistique -littérature et dessin- plus puissant que les opiacés!!!) Même si les deux éléments déclencheurs arrivent inopinément….(ou alors serait-ce du hasard objectif??)
Mais que de complaisance dans l'analyse pseudo scientifique des maux qui affligent Salvatore. Sa voix off en fait le catalogue, commente graphismes et graphiques en 3D (c’est vraiment longuet et assez lourd) ; les maux sont visibles uniquement au moment où le personnage les évoque (claudication renvois gastriques) comme s'ils étaient pure illustration et non handicap; le spectateur a droit aux consultations auprès de spécialistes aux images scanner et irm. Que de complaisance aussi dans la préparation de la drogue -même si elle est censée pallier les insuffisances d’un traitement médical? Même si c’est pour insister sur les propriétés addictiogènes. Et que dire de ces plans inutiles dans la mesure où ils disent trop (bavards) ? Etc..
Troisième volet d’une trilogie sur le désir et la fiction cinématographique, dit-on. Si tel est le cas, le second volet " la mauvaise éducation (après la loi du désir) est sans conteste le plus original et le plus convaincant !!! car il est inspiré et inspirant alors que l’autoportrait de Douleur et gloire est assez.... ennuyant !
Colette Lallement-Duchoze
oui ce film est assez décevant car il relate une vie somme toute ordinaire pour un artiste qui l'est moins. Curieusement Almadovar ne met pas au compte de sa biographie ce qui est le plus honorifique pour lui : avoir participé grandement à dévisser la tête de l'esprit franquiste en bousculant les préjugés. La Movida est ce courant, qui grâce à lui, restera dans l'histoire du cinéma et d'Espagne.
Néanmoins, le prix d'interprétation à Cannes pour Antonio Banderas est à mes yeux mérité
Serge 28/05/19
Ce n'est pas le thème traité (un septuagénaire plus ou moins déprimé, l'interrogation sur la naissance du désir ) ni la "belle" leçon (l'art est salvateur, le cinéma n'a qu'un seul guide: la vie) qui m'ont "déçue" (loin de là) mais la façon dont ceux-ci sont "mis en forme" ...
Colette 28/05/19
Published by cinexpressions
25 mai 2019
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Habité par le pouvoir de communiquer avec les morts, un jeune Indien du Brésil refuse de devenir chaman et décide de quitter les siens pour échapper aux esprits...
D’une beauté visuelle et plastique sidérante "le chant de la forêt" (à Cannes 2018 "les morts et les autres") entrelace documentaire, fable ethnographique, récit initiatique. Il nous immerge dans le village de Pedra Blanca -où vit une communauté indigène celle des Krahos- au nord du Brésil. Et c’est le parcours d’Ihjac (son refus d’être chaman, son éloignement de la forêt vers la ville et son retour) qui servira de trame scénaristique
La séquence d’ouverture (reprise en écho à la fin) mêle croyances onirisme osmose entre l’homme et la nature. Ihjac entend l’appel de son père défunt qui le guide jusqu’à une cascade. La caméra le suit dans le dédale végétal et son torse, par les vibrations de la lumière et de l’ombre, se métamorphose en un tableau de verdure… Son père lui enjoint de préparer la fête de fin de deuil qui lui permettra de rejoindre le village des morts et d’accéder à l’éternité…
Mais!
Un film qui ne se raconte pas ; un film qui nous habite
Il faut se laisser emporter, moins par la peinture des rites et des activités domestiques (on serait alors le spectateur friand d’exotisme), moins par la confrontation avec le monde des « blancs » (seconde partie quand Ijhac est soumis aux diktats administratifs de l’utilitaire) que par la qualité d’écoute d’un peuple (voué à disparaître?) qui nous (ré)apprend à entendre le "chant de la forêt" ; c’est le bruissement d’un Etre-là que n’a pas altéré la prétendue "civilisation" technologique et capitaliste
Et l’indolence apparente -celle du rythme, de la durée des plans, des gestes et des paroles- n’est pas lenteur calculée ; elle illustre un rapport au temps, inviolé lui aussi, écoutons-le frémir !
À ne pas rater !!
Colette Lallement-Duchoze
Published by cinexpressions
22 mai 2019
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Dans une région reculée de la Cordillère des Andes, le corps d’une femme est retrouvé décapité. L’officier de police rurale Cruz mène l’enquête. David, le mari de Francisca, amante de Cruz, est vite le principal suspect. Envoyé en hôpital psychiatrique, il y incrimine sans cesse les apparitions brutales et inexplicables d’un Monstre. Dès lors, Cruz s’entête sur une mystérieuse théorie impliquant des notions géométriques, les déplacements d’une bande de motards, et une voix intérieure, obsédante, qui répète comme un mantra : “Meurs, Monstre, Meurs”…
Fantastique et clownesque, surréaliste et grand-guignolesque si le film de l’Argentin Alejandro Fadel ne peut laisser indifférent, force est de reconnaître que dans le "genre" - "la région sauvage" du réalisateur mexicain Escalante par exemple- on aura vu plus "convaincant" et moins complaisant
Dans le décor à la fois sublime et effrayant des montagnes (plan large) voici qu’apparaît au premier plan un troupeau de moutons (dont un à la tête partiellement rouge) ; puis gros plan sur la femme qui face à la caméra assiste hébétée au décollement de son crâne ; sa (une) main bienveillante essaie (en vain) de recoller. Dont acte. D’emblée est annoncée la dialectique humain/animal…d'emblée mélange de réalisme et d'horreur
Reprenons : une créature hante la Cordillère des Andes, elle décapite ses victimes. La brigade locale (avec Cruz) s’ingénie à trouver une solution "rationnelle" (avec cet appel récurrent à la "scientifique") ; peine perdue. Mais c’est l’occasion pour le réalisateur d’opter pour une "mise en scène" qui flirte avec les visions cauchemardesques et ...les effets faciles (très gros plans sur des lésions bizarres, sur la bave gluante, extraction du crâne de la décapitée d’une "dent" animale(?) flamboiement de fumées rouges, récurrence de ces motards qui pétaradent nimbés de brumes, gueules terreuses des protagonistes, bande-son plus qu’illustrative, etc.)
Si l’incompétence de la brigade -surtout le supérieur de Cruz- prête à sourire -c’est le ressort d’une "comédie grinçante" , donner à voir la bête ignoble avec une queue immense à la Marsupilami qui se termine en phallus… et une gueule ouverte en immense vagin, provoque le rire…(forcément)
La bête plus qu’hybride – ici monstrueusement sexualisée- c’est bien évidemment "le monstre" tapi en chacun de nous ; -d'autant que le réalisateur se plaît à faire de chaque personnage, tour à tour, un coupable potentiel-; mais son traitement en fait une pure attraction, là où Escalante proposait une cartographie des sentiments, des désirs et du refoulement ; là où la dévoration par le sexe sans être aussi vénéneuse que chez Zulawski, était autant suggestive que symbolique
Le débat est ouvert
Colette Lallement-Duchoze
Published by cinexpressions
18 mai 2019
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de Agnieszka Smoczynska Pologne
avec Gabriela Muskala, Lukasz Simlat
présenté au festival de Cannes 2018 (Semaine de la critique)
Alicja a perdu la mémoire et ignore comment elle en est arrivée là. En deux années, elle parvient à se reconstruire et ne souhaite plus se remémorer le passé. Quand sa famille la retrouve enfin, elle est contrainte d’endosser les rôles de mère, de femme et de fille auprès de parfaits inconnus. Comment réapprendre à aimer ceux que l’on a oubliés.
Ne vous fiez pas au titre (ou préférez la connotation musicale aux dénotations d’ordre clinique) Ne vous fiez pas à ce pitch "portrait d’une femme amnésique en quête d’identité" .Film de femme, film éminemment féministe Fugue est bien plus subversif ne serait-ce que par sa remise en cause du statut imposé à la femme en tant que fille, mère et épouse (certes à travers le portrait d’une amnésique mais qui en cherchant à se souvenir tente de se débarrasser de ce carcan et opte pour la liberté au grand dam de ses proches)
Un double questionnement : pour Alijca/Kinga Stowik qui étais-je, qui suis-je ; pour la famille mais qu’est-elle devenue ? Un avant pour l’une, un après pour les autres. La dualité est bien au coeur du dispositif narratif et cinématographique (à l’instar de cette conversation croisée au restaurant). Il y a un ici et un là-bas remarque Daniel l’enfant, ignorant à coup sûr les vérités latentes d’un tel constat. De même qu’il y a Alicja et Kinga, une blonde et une brune aux cheveux très courts (et Gabriela Muskala, qui a écrit les dialogues, interprète le rôle magistralement au point d’en être habitée)
Un film qui mêle récit clinique et thriller psychologique. Sur le plateau de télévision le psychiatre se gargarise dans son jargon de clinicien alors que la "patiente" est figée ; dans les intérieurs froids et glacés Alijca peine à trouver des repères ; sur la plage tout son corps est devenu affolement quand l’enfant disparaît à la fois de son champ de vision et de l’écran ; dans une reptation hébétée elle semble répéter les gestes post traumatiques. Et tout un travail sur la lumière, ainsi qu’une mise en scène épurée -avec cette prédilection pour de longs plans fixes comme à distance des personnages-, contribuent à éviter les pièges d’un psychodrame conventionnel sur l’amnésie, et illustrent la dialectique aliénation /émancipation
Les premières images semblaient encoder ce dispositif : un cafard sort de la bouche d’une femme et se glisse dans un trou (dessin animé d’un pré-générique quasi surréaliste) ; une femme titubante vue de dos dans un tunnel, avance sur des rails ; puis arrivée à une station, grimpe sur le quai et nonchalamment s’accroupit pour uriner au milieu de la foule ! c’est le début du film. Ellipse. Encart Deux ans plus tard…
Une résurrection ? (une séquence où le personnage émerge d’une tombe semble corroborer cette remarque)
Non mais la promesse d’une aube nouvelle !
A ne pas rater!
Colette Lallement-Duchoze
Published by cinexpressions
18 mai 2019
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Documentaire réalisé par Lisa Immordino Vreeland (USA) 2017
Photographe, -de mode et de guerre-, illustrateur et chroniqueur, décorateur pour le cinéma et le théâtre, Cecil Beaton (1904-1980) fut un arbitre de son temps dont il a su capturer les changements culturels et politiques . Un héritage à la fois unique complexe et créatif
A priori ça ne me disait rien de voir ce documentaire sur le photographe officiel de la Reine Elizabeth II, mais Cecil Beaton (1904 -1980) c’est aussi le photographe de magnifiques photos dans Vogue, et le créateur des costumes du film “My fair Lady”.
Sa personnalité de Dandy très anglais à l’accent upper class résonne tout au long du film comme une musique si élégante en écho à Rupert Everett, la voix off du commentaire, si distincte et distinguée, elle aussi, douce et grave. Ce documentaire d’1 H 40 glisse donc sans ennui aucun et devient un régal pour tout anglophile qui se respecte.
Le personnage est complexe : homosexuel mais qui eut une relation amoureuse avec Greta Garbo au point de la demander en mariage. Avec ses amours et détestations superbement dites en toute franchise, son narcissisme non dénué de sens critique vis-à-vis de lui même, le personnage fasciné par l’esthétisme aristocratique a joué un rôle social d’importance en photographiant une petite fille blessée et triste, photo parue dans Life pendant la seconde guerre mondiale et qui eut de l’effet sur la population des Etats Unis au point de la faire adhérer à l’effort de guerre pour libérer l’Europe.
Les photos en noir et blanc qui défilent sont d’une beauté inouïe, même la reine insipide d’ordinaire se pare, grâce à l’artiste, d’un supplément d’âme en esquissant un sourire officiel.
Ce documentaire est très anglais , le spectateur se laisse envoûter par une chronologie, un montage didactique et léger, où on passe d’Hollywood aux manoirs anglais, aux scènes intimes et interdites.
En résumé, Voyage en hommage à l’art photographique et balade envoûtante autour d’un personnage désuet, énervant d’aliénation mais paradoxalement attachant.
A voir !
Serge Diaz
Que Rupert Everett, lisant les cahiers personnels de Cecil Beaton joue le rôle de narrateur, est certes un choix judicieux; que la multiplicité des points de vue (David Bailey Leslie Caron, Isaac Mizrahi, David Hockney Hamish Bowles Hugo Vickers etc.) soit en harmonie avec l'éclectisme de l'artiste quoi de plus "conventionnel" (et l'écran est souvent divisé, split screen);
Si le documentaire illustre les talents de l'artiste, on devine trop que Lisa Immordino Vreeland (comme pour Peggy Guggenheim d'ailleurs) privilégie l'efficacité à l'esthétique; et pour une personnalité aussi fantasque que celle de Cecil Beaton on eût souhaité plus d'extravagance dans la forme que la récurrence de plans sur les herbes et les fleurs de la propriété si chère à l'artiste, la rapidité dans le défilement d'images d'archives, les fondus enchaînés ou les quelques passages écran noir !!!!
Colette 20/05/19
Published by cinexpressions
14 mai 2019
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Pedro, 12 ans, erre avec ses amis dans les rues violentes d’une banlieue ouvrière de Caracas. Quand il blesse gravement un garçon du quartier lors d’un jeu de confrontation, son père, Andrés, le force à prendre la fuite avec lui pour se cacher. Andrés découvre son incapacité à contrôler son fils adolescent mais cette nouvelle situation rapprochera père et fils comme jamais auparavant.
En optant pour la sobriété, les ellipses et les non-dits, le silence plus évocateur que des dialogues, le réalisateur fait du spectateur un acteur à part entière….à lui de démêler les enjeux de ce drame social afin de mieux cerner la personnalité de Pedro et celle de son père aussi
Caméra à l’épaule Gustavo Rondon Cordova nous immerge tout d’abord dans une aire de jeux (improvisée) où des gamins semblent avoir acquis très vite les déviances des plus grands : agressions physiques et verbales invectives racistes ; scènes de la violence ordinaire dans ce quartier déshérité de Caracas. Mais le culte de l’amitié n’en demeure pas moins aussi vivace que celui du revolver ; en témoigne la réaction de Pedro quand son "pote" est menacé...L’acte fatal restera hors champ ; seul un corps dégoulinant de sang que va transporter le père de Pedro -moins pour prodiguer des soins que pour le soustraire aux regards quand il comprend que son fils aux habits maculés de sang, est sûrement l’assassin et qu'il faut lui éviter une vengeance implacable!
Et c’est la course contre la mort qui relaie cette longue séquence d’ouverture. Relation père/fils qui changera de nature au fil de cette errance ; où l’on voit le père "accepter" sans broncher des boulots précaires,, s’adonner au trafic d’alcool, pratiquer le travail au noir. Comme dans la première partie, le réalisateur refuse systématiquement tout artifice, son traitement vise l’épure (il suffit de regards échangés entre le père et le fils pour cerner une incompréhension réciproque un reproche ou une condamnation de même que les clivages sociaux se lisent dans l’opposition entre les constructions de villas luxueuses et les HLM minables) . Dans cette partie, il fait alterner scènes de violence contenue et plans plus contemplatifs (qui correspondent souvent aux moments de repos synonymes d’apaisement ainsi le plan sur le corps exténué de fatigue de l’enfant cadré comme un tableau et capté par une « caméra subjective » le point de vue du père)
Dommage que ce film à la réussite formelle indéniable ne soit pas plus largement diffusé! (il avait été sélectionné au festival de Cannes 2017 Semaine de la critique)
Colette Lallement-Duchoze
Published by cinexpressions
13 mai 2019
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de Sebastián Lelio
Avec Julianne Moore, John Turturro, Michael Cera, Caren Pistorius.
La cinquantaine frémissante, Gloria est une femme farouchement indépendante. Tout en étant seule, elle s’étourdit, la nuit, dans les dancings pour célibataires de Los Angeles, en quête de rencontres de passage. Jusqu’au jour où elle croise la route d’Arnold. S’abandonnant totalement à une folle passion, elle alterne entre espoir et détresse. Mais elle se découvre alors une force insoupçonnée, comprenant qu’elle peut désormais s’épanouir comme jamais auparavant…
De même que l’actrice transgenre Daniela Vega portait de bout en bout Une femme fantastique (2017) de même dans Gloria Bell, auto remake d’ailleurs de Gloria, c’est bien Julianne Moore qui par son jeu magistral et son omniprésence à l’écran, impose au film son mouvement sa pulsation ; bien plus ses déhanchements ou sa silhouette épousent les rythmes disco des chansons qu’elle affectionne tout particulièrement ; et le plan récurrent où au volant de sa voiture filmée de profil ou de 3/4 elle chante presque à tue-tête des tubes des années 80 le confirmerait aisément
Oui le film est servi par une actrice étonnante; la moindre sensation la moindre émotion sont lisibles dans un regard un sourire ; le dynamisme initial, les espoirs et connivences, la déception amère allant jusqu’au taedium vitae, toutes les nuances du paraître et de l’être, les intermittences du coeur, l’exaltation et l’enfouissement, les pièges du amare amabam, font vibrer cette femme d’âge mûr en quête d’émancipation …
Ajoutons le jeu tout en nuances de John Turturro, la construction circulaire (séquence inaugurale et séquence finale se font écho même si Gloria n’est plus tout à fait la même sans être tout à fait une autre ), une bande son originale (et la chanson Gloria de Van Morrisson des années 60 que l’on entend pendant le générique de fin)
Tout cela confère à Gloria Bell un charme certain aux accents d'apologue
D’où vient alors cette pénible sensation d’ennui qui peut s’emparer de certains spectateurs ?
Est-ce le "passage" obligé de soumission à certaines conventions de genre, en passant de Santiago version 2013 à Los Angeles ?
(Rappelons que c’est l’actrice qui a sollicité le réalisateur chilien pour un remake où elle tiendrait le rôle titre....)
Colette Lallement-Duchoze
Published by cinexpressions
7 mai 2019
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06:17
Alice est une adolescente qui entretient une relation compliquée avec sa mère adoptive Bogdana. Un jour, lors d’une discussion houleuse, Alice lui avoue qu’elle est enceinte et qu’elle souhaite garder l’enfant. Cet aveu affecte Bogdana qui a longtemps essayé d’avoir un enfant… Ce qui semble être une épreuve va pourtant renforcer leurs liens…
Tempérament volcanique, chevelure rouge flamboyant (une vraie tignasse) , c'est Alice T. 16 ans. Sa relation avec sa mère adoptive , avec ses copines, avec ses profs illustre une forte personnalité de rebelle; elle irrite, elle énerve, elle épuise -du moins au début (c’est le type d’ado qui sèche les cours, ment impunément, se querelle avec tous, recherche des relations sexuelles avec des hommes beaucoup plus âgés et surtout -signe des temps- ne saurait se passer de son téléphone portable dont les sonneries intempestives ponctuent et perturbent son "itinérance") - Bien plus, en passant de la "haine" à une forme de connivence avec Bogdana (sa mère adoptive) ou de la complicité à l’engueulade avec Cesonia sa copine, Alice est surtout imprévisible. Décidée à garder l’enfant, elle parvient à convaincre Bogdana mais à l’insu de sa "mère", elle avale des pilules abortives… (longue séquence dans l’appartement de sa copine où elle saigne abondamment, -au grand dam de Césonia comme si le rouge qui tache canapé baignoire sol et mur était indélébile ; un rouge en harmonie avec sa chevelure, un rouge vivifiant aussi si on accepte ses différentes connotations). Alice regarde amusée les "prévenances" complices de celle qu’elle gruge (alors que cette "mère" stérile vit une grossesse par procuration...); et la séquence finale peut laisser perplexe…Quel sens donner à ses pleurs?
À travers le personnage d’Alice T (admirablement interprété par la jeune Andra Guti récompensée au festival de Locarno en 2018 ) c’est l’image sans fard d’une adolescente -et partant d’une adolescence – versée dans l’affabulation et ses outrances; mais avec une vitalité (présence, rires, regards) si communicative.... qu'elle entraîne parfois l'adhésion voire l'empathie . Le cinéaste ne juge pas, n’explicite pas (quelques bribes glanées çà et là sur la relation au père géniteur ; une séquence consacrée à une fête familiale) . Il livre en longs plans séquences et cet art du cadrage qui enferme un visage ou s’attarde sur un détail, une vision à la fois réaliste et comme désenchantée (putain de vie de merde) d’une génération qui peine à communiquer (alors qu'on ne cesse de parler ….). Au spectateur de démêler... ou tout simplement de se laisser porter
Mais dans Alice T c’est bien la relation mère/fille adoptée qui est au premier plan et le cinéaste en illustre toute la complexité : attraction et rejet ; confidences et mensonges ; amour et haine ; confiance et suspicion. Bogdana cette "mère" stérile ne joue-t-elle pas le rôle de miroir inversé ?
À voir
Colette Lallement-Duchoze
Published by cinexpressions