31 mai 2018 4 31 /05 /mai /2018 05:58

De Stéphane Brizé

avec Vincent Lindon Mélanie Rover, Jacques Borderie

en compétition officielle au festival de Cannes 2018

Malgré de lourds sacrifices financiers de la part des salariés et un bénéfice record de leur entreprise, la direction de l’usine Perrin Industrie décide néanmoins la fermeture totale du site. Accord bafoué, promesses non respectées, les 1100 salariés, emmenés par leur porte‑parole Laurent Amédéo, refusent cette décision brutale et vont tout tenter pour sauver leur emploi.

En guerre

Le temps médiatique est trop rapide, le temps de la fiction permet de contextualiser d’exposer la genèse de démonter des mécanismes -propos du réalisateur lors d’une interview. Stéphane Brizé s’est inspiré d’un épisode amplement "montré" dans les médias (en 2015 un DRH d’Air France s’est vu arracher sa chemise par des grévistes en colère). Les chaînes en continu se sont appesanties sur cet épisode. Le cinéaste lui se pose la "vraie" question « comment a-t-on pu en arriver là ?  car un ouvrier ne se lève pas le matin en se disant « tiens je vais arracher la chemise d’un DRH » Ce que les médias "montrent" de façon fragmentaire et réductrice, la fiction qui se nourrit du même réel, sera à même, grâce à sa dramaturgie, d’en relier les morceaux épars.

Ainsi, aux bribes tronquées, aux commentaires hâtifs- ceux des téléreportages qui ouvrent et parsèment le récit- s'oppose en contrepoint une immersion dans le vécu des ouvriers; décidés coûte que coûte à sauver leur emploi, ils se battent en "guerriers" valeureux : âpres négociations, démarches juridiques, rencontres avec les conseillers des ministères, attente d’un rendez-vous avec la direction allemande, rencontre au sommet: TOUT est tenté pour éviter le pire, la fermeture de leur usine...Et le prologue coup de poing semble correspondre à la "préparation" des forces en présence dans une "guerre"  qui ne dit pas son nom (mais la VIOLENCE n'est-elle pas  au coeur du système ultra libéral?) 

Plans moyens pour tous (délégués syndicaux, représentants de l'Etat, patrons etc.) , mouvements rapides d'une caméra virevoltante dans l'affrontement forces de l'ordre et grévistes par exemple, musique "violente" avec crescendo jusqu'au silence abrupt de l'écran noir, séquences restituées sans bande-son alors que l'on devine la colère sur les bouches enflammées, tout cela fait de "en guerre" un film haletant à l'énergie "convulsive", aux allures de documentaire, certes.  Mais...

Celui qui combat peut perdre, mais celui qui ne combat pas a déjà perdu. Cette phrase de Bertolt Brecht citée en exergue  illustrerait avec pertinence les "conflits" de ces dernières années Goodyear Continental Whirlpool. Par son énoncé laconique elle enjoint les individus à se responsabiliser quels que soient l'enjeu et le résultat. En guerre est le récit d'un combat ....perdu....

Rétrospectivement la phrase résonne douloureusement. Stéphane Brizé, qui ne verse nullement dans le manichéisme insiste sur les fissures et particulièrement celles qui lézardent le "front syndical" -au grand dam du délégué cégétiste Laurent Amédéo (admirable Vincent Lindon) qui incarne le héros de cette épopée des temps modernes.

Ken Loach à qui l'on compare Stéphane Brizé -au prétexte que ce dernier  a réalisé deux films ancrés dans la réalité sociale du régime capitaliste-, aurait traité différemment cette lutte collective....Où l'on mesure toute la différence entre un film politique (Brizé) et un film militant (K Loach)! 

 

En guerre ou le destin tragique d'un délégué syndical (cf l'affiche)

 

Colette Lallement-Duchoze

 

 

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28 mai 2018 1 28 /05 /mai /2018 07:11

De Damien Manivel et Kohei Igarashi Japon, France 

 

avec Takara Kogawa, Keiki Kogawa, Takashi Kogawa, Chisato Kogawa (la famille Kogawa joue son propre rôle) 

Présenté à la 74ème  Mostra de Venise dans la section Orrizonti  

Les montagnes enneigées du Japon. Comme chaque nuit, un poissonnier part travailler au marché en ville. Takara, son fils de six ans, n'arrive pas à se rendormir. Dans la maison silencieuse, le petit garçon dessine un poisson sur une feuille qu'il glisse dans son cartable. Le matin, sa silhouette ensommeillée s'écarte du chemin de l'école et zigzague dans la neige, vers la ville, pour donner le dessin à son père.

Takara, la nuit où j'ai nagé

Le film s’ouvre sur un long plan fixe : des flocons de neige -vus à travers une fenêtre - voltigent dans la nuit …Puis voici le père assis à la cuisine il allume une cigarette -sur son briquet, le logo d’un espadon- ; plan intérieur nuit ; gros plan sur une casquette numérotée ; départ en voiture -plan extérieur nuit.

Avant même que Takara son enfant de 6 ans ne s’extirpe de son lit le spectateur dans le silence de la nuit aura décelé ces indices qui vont baliser le jour qui se lève mais un jour qui ne sera pas "comme les autres"….Takara apparaît tel un petit animal ou un diablotin il rampe  jusqu’à la cuisine ; insomniaque il dessine des poissons multicolores (pieuvre et tortue) C’est le cadeau qu’il veut offrir en mains propres à son père sur son lieu de travail; et aux abords de l’école, il  va "prendre la tangente"

 

Errance dans la neige. Nous sommes à Aomori, au nord de l’Archipel. Les deux réalisateurs vont  suivre Takara  en le filmant à hauteur d’enfant invitant de ce fait le spectateur à adopter son point de vue sur le monde environnant. Petit Poucet il émerge d’un monticule de neige. Le voici assoupi sur un banc à une station de chemin de fer, avant de prendre le train. Il s’égare, bifurque, revient sur ses pas. Il brave une tempête de neige. Si le petit poucet de Rimbaud égrenait des rimes, lui, va retrouver, (en faisant défiler les images enregistrées dans son appareil)  la route qui doit le conduire à la poissonnerie…. où travaille son père…. trop tard !

Le périple aura duré une journée entière entre ombre et lumière, entre amertume et jovialité

 

Un "conte" sans dialogues ; un soin particulier accordé aux bruitages (crissements sur la neige par exemple) des plans fixes aux cadrages savants ; une image à la texture travaillée, un mélange de grâce et de cocasserie ; tout cela fait que Takara la nuit où j’ai nagé est dans sa narration comme dans  sa réalisation,  un film rare!

À voir absolument !

 

Colette Lallement-Duchoze

 

PS  Damien Manivel nous avait déjà "envoûtés" avec  "Le  parc"

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26 mai 2018 6 26 /05 /mai /2018 05:52

Documentaire réalisé par Apostolos Karakasis (Grèce) 2015

Lorsqu'une usine ferme à Thessalonique, 70 employés courent le risque de ne plus jamais trouver de travail. Ils décident alors d'occuper l'usine et de la faire fonctionner eux-mêmes. Sur les ruines de l'économie la plus ravagée d'Europe, une utopie égalitaire est en train de naître. Un an après l'occupation, des conflits internes surgissent.

 

Prochain arrêt : Utopia

Les premiers plans surplombent  la ville de Thessalonique alors que s’affichent dans un encadré de terribles chiffres et pourcentages (le nombre d’usines fermées, le taux de chômage). Puis voici des plans rapprochés sur l’usine vide et  sur les ateliers de fabrication,  déserts.... La Grèce frappée de plein fouet….par la "crise"

Et pourtant malgré le nombre toujours plus impressionnant de chômeurs, les employés de l’usine de matériaux de construction Vio.Me décident d’occuper l’usine de la faire fonctionner eux-mêmes. Utopie ? Oui (certains interviewés ne connaissent pas le terme "autogestionnaire") une utopie en marche contre les "cow-boys de la finance", contre les lois préconisant et instituant le règne de la propriété privée des moyens de production, et contre leur ex patronne.

 

Ce documentaire est la chronique d’une "victoire". Apostolos Karakasis a suivi le parcours de ces "autogestionnaires"  depuis la fermeture de Vio.Me,  l’appropriation des moyens de production, le changement d’orientation -on fabriquera des détergents naturels respectueux de l’environnement - (le message est clair "un autre mode vie radicalement différent est possible") ; en encadré couleur bistre apparaît à intervalles réguliers le nombre de jours d’occupation)

Il met à nu les énormes difficultés auxquelles les travailleurs sont confrontés et le spectateur a l’impression que tout va foirer….Tant d’obstacles ; problèmes d’ordre administratif législatif économique et querelles internes ; menaces d’expulsion et menaces de dissolution ; autant de risques de délitement

Le documentariste filme les assemblées générales -le collectif – où s’affrontent les points de vue,  où se prennent les décisions Comment s’organiser sans hiérarchie ? Comment répartir les tâches ? Fixer les horaires les salaires ? Comment choisir ce que l’on produit, comment on le produit, comment on le vend au sein de la concurrence capitaliste ? Etc.. Et en contrepoint voici le  "témoignage"  et les "commentaires"  de l’ex patronne -visage face à la caméra

L’itinéraire est balisé par la visite d’homologues argentins (ceux de la fabrique de céramique Zanon FaSinPat " usine sans patron" qui depuis 2002 a « réussi » son pari) et la venue de Naomi Klein -la cour de l’usine s’est métamorphosée en une salle de conférence à ciel ouvert- rappelons qu’elle-même a popularisé dans "the take" 2005 les expériences menées en Argentine

Quelle est la validité d’une loi qui loin de promouvoir le droit au travail met tout en œuvre pour le saboter allègrement ….. ?

 

Exemple de ténacité dans une situation économico-juridique tendue Prochain arrêt Utopia est l’illustration d’une économie sociale et solidaire réussie 

on n’emploie plus le pronom « je » préconise -t-on lors d’une assemblée ;

dans un autre pays ils iraient en prison affirme cynique (?)  l’ex patronne…

 

Un documentaire à ne pas rater!!!

 

Colette Lallement-Duchoze

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17 mai 2018 4 17 /05 /mai /2018 04:35

De Egle Vertelyte (Lituanie) 

 

avec Eglé Mikulionyté, Vyto Ruginis, A. Bialobzeskis

1992. Quelque part en Lituanie. Peu de temps après la chute du communisme, Irena, gérante d'une ferme porcine modèle de l'époque soviétique fait tous ses efforts pour l'adapter au nouveau système capitaliste. L'arrivée très démonstrative de Bernardas, businessman américain à la chevelure orangée, est perçue par Irena, comme la réponse à toutes ses prières. Sauveteur aux poches remplies de dollars, animé par les meilleures intentions, il dévoile progressivement des intérêts beaucoup moins nobles.

Miracle

Une femme ensevelit un énorme porc  (ou une truie?) Gros plan sur ses mains rageuses qui le recouvrent de terre puis la femme épuisée (?) s’évanouit….C'est la première séquence. 

Le film en un long flash back va retracer le parcours d’Irena -du moins ce qui a causé la mort de l’animal et provoqué sa propre pâmoison.....deux indices d'une double métamorphose !!! deux illustrations  d'une double mort (toute symbolique fût-elle...)

Vu d’ici ce film peut résonner profondément ; comment on est passé de l’ère stalinienne à celle de la "mondialisation", comment on a dû changer à la fois d’idéologie et de système économique…comment des Occidentaux ont débarqué afin de racheter usines et bâtiments sur la seule foi de leurs  promesses

La réalisatrice accentue le contraste (parfois jusqu’à la caricature) entre la morosité, la désolation  et l'exubérance; d’un côté une toile de fond grisâtre, des couleurs délavées ou terreuses– à l’image d’un pays exsangue-  de l’autre une Cadillac rutilante et un personnage caracolant ; d’un côté les ruines de l’ère soviétique de l’autre la métaphore du rêve américain ???

Mais le scénario dégage vite une figure dominante celle d’Irena que la réalisatrice filme de près. Femme sûre d’elle-même qui a charge d’âme (un mari alcoolique) et qui dirige avec fermeté l’entreprise porcine, -elle qui semble plus en empathie avec ses animaux qu’avec les humains – Victime dans un premier temps de la haine de ses employés qu’elle ne peut plus payer ; mise au ban de la société villageoise, c’est elle qui accepte l’aide inespérée de l’étranger….Mais elle est aussi une victime idéale -quand elle rêve de partager avec Bernardas  -Vyto Ruginis-  la future exploitation et qu’elle est complice de l’abattage de tous les arbres à la recherche du magot.....L'actrice Eglé Mikulionyté incarne  admirablement ce mélange de rusticité et de sensualité, de fermeté et de fragilité,  typique du personnage! 

Épilogue : Irena qui ne fréquentait plus l’église, va traverser l’allée centrale sous l’oeil effaré des "fidèles" - porteuse d’un autre "miracle" !!

 

Cela étant, ce film par certains choix (scénaristiques) et malgré une forme d’humour (qui va jusqu’à l’absurde) malgré la musique (qui fait la part belle aux ballades joyeuses) n’est pas vraiment à la hauteur de ses ambitions

Dommage

 

Colette Lallement-Duchoze

 

 

D'accord avec toi Colette ! 

La chute du film est assez nulle au demeurant et déstabilise sans intérêt le ton général.

Grosse faiblesse qui retire l'adhésion du spectateur au personnage central.

Serge 17/05/2018

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8 mai 2018 2 08 /05 /mai /2018 06:38

De Babak Jalali (Mexique USA) 

Avec Rod Rondeaux, Florence Klein, Wilma Pelly, James Coleman

 

Présenté au festival de Berlin (Sélection Panorama) 

Land se déroule au Nouveau-Mexique, dans la réserve indienne de Prairie Wolf et ses alentours. C’est l’histoire de trois frères appartenant à la grande famille des DenetClaw. Raymond, l’aîné, est un alcoolique repenti. Il travaille dans une exploitation de gros bétail pour nourrir sa famille. Wesley, le second, côtoie quotidiennement la population blanche aux abords de la réserve, surtout Sally, propriétaire d’un bar où il boit tous les jours. Floyd, le plus jeune de la fratrie, se bat sur le front afghan. Alors qu’un officier de l’armée américaine annonce à la famille la mort de Floyd, Wesley est passé à tabac par une bande de jeunes et tombe dans le coma. Raymond décide de le venger.

Land

Un film saisissant et d’une rare puissance sur l’humilité et la dignité d’Indiens d’Amérique -native americans- vus par un regard étranger (le réalisateur est londonien d’origine iranienne)

Tout étant -faut-il le répéter ad nauseam- dans la façon de filmer : ici plans fixes, souvent, cadrés comme des compositions, ellipses et non-dits à l’instar de ces douleurs muettes ou du silence emblème de fierté, lenteur du rythme, travail sur les couleurs et la lumière, alternance vues quasi panoramiques sur une immensité désertique et plans plus rapprochés sur l’intime avec de légers mouvements de travelling,  jusqu’à ce plan final qui nous entraîne hors cadre....

 

Certes le réalisateur exploite deux thématiques devenues clichés l’alcoolisme et le désœuvrement des Indiens mais c’est pour mieux les désamorcer : aux paroles de la mère " il y a encore des Indiens abstinents" répondent en écho celles de son fils Ray sur son passé d’alcoolique et l’abstinence de son épouse; en contrepoint on montre du doigt la tenancière du Bob’s Liquor Store et ses fils qui précisément vivent de la vente d’alcool…cette forme d’emprise de la colonisation américaine. Le plan final qui nous entraîne hors de la réserve dans cette immensité désertique -tout comme Ray entraîne son frère vers un centre de désintoxication- suggère peut-être une forme de réhabilitation…

 

Comme le titre l’indique le thème essentiel est le " territoire" : gros plans sur les panneaux « entrée réserve  Prairie Wolf» et « vous venez de quitter la réserve » Un territoire balisé, des frontières démarcations, interdites aux "colonisateurs" (le cercueil où repose le corps du jeune frère tué d’une balle dans la tempe en Afghanistan aura pour convoi funèbre les habitants de la réserve alors que les représentants de l’US Army sont invités à rester à l’extérieur ; alors que le drapeau américain qui sert de linceul restera plié au sol, remplacé par celui de la tribu; on respecte ses propres rites en refusant  la civilisation occidentale; frontières qui symboliquement entachent le long discours  du Major Robertson ; la famille ne pourra pas percevoir la compensation de 100 000 dollars car le fils a été tué hors de son unité….les témoignages des autres soldats faisant foi ....

 

On sort comme pétrifié face à cette "lente agonie" , à l’instar de ces visages ridés qui se marient aux paysages arides

 

Dernière séance ce jour à 21h45 Omnia 

 

Colette Lallement-Duchoze

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6 mai 2018 7 06 /05 /mai /2018 06:45

De Yann Le Quellec 

avec Bonaventure Gacon (Cornélius) Anaïs Demoustier (Carmen) Gustave Kervern (le maire Cardamone) Christophe Paou (Gazagnol) Solange Milhaud (Mme Cardamone) Denis Lavant (Dr De Chomo) Camille Boitel (commis épicerie)

Un beau jour, un village du bout du monde voit s'installer un mystérieux visiteur, Cornelius Bloom, qui aussitôt se lance dans la construction d'un moulin. D’abord bien accueilli, le nouveau meunier a malheureusement un défaut: toutes les nuits, il hurle à la lune, empêchant les villageois de dormir. Ces derniers n’ont alors plus qu’une idée en tête : le chasser.  Mais Cornelius, soutenu par la belle Carmen, est prêt à tout pour défendre sa liberté et leur amour naissant

Cornélius, le meunier hurlant

Trois crabes filmés en très gros plans émergent du sable ; non loin de là s’extrayant du même milieu sablonneux voici Cornélius alors que nous entendons la Complainte du meunier interprétée par Iggy Pop et Anaïs Demoustier

Le ton est donné. Ce chercheur de vent fait corps avec les éléments naturels ; tout comme est rocailleuse la voix du chanteur. Car il s’agit bien de Corps : corps pétrifié, corps convulsé quand à la tombée de la nuit des secousses incontrôlables l’électrisent ; seuls des hurlements effrayants guérissent momentanément ce mal. Un mal qui provoquera  son malheur…Si Cornélius , (lui le bourru terrien subjugué par les charmes de Carmen)- cherche à s’implanter dans une communauté - donc respecter certaines normes- il ne peut aller à l’encontre de sa singularité….dont le hurlement serait la métaphore....

 

Librement adapté du roman « le meunier hurlant » du Finlandais Arto Passilinna ce premier long métrage de Yann Le Quellec mêle avec plus ou moins de brio poésie humour burlesque western danses et chant...Les costumes des villageois, les ambiances,  la présence tutélaire d’une vieille femme qui tricote le temps et l’espace, semblent intemporels alors que le moulin -patiemment construit par Cornélius sur ce terrain à vendre du « bout du monde »- ressemble étrangement à une boîte à musique ou à un laboratoire avec ses engrenages et ses tuyaux.

L’acteur Bonaventure Gacon, qui vient du cirque, prête au personnage éponyme son talent d’équilibriste et de contorsionniste alors que hirsute il se met souvent à beugler comme un forcené (la séquence à l’asile -un milieu insalubre aux couleurs verdâtres-, en dit long sur l’incompétence notoire des prétendus spécialistes et les protocoles d’enfermement ; cette séquence était annoncée par la scène du face à face avec le médecin - inénarrable Denis Lavant !!!

 

Un conte humaniste certes dont l’apologue est en résonance avec l’actualité ; une fable où la nature épousant les errances du meunier est un personnage à part entière et les paysages sont d’une beauté sidérante !

 

Et pourtant ce film peut décevoir : est-ce dû au rythme ?à l’intrigue ? Aux personnages secondaires ? Au schématisme? Aux dialogues ?

À vous de juger...

 

Colette Lallement-Duchoze

 

Personnellement je trouve que rien ne manque à ce film que j'ai adoré.

Tout dépend de l'effet de charme que produisent les deux acteurs principaux ( le clown Bonaventure Gacon et Anaîs Demoustier) sur chaque spectateur .

J'ai été emporté par leur poésie, et la très bonne musique, qui enveloppe ce conte pour adultes si émouvant, comme un beau papier cadeau. 

Serge Diaz 15/05/2018

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4 mai 2018 5 04 /05 /mai /2018 15:17

Documentaire réalisé par Nicolas Wadimoff 2017 (Suisse) 

En 1964, le Che demanda au jeune Jean Ziegler de rester en Suisse pour lutter depuis le « cerveau du Monstre capitaliste ». Par la suite, comme écrivain, professeur, député et collaborateur de Kofi Annan, l’homme n’a eu de cesse, à travers ses livres et ses discours, de fustiger les injustices, le pouvoir des oligarchies capitalistes et les responsables de la faim dans le monde. Aujourd’hui, à l’âge de 82 ans, ses livres se vendent dans le monde entier et il se bat encore, au sein de l’ONU, pour honorer sa promesse au Che. Son retour à Cuba prend des allures de confrontation entre sa pensée et le destin de cette nation qu’il considère comme matrice des forces anticapitalistes. C’est un dialogue entre réalité et symbolisme : quel futur pour l’anticapitalisme ? Ziegler fait-il partie des vainqueurs ou des perdants face au « Monstre » ?

Jean Ziegler, l'optimisme de la volonté

Un documentaire construit autour de la maxime de Gramsci -qui invitait à marier "le pessimisme de l’intelligence et l’optimisme de la volonté". Voici un ancien élève Nicolas Wadimoff, le réalisateur, il pose les questions (voix off) contredit -souvent- il incarnerait le pessimisme de l’intelligence  et voici Jean Ziegler octogénaire infatigable militant altermondialiste communiste, c’est lui  l’optimisme de la volonté  Il a toujours avec lui trois documents trois aiguisoirs à indignation: une photo d'enfants défigurés par le noma- maladie liée à la malnutrition- le rapport du World Food parce que la faim "c'est le crime organisé"  et la Déclaration des droits de l'homme "une arme pour l'insurrection

Un documentaire qui n’est nullement  hagiographie.  Ce n’est pas un biopic (le passé sera évoqué en deux courtes séquences d’archives, l’essentiel étant le combat actuel);  les contradictions du personnage sont mises à nu, vite éludées d’ailleurs par des sophismes. L’exemple le plus probant concerne la « liberté de la presse » l’essentiel pour le penseur est de constater qu’à Cuba santé alphabétisation sont au rendez-vous, quitte à sacrifier la liberté de la presse (c’est le principe dit des priorités)

Intellectuel sociologue pourfendeur des « fonds vautours », militant à la foi inébranlable en la révolution cubaine (l’essentiel du documentaire est d’ailleurs tourné sur cette île) convaincu qu’un monde plus juste et solidaire est possible, un homme dans l’intimité avec sa femme Erica ou fragilisé sur son lit d’hôpital : c’est l’objet de ce documentaire -portrait. Il s’ouvre sur le rappel de son parcours agrémenté de photos d’archives ; puis nous voyons Jean Ziegler à l’ONU (rapporteur spécial sur la question du droit à l’alimentation dans le monde ; il est aussi membre du Comité consultatif du Conseil des droits de l’homme) et durant son voyage à Cuba en compagnie de sa femme.

On sait qu’il a été autant admiré que détesté (ce dont témoigneraient les procès).  Nicolas Wadimoff va au-delà de ce clivage; il dévoile une sagacité d’esprit, une pensée -fût-elle contradictoire- un enthousiasme -fût-il aveugle- et il filme avec empathie Erica la compagne et muse du penseur – Certes elle parle peu dans le documentaire mais son regard son sourire son ironie sont si éloquents !!.

Pénurie affirme-t-elle Non poésie répond-il

Erica va prendre le train "sois prudente à Paris"  lui enjoint Jean Ziegler désormais seul, sur le quai…

 

Un documentaire à ne pas rater!!!

 

Colette Lallement-Duchoze

 

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3 mai 2018 4 03 /05 /mai /2018 08:02

Pour sa 18ème édition, le festival Courtivore vous ouvre les portes de son grand frigo magique ! Tel un chef qui sélectionnerait avec passion chaque ingrédient de sa recette à succès, notre équipe de bénévoles a fait son marché parmi les films qui lui ont été soumis (près de 1100 candidatures !) et vous a concocté une programmation de courts métrages digne d’un restaurant cinq étoiles. 

Du 16 mai au 8 juin 2018, vous trouverez dans votre assiette une sélection compétitive de 24 courts-métrages de tous genres (fictions, documentaires, animation…). Ils seront répartis en 3 actes, les 16, 23 et 30 mai au cinéma l’Ariel. Comme toujours, les spectateurs seront consultés lors des projections pour élire les 6 films finalistes puis le lauréat du prix du public (lors de la finale le 8 juin à l’Omnia). 

La sélection “En short” permettra à nos jeunes cinéphiles en culottes courtes (6 ans et plus) de découvrir 8 autres films et de remettre également un prix dédié. 

Enfin, cette année, nous avons multiplié les partenariats pour pouvoir vous offrir 4 projections thématiques (gratuites ou à prix libres) sur des sujets aussi variés que l’envol, le langage, Marcel Duchamp ou la sexualité !

Festival Courtivore 18ème édition du 16 mai au 8 juin
ACTE 1

MERCREDI 16 MAI / CINÉMA ARIEL / 20H

Compétition : le vote du public qualifiera pour la finale du festival, 2 films sur les 8 présentés dans cet acte. Un invité ou un film surprise vous sera présenté durant le dépouillement des bulletins de vote.

ACTE 2

MERCREDI 23 MAI / CINÉMA ARIEL / 20H

Compétition : le vote du public qualifiera pour la finale du festival, 2 films sur les 8 présentés dans cet acte. Un invité ou un film surprise vous sera présenté durant le dépouillement des bulletins de vote

ACTE 3

MERCREDI 30 MAI / CINÉMA ARIEL / 20H

Compétition : le vote du public qualifiera pour la finale du festival, 2 films sur les 8 présentés dans cet acte. Un invité ou un film surprise vous sera présenté durant le dépouillement des bulletins de vote.

LA FINALE

VENDREDI 8 JUIN / CINÉMA OMNIA / 20H

Rediffusion des 6 films finalistes sélectionnés par le vote du public pendant les actes (les 2 premiers de chacun des actes) + diffusion du film primé par le jury 18/30 + remise des prix aux gagnants et cocktail de clôture.

La sélection sera dévoilée après les actes…

http://courtivore.com/edition-2018/

 

 

 

 

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29 avril 2018 7 29 /04 /avril /2018 18:55

De Jean-Paul Civeyrac

Avec Andranic Manet, Gonzague van Bervesseles, Corentin Fila

 

Présenté au festival de Berlin (Sélection Panorama) 

Étienne quitte sa province pour étudier le cinéma  à Paris à l’université. Il y rencontre Mathias et Jean-Noël qui nourrissent la même passion que lui. Mais l’année qui s'écoule va bousculer leurs illusions…

 

Mes Provinciales

Il serait dommage de passer à coté de ce film en noir et blanc discret mais très riche en thèmes abordés.

Cela se passe aujourd’hui mais l’ambiance rappelle terriblement Jean Eustache (La maman et la putain). Le réalisateur connaît bien le milieu de ces jeunes qui montent à Paris pour apprendre à faire du cinéma. A 20 ans les illusions nous poussent, les exigences sont fortes, l’amour et l’amitié prennent toute leur place dans le quotidien. Les enthousiasmes mais aussi les doutes et déceptions, voire les grandes désillusions jalonnent le parcours étudiant.

Jean-Paul Civeyrac dresse un tableau assez complet des états d’âme de ces jeunes de 20 ans cultivés, passionnés, libres mais seuls dans un Paris où l’on découvre un nouveau monde tout en gardant une nostalgie déjà pour sa province natale. La tonalité générale est mélancolique, voire triste, l’humour qu’on attribue à cette classe d’âge habituellement n’apparaît pas.

 

Il y a un grand charme qui traverse cette histoire à travers une dizaine de personnages intéressants. L’ accompagnement musical souligne le “mood” du personnage central, calme, intériorisé, mélancolique,  sans écraser (superbe adagio de la 5ème symphonie de Mahler, un rappel de Mort à Venise...).

 

Enfin, pour les cinéphiles c’est un festival de réflexions sur différentes conceptions du cinéma, mêlées à la politique et aux choses de la vie.

 

“Mes provinciales” est truffé de références littéraires et nous offre une belle balade réflexive pour tous les âges : le cinéma comme on l’aime.

 

Serge Diaz

 

 

Oui il eût été dommage de passer à côté de ce film !!! qui démontre que "l'on est continuellement irreconnaissable, éternellement contraire" 

L'incandescence d'une jeunesse (cf les titres de certains chapitres,  la poésie de Novalis ou Nerval) qui  s'en vient  heurter l'Immanence (cf le dernier plan)

Les références littéraires et cinématographiques ne sont pas "ornementation" elles habitent ces jeunes amoureux d'absolu, ces jeunes cinéphiles -dont certains sont très intransigeants et la référence à l'ouvrage de Blaise Pascal en témoigne (refuser  catégoriquement tous les arrangements)

Et ce noir et blanc comme hors du Temps!!

Cette façon de capter les visages à la Brancusi!

Etc...

Oui il eût été dommage de....

Colette

8/05/2018

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28 avril 2018 6 28 /04 /avril /2018 06:40

De Samuel Maoz 2017 (Israël, Allemagne) 

avec Lior Ashkenazi (Michael), Sarah Adler (Dafna), Yonaton Shiray (Yonatan), Shira Haas (Alma), Karin Ugowski (la mère de Michael)

 

 

Grand prix du jury Mostra de Venise 2017

Michael et Dafna, mariés depuis 30 ans, mènent une vie heureuse à Tel Aviv. Leur fils aîné Yonatan effectue son service militaire sur un poste frontière, en plein désert. Un matin, des soldats sonnent à la porte du foyer familial. Le choc de l’annonce va réveiller chez Michael une blessure profonde, enfouie depuis toujours. Le couple est bouleversé. Les masques tombent.

Foxtrot

Un pas en avant, un pas à droite un pas en arrière un pas à gauche et on revient au point de départ...c’est le principe du foxtrot expliqué illustré par Michael (le père) à la fin du film.  C’est son exécution contorsionniste par le fils à un poste frontière ; c’est dans le film de Samuel Maoz la métaphore d’une société gangrenée par son immobilisme - des indices de changements (ici dans l’interprétation de la danse) ne concerneraient que la forme

Construit comme une tragédie à l’antique avec dans chacun des trois actes des rebondissements en écho, le film nous fait d’abord pénétrer dans le huis clos d’un appartement cossu à Tel -Aviv puis nous transporte à un poste frontière tenu par de très jeunes militaires, dont Yonatan le fils de Michael et Dafna,  dans une sorte de no man’s land, avant de revenir au point de départ : l’appartement des parents. Une tragédie qui mélange les genres (drame familial, film de guerre, farce absurde) les tonalités (pathétique, humour tragique) mais aussi les formes (inclusion de séquences animées) avec une seule thématique (interrogation sur le passé et le devenir de l’État d'Israël : la mémoire de la Shoah incarnée par la mère de Michael qui a perdu ses repères et ne peut s’exprimer qu’en allemand...la même guerre de conquête et ses mêmes traumas sur deux générations.) .

 

"déstabiliser le spectateur dans la première partie, l’hypnotiser dans la deuxième et l’émouvoir dans la troisième"  tel était le vœu du réalisateur. Pari réussi ? On peut en douter...

Dès le début le spectateur peut être agacé (et non déstabilisé) Pourquoi ? Une bande son trop puissante, des plans en plongée surplombant les personnages ;-dont le réalisateur use et abuse- on pourra toujours rétorquer que cette façon de filmer illustre la métaphore « tragédie du destin dont les dieux seraient les seuls artisans réduisant les êtres humains à de simples marionnettes. »..Ouais...Et comme si cela ne suffisait pas voici cette enfilade de portes qui claquent des cris hurlements quasi hystériques ; qu’ajoutent ces procédés à la douleur torturante de l’absence -les parents viennent d’apprendre la mort de leur fils « tombé en mission » ?. Mais une contre-information -qui en dit long sur la fiabilité du service de renseignements- s'en vient briser la Douleur...Et l’on sera de nouveau confronté à une forme de grandiloquence dans la troisième partie

La deuxième partie serait de loin la plus "réussie" Nous sommes aux côtés du fils  à un poste frontière ; le misérabilisme des conditions matérielles se marie avec la boue et la solitude alentour ; à chaque passage de dromadaire il convient de lever la barrière ; mais à chaque passage de Palestiniens le contrôle est plus tatillon on devine même le plaisir sadique d’humilier. Mais ne sommes-nous pas impliqués dans une forme de mirage absurde? Le logement-conteneur s’enfonce dans le sable à raison d’un centimètre par jour ; les automobilistes tels que les voit, fantasme ou dessine Yonatan sont momentanément figés dans des spots de lumière aveuglante et comme dans Valse avec Bachir ces êtres bien vivants sont désincarnés ; la photo qui apparaît en gros plan sur l’écran de contrôle (avec la mention clear) est seule garante d’une existence à redouter ou non dans le climat délétère de la "sécurité à tout prix".  Et ce sera la scène de la bavure (contrastant  cyniquement avec la déambulation nonchalante du dromadaire) une bavure vite étouffée ….-on enterre voiture et morts tout comme on enfouit la vérité- Rappelons que cette séquence a fait réagir violemment la Ministre israélienne de la Culture (qui n’avait pas vu le film…) Or la devise n’est -elle pas depuis des décennies "tu tires d’abord, tu réfléchis ensuite".  Après tout qu’importent les morts si l’honneur de Tsahal est sauf (les soldats étaient en situation de légitime défense) ?

 

On retrouve dans ce film le lieu commun du soldat enrôlé manipulé pris dans l’engrenage de la violence dont il est complice et/ou témoin. Et c’est là où le bât blesse comme dans Z32 ou Valse avec Bachir : la seule victime à laquelle éventuellement s’identifier serait le jeune conscrit ...(dans la troisième partie de Foxtrot, les aveux du père sur son passé de militaire  sont éloquents…)

Ainsi une habile subversion des rôles cloue au silence les vraies victimes ….

 

Colette Lallement-Duchoze

 

 

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