11 novembre 2019 1 11 /11 /novembre /2019 10:21

Documentaire réalisé par Patricio Guzmàn  (Chili)

 

Personnes interviewées:  Francisco Gazitua, Vicente Gajardu (sculpteurs)  Pablo Salas (scénariste documentariste) , Jorge Baradit (écrivain),  Javiera Parra (chanteuse) 

 Œil d'or du meilleur documentaire au dernier Festival de Cannes

 

Au Chili, quand le soleil se lève, il a dû gravir des collines, des parois, des sommets avant d’atteindre la dernière pierre des Andes. Dans mon pays, la cordillère est partout mais pour les Chiliens, c’est une terre inconnue. Après être allé au nord pour Nostalgie de la lumière et au sud pour Le bouton de nacre, j’ai voulu filmer de près cette immense colonne vertébrale pour en dévoiler les mystères, révélateurs puissants de l'histoire passée et récente du Chili.

La Cordillère des songes

Des plans aériens, des panoramiques sur les montagnes à la beauté somptueuse et redoutable à la fois ; des crêtes enneigées, des concrétions de nuages les couvrant de leur voile et la voix off du réalisateur exilé en France depuis plus de 40 ans : dès le début de ce troisième volet d’une trilogie -commencée avec Nostalgie de la lumière poursuivie avec Le bouton de nacre - Guzmàn se propose de sonder l’âme d’un pays, l’âme d’un peuple en interrogeant sa mémoire, à partir de cette matière organique. La clé de ce pays est dans ce corridor entre océan et montagne et je voudrais savoir pourquoi le Chilien est aussi différent des autres Latino-Américains, si c'est en raison de ce corridor. Guzmàn convoquera artistes scientifiques historiens mais aussi des souvenirs personnels

 

La Cordillère. Le peuple ne la connaît pas. Santiago, la capitale, lui tourne le dos. Seules des reproductions -cette grande fresque qui tapisse le mur d’un couloir de métro- ou ce graphisme sur des boîtes d’allumettes lui donnent  un semblant d’existence. Et pourtant elle couvre 80 % du pays et par son gigantisme n’est-elle pas la métaphore d’un mur qui isolerait le Chili du reste du monde ?

 

Les images sur cette muraille avec ses strates, ses pics, ses abîmes, ses anfractuosités et ses replis en font un personnage à part entière. N’est-ce pas de ses roches fracturées que les sculpteurs font des œuvres d’art ? n’est-ce pas de ces mêmes roches que les rues de Santiago sont pavées ? (sur certains pavés sont gravés les noms des victimes de la dictature de Pinochet...que la caméra va isoler en très gros plan) .

Dans ses fissures -qui illustreraient celles de l’histoire du pays- cette Cordillère cache des "secrets". On retiendra l’épisode de ce train fantôme roulant de nuit -de préférence- et transportant sa cargaison de cuivre...vers le port. Le cuivre, la richesse du pays !!!

Or le Chili -sous la dictature- a servi de cobaye aux économistes formés à l’école de Chicago...Et la globalisation néo-libérale n’aura fait qu’accentuer les inégalités devenues abyssales. Ce que dénonce avec fougue Pablo Salas. Cet alter ego de Guzmàn qui est resté au pays où il n’a cessé de filmer les soubresauts le chaos, et  toutes les manifestations depuis 1982.. Son constat est sans appel:  le Chili a bel et bien été volé et par la junte, par les défenseurs de la dictature (ils sont dans le déni permanent ou persuadés qu’ils ont œuvré pour le bien... ) et par les multinationales...

Émus nous pénétrons dans son antre où sont archivés tous ses films : antre habitacle d’une mémoire politique et sociale jusque-là préservée !!

 

Que reste-t-il de l’enfance de Guzmàn hormis la façade de cette maison qui l’a vu naître, mais c'est une coquille vide …Elle apparaît deux fois dans son documentaire, comme un îlot cabossé et fracassé par l'Histoire !

 

Son vœu : retrouver le Chili de son enfance; la récente actualité ne serait-elle pas en train de l'exaucer???? 

Sur un panneau brandi par des manifestants on peut lire nous sommes le cauchemar de ceux qui volent nos rêves Ce n’est pas 1973 c’est 2019  et malgré l’état d’urgence, malgré la féroce répression policière les manifestants ne baissent pas les bras !

La Cordillère aura-t-elle entendu leur appel? 

 

 

Colette Lallement-Duchoze

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9 novembre 2019 6 09 /11 /novembre /2019 07:09

Grand prix de la Semaine de la critique à Cannes,

Grand prix et  Prix du public au Festival international du film d’animation d’Annecy.

A Paris, Naoufel tombe amoureux de Gabrielle. Un peu plus loin dans la ville, une main coupée s’échappe d’un labo, bien décidée à retrouver son corps. S’engage alors une cavale vertigineuse à travers la ville, semée d’embûches et des souvenirs de sa vie jusqu’au terrible accident. Naoufel, la main, Gabrielle, tous trois retrouveront, d’une façon poétique et inattendue, le fil de leur histoire...

J'ai perdu mon corps

C’est juste une histoire toute simple que j’ai un peu compliquée, c’est tout 

Ça doit être apaisant d'être coupé du monde

(Naoufel à Gabrielle) 

 

Rares sont les longs métrages d’animation où se marient avec élégance l’excellence technique, l’originalité du scénario, la prouesse des formes et mouvements et une atmosphère à la fois poétique et surréaliste.

J’ai perdu mon corps a cette singularité exceptionnelle

 

La première personne -le pronom "je" du titre- renvoie à la main coupée en quête de son corps ... Nous la suivons " filmée" à sa hauteur déambulant dans la complexité hostile de l’environnement urbain….Un membre fantôme bien vivant dans sa reptation (compacité main et poignet) sa désarticulation (autonomie des doigts érectiles usant de leurs capacités tactiles et préhensiles chorégraphiant l’espace); avec des mouvements d’accélérés ou de ralentis qui scandent une course d’obstacles (trafic urbain, escalators, métro, rats voraces etc..); une main astucieuse qui échappe à la noyade en s’accrochant à une balle de tennis ou qui utilise un parapluie comme parachute...pour ne pas s’écraser au sol…)

 

Mais le réalisateur se plaît à entrecroiser plusieurs temporalités : car il y a l’avant et l’après main coupée (en écho l’avant et l’après accident qui a coûté la vie aux parents de  Naoufel) Et ces temporalités se superposent  se côtoient se confondent ...créent des lignes de fuite avec une extraordinaire fluidité !!

De même coexistent trois récits -chacun bénéficie d’ailleurs d’un traitement spécifique - celui de la main, celui de  Naoufel enfant -en noir et blanc- toujours à l’écoute de sons et de voix qu’il enregistre en permanence et celui de l’adolescent, nonchalant livreur de pizzas, qui s’éprend d’une voix, avant que celle-ci ne s’incarne dans la personne... de Gabrielle.

Cette coexistence illustre d’ailleurs la thématique récurrente de la "cassure" "déchirure" et de son corollaire : la reconstruction -à la fois psychologique et...métaphorique…- Une reconstruction qui s’appuie sur la mémoire (comment attraper une mouche ? "viser à côté anticiper son mouvement," recommandait le père….et ce n’est pas pur hasard que cette récurrence de la mouche dont  les bourdonnements sont amplifiés par la bande-son et dont la taille variera selon le point de vue)

 

La main coupée vivante à la recherche de son corps est dans ce film -qui mélange noir et blanc et couleur,  animation 3D et dessin 2D -, la métaphore d’une quête d’identité  - l’amour en est l’épiphanie !  Et  la musique de Dan Levy lui confère l'ampleur d'une  Odyssée. 

 

J’ai perdu mon corps : un film à ne pas rater

 

Colette Lallement-Duchoze

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7 novembre 2019 4 07 /11 /novembre /2019 09:03

Documentaire réalisé par Roland Nurier (France)

 

L'histoire de la Palestine, de son origine à aujourd'hui, loin de ce que les médias appellent le conflit israélo-palestinien. Experts internationaux, historiens, diplomates des Nations unies, juristes en Droit International mais aussi, témoignages de simples citoyens… Un éclairage primordial basé sur des éléments factuels incontestables, pour se débarrasser des clichés et idées reçues !

Le char et l'olivier, une autre histoire de la Palestine

Nous souffrons d'un mal incurable qui s'appelle l'espoir  Mahmoud Darwich (1941-2008)

 

À tous ceux (ils sont légion chez les politiques et intellectuels de tout bord) qui aimeraient tant que l’on confonde antisionisme et antisémitisme, à tous ceux (ils sont légion dans le monde de l’éducation et de la presse) qui -par raccourci lexical et sémantique -assimilent les Palestiniens à des terroristes ou -par une vision strictement humanitaire -en font essentiellement des victimes dont on doit avoir pitié, et non des citoyens à part entière, je recommande ce film documentaire qui loin des lamentations et imprécations, et sans acrimonie de ton vis-à-vis des Israéliens, analyse la situation, « des points de vue historique et juridique »

Si la connaissance est la condition préalable à tout débat encore faut-il qu’elle se déleste des « grilles » qui donnent un « sens » aux événements (or celles-ci font florès et entachent les discours à tel point que critiquer la politique de  Sharon ou  de Netayamou est synonyme d’antisémitisme…)

Il est une idée reçue dont beaucoup de personnes -inféodées à une doxa- auront du mal à se débarrasser: l’équilibre des responsabilités n’existe pas comme on aimerait nous le faire comprendre…

 

Apprendre du passé pour comprendre le présent ! Apprendre à partir de faits historiques incontestables (le sionisme contemporain des politiques colonialistes fin XIX°, la frilosité de la communauté internationale en 1948, les ambiguïtés de l’ONU qui tance ..et ne sévit pas..., des propositions palestiniennes occultées par l'histoire enseignée,  par exemple)

Le réalisateur Roland Nurier convoque des hommes et des femmes de religions différentes,  de métiers et de pays divers;  tous s’appuient sur  l’analyse de terrain et les textes de droit international ; il réunit aussi des témoignages de citoyens palestiniens et français. Entretiens illustrés par de nombreuses infographies,  incrustations d'images (cartes géopolitiques, animations, dessins)

On aura reconnu -entre autres- Alain Gresh (je vous recommande la lecture de Israël Palestine Vérités sur un conflit) Dominique Vidal (Le Monde diplomatique) Sieffert ( Politis) Elian Sambar (historien) Leila Shadid, Michel Warschawski, Jean Ziegler, Christiane Hessel, Richard Falk, (professeur de droit américain international à l’Université de Princeton) Pierre Stambul (porte-parole de l'Union des juifs pour la paix)

 

Le documentaire s'ouvre sur un aveu de Ben Gourion  ("si j'étais un leader arabe je ne signerais jamais un accord avec Israël. C'est normal nous avons pris leur pays")  et se clôt sur une citation de Avraham Burg (président  de la Knesset de 1999 à 2003) « du fait de la Shoah nous voulons le pardon continuel pour les fautes que nous commettons et nous ne supporterons aucune critique »....

 

Le char et l’olivier une autre histoire de la Palestine a  le mérite d’apporter à un débat (hélas toujours clivant ) des éléments raisonnés. Son réalisateur espère qu’il touchera le plus grand nombre pour en finir avec cette phrase si souvent entendue:"C’est compliqué, je n’y comprends rien!". En tout cas, le film donne quelques clés à un public en demande d'éléments de compréhension afin de se forger sa propre opinion. Tout le contraire du prêt à penser délivré malheureusement par beaucoup de nos médias

 

A voir absolument!

 

Colette Lallement-Duchoze

 

 

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6 novembre 2019 3 06 /11 /novembre /2019 07:45

de Marco Bellochio 

avec Pierfrancesco Ravino, Maria Fernanda Candido, Fabrizzio Ferracane  Luigi Lo Cascio Fausto Russo Alesi

 

présenté en compétition officielle au festival de Cannes 

Au début des années 1980, la guerre entre les parrains de la mafia sicilienne est à son comble. Tommaso Buscetta, membre de Cosa Nostra, fuit son pays pour se cacher au Brésil. Pendant ce temps, en Italie, les règlements de comptes s'enchaînent, et les proches de Buscetta sont assassinés les uns après les autres. Arrêté par la police brésilienne puis extradé, Buscetta, prend une décision qui va changer l'histoire de la mafia : rencontrer le juge Falcone et trahir le serment fait à Cosa Nostra.

Le Traître

Le Traître  c’est une vaste fresque -avec des séquences très violentes – celles traitées en flash back- et des scènes inoubliables du procès dans un "tribunal-bunker", un rythme haletant, et ce personnage central (le fameux  "repenti"  Tommaso Buscetta magistralement interprété par Pierfrancesco Favino). Le Traître c’est à la fois une saga familiale, un documentaire (les confessions de Buscetta dessinent la cartographie de Cosa Nostra) et un huis clos judiciaire sans omettre ces belles échappées oniriques -la marque du cinéaste italien...

 

Un cinéaste qui excelle aussi  dans la confrontation qui oppose destin individuel et destin national (rappelez-vous Vincere, 2008 ce film consacré à la maîtresse de Mussolini et qui  vilipendait le cynisme du jeune amant). Il sait rendre hommage à ses maîtres Visconti ou Coppola qu’il convoque par exemple dans la séquence d’ouverture : la grande fête de « famille » !!

 

Mais son film vaut surtout par l’image qu’il donne du mafieux sicilien. Moins de scènes d’action et plus de dialogues ; démythification (et partant démystification) de toute phraséologie et imagerie qui ont prévalu dans nombre de films consacrés à la mafia. Derrière des barreaux lors du long procès de Bruscetta les "mafieux" de Cosa Nostra s’agitent certes et braillent parfois mais on devine leur désarroi et leurs faiblesses. Bellochio les a débarrassés de leur cuirasse légendaire …

 

Le personnage éponyme Le Traître (avec cet article à valeur généralisante ou d’excellence dans l’unicité) renforce l’aspect caméléon de Buscetta :-d’ailleurs presque chaque scène illustre un aspect précis de cet homme complexe ; apparemment impassible impavide, macho, père intransigeant, individualiste, homme d’affaires peu scrupuleux mais homme d’honneur...Toujours ! -. Lors de ses entretiens avec le juge Falcone il rend justice à la vraie Cosa Nostra ; Le traître ? C’est Toto Riina -ce parrain sanguinaire

 

Ainsi c'est un regard neuf que Marco Bellochio apporte au genre "préempté par le cinéma hollywoodien

 

Un film à voir assurément! 

 

Colette Lallement-Duchoze

 

 

 
films (site | email) le mercredi 06 novembre 2019 à 22:22 
Merci pour le post intéressant.

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6 novembre 2019 3 06 /11 /novembre /2019 05:40

 

8ème édition du festival de courts métrages "This is England" 

 

du 16 au 24 novembre

 

deux lieux

 

Kinepolis  Centre Commercial Saint Sever Place de la Verrerie 76100 Rouen

 

Omnia 28 Rue de la République 76000 Rouen 

 

 

Festival "This is England"

Pour cette 8ème édition, le festival « This is England » s'offre une programmation musclée avec 3 grandes catégories de films pour rendre hommage à la créativité anglaise ! 

Fictionsanimations et documentaires sont au rendez-vous de ce festival qui se veut précurseur de la culture anglaise en Normandie !

http://www.thisisengland-festival.com/?p=selection2019

http://www.thisisengland-festival.com/?p=festival

 

Festival "This is England"

 

Soirée concert le 22 novembre au bar le Trois pièces  avec un groupe de Norwich Th Islas pour fêter les 60 ans du jumelage

et le retour de Supernova  avec un Oasis Tribute, pour fêter les 10 ans ....de la séparation du mythique groupe anglais

 

De Norwich il en sera également question tout au long du festival  car une délégation sera présente pour rencontrer les homologues rouennais .... et découvrir l'exposition photographique à l'Hôtel de Ville (rez-de-chaussée) 

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29 octobre 2019 2 29 /10 /octobre /2019 11:27

de Ken Loach (Grande-Bretagne)

avec Kris Hitchen, Debbie Honeywood, Rhys Stone 

Ancien salarié Ricky cherche un moyen de s'en sortir. Il décide alors de devenir auto-entrepreneur au sein d'une plate-forme de livraison de colis. D'abord séduit par le discours d'une prétendue "liberté de s'enrichir vite" que promet son travail, il va déchanter très vite...

Sorry we missed you

"je n'en sais rien" répond Abby à son mari qui lui demande "où ils en sont de leur amour" . Cet aveu d'ignorance  -compte tenu du contexte- ne sonne pas le glas de l'amour mais avec cette pudeur si loachienne (?) dit une forme de lassitude d'où la tendresse ne serait pas ...encore ....exclue

Nous sommes à peu près au milieu de ce film qui analyse avec méthode (elle est parfois glaçante) les effets d’abord pervers insidieux puis de plus en plus patents et ...mortifères de l’ubérisation...L'employé (ici Ricky) qui a cru au miracle du statut d’auto-entrepreneur en acceptant d’être chauffeur-livreur pour une plate-forme numérique - est progressivement et littéralement broyé par le système- , et par ricochets- le "mal" contamine toute sa famille : sa femme et ses deux enfants

 

Le film est ponctué par de furtifs passages écran noir  qui scandent la marche inéluctable vers... l’enfer

D’abord montage parallèle : nous voyons sous forme de tableautins chacun des parents dans l’exercice de leur fonction. Elle, Abby, aide à domicile,  dans l’intimité de ces personnes seules qu’elle doit laver, nourrir ; une microsociété, îlots d’humanité filmés en plans rapprochés révélateurs à la fois de la solitude fondamentale et du dévouement sans faille d’Abby. Lui, Ricky dans le rythme des livraisons : hangar immense où les chauffeurs s’affairent tels des robots pour charger leur tournée quotidienne ; puis au volant de sa voiture utilitaire, dans le flux du trafic urbain, et sa course contre la montre au moment de la livraison (car le scanner "magique" ne laisse aucun répit: même uriner ce sera dans une bouteille et pas plus de 2’…) Les enfants souffrent immanquablement de l’absence, d’un manque affectif -même si la mère aimante gère tout à distance par téléphone et dans les conflits qui opposent père et fils, joue le rôle d’arbitre sans jamais élever le ton!!! Explosion de la cellule familiale et quand au final les liens se ressoudent, il sera trop tard ...fatalement trop tard...

 

Écran noir lors d’un entretien d’embauche: c’est le prologue générique; il plonge  le spectateur -d’emblée pris à partie - dans une "barbarie"  qui occulterait son nom? 

Opposition temps réel (vécu par le chauffeur livreur) et temps minuté sur écran (celui qu’exploitera le "patron") c’est l’illustration de cette technologie des temps modernes toujours plus asservissante, sous couvert de...

où est le temps des 8h par jour? demande nostalgique  une patiente d'Abby. Phrase anodine? Non bien évidemment... C'est l'abolition du "code du  travail", c'est l'anéantissement des garanties sociales laborieusement acquises 

En quelques traits - pas forcément incisifs-  Ken Loach traque un système de travail qui déshumanise et son plaidoyer  en faveur des victimes enchaîné(e)s  n'en est que plus sincère et généreux

 

On pourra toujours reprocher au cinéaste d’être trop "démonstratif" dans sa dénonciation et il est vrai que dans la dernière partie s’accumulent déveines et malheurs ! Mais n’est-ce pas dans l’essence même de toute création (fiction, ou docu-fiction) d’évoquer en un temps limité voire record,  ce qui est censé être dilaté dans la durée?

Et personne n’osera s’offusquer de l’intrusion dans l’univers saturé des urgences tant son rendu à l’écran est proche du vécu des patients. Ricky démoli psychologiquement portera désormais sur le corps les stigmates de la violence !

 

Et le spectateur lui aussi sort groggy de la salle

 

Le cinéaste remercie "les nombreux chauffeurs-livreurs qui ont témoigné... en demandant de ne pas mentionner leur nom" !!!

Remercions Ken Loach et son fidèle coscénariste Paul Laverty pour ce film coup de poing !

À ne pas rater !!

 

Colette Lallement-Duchoze

 

 

 

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28 octobre 2019 1 28 /10 /octobre /2019 06:33

de Pietro Marcello (Italie)

avec Luca Marinelli, Jessica Cressy, Carlo Cecchi

 

Prix coupe Volpi pour la meilleure interprétation masculine à la  Mostra de Venise 

À Naples, au cours du 20ème siècle, le parcours initiatique de Martin Eden, un jeune marin prolétaire, individualiste dans une époque traversée par la montée des grands mouvements politiques. Alors qu’il conquiert l’amour et le monde d’une jeune et belle bourgeoise grâce à la philosophie, la littérature et la culture, il est rongé par le sentiment d’avoir trahi ses origines….D’après l’oeuvre de Jack London

Martin Eden

"le monde est donc plus fort que moi ; à son pouvoir je n’ai rien à opposer que moi-même ce qui en réalité n’est pas rien"  c’est sur ce constat que s’ouvre le film de Pietro Marcello – mais comme cette scène inaugurale correspond aux derniers moments de la vie de Martin, le film ne se donne-t-il pas à voir comme un  long flash back...?

Certes Pietro Marcello s’inspire du roman de Jack London paru en 1909. Certes  il respecte l’intrigue principale (amour et acharnement à devenir écrivain) de ce roman d’apprentissage d’émancipation et de désillusions...

 

Mais le spectateur sera d’autant plus séduit (dérouté et sidéré tout à la fois) que le cinéaste en transposant l’intrigue de San Francisco dans la baie de Naples, brouille la chronologie (nous sommes au début du XX°, dans les années d’après-guerre, et les années 1980), gomme les repères temporels -une fois affichés- (avec sautes de temps et anachronismes), mêle flash-back (cf danse entre le frère et la sœur à différents moments de leur vie), images mentales (quand elles suppléent la pensée), images d’archives (Réelles ? Fabriquées?), images sépia, anime des cartes postales (celle du vaisseau par exemple qui revient à intervalles réguliers) fait entendre des chansons populaires (Jo Dassin entre autres)...

Ce faisant (et là on reconnaît l’originalité du cinéaste que l’on avait tant appréciée dans Bella e Perduta) Pietro Marcello va au-delà de la transposition d’un roman ; sa « libre adaptation » se mue en œuvre à part entière,  inscrite en outre dans une forme d’intemporalité.. Censé traverser tout un siècle le personnage  -marqué uniquement par les stigmates de la maladie et de son mal-être- acquiert une portée  symbolique...quasi universelle

 

Des scènes de rue, des rassemblements politiques, des scènes de pêche au poulpe, de gros plans en enfilade sur des visages d’enfants et/ou d’adultes dans une rue étroite de Naples, ou derrière les rideaux de fenêtres, (tous ces damnés de la terre) loin de contrebalancer le "récit" d’une force qui va (celle de ce marin qui rêve de devenir écrivain) l’inscrivent au contraire dans le XX° siècle, celui des grands bouleversements politiques et sociaux (guerres et défaites, fascinations du fascisme, actions collectives, espoirs trahis...) . Mais n’est-ce pas une invite à  "regarder"  ces événements sous un autre "angle" ?

 

Luca Marinelli -(rappelez-vous La grande Belleza, Una questione privata des frères Taviani, Ricordi?) donne corps à ce personnage complexe à la fois rageur et romantique, bagarreur et charmeur, libertaire et réactionnaire. Il est de tous les plans (seul, en duos ou encore dans les scènes de groupes) et son jeu est magnifié par le format de l’image 16mm.

D’ailleurs n’a-t-il pas reçu la coupe Volpi à la Mostra de Venise pour son interprétation !!

 

Un film flamboyant à ne pas rater !

 

Colette Lallement-Duchoze

 

 

 

Moi aussi j'ai bien aimé ce film très travaillé, au montage fluide et avec des incursions originales (flash-backs courts,inversion de la chronologie, etc.) comme tu le dis justement.
J'ai été déçu par le dernier tiers du film où le personnage devient brutalement caractériel, peu sympathique, alors que la chance lui sourit et que son objectif semble atteint. On peut reprocher au réalisateur un virement brusque de ton qui frôle le cliché. Mais dans l'ensemble le film captive. Les spectateurs étaient nombreux dans la petite salle quasiment pleine, ce qui m'a agréablement surpris.  Serge Diaz 6/11/19

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18 octobre 2019 5 18 /10 /octobre /2019 05:48

De Patrick Mario Bernard et Pierre Trividic.

Avec Jean-Christophe Folly, Isabelle Carré, Golshifteh Farahani, Sami Ameziane.

Dominick Brassan a le pouvoir de se rendre invisible. Il ne s’en sert pas beaucoup. À quoi bon, d’ailleurs ? Il a fait de son pouvoir un secret vaguement honteux, qu’il dissimule même à sa fiancée, Viveka. Et puis vient un jour où le pouvoir se détraque et échappe à son contrôle en bouleversant sa vie, ses amitiés et ses amours.

 

L'angle mort

L’angle mort est cet "espace qui échappe à la vision des automobilistes comme des caméras de surveillance",  soit une zone sans contrôle, soit un monde de tous les possibles soit un univers -si minuscule fût-il- à inventer ou réinventer .

En s’inspirant d’un projet d’Emmanuel Carrière les deux cinéastes confient le rôle de Dominick (un être doué de ce pouvoir singulier d’apparaître et de disparaître) à un Noir (seule idée politique du film affirment-ils coupant court à toutes les exégèses) et choisissent comme dynamique l’inverse de ce qui traditionnellement est lié au don d’invisibilité...Ce don est vécu comme un fardeau...à l’image d’ailleurs d'un « monde qui se détraque »

Pour se rendre invisible Dominick doit pratiquer certaines techniques de respiration/concentration et se mettre nu (et nous le suivrons, invisible pour les autres, dans ses déambulations dans la ville alors que la météo est peu clémente ; que de ruissellements et de froidure !!) Visible il travaille dans un magasin de guitares dans une remise en sous-sol ; visible il observe sa voisine aveugle...la seule d’ailleurs à capter l'insondable réel... Invisible, il le sera toujours,  quand il est confronté à des situations embarrassantes !!!

 

Le choix du format 1,33, les ambiances nocturnes, les couloirs interminables dans les immeubles  (avec de judicieuses profondeurs de champ) les souterrains (l’incroyable scène d’ouverture avec sa mise en scène virevoltante plaçait la naissance de Dominick sous l’égide de ces caves irradiées de musique) le refus d’effets spéciaux, tout concourt à faire de « l’angle mort » une œuvre qui tient du fantastique, du poétique (même si le duo invisible-aveugle est un peu éculé) et du réalisme (la matérialité du décor urbain) mais surtout qui interroge la solitude fondamentale de qui maîtriserait l’angle mort

 

Et pourtant malgré d’indéniables qualités (dont la prestation de Jean-Christophe Folly) ce film ne parvient pas à séduire de bout en bout (est-ce cette voix intérieure ? l’opposition mal traitée entre Dominick et Richard lequel utilise son « don » à des fins maléfiques ?  cette propension à  multiplier les angles de vue sur ...une pléthore de thèmes, dont certains à peine esquissés ?)

 

Insidieux, guette l’ennui 

 

Colette Lallement-Duchoze

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17 octobre 2019 4 17 /10 /octobre /2019 05:27

BEST OF   2012- 2018

 

Festival du court métrage britannique

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15 octobre 2019 2 15 /10 /octobre /2019 06:28

de K. Mendonça Filho et J. Dornelles (Brésil) 

avec Sonia Braga, Udo Kier, B. Colen 

 

Prix du jury  Cannes 2019

Dans un futur proche…  Le village de Bacurau dans le sertão brésilien fait le deuil de sa matriarche Carmelita qui s’est éteinte à 94 ans. Quelques jours plus tard, les habitants remarquent que Bacurau a disparu de la carte. 

Bacurau

Fable futuriste ? Conte politique ? Dystopie -cathartique pour certains, trop manichéenne pour d’autres- ? Bacurau est tout cela à la fois ; et si l’on ajoute -pour ce qui est du traitement- le mélange de western et de cangaço (forme de banditisme social dans le nordeste fin XIX° et début XX°) on comprendra que le film ait reçu le prix  du jury au festival de Cannes. Et la tentation est grande d’appréhender le film à l’aune de l’actualité (alors qu’il a été conçu et réalisé avant l’arrivée au pouvoir de Bolsonaro..)

 

Bacurau signifie en portugais engoulevent, oiseau crépusculaire qui se cache quand il repose sur une branche d’arbre. Ainsi du village éponyme de ce film, qui  "intime du noir, ne sera remarqué que s’il a lui-même envie d’apparaître"  "une seule rue des maisons de chaque côté une église une école voilà un microcosme familier aux Brésiliens..." (propos du réalisateur)

 

Ce village d’une contrée aride qui mêle astucieusement l’antique et le moderne (technologie) qui pratique la solidarité sans faille en bannissant tout clivage,  nous allons le découvrir avec la petite-fille de la défunte matriarche Carmelita. Le camion citerne qui la (nous) conduit traverse une immense contrée avant d’être entravé par des ….cercueils….première interrogation, premier indice (?)

C’est que la mort est omniprésente dans ce film:   il s’ouvre en effet sur une procession mortuaire (la défunte Carmelita nonagénaire) et se clôt sur l’enterrement d’un vivant (le caïd allemand au yeux d’acier qui avait programmé avec ses acolytes super armés l’extermination de Bacurau!)

Entre ces deux scènes que de perturbations! (guerre de l'eau, découverte d'une tuerie dans une ferme, passage insolite de chevaux débridés, arrivée de deux motards fluos, etc.) Que de métamorphoses! que d'effets visuels inattendus (une luminosité chatoyante qui s'opacifie; des fondus enchaînés traités tels les feuillets d'un livre que l'on déploie à ciel ouvert, un ciel endeuillé de nuages noirs

Et l'espace apparemment indolent (l'invite du panneau d'accueil "si tu viens, va en paix" était-elle ironique?) va se muer en un théâtre sanguinaire; l'ingestion de psychotrope aidant -ici la succession ultra rapide de  très gros plans sur les lèvres les langues des habitants peut prêter à sourire alors qu'elle est censée magnifier les pouvoirs de cette drogue- ce sera la victoire de la résistance collective

 

Village désert en embuscade, agresseurs aux aguets, silence sépulcral avant...l'assaut....Une scène digne d'un western.

Un élu local venu acheter des voix avec... de la nourriture  et des médicaments périmés...pamphlet caricatural? hélas non ...

 

Alors oui Bacurau peut se lire comme "l'allégorie des opprimés qui s'insurgent contre l'agression de l'impérialisme et de la bourgeoisie nationale, à travers l'auto-organisation, germe d'une société nouvelle"  et en ce sens le film est éminemment politique 

Bacurau, une ode à la solidarité - mais qui risque de déstabiliser, déranger certains spectateurs!

 

 

Colette Lallement-Duchoze

 

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