Comédie satirique de Matthew Rankin (Canada 2019)
Avec Dan Beirne, Sarianne Cormier, Catherine St-Laurent, Mikhail Ahooja.
prix du meilleur premier long métrage canadien au Festival international du film de Toronto 2019
et Prix FIPRESCI de la Berlinale 2020
à voir sur MUBI
“A Toronto à l'aube du XXe siècle, le jeune Mackenzie King rêve de devenir le Premier ministre du Canada. Mais son attirance pour un soldat britannique et une infirmière française, exacerbée par une obsession fétichiste, pourrait bien provoquer sa chute. Dans sa quête de pouvoir, King devra satisfaire les attentes de sa mère impérieuse, les fantasmes bellicistes du gouverneur général et l'idéalisme utopique d'un mystique québécois
Vous aimez la fantaisie ? ce qui est déjanté, loufoque, débridé? Vous appréciez l’humour (québécois) ? Alors ce film va répondre à vos attentes
En effet, dans The Twentieth Century Matthew Rankin tout en respectant une certaine « chronologie » tout en s’inspirant des écrits de Mackenzie King, tout en faisant vivre des personnages réels (Arthur Meighen Albert Harper Joseph-Israël Tarte, Lord Minto) se veut moins biographe que jongleur et contorsionniste de l’image et de la couleur ; et c’est une histoire de l’identité nationale schizophrène qu’il donne à voir à travers le portrait peu flatteur du jeune Mackenzie King (le public canadien sera plus sensible à toutes les allusions c’est évident) avec une distance qui tient à la fois de la blague farcesque et du surréalisme voire de la science-fiction
Découpé en 10 chapitres (à la manière d’un album de famille que l’on feuillette ou d’une BD) le film suit les étapes d’une formation, les jeux d’influence -politiques et familiaux-. Voici la jeune Charlotte (tuberculeuse au pavillon des « enfants défectueux ») voici une mère castratrice -interprétée par un homme ..-Louis Negin-, aux pouvoirs divinatoires ; il (elle) est alité(e) et ... cloîtré(e). Le gouverneur fasciste Lord Minto, obnubilé par les Boers qu’il souhaite terrasser, et Joseph Israêl Tarte un gourou interprété par une femme à moustache, les deux comme illustration d’une société clivée? ; le Dr Wakefield (Kee Chang) et son combat contre l’onanisme du personnage (avec cette image récurrente d’un cactus éjaculatoire qui peut rappeler les garçons sauvages de Mandico). Les rites de passage (massacre de jeunes phoques entre autres) sont autant de « jeux » de concurrence fondée sur l’agressivité
Oui le drapeau de la déception mériterait d’être mis en berne définitivement . Voeu pieux du jeune M King?
Dès le début le spectateur est plongé -pour les scènes en extérieur- dans un univers graphique aux formes géométriques, où l’on passe avec aisance d’un niveau à un autre (horizontal et vertical) ; l’acteur qui interprète M. King (Dan Beirne) est comme un pion sur un échiquier fragmenté dans un infini bleu et opalescent. Et pour les scènes d’intérieur les couleurs dominantes épousent celles des costumes d’époque et des figures en médaillon; les deux personnages qui incarnent la « garde » sont des cyborgs à la voix inhumaine d’outre-tombe (surréalisme et science-fiction).
Un régal que ce "détournement" - "relecture" de l’ascension de Mackenzie King (quand bien même on ignore l’histoire du Canada...)
Un film qui ne se "décrit" pas (même si -c’est presque un truisme- on assiste à une démystification de la politique comme à un jeu de massacre) tant domine l’étonnante inventivité plastique!
Colette Lallement-Duchoze