18 juillet 2021 7 18 /07 /juillet /2021 10:17

de Giorgio Diritti (Italie 2019)

avec Elio Germano, Olivier Ewy, Leonardo Carrozzo, Pietro Traldi, Orietta Notari

 

 

Berlinale 2020 Ours d'argent du meilleur acteur

 

 

Expulsé par l'institution suisse qui s'occupait de lui à la fin de la Première Guerre mondiale, Antonio se retrouve en Italie contre sa volonté. Sans attache, vivant dans un grand dénuement, il s'accroche à sa raison de vivre, la peinture qu'il pratique en autodidacte. Peu à peu du public à la critique son "art" va bousculer l'académisme. Le destin incroyable et vrai d'Antonio Ligabue, l'un des maîtres de la peinture naïve aux côtés de Rousseau et Séraphine de Senlis

 

 

Je voulais me cacher

 

 

On dit que vous n’avez pas de travail, que vous n’avez pas d’épouse, que vous ne contribuez en aucune façon à la croissance de l’Italie fasciste

 

 

Séquence d’ouverture:  le personnage est « caché » sous un sac noir dans un angle de la pièce (son oeil apparaît par intermittences à travers un trou) et le spectateur est légèrement perturbé par le choix de focales qui déforment, fragmentant au montage une succession de petites scènes censées illustrer le rapport que lit le psychiatre. Cette façon de  "remonter le temps"  serait-elle en harmonie avec une existence faite de maltraitances d’exils et de séjours en hôpital psychiatrique ? dans sa dynamique de déconstruction/reconstruction serait-elle aussi en harmonie avec la peinture de l'artiste?  

 

Si le biopic de Girogio Diritti fait la part belle à l’interprétation d’Elio Germano (sans doute un peu forcée) il excelle dans le choix des couleurs, des lumières, des grands angles et des cadres (les places à la Chirico, les paysages, les chambres, les salles et les ateliers) un choix en adéquation avec la nature même de la peinture d’Antonio Ligabue (plus connu en Italie qu’en France d’ailleurs où la critique le compare au Douanier Rousseau)

 

Une chose est sûre : rendre compte de l’acte de peindre est souvent tendancieux factice aléatoire. Dans « je voulais me cacher » le peintre en osmose totale avec le monde (animal surtout) s’en imprègne, le fait sien (par des cris des vociférations dont le rendu est très organique) avant que le sujet à peindre n’apparaisse sur la toile. Cet « enfantement » se fait souvent dans la douleur et l’incompréhension du regardeur sera vécue comme un blasphème. Plus tard quand des « mécènes » prennent en charge promotion et commercialisation, Antonio Ligabue n’aura de cesse de s’enorgueillir de son statut d’artiste!! … .de même qu’il investit  "l’argent"  gagné -après une reconnaissance locale nationale et internationale-, dans l’achat immodéré de motos et d’autos qu’il récure avec amour…Mais hélas la quête de l'être aimé ne pourra être vécue que sur le mode onirique! 

 

Très vite  je voulais me cacher  acquiert une valeur universelle ne serait-ce que par cette force irrépressible  de donner, via le medium qu’est la peinture, un « sens au chaos » , celui de l’univers et celui qu’on porte en soi, au profond !

 

Un film que je vous recommande vivement

 

Colette Lallement-Duchoze

 

 

 

 

 

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18 juillet 2021 7 18 /07 /juillet /2021 06:23

de Paul Verhoeven France 2020

avec Virginie Efira, Daphné Patakia, Charlotte Rampling, Lambert Wilson 

Sélection officielle Cannes 2021

Italie XVII° siècle.  Alors que la peste se propage Benedetta Carlini rejoint le couvent de Pescia en Toscane. Dotée de certains "pouvoirs" la jeune Benedetta va bouleverser peu à peu l'ordre des soeurs dans sa nouvelle communauté 

Benedetta

Le public rouennais avait découvert le cinéaste néerlandais grâce au festival du cinéma nordique avec deux films révélateurs de ses thèmes de prédilection -sexe, violence et religion- Turkish délices et la chair et le sang.

À 82 ans le réalisateur -qui adapte librement le livre de Judith C. Brown (« Soeur Benedetta, entre sainte et lesbienne ») n’a rien perdu de sa superbe, même s’il est moins sulfureux !! Ainsi la débauche de sang (faux stigmates, décapitations qui hantent les visions cauchemardesques de Benedetta, dos flagellés, par exemple) les zooms sur les bubons de la peste, le godemiché à l’effigie de la Vierge brandi comme une croix avant d’être inséré dans le vagin, les différents clones du Christ au sexe féminin, dont Benedetta est l’amante, les crises de possessions hystériques, relèvent presque du kitsch et font sourire. L’insistance sur la " monstruosité"  n’est-elle pas caricaturale dans son outrance même  ? (jusqu’à l’oeil du judas paré de toutes ses connotations)

 

On sait que chez Verhoeven c’est le corps (entendons la matérialité, la corporéité) qui parle en premier : verres brisés, tessons, étoffes, cliquetis (armes et ustensiles) détonations qui embrasent les cieux de leur fol ouragan, spasmes de l’orgasme. Une musique "concrète"  qui se mue en fracas tout comme Benedetta entremêle ses pulsions érotiques pour la novice Bartoloméa et celles pour son amant crucifié ! Et le corps dénudé de Virginie Efira s’impose lumineux de Désir à l’ombre des murs grisâtres du couvent de Pescia

 

C’est avec humour que Paul Verhoeven dénonce -à travers les personnages de la supérieure Felicita (Charlotte Rampling sublime) et du nonce (Lambert Wilson, comique décalé)- les outrecuidances de l’église catholique de l’époque (nous sommes au XVII° siècle) son inhumanité son âpreté au gain (et la séquence d’ouverture le prouverait aisément) sa cruauté ses hypocrisies

 

Par-delà le délire mystique et la puissance de la Chair, le film (qui n’est pas un brûlot) fait la part belle aux pouvoirs de la femme (damnée et adulée) et sans vraiment convaincre il peut « séduire » par son mélange d’humour et de noirceur

 

 

Colette Lallement-Duchoze

 

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7 juillet 2021 3 07 /07 /juillet /2021 07:55

par Sylvain Bouttet 2020 (20')

 

à voir en accès libre sur Kub

 

Ode maritime - KuB (kubweb.media)

 

 

"Magnifiant l'anarchisme pirate des temps anciens, Fernando Pessoa (Alvaro de Campos) célèbre avec Ode maritime tous les dangers, toutes les démesures, tous les possibles d'une imagination brûlante.

Interprétant ses mots, pleins d’ivresse et de joie, Léna Paugam entraîne le spectateur sur les flots au gré d’une œuvre sensationnaliste magistrale"

 

"Transposant le port de Lisbonne à Binic, l'actrice Lena Paugam entre dans un texte tumultueux qui emporte l'imagination au loin. Sylvain Bouttet la filme dans ses premiers pas d'interprète de ce monologue poétique, accompagnée par le guitariste Yann Barreaud. Tous deux cherchent leurs marques face au public du Lyncéus Estival. Derrière eux, la mer et sa puissance d'imaginaire".

 

 

 

 

Ode maritime

                                          Lena-en-robe-peinture.2e16d0ba.fill-600x340.format-jpeg

 

 

Il s’agissait avant tout de trouver comment articuler texte et musique, de faire en sorte qu’une évidence de rencontre se révèle au moment des représentations. L’objectif a été atteint. Le projet d’écriture musicale qui nait à présent de cette première phase de travail devrait sortir en 2022.

Ode maritime s’inscrit dans le prolongement du travail de Lena Paugam sur le rapport entre littérature et musique. En juillet 2020, avec le guitariste Yann Barreaud et la créatrice sonore Marine Iger, elle proposait une lecture-concert où la musique électro venait rencontrer les fados anciens de la guitare classique amplifiée. Sur le quai des corsaires à Binic-Étables-sur-mer, il s'agissait de se laisser griser par le mouvement continu de la mer, par les arrivées et les départs, par la sauvagerie de l'appel des eaux et par le désir d'une liberté inconditionnelle.

Le réalisateur Sylvain Bouttet qui a assisté à la première représentation a proposé à l’équipe de revenir le soir-même pour saisir en images quelques instants de coulisses et de spectacle"

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6 juillet 2021 2 06 /07 /juillet /2021 05:12

d'Agnieszka Holland (Pologne, République tchèque, Slovaquie, Irlande) 2020

 

avec Ivan Trojan, Josef Trojan, Juraj Loj,  Joroslova Pokornd

Dès son plus jeune âge, Jan Mikolášek se passionne pour les plantes et leurs vertus médicinales. Il devient l’un des plus grands guérisseurs de son époque. Dans la tourmente de la guerre et des crises du XXe siècle, il consacre sa vie à soigner sans distinction les riches comme les pauvres, les Allemands nazis sous l’Occupation comme les fonctionnaires communistes d’après-guerre. Sa popularité finira par irriter les pouvoirs politiques. Accusé de charlatanisme, Mikolášek doit alors prouver le bien-fondé de sa science lors de son procès

 

 

 

Le procès de l'herboriste

 

En faisant   "revivre"  le personnage de Jan Mikolasek (1889-1973)  la réalisatrice propose dans "le procès de l'herboriste" (titre originel "le charlatan") une réflexion sur les rapports entre la  "médecine non officielle"  et le pouvoir politique surtout quand ce dernier  est autoritaire (euphémisme), sur la puissance  d’une relation amoureuse et surtout sur la complexité  d’un être cruel et généreux, démoniaque et bienfaiteur, tout cela, sur un rythme soutenu que renforce le leitmotiv musical. Elle procède par alternances entre le passé de cet homme (son milieu social, il est fils d’horticulteurs, sa passion pour les plantes, son apprentissage, auprès de Josefa Muhlbacherová ) et le présent à partir du moment où il n’est plus  " protégé" par Antonín Zápotocký, président de la Tchécoslovaquie communiste de 1953 à 1957  C’est d’ailleurs sur la mort de ce dernier que s’ouvre le film… (lequel se clôt sur le « procès »)

Alternance aussi entre intérieurs et extérieurs, duos et scènes de groupes, entre Ombre et Lumière. Cette dernière dichotomie illustre en l'épousant, l’ambigüité du guérisseur. Un  "monstre" moins parce qu’il a "pactisé"  avec les différents régimes (nazi puis communiste) mais parce que ses démons intérieurs (qu’il tente en vain de juguler par des mortifications) dictent sa conduite -cruelle et sadique -…Un "bienfaiteur" talentueux  qui a voué sa vie à la  " guérison" des autres (sans distinction de classe) et la récurrence de la scène (observer les urines, diagnostiquer, traiter avec un savant dosage de plantes) le prouverait aisément.

Agnieszka Holland ne juge pas; mais elle explore les zones les plus grises avec un sens aigu du suspense. Au tout début du film on éprouve de la sympathie pour ce personnage, victime toute désignée d’un système coercitif, mais plus il gagne en épaisseur plus le spectateur ( convié au procès) s’interroge… 

Si la mise en scène est  "soignée" (à la fois austère et lumineuse), si le choix de certains "motifs"  récurrents est signifiant (couloirs escalier grilles comme révélateurs d’un parcours dédaléen ou d’un espace mental perturbé) le film pèche cependant par certains excès : bruitage trop illustratif, traitement caricatural des représentants nazis et communistes (visages qui éructent de haine), très gros plans insistants voire complaisants sur des meurtrissures  des plaies   …

Au final  un « mystère », inviolé! 

L’essentiel aura été la dénonciation d’un système   "totalitaire", à travers le parcours d’un homme à l’âme tourmentée

Colette Lallement-Duchoze

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4 juillet 2021 7 04 /07 /juillet /2021 05:34

de Kamen Kalev, (Bulgarie 2020) 

 avec Lachezar Dimitrov, Kolyo Dobrev, Ivan Nalbantov

 

sélection officielle Cannes 2020

 

Aux confins de la Bulgarie rurale, Petar traverse les saisons et le temps de sa vie humble : le travail, la terre, les brebis… À l'écart du monde des hommes, il suit son chemin et accepte son destin sans regret.

 

 

 

Février

 

Dans cette fresque en trois parties inspirée par la figure de son grand-père, le réalisateur prend le temps de l’éblouissement où chaque plan est comme un tableau, où d’une saison à l’autre, d’une époque à l’autre (enfance, âge mûr, vieillesse) il loue la permanence d’un rapport au monde (temps, espace, éléments, lumières) et c’est un pur enchantement !

 

Le recours aux plans fixes assez longs, et aux plans séquences, le minimalisme des paroles échangées, une musique répétitive à la Steve Reich et il n’en faut pas plus pour irriter certains spectateurs (ils quittent sans vergogne la salle !!!) Or si le choix de l’épure peut dérouter n’est-il pas en harmonie avec les intentions de l’auteur ? (dresser un portrait poétique et symbolique de cet homme terrien un peu comme dans le texte de Camus ;l’Eté, quelqu’un qui ne se projette pas dans une autre vie et accepte la sienne sans se poser trop de questions (cf dépliant gnr, groupement national des cinémas de recherche)

 

Certes le déterminisme revendiqué et assumé (il y a malentendu affirme Petar soldat à son supérieur « mon grand-père était berger, mon père était berger et je serai berger ») peut être discuté mais c’est plus une philosophie de l’existence qu’incarne cet homme (cf la lecture  voix off d’extraits de Meursault contre enquête de Kamel Daoud ou d'Eté de Camus)  et les choix du chef opérateur Ivan Chertov insistent sur les beautés telluriques d’un univers encore préservé (I et III) tout comme les harmoniques que déploient ces goélands (II Petar est affecté sur l’île Saint-Yvan) ou même les danses de la vie (mariage) et de la mort (enterrement de la sœur) s’inscrivent dans le cycle de gestes séculaires ; célébration aussi de la liturgie du quotidien, celle que transmet le grand-père à son petit-fils (I) et qu’il accomplira lui-même vieillard III)

 

 

Petar vieillissant et son âne et l’on songe au cheval de Turin de Bela Tarr dans la façon de filmer l’encolure, de varier les angles de vue et surtout de rendre palpable l’interdépendance entre l’homme et la bête.

Une immensité recouverte d’un linceul, une vaste étendue de champs et de collines dans laquelle se perd Petar enfant, un arbre enraciné dans les forces chtoniennes mais dont les bras s’ouvrent en élan oblatif vers les filaments azuréens, un visage parcheminé (III)  ou un regard  hébété (II) , un rapport sexuel asexué et comme théâtralisé, une danse frénétique (Petar a recouvré l’ardeur de sa jeunesse ? ) un horizon qu'embrase l'aurore,  les cris dansants des goélands, etc.  le film Février, par-delà sa beauté formelle incontestée,  résonne d’une vibration intérieure en harmonie avec le balancier du temps ! 

 

Un film à ne pas rater !

 

Colette Lallement-Duchoze

 

Je suis un berger de troupeaux.

Les troupeaux sont mes pensées

et mes pensées sont toutes des impressions.

Je pense avec mes yeux et mes oreilles

avec mes mains et mes pieds mon nez et ma bouche

 

(Fernando Pessoa le gardeur de troupeaux ) 

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2 juillet 2021 5 02 /07 /juillet /2021 05:51

Auteurs & réalisateurs : Sima Khatami et Aldo Lee  France. 2019. 

// Image & son & montage : Sima Khatami, Aldo Lee // Production & diffusion : Laurence Milon, La Huit Production, Centre Pompidou, ViàVosges 

 

« Être Jérôme Bel », chorégraphe hors norme | Documentaires | Mediapart

 

Je ne juge pas les gens sur leur virtuosité mais sur leur rapport à la danse, leur rapport au monde. » Travailler le corps dans l’espace, c’est la signature de Jérôme Bel, figure majeure de la danse contemporaine depuis le milieu des années 1990. Ce portrait réalisé sur quatre années par Sima Khatami et Aldo Lee souligne sa radicalité, son rapport à la norme et à l’excellence. Ses ambiguïtés aussi. En partenariat avec Tënk, plateforme du documentaire d’auteur.

Etre Jérôme Bel

 

« L’opéra, c’est basé sur l’excellence. Toujours. La danse veut que l’on soit toujours meilleur. » Des corps parfaits, majoritairement blancs, souvent blonds, corsetés dans une norme esthétique où s’effacent l’effort, la douleur, le plaisir, les différences. Et voilà Jérôme Bel qui « ne supporte plus le côté normatif de la danse » ; qui veut montrer tout le monde sur scène, voire personne. Et pourquoi pas ? « Je veux qu’on se demande : “Qu’est-ce qui se passe ?” » Cela donne des spectacles où il déconstruit les conventions et où certains crient à l’imposture, quand d’autres saluent l’audace ou le génie.

Le portrait que Sima Khatami et Aldo Lee dressent de Jérôme Bel au travail aurait pu être hagiographique. Mais les deux réalisateurs sont parvenus, au fil des répétitions, des réunions, des réflexions… et de quatre ans de tournage, à bousculer le personnage, à le saisir là où il ne s’attendait pas. Mais Jérôme Bel sait aussi faire la pirouette.

 PAR TËNK & MEDIAPART

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1 juillet 2021 4 01 /07 /juillet /2021 07:49

Premier long métrage de  Chloé Mazlo (France, Liban Italie 2020)

avec Alba Rohrwacher, Wajdi Mouawad 

 

film sélectionné à la 59ème édition de la Semaine de la Critique (festival de Cannes 2020)  et présenté au festival du film francophone d'Angoulême 2020

Dans les années 50, la jeune Alice quitte la Suisse pour le Liban, contrée ensoleillée et exubérante. Là-bas, elle a un coup de foudre pour Joseph, un astrophysicien malicieux qui rêve d’envoyer le premier Libanais dans l’espace. Alice trouve vite sa place dans la famille de ce dernier. Mais après quelques années de dolce vita, la guerre civile s’immisce dans leur paradis...

 

Sous le ciel d'Alice

 

Je veux parcourir avec vous le chemin qui mène au ciel

 

En s’appuyant sur l’histoire de sa grand-mère, la réalisatrice décrit le bonheur puis la dislocation d’une famille ; Sous le ciel d’Alice est moins un film sur la guerre civile qui a éclaté au Liban en avril 1975 que sur le désenchantement

 

Alice est sur le bateau qui la ramène du Liban en Suisse  -ce plan reviendra à intervalles réguliers comme pour scander la narration- ; elle écrit, elle s’adresse à son mari, elle dit son désarroi en même temps qu’elle revit la période enchantée depuis son départ de sa Suisse natale en 1955, son arrivée au Liban, la rencontre avec son futur mari, la naissance de leur fille, puis la guerre

Pour illustrer son passé lumineux la réalisatrice utilise à la fois des images d’animation (stop motion) et des prises de vues réelles (même si le film a été tourné à Chypre pour les extérieurs et en studios pour les intérieurs). Le ton est léger les couleurs celles d’un conte naïf . Ces "écarts" iront s’atténuant à mesure que s’installe l’angoisse due à la tourmente de la guerre. Ecarts que d’aucuns vont certainement fustiger…dénonçant le décalage entre la légèreté -de la forme- et le tragique du contenu. Dissonance ? On sait le débat frappé d’inanité (depuis le Castigat ridendo mores  jusqu’au film de Benigni  la vie est belle en passant par les aphorismes de Montesquieu et plus tard de Nietzsche). Ecoutons la réalisatrice  « je ne voulais pas nier les drames, la violence mais il m'importait de les évoquer avec cette retenue teintée d'humour que m'avait transmise ma famille. Avec ce récit, la mixité des techniques prenait tout son sens et j’ai décidé d’utiliser le stop motion quand cette technique était nécessaire comme un effet spécial …(cf le dépliant mis à votre disposition dans le hall de l’Omnia)

 

Alice aura été plus que séduite par un pays chaleureux et joyeux, le Liban (On a du mal à comprendre pourquoi on tombe amoureux d’un pays qui n’est pas le nôtre. commente la réalisatrice)  Dès lors ses réticences quand sa fille décide de rejoindre son amoureux en France ou quand son mari, pour la protéger, l’exhorte à retourner en Suisse sont tout à fait justifiées !!!

 

Chloé Mazlo -qui a la double nationalité française et libanaise- dédie au pays de ses ancêtres, le Liban,  un hymne vibrant de couleurs de fragrances et de musique. Mélange heureux de poésie (son film a parfois les allures d’un conte) de théâtre (les deux personnages principaux interprétés par Alba Rohrwacher et Wajdi Mouawad semblent évoluer sur une scène dans le minimalisme de leurs paroles et de leurs gestes et le refus du "naturalisme")  et de danse (entendons que la guerre elle-même si elle est chorégraphiée n’en élude pas moins la force incommensurable de la solidarité et de l’hospitalité)

 

Un film que je vous recommande

 

Colette Lallement-Duchoze

 

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28 juin 2021 1 28 /06 /juin /2021 07:01

Documentaire réalisé par Hassen Ferhani (2019) Algérie, France, Qatar

En plein désert algérien, dans son relais, une femme écrit son histoire. Elle accueille, pour une cigarette, un café ou des œufs, des routiers, des êtres en errance et des rêves. Elle s'appelle Malika

143 Rue du Désert

Le sable qui envahit presque tout l’espace, un filet cranté d’or qui le sépare d’un ciel à peine tourmenté, c’est sur cette infinitude de l’horizon que s’ouvre le film ; la durée  de ce plan fixe épousera le cheminement d’une « silhouette» qui se dirige vers une cahute en ciment, alors qu’aux tout premiers plans de ce lieu « improbable » se dessine la ligne horizontale d’une route sur laquelle filent un puis deux camions.

C’est le prologue.

Nous sommes au 143 rue du désert (sur la route reliant Alger et Tamanrasset )

 

La  "buvette" est tenue par Malika (la reine) une femme à la corpulence impressionnante, au verbe haut, au rire moqueur, au pragmatisme éprouvé. Cette gardienne du vide (comme la surnomme le facétieux Chawki) avec pour seuls compagnons Mimi, la chatte et les chiens,  filmée de face ou de profil, assise le plus souvent, à l’intérieur, est à l’écoute de tous ces  "voyageurs" -Camionneurs routiers imams militaires touristes et même une motarde polonaise ou un groupe de musiciens-chanteurs-. qui lors de leur périple s’octroient une pause (thé omelette). Les propos échangés avec la "maîtresse du logis"  sont apparemment anodins mais on devine que ces micro-histoires dessinent en creux l’histoire de l’Algérie  -un discours de Boumedienne est d'ailleurs retransmis sur le petit écran d’un portable- avec ses périodes troubles de terrorisme, ses problèmes de chômage de corruption et le sort des immigrés subsahariens. Le travail documentaire ne consiste-t-il pas à laisser ces "vies" -et surtout celle de Malika qui les capte et les enregistre,  à s’immiscer dans le plan, la caméra à juste distance (comme dans le film précédent dans ma tête un rond-point)?

 

Le 143 rue du désert , c'est un "refuge" de 20m2 rudimentaire, monacal (une table deux chaises un réfrigérateur quelques ustensiles) avec des ouvertures (fenêtres et porte) dont la portée symbolique est d’emblée soulignée, mais qui variera selon la position de Malika (à l’intérieur ou à l’extérieur) selon la distance, les moments de la journée, les lumières (de jour et de nuit). Cadre dans le cadre que le cinéaste filme avec cet art de la composition -auquel il nous a habitués-. Chawki à un moment improvise un parloir à travers la fenêtre grillagée ; une improvisation qui joue sur le détournement (ressort du comique) et qui pose aussi le problème de la « vérité et du mensonge » (portée plus philosophique) -le même problème que soulevait d’ailleurs Amou dans le film  Dans ma tête un rond-point  « je ne mens pas mais je ne tombe pas dans la vérité »

 

Solitude et aridité … En captant des atmosphères, des lumières, des musiques et des paroles le cinéaste les aura transformées en un souffle semblable à l’Esprit du lieu, et qu’incarne cette femme hors du commun

 

 Résiste comme tu as toujours fait  c'est l'exhortation de Chawki  quand Malika  apprend l’ouverture, non loin de son mini "commerce" , d’une station-service…..

 

Mais  les derniers plans laissent présager le pire...

(à moins que…)

 

Colette Lallement-Duchoze

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25 juin 2021 5 25 /06 /juin /2021 07:42

De Byambasuren Davaa  (Mongolie Allemagne 2020)

Avec Bat-Ireedui Batmunkh, Enerel Tumen, Yalalt Namsrai, Algirchamin Baatarsuren, Ariunbyamba Sukhee, Purevdorj Uranchimeg, Alimtsetseg Bolormaa, Unurjargal Jigjidsuren 

En Mongolie, le père d’Amra, chef des derniers nomades, s’oppose aux sociétés minières internationales à la recherche d’or dans les steppes. Après sa mort dans un tragique accident, son fils entreprend de continuer son combat mais avec les moyens d’un garçon de 12 ans…

Les racines du monde

Plaines immenses, montagnes à l’horizon, îlots de verdure, terre poudreuse, tels sont les paysages que traverse Erdene à bord de sa « Mercédès » rouge (séquence d’ouverture) Mais les mottes de terres, les bossèlements et les trous qui défigurent une beauté naturelle ne sont-ils pas des stigmates, écorchures de douleur provoquées par les engins excavateurs ? Un paysage lacéré dans sa permanence séculaire et tutélaire mais aussi (et c’est bien pire) voici que toute une vie aux rythmes très précis risquerait de disparaître....

Quand le dernier filon d'or aura été tiré de la terre, le monde tombera en poussière

Quand l’enfant est à l’école, la mère s’occupe du troupeau de chèvres et de la fabrication de fromages (la répétition des mêmes gestes la cinéaste la filme sous des angles différents tout en opposant la compacité du troupeau -vu en frontal ou en plongée- à l’individualité du personnage féminin).  Mécanicien, le père milite aussi pour la préservation des terres ancestrales ; or son militantisme se heurte au pragmatisme de sa femme et à celui de ses congénères (pressions et misère les contraignent à signer leur avis d’expropriation)

 

Et pourtant le film ne verse pas dans la facilité du manichéisme. Pourquoi ? en optant pour un mélange de documentaire et de fiction et en adoptant le point de vue de l’enfant, la cinéaste met en exergue nuances et complexité tout en dénonçant les effets pervers de l’exploitation effrénée des richesses aurifères. Et la narration obéit à une dynamique interne scandée en deux mouvements

Dans un premier temps, Amra, tout en respectant les traditions transmises par le père (et la scène récurrente de l’arbre aux prières et aux khatags le prouverait aisément) rêve d’un ailleurs dont le concours de chant ouvrirait les portes. Le combat des adultes ne l’intéresse pas ; technologies modernes - téléphones portables-  et traditions font bon ménage. Une première partie placée sous le signe de l’insouciance de la sérénité (hormis certains propos échangés entre les époux concernant un .... déménagement). La mort du père, et le sentiment de culpabilité font voler en éclats ce rêve ; et c’est aussi l’enfance d’Amra qui à jamais s’effrite. Scènes plus ténébreuses à l’instar de ces descentes au fond de puits : délaissant l’école l’enfant aide les ninjas -ces mineurs clandestins- lui le nouveau « père » doit subvenir aux besoins de la famille. La dernière partie du film jouerait-elle le rôle d’épilogue ? Certes le « triomphe » d’Amra (à la télévision) est étroitement lié à son interprétation de la chanson « les rivières d’or ». Mais les paroles « l’or est un puits de souffrance » n’ont-elles pas une résonance particulière pour qui a en subi les douleurs torturantes  dans sa chair ?

Sa voix emplit l’espace sonore alors que …. sur cette « terre gorgée d’or », défilent des images d’excavateurs !!

 

Une fable émouvante qui s’adresse à tous les publics -dont les enfants

Un film qui allie contemplation et dénonciation

Un film qui frappe par la maîtrise des cadrages et des ambiances (pour exemple, le traitement des scènes à l’intérieur de la yourte dont les éclairages et clairs obscurs évolueront en fonction de ce voyage intérieur )

 

 

Colette Lallement-Duchoze

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25 juin 2021 5 25 /06 /juin /2021 03:49

 

Du cinéma iranien, Abbas Kiarostami est sans doute l’une des figures les plus connues. Le Centre Pompidou à Paris lui offre d’ailleurs une rétrospective intégrale jusqu’au 26 juillet. Ce cinéma, un des plus fertiles au monde, n’hésite pas à traiter d’affaires culturelles, sociales ou politiques très contemporaines. Pour donner à voir ce pays et la richesse de sa production cinématographique, le festival Cinéma(s) d’Iran ouvre mercredi 23 juin sa huitième édition (il s’achèvera le mardi 29 juin) au Nouvel Odéon, 6 rue de l’École de médecine, à Paris. Une édition sans la présence des réalisateurs cette année, mais qui propose plus de vingt films de fiction, documentaires et courts métrages.  PAR LE FESTIVAL CINÉMA(S) D’IRAN & MEDIAPART

Mediapart s’y associe de nouveau en diffusant plusieurs courts métrages. 

 

Aujourd’hui, Tattoo réalisé par Farhad Delaram en 2019. Lors d’un examen de routine pour renouveler son permis de conduire, une cicatrice et un tatouage plongent une jeune Iranienne dans une situation inextricable…

Festival iranien Tattoo  (court métrage)

 

Court métrage iranien (1/3): « Tattoo » | Documentaires | Mediapart

 

Le site du festival Cinéma(s) d'Iran est ici. Et toute la programmation détaillée, .

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Ce blog est destiné à collecter nos ressentis de spectateurs, à partager nos impressions sur les films (surtout ceux classés Art et Essai).

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