21 septembre 2021 2 21 /09 /septembre /2021 06:54

Documentaire réalisé par Alexander Nanau (Roumanie 2019)

 

 Nominé aux Oscars

Prix LUX du public 2021, décerné par le public européen et les membres du Parlement européen

 

Après un tragique incendie au Colectiv Club, discothèque de Bucarest, le 30 octobre 2015, de nombreuses victimes meurent dans les hôpitaux des suites de blessures qui n’auraient pas dû mettre leur vie en danger. Suite au témoignage d’un médecin, une équipe de journalistes d’investigation de la Gazette des Sports passe à l’action afin de dénoncer la corruption massive du système de santé publique. Suivant ces journalistes, les lanceurs d’alerte et les responsables gouvernementaux impliqués, « L’Affaire Colectiv » jette un regard sans compromis sur la corruption et le prix à payer pour la vérité

 

 

L'affaire collective

 

Pourquoi ne sommes- nous plus humains ? "Parce que l'argent domine tout

 

Visages éplorés des parents des victimes- dont celui d’un père-, déclarations douloureuses, alors que défile le générique. Et dans la séquence finale on verra ce même père au volant de sa voiture : il conduit sa famille sur la tombe du fils. La construction circulaire du film n’est pas anodine !!!

Puis dans l’embrasement de la discothèque, -un club sans issue de secours !!- on assiste à la déroute des 400 participants, mouvements de panique, affolement et cris de désespoir…

Mais c’est aux  "morts suspectes" plus qu’au sinistre en lui-même que s’intéresse le documentariste. Il suit -et entraîne le spectateur dans le sillage d'une caméra alerte- les investigations des journalistes de la gazette des sports et surtout son charismatique Catalin Tolontan. Méthodiquement, progressivement sont mis à nu les dysfonctionnements d’un système gangrené, corrompu par l’argent, la recherche du profit. Le rythme est enlevé et l’ambiance de la salle de rédaction rappelle certaines fictions américaines sauf qu'ici….on est dans le REEL : Un grand nombre d’hôpitaux ont acheté sans sourciller des produits désinfectants dont les ingrédients actifs ont été dilués. Le gouvernement, qui avait refusé que les victimes de l’incendie soient transférées à l’étranger, nie en bloc par la voix de son ministre de la santé, lui-même ancien directeur d’hôpital

Un scandale sanitaire généralisé éhonté ! et le peuple roumain réagit à ces révélations ; sa révolte  parvient à "renverser"  le gouvernement en place !  Dès lors,  le documentaire  se concentre sur le « parcours » du nouveau ministre de la santé Vlad Voiculescu déterminé à TOUT changer. Est-il sincère ?  on sera en droit de le penser…Or les élections ….vont le désavouer

 

Pour pallier "l’aridité" du jargon scientifique juridique politique, et en contrepoint à l’effervescence de l’investigation, le documentaire alterne avec le témoignage d’une survivante (brûlée au visage et au corps) dans sa "reconstruction". Voici Tedy : elle teste face à la caméra, la prothèse de main ; elle accepte aussi de poser pour un photographe d’art (thématique d’une exposition).

 

 Une image terrible et insoutenable : celle d’un visage qui se décompose et pourrit sous la vermine ! Image métaphore aussi : celle de la pourriture du système.

 

Mêler en les assemblant des styles très différents (témoignages des victimes, vidéos, thriller, portrait politique enquête minutieuse   ) c’est bien la force persuasive – même si elle est assez didactique- de ce documentaire que je vous recommande vivement

 

Colette Lallement-Duchoze

 

Ps On s’offusque que de tels scandales aient sévi dans un pays d’Europe ! L’Europe des démocraties l’Europe vertueuse !!!  Mais le népotisme, le clientélisme et le conflit d’intérêts (ex : l’école de santé publique qui reçoit des pots-de-vin en échange de la nomination de directeurs d’hôpitaux, une commission qui donne son aval moyennant rétribution, etc…) sont-ils le triste apanage de la Roumanie ? hélas non….

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20 septembre 2021 1 20 /09 /septembre /2021 06:04

 

de Charline Bourgeois-Tacquet (France 2020)

avec Anaïs Demoustier, Valeria Bruni Tedeschi, (Emilie)  Denis Podalydès, (l'amant, le mari d'Emilie)  Bruno Todeschini (le père d'Anaïs) Anne Canovas (la mère ) , Xavier Guelfi (le frère ) Grégoire Oestermann (le directeur de thèse) Christophe Montenez (Raoul l'ex petit ami) 

 

présenté à la Semaine de la critique, en séance spéciale du 60ème anniversaire de la sélection

 

Anaïs a trente ans et pas assez d'argent. Elle a un amoureux qu'elle n'est plus sûre d'aimer. Elle rencontre Daniel, à qui tout de suite elle plaît. Mais Daniel vit avec Émilie… qui plaît aussi à Anaïs. C'est l'histoire d'une jeune femme qui s'agite. Et c'est aussi l'histoire d'un grand désir

Les amours d'Anaïs

 

Frondeuse sémillante incandescente insouciante (du moins en apparence !!) le personnage éponyme du film de Charline Bourgeois-Tacquet -admirablement interprété par Anaïs Demoustier- ne cesse dans un premier temps de courir pédaler gravir les escaliers avec l’impression de ne pas toucher le sol, et sa désinvolture (avec sa propriétaire avec ses supérieurs avec son petit ami par exemple) pourrait ….à la longue ….agacer,  tout comme son élocution ultra rapide qui transforme le discours en logorrhée.

 

Or si le titre induit une pluralité (voire une multitude) les amours d’Anaïs se limitent - dans les faits- à UNE révélation amoureuse et peu importe le "genre" ("il fallait que la question de l'orientation sexuelle n'en soit pas une et que le personnage ne se la pose jamais. Parce que la seule chose qui guide Anaïs c'est son désir. Elle se laisse emporter par ses pulsions ses envies  et je trouvais ça beau qu'elle aille jusqu'au bout sans se poser de questions") 

Et les sourires illuminant son visage le laisseront légèrement emperlé de douleur (déjà à l’écoute de la souffrance, celle d’une mère affectée par la récidive d’un cancer, elle avait laissé jaillir des pleurs)

 

Un générique tout en couleurs flashies , une volubilité (qui ira s’amenuisant)…un corps qui se dénude à une vitesse électrisante, une partition musicale signée Nicola Piovani (avec entre autres Ravel et Henry Purcell) l’opposition entre l’écrivaine quinquagénaire solaire (séduisante Valeria Bruni Tedeschi) voire hédoniste et la pétulante Anaïs trentenaire etc… Oui le film est une "comédie"  légère et grave à la fois. Oui les « bobos » germanopratins, les milieux de l’édition sont épinglés mais … en douceur….juste éraflés!!!

Tout cela est réjouissant et rafraîchissant  certes, mais…sans plus…

 

Et si le roman de Duras  "Le  ravissement de Lol V. Stein " (où un homme invente la vie de celle qu’il aime à partir du peu qu’il sait d’elle) ce roman qui a été  comme le livre de chevet d'Emilie et qui a séduit Anaïs, était comme la clé de voûte de cette cathédrale hédoniste ? ou du moins au centre de la relation  Anaïs / Emilie ?

 

A vous de juger !!

 

Colette Lallement-Duchoze

 

 

 

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18 septembre 2021 6 18 /09 /septembre /2021 10:02

De Ryusuke Hamaguchi   (Japon 2021)

Avec Hidetoshi NishijimaTôko MiuraReika Kirishima

 

 

Prix du scénario Festival de Cannes 2021

 

Alors qu'il n'arrive toujours pas à se remettre d'un drame personnel, Yusuke Kafuku, acteur et metteur en scène de théâtre, accepte de monter Oncle Vania dans un festival, à Hiroshima. Il y fait la connaissance de Misaki, une jeune femme réservée qu'on lui a assignée comme chauffeure. Au fil des trajets, la sincérité croissante de leurs échanges les oblige à faire face à leur passé 

Drive my car

 

Adapté d’une nouvelle de Murakami (tirée du recueil  "des hommes sans femmes") le film du japonais Ryusuke Hamaguchi frappe par les audaces de mise en scène, les ruptures de rythme mais surtout par l’exploitation tout en délicatesse de ses thèmes de prédilection (travail du deuil, communication en souffrance, culpabilité, cf Asako I et II) sans jamais verser dans le pathos ni l’insistance dramatique.

Un long prologue (plus de 40’) permet au cinéaste « d'installer » le personnage principal Yüsuke Kafuku dans son rôle d’acteur et de metteur en scène mais surtout dans sa relation avec sa femme Oto, scénariste de télé. Un prologue qui marie Eros (cf la séquence d’ouverture entre autres où la parole inventée et récitée stimule le désir) et Thanatos (perte de l’enfant, en écho perte de l’être aimé). Une porte se ferme sur la découverte de l’adultère… Silence et  non-dit. Générique 

Ellipse.

Et nous voici des années plus tard, à Hiroshima où Yüsuke Kafuku, prépare la représentation de la pièce de Tchékhov "Oncle Vania". Porte ouverte désormais au monde extérieur ? ce dont témoignerait la présence des personnages castés et dans l’intimité desquels le cinéaste fait pénétrer spectateur ? Mais surtout la relation entre Kafuku et sa conductrice Misaki qui du mutisme initial évolue vers les confidences souveraines sur la culpabilité, va consolider la trame essentielle du film à savoir le long travail de deuil. D’abord Yüsuke Kafuku lors de ses trajets entre le domicile et le lieu des répétitions, écoute en boucle les enregistrements de la pièce de Tchékhov (où sa femme lui donnait la réplique) puis la Saab (le rouge écarlate tranche avec les couleurs bleues vertes ou blanches des paysages traversés et sublimés selon les angles de vue, mais s’harmonise avec les lumières rougeoyantes des tunnels… ) devient par métaphore l’habitacle de la pensée, ce lieu de l’intériorité, cet espace propice au choix suprême ?…

Le tiraillement entre « conduire » et « être conduit » (sens du titre) la troisième partie (retour aux sources de la culpabilité pour Misaki, dans le blanc immaculé de la province d'Hokkaido,  confidences partagées) le  "dénoue" ; avant que sur scène nous n’assistions au  "dénouement" de la pièce:

nous nous reposerons

Ce film qui suggère plus qu’il ne montre, qui enchevêtre tous les allers et retours (dans le temps et l’espace) en un maillage dont la pièce de Tchékhov a tissé les échos, qui à l'instar de fondus enchaînés ou d'effets spéculaires nous invite à voir au-delà des cadres dans les cadres, qui exploite toutes les « langues » mais surtout le langage du silence -ineffable dans son éloquence même-, est à voir absolument ( 3h de pur plaisir )

 

 

Colette Lallement-Duchoze

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16 septembre 2021 4 16 /09 /septembre /2021 06:16

de Nadav Lapid (France Allemagne Israël) 2021 

 

avec Avshalom Pollak (Y) Nur Fibak (Yahalom) 

 

 

Prix du Jury Festival de Cannes 2021

 

 

Y., cinéaste israélien, arrive dans un village reculé au bout du désert pour la projection de l'un de ses films. Il y rencontre Yahalom, une fonctionnaire du ministère de la culture, et se jette désespérément dans deux combats perdus : l'un contre la mort de la liberté dans son pays, l'autre contre la mort de sa mère.

Le genou d'Ahed

 

Epoustouflant ce long métrage de Nadav Lapid tant par sa construction, par ses ressources formelles que par l’ambition de son sujet (rage de vivre et autopsie d'une société). Rien d’étonnant à ce que le public lors de la projection à Cannes  ait été comme  "sonné"  et que Spike Lee ait été subjugué

Dès la première séquence la caméra qui virevolte, qui transforme les buildings en anamorphoses et la bande-son sur-dimensionnée (pluie diluvienne, pétarades de la moto) ne peuvent qu’impressionner, happer le spectateur, l’extirper de son siège ! Déluge orageux qui encoderait le film ?

Le titre (clin d’œil bien évidemment à Rohmer) fait référence à Ahed Tamini (jeune Palestinienne condamnée à 8 mois de prison pour avoir giflé un soldat de Tsahal. Or un député d’extrême-droite Bezalel Smotrich avait regretté qu’on n’ait pas tiré une balle dans son genou afin de la rendre handicapée…) Le cinéaste Y (Avshalom Pollak) -alter ego de Nadav Lapid ?- prépare précisément un film (biopic?) sur cette jeune femme ; ce qu’illustre au début la séquence de casting.(aujourd’hui dans tous les pays on veut briser des genoux d’Ahed alors il faut aller partout les filmer et les sublimer »)

Mais sollicité en province Y se rend à Arava (l’Arabah est une partie de la vallée du Grand Rift entre la mer Morte et le golfe d’Aqaba) présenter un film précédent. Fut-il  "empêché" dans son projet initial ? En tout cas « l’histoire » a bifurqué…Et la narration - film et film en train de se faire, aridité du paysage épousant les aspérités d’une conscience, folle liberté de la caméra avec ses zigzags ses rotations   alors que Y écoute  "be my baby" de Vanessa Paradis, récit enchâssé -celui de la propre histoire du cinéaste ?-, forces telluriques explosives qui tranchent avec la douceur des messages envoyés à la mère -, la narration donc suit une courbe ascendante où la violence corrosive du réquisitoire (diatribes éructées par une bouche mitrailleuse  filmée en très gros plan) est d’une rareté inouïe, stupéfiante.

 

Signer un formulaire digne des pires censures ? (un ministère de l’art qui déteste l’art ? une fonctionnaire de ce même ministère entièrement soumise ?) Continuer à « vivre » dans un pays où triomphent l’hypocrisie la haine de l’autre la volonté de puissance ? un pays nationaliste et raciste qui gouverne par la peur? Des compatriotes aveuglés qui s’obstinent à diviser le monde en deux, les amis et les ennemis d’Israël ?

 

L’histoire des  "poivrons" -racontée par l’apiculteur- n’est-elle pas métaphore ou allégorie du pays en proie à une inéluctable dégénérescence….?

 

Ecoutons le réalisateur expliquer sa démarche

"La situation chez nous est complexe dit-on. Ce sentiment de la complexité m’est apparu avec le temps comme une forme de mollesse un cliché artistique et politique. C’est la haine du pays, c’est l’amour du pays… J’ai voulu me donner entièrement aux sentiments radicaux suscités par mon pays à travers les mots. Je voulais dessiner un carré noir à la manière de Rothko"

"Le genou d’Ahed c’est le récit d’une journée à travers laquelle le personnage principal va au-devant de ses propres limites. Il se prend pour un monstre ou un surhomme, un diable ou un prophète. Mais finalement peut-être qu’il n’est ni l’un ni l’autre, juste une personne en crise personnelle dans une société en crise collective"

 

Un film à ne pas rater

 

Colette Lallement-Duchoze

 

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15 septembre 2021 3 15 /09 /septembre /2021 19:24

Documentaire réalisé par Gilles Perret et François Ruffin 2020

 

Mais qui m’a mis cette tête de con ?  » Ce n’est pas le grand amour entre le député En Marche ! Bruno Bonnell et l’insoumis François Ruffin. Et pourtant… C’est parti pour le premier « road-movie parlementaire » à la rencontre des femmes qui s’occupent de nos enfants, nos malades, nos personnes âgées. Ensemble, avec ces invisibles du soin et du lien, ils vont traverser confinement et couvre-feu, partager rires et larmes, colère et espoir. Ensemble, ils vont se bagarrer, des plateaux télés à la tribune de l’Hémicycle, pour que ces travailleuses soient enfin reconnues, dans leur statut, dans leurs revenus. Et s’il le faut, ils réinventeront l’Assemblée…

Debout les femmes!

Après "Merci Patron" et "J'veux du soleil !" François Ruffin persiste et signe avec bonheur un 3ème film en prise directe avec l'actualité : La vie des Assistantes de vie et femmes de ménages, ces femmes sans statut, si peu reconnues, en 2020 pendant le confinement dû au Covid. Le tournage s'est fait à Amiens et la région Nord où le réalisateur a été élu député en 2017, mais aussi en partie à Dieppe.

Comme d'habitude, un film coup de poing où on rit et on pleure. L'émotion est ici au service d'une belle idée : redonner de la dignité à ces femmes précaires qui malgré la difficulté de leur condition aiment leur métier. La méthode de Ruffin est efficace, il les accompagne dans leur travail, les écoute surtout, et se bat à l'Assemblée nationale ("usine à gaz où il ne se passe rien" confesse-t-il lors du débat) pour essayer de mettre fin à leur situation de quasi esclave. Il convoque ensuite une assemblée de femmes qui donne des frissons...

800 € par mois pour un lever à 5 Heures du matin et une fin de journée à 20 H. Ces femmes ne sont payées qu'à la tâche et font un parcours quotidien insensé pour se rendre d'un malade à l'autre, d'un chantier à l'autre.

On perçoit nettement  à travers ce film comment ces métiers du lien si utiles aux handicapés, aux personnes âgées isolées, dépendantes, ces métiers que Macron a reconnu hypocritement comme très mal payés pour ce qu'ils font, n'ont aucun statut ! Elles sont méprisées, ignorées par ceux qui nous gouvernent et font partie de ces 5 millions de pauvres en France.

Ruffin mène le combat, comme à son habitude, en commission parlementaire d'abord en tandem avec un député de la REM non choisi par lui, puis dans l'hémicycle pour qu'un véritable statut de Service public (Education nationale, Santé)  mette fin à l'ubérisation des métiers du social. Ses efforts sont cassés par la droite majoritaire, ses amendements retoqués les uns après les autres. Mais ses efforts  n'auront pas été totalement vains car ça et là, grâce à la mobilisation avec les intéressées menée tambour battant, il décroche quelques victoires dont la liste pas négligeable apparaît à la fin du film.

Avec Ruffin on ne sombre jamais dans le désespoir, certes il apporte la preuve que nous ne vivons pas en démocratie, que la haine de classe des nantis contre les pauvres existe bel et bien, mais il a le talent pour mettre en lumière ces  "derniers de corvée", leur redonner chair et dignité avec courage et lucidité.

 

Allez voir ce film qui donne à voir clairement avec humour sans pathos ce que pourrait être une société où l'économie serait au service de l'humain et non l'inverse. Et dites à vos amis d'y aller, ils seront surpris d'y apprendre tant de choses cachées.

 

Vu à Rouen à l'Omnia le 14 septembre. Sortie nationale dans les bons cinémas le 15 octobre .

 

Serge Diaz

 

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8 septembre 2021 3 08 /09 /septembre /2021 05:26

FINALE

SAMEDI 2 OCTOBRE / CINÉMA ARIEL / 20H

Pendant cette dernière séance, les 6 films finalistes sélectionnés par le public pendant les actes (1 film qualifié par acte) sont rediffusés, ainsi que les lauréats des autres prix. L’ultime vote du public déterminera le grand gagnant de cette 20ème édition. L’ensemble des prix seront remis en deuxième partie de soirée, accompagnés d’un cocktail de clôture.

Réserver son billet

Festival courtivore la finale

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5 septembre 2021 7 05 /09 /septembre /2021 05:54

de Bruno Dumont (France, Belgique, Allemagne, Italie 2020)

avec Léa Seydoux, Blanche Gardin, Benjamin Biolay, Emanuele Arioli

 

Présenté en compétition au festival Cannes 2021 

 

 

à ce synopsis: 

"Chronique de la vie frénétique d’une journaliste star de la télévision, prise entre la célébrité́ et une spirale d’événements qui entraîneront sa chute"

Je préfère celui-ci

entre drame et humour Léa Seydoux interprète une journaliste vedette de la télévision qui prend conscience de la vacuité de son approche de l'information

 

France

 

Un orage montait que nul ne voyait venir (Un demi-clair matin de Charles Péguy dont le réalisateur s’est inspiré)

 

Un début nerveux et qui « contient le tout » : rôle de la coache hystérique branchée sur les réseaux sociaux, avide de rendement ; interview avec le président Macron (afin de mettre en évidence les accointances entre le journalisme et le politique) ; dualité du personnage éponyme en harmonie d’ailleurs avec le « in » et le « off » des médias qui -et ce sont les propos du réalisateur interviewé par Cineuropa- ont totalement évacué le "off" : tout est beau, propre, hygiénique. C’est cela qui est cynique : le sourire de France quand la caméra s’allume et derrière, elle rigole

 

On reproche au réalisateur la surenchère ! Certes l’appartement et son luxe ostentatoire, les tenues vestimentaires de la journaliste/star, son maquillage, l’outrecuidance dans le « trafic » des reportages et l’obscénité à dévoyer la misère humaine, criant criard invraisemblable, tout cela pourrait « choquer » si ce n’était le miroir grossissant d’une réalité…

Et il me semble que l’on fait un mauvais procès à Bruno Dumont. Les médias ne m’intéressent pas plus que cela. La critique des médias, on la connaît et ce que je dis n’apporte rien. Ce qui m’intéresse, c’est France, rentrer dans ce personnage qui est à la fois son propre milieu, mais qui va s’en détacher

France c’est précisément l'histoire (fictive) d'une prise de conscience qui s’opère en plusieurs étapes et que scandent   les changements de lieux et de maquillages de regards et de propos ; le point de départ? Un accident de la circulation dont elle est responsable…. "mon métier, c’est mon métier. Je l’accepte. Il n’y a plus que le présent" conclut-elle après des déboires des velléités d’abandon et de rétractations comme un écho aux propos de Péguy?  Trouver la grâce dans le présent sans éliminer les turpitudes de la nature humaine

Que penser du choix du prénom et du nom France de Meurs ? On peut gloser sur l’opposition entre la graphie (évidence de la mort) et la phonétique (incitation à la pérennité) et invoquer Lacan. Mais la dichotomie  "formelle" n’est-elle pas au cœur de la problématique : ambivalence entre la gangrène qui paralyse  notre société de (et du) «"spectacle"  et la prise de conscience bouleversante de cet état des lieux qui pourrait déboucher sur la revendication d’un autre monde ? car France est   "le milieu et en même temps le moyen de le dépasser"

 

 

Des longueurs ? oui…mais.

La balade en voiture, les regards entre le père au volant et le fils, l’opposition entre le paysage inviolé et l’accident traité avec cette recherche du sensationnalisme du « spectaculaire »  (à l’instar d’ailleurs des faux documentaires signés France). Un drame capillotracté.

Les visites chez le psy (avec inversion des rôles ou clichés redondants)

Dans une clinique huppée (réservée aux ultra riches) l’intrusion d’une patiente, avec ce contraste facile entre la dégénérescence cognitive et la fierté de côtoyer les membres d’une jet set dont .....elle a oublié les noms…(même si cette séquence illustre la gangrène de la société du spectacle, et simultanément son impermanence?) 

L’interview de cette femme qui a vécu plus de 20 ans aux côtés d’un monstre…. est ambigüe (tout comme ses paroles se contredisent)

A vous de juger !!!

 

Colette Lallement-Duchoze

 

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4 septembre 2021 6 04 /09 /septembre /2021 10:30

De Kelly Reichardt 2020 (USA) 

Avec John Magaro (Otis "Cookie" Figowitz), Orion Lee (King Lu), Toby Jones (le facteur en chef), Ewen Bremner (Lloyd), Scott Shepherd (le capitaine), Gary Farmer (Totillicum), Lily Gladstone (la femme du facteur en chef), Alia Shawkat (la femme avec le chien), Dylan Smith (Jack), Clayton Nemrow (Clyde), René Auberjonois

Scénario : Kelly Reichardt et Jonathan Raymond d’après son livre The Half-Life

 

Prix du Jury Deauville 2020


 

 

Vers 1820, un cuisinier solitaire voyage vers l’Ouest, jusqu’à l’actuel Oregon. Il y rencontre un immigrant chinois également en quête de fortune. Les deux montent un dangereux commerce impliquant de voler le lait de la vache d’un propriétaire terrien : l’unique et première vache du territoire.

First cow

 

L’oiseau a son nid, l’araignée sa toile, et l’homme l’amitié  cette citation de William Blake, en exergue, servira de fil conducteur

 

 

Un cargo passe. Il semble remonter le fleuve. Sur une de ses rives, un chien creuse la terre à un endroit précis, sa maîtresse poursuivant la fouille découvre deux squelettes allongés côte à côte. Plan suivant : sur cette même terre, au même endroit,  200 ans auparavant, des mains cueillent des champignons. Ces mains sont celles de Cookie un cuisinier chargé de nourrir des trappeurs. Et plus tard dans sa recherche de baies il découvre un homme traqué, un Chinois qui redoute les représailles de Russes, il lui offre spontanément l’hospitalité…C’est le début d’une amitié.

Une relation dyadique où le savoir-faire de l’un épousera la subtilité mercantile de l’autre (fabrication et vente de beignets, préparés au lait de vache, la première introduite sur le territoire « first cow »), où les deux seront animés par la même foi en un avenir plus lumineux, et par la conviction d’un bonheur partagé, ailleurs que dans cet Oregon encore « sauvage », sa concrétisation  exige….de l’argent !

 

Terre à la glèbe arrachée, terre sans cesse retournée, terre alma mater, terre sépulture.

 

Le long métrage de Kelly Reichardt, en commençant par l’épilogue (la fin d’une « aventure »), obéit ainsi à une structure circulaire, et ce choix narratif est éloquent. En mettant en exergue un geste séculaire -retourner la terre,  cueillir ses fruits, rechercher ses mystères et ses richesses – puis en privilégiant la relation entre deux hommes « à la marge » porteurs du rêve américain (?)….revisité, la réalisatrice affiche une démarche politique assez originale: ainsi pour « écrire » l’histoire des USA celle de la conquête de l’ouest, son « western immobile » ou plutôt son anti western se lit et s’écoute comme une ode à l’amitié et à la nature (ce que renforcent la musique du guitariste folk William Tyler, et le leitmotiv musical à l’autoharpe). Ce qui n’exclut nullement l’avidité la rapacité l’individualisme forcené de certains…

 

Lumière automnale, chuchotements et susurrements de la forêt, douceur des paroles de Cookie destinées à la vache qu’il trait au clair de lune en toute illégalité alors que son « comparse » fait le guet, gros plan sur cet œil qui n’a plus rien de bovin mais qui reflète un destin, cargo qui fend le fleuve -dans les deux sens à l’instar de la réalisatrice qui « remonte » le temps-, une attention portée aux gestes les plus élémentaires de survie (avec effet de zoom), un rythme assez lent, un format 4/3, on est loin des mythes fondateurs de l’Amérique et de ces fameux grands espaces, devenus dans l’imaginaire collectif interdépendants des « westerns » !!!!

 

Un film à ne pas rater

 

Actuellement visible sur Mubi, il sortira en salles en octobre 2021

 

Colette Lallement-Duchoze

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3 septembre 2021 5 03 /09 /septembre /2021 04:25

d' Andreï Kontchalovski (Russie  2020)

avec Julia Vyssotskaïa,  Andreï Goussev, Ioulia Bourava

 

Prix Spécial du Jury à la 77ème Mostra de Venise

 

À Novotcherkassk, petite ville industrielle de l’URSS des années 60, Lyudmila est une communiste convaincue et membre du pouvoir exécutif local de la ville. Son idéologie est profondément ancrée dans le stalinisme et elle fait une confiance aveugle à son gouvernement soviétique. Après une sanglante répression de la grève des ouvriers de la ville, Lyudmila va néanmoins tout faire pour retrouver sa fille qui a disparu lors des manifestations…

Chers camarades

 

Si on ne peut plus croire au communisme, alors il nous reste quoi ?

Certes le réalisateur rappelle à notre mémoire la répression sanglante d’une grève (les événements de juin 1962 à Novotcherkassk seront occultés jusqu’en 1992). Mais à travers l’itinéraire d’une femme, membre du comité local, fervente admiratrice du défunt Staline, à l’ère de la « déstalinisation » entreprise par Khrouchtchev, mais qui en tant que mère voit sa foi, ses idéaux vaciller, se fissurer, il rend palpable un basculement et sans oublier vraiment les enjeux initiaux il les humanise, les inscrivant dans une histoire personnelle qui pourrait être universelle

Après les somptueuses couleurs ocres ambrées et les ambiances « renaissance italienne » du biopic Michel Ange, Konchalovsky a choisi pour « chers camarades » le noir et blanc. Pourquoi ? l’histoire russe et soviétique est toujours en noir et blanc, très manichéenne. La mentalité russe n’a pas de gris, de neutralité, c’est toujours les extrêmes. C’est très médiéval finalement affirme-t-il non sans humour non sans cynisme. Mais ce faisant c’est aussi un hommage au cinéma russe, à une forme d’académisme qu’accentue le format 1,33 :1 (qui rappelons-le enferme le(s) personnage(s) dans le cadre). Et la comédienne Julia Vyssotskaïa , femme du réalisateur, théâtralise par son jeu certaines « situations » (cf les réunions où s’affrontent les représentants du KGB et ceux de l’Armée, la tourmente d’une épicerie assaillie par la foule affamée qu’elle parvient à juguler grâce à «son « laisser passer », la confrontation grévistes et forces répressives qu’elle défie à la recherche de sa fille, etc.)

Une scène -parmi tant d’autres- au puissant symbolisme :  Lyudmila est assise sur un banc public (dévastée par l’attente torturante…sa fille est-elle vivante ?)  elle regarde une chienne qui vient de mettre bas, ses chiots tètent avec avidité, pour leur …survie... alors qu’au même instant la Russie cette fameuse Mère Russie « massacre ses propres enfants »…

Comme dans Paradis le réalisateur préfère suggérer plutôt que montrer avec insistance (la place maculée de sang qu’on doit de nouveau asphalter tout comme on ensevelit l’histoire sous une chape de silence, une chaussure comme métonymie de l’ampleur de la répression) et comme dans le film de 2016 aussi les héros seront volontairement ambivalents ; c’est que le réalisateur traque ce qu’il peut y avoir à la fois de pur et de corrompu dans la croyance aveugle en un système.

Un film au titre ironique à ne pas rater !

 

Colette Lallement-Duchoze

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2 septembre 2021 4 02 /09 /septembre /2021 06:30

écrit et réalisé par Eugène Green (France Pays basque) 2020

coproduit par les frères Dardenne 

avec Saia Hiriart, Lukas Hiriart, Ainara Leemans, Thierry Biscary..

 

La déesse Mari confie au Diable ses deux fils, nés d’un père mortel, pour leur éducation. Lorsqu’ils atteignent leur majorité, l’un, Mikelats, décide de rester auprès du maître, tandis que l’autre, Atarrabi, s’enfuit. Mais le Diable réussit à retenir son ombre.

Atarrabi & Mikelats (un mythe basque)

 

Le film s’ouvre (comme la Sapienza, et le fils de Joseph) sur des « images » de contemporanéité qui l’apparenteraient à un documentaire (ici des panneaux de signalisation et des vues de Saint Jean de Luz) ; ….Mais très vite le cinéaste invite le spectateur à pénétrer dans une terre de fiction (une grotte entre autres qui rappelle une cave de DJ) après l’avoir guidé avec cet exergue emprunté à Pessoa « le mythe est le rien qui est tout »

C'est  à la "renaissance"  d’un mythe basque que nous allons assister, un mythe que l’art -consommé- d’Eugène Green revisite avec sa science  des cadrages et de l’architecture, sa répartition des couleurs contrastées (le rouge et le blanc à la Zurbaran)  et  par la toute-puissance de la parole -importance de la diction pour restituer une "langue qui structure la pensée à l’envers"  ainsi, on commence par l’aboutissement et l’on remonte vers la cause (cf le dépliant dans le hall de l’Omnia)

 

Voici deux frères, deux parcours, deux destins (jusqu’à l’ordalie) deux conceptions de la « grâce », du Bien, du Mal (leur mère, la déesse Mari était à la fois lumière et ténèbres. Le diable éducateur ravit l'ombre d'Atarrabi au moment de sa "fuite";  or celui qui n’a pas d’ombre ne peut recevoir la lumière  et ce sera sa malédiction !! ). Dichotomie et opposition qu’illustrent les chorégraphies chantées contrastées, les « théories », le champ contre-champ,  le montage alterné et qu’irradie la dialectique ombre/lumière 

 

 

La critique sociale affleure çà et là, elle peut se lire dans la scène cocasse des « baigneuses » (bizarrement transformées en nains …elles paraboliseraient la théorie du « genre » ? ),  dans la représentation subliminale du diable (il écoute du rap, fait le DJ, les dits « modernes » sont de son côté ; alors que les plus « classiques » seraient incarnés par Atarrabi et son âne – Je ne sais pas si je suis moderne. Je voudrais servir répond-il aux nains)

 

« tu fais partie du monde vivant », dit Atarrabi au rocher. L’homme seul possède la parole, mais toi tu nous entends » lui dit le hibou. Oui C’est bien un modèle de relation et de partage sensible, propre au monde vivant, qu’offre le réalisateur face à l’opposition des frères – et nous retrouvons dans ce film habité, les thèmes qui lui sont chers : le don de soi et une certaine forme de mystique

 

Dans ce film complexe, à la beauté formelle exigeante, Eugène Green rend hommage à la langue basque, une langue qui -après le nationalisme castillan franquiste en Espagne et le centralisme uniformisateur en France- avait pu enfin  "renaître"

Mais il est vrai que la diction neutre et le "statisme"  des acteurs/ récitants -filmés souvent de face-, auront leurs détracteurs !!!

 

Colette Lallement-Duchoze

 

 

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