12 juin 2022 7 12 /06 /juin /2022 06:10

de Ferit Karahan (Turquie Roumanie 2021)

avec Samet YildizEkin KoçMahir IpekMelih SelcukCansu FirinciNurullah AlacaMert HazirMustafa Halli

 

 

 

Dans un pensionnat isolé dans les montagnes d’Anatolie, les élèves doivent obéir à des règles strictes. Une nuit d’hiver, le chauffage tombe en panne. Memo, 12 ans, demande à son ami Yusuf s’il peut dormir dans son lit mais ce dernier refuse par crainte du qu’en dira-t-on. Le lendemain matin, Memo est retrouvé sans connaissance.

 

Yusuf et son meilleur ami Memo sont élèves dans un pensionnat pour garçons kurdes, isolé dans les montagnes de l’Anatolie orientale. Lorsque Memo tombe mystérieusement malade, Yusuf est contraint de surmonter les obstacles bureaucratiques dressés par la direction autoritaire et répressive de l’école pour tenter d’aider son ami.

 

 

 

Anatolia

Le film s’ouvre sur la séquence de la douche- douche collective hebdomadaire, que surveille un personnel prompt à repérer  la moindre incartade - prétexte pour exercer un autoritarisme forcené : en l’occurrence privation d’eau chaude et obligation de se laver à l’eau froide….Punition infligée à trois pensionnaires dont Mehmet sous l’œil réprobateur de son ami Yusuf.  Ce long prologue filmé en plans serrés met en exergue dureté, maltraitance, coercition, relations fondées sur la peur.

Thématique majeure de ce film qui -tout en s’inspirant d’un douloureux épisode de la vie du réalisateur- donne à voir de façon prégnante et sensorielle une école de la cruauté. Le jeune acteur  Samet Yildiz dont le visage filmé en gros plan envahit parfois l’écran ou dont le corps, minuscule virgule dans l’immensité enneigée, incarnera  cette terreur au regard noir!

 

Voici un lieu doublement isolé du monde (par sa situation géographique et par une tempête de neige). Un pensionnat de garçons kurdes mais qui ressemble plutôt à une prison. Une prison dont le rythme quotidien  est scandé par des rites, dans les lieux dédiés (dortoirs, salles de classe,  réfectoire avec le bénédicité en l’honneur de l’État…). Et quand Mehmet est entre la vie et la mort, l’infirmerie où il repose - un simulacre que cette pièce minuscule et cette absence de médicaments !!!-   devient un tribunal où s’affrontent les adultes, ces responsables potentiels qui se rejettent mutuellement la faute, alors que Yusuf, au chevet de son ami incarne la bienveillante sollicitude. Et ce contraste est si puissant dans ce microcosme, que les glissades à répétition sur le carrelage à cause de la  neige fondue, que l’accumulation de contretemps pour faire venir une ambulance, ne sauraient provoquer le rire, c’est que le burlesque n’a plus sa place dans ce huis clos, réceptacle d’une tragédie

 

Un film aux allures de « thriller » glacial » -le parcours labyrinthique de Yusuf , son errance filmée à sa hauteur, la maladie mystérieuse de son ami Mahmet, les entorses au règlement, et  au final ce récit dans le récit qui vient  combler   l'attente,  tel ce point de suspension inscrit dans  l'écran noir  à la fin du  prologue!!!…

Un récit aussi glaçant que l’environnement mais en osmose avec la stratégie du pays (former de futurs soldats au service de l’Etat ; un Etat qui d’ailleurs a effacé de la carte la notion de  "région kurde"  au profit d’Anatolie orientale -cf le cours de géo ). Une narration qui égrène ça et là des allusions ciblées (conditions de travail des professeurs, détournements  de fonds,  trafic de cigarettes, individualisme des parents...) comme autant d'égratignures (euphémisme) au système 

 

Malgré quelques invraisemblances (température extérieure -35° MAIS aucun des personnages, ne porte coiffe gants cache-nez) et quelques difficultés à faire coexister fiction et documentaire- Anatolia est un film que je vous recommande (il vous reste 3  séances avant la fermeture de l’Omnia aux Toiles mardi 14 juin 23h59)

 

 

Colette Lallement-Duchoze

 

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11 juin 2022 6 11 /06 /juin /2022 06:37

 De Mariano Cohn et de Gaston Duprat (Argentine Espagne) 2022

 

avec Penelope Cruz, Antonio Banderas et Oscar Martinez

 

 

Un homme d'affaires milliardaire décide de faire un film pour laisser une empreinte dans l'Histoire. Il engage alors les meilleurs : la célèbre cinéaste Lola Cuevas, la star hollywoodienne Félix Rivero et le comédien de théâtre radical Iván Torres. Mais si leur talent est grand… leur ego l’est encore plus !

Compétition officielle

Le ton  -dénonciation d'un certain milieu-,  est donné dès la  longue séquence d’ouverture : un magnat de l’industrie pharmaceutique a la prétention de  laisser un nom dans l’histoire (autre que celui de milliardaire) et à défaut de faire construire un pont  "à son nom",  il produira un  BON FILM. Son assistant est chargé de convaincre la  "meilleure"  réalisatrice du moment (multirécompensée pour ses films art et essai) qui choisira les "meilleurs" acteurs, en vue de l’adaptation d’un livre écrit par un prix Nobel…..Fabriqué à partir de cette  "recette"  (comme on mitonne un menu succulent) le film d’auteur est  susceptible d’être couronné à Cannes à Venise et à Berlin !!! et de flatter l’immense bonté du généreux mécène….(lui qui n’a pas lu le livre ....et qui n’est pas  du tout versé dans la culture….cinématographique)

 

Premier grincement dans l’univers du cinéma -alors que précisément s’achève la  "grand-messe"  cannoise avec son cortège de faux-semblants,  ses surenchères promotionnelles, Compétition officielle viendrait à point nommé??

 

Cette comédie – qui pose la question incontournable "qu’est-ce qu’un BON film", (serait-ce le film d’auteur, vs divertissement ?) va en outre parachever la "mise à mort" de certains clichés sur le "sérieux" de l’entreprise cinématographique. Dans le décor d’un immense bâtiment moderne – les cadrages, les plans en épouseront l’aspect architectural et géométrique-, voici, pour les séances de lecture du scénario et pour les répétitions, une réalisatrice, Lola Cuevas -aux méthodes peu orthodoxes- et deux acteurs fort dissemblables  – Felix Rivero, une sorte de playboy exaspérant et Ivan Torres, un comédien lugubre qui ne jure que par l’engagement ; tous les trois imbus de leur personne, aux égos surdimensionnés.

L’astuce des deux réalisateurs argentins est moins d’avoir procédé à une double mise en abyme (les deux acteurs s’invectivent et sur le plateau et dans leur vie privée ; le scénario (fiction romanesque) est dupliqué (réel) par la vie réelle des protagonistes) que d’avoir fait endosser par les acteurs eux-mêmes le  " poids"  de cette mise en abyme comme si ça allait de soi …. et ainsi d’avoir maquillé astucieusement ce qui relèverait d’un parti pris trop facile !!!

 

A cela s’ajoutent des dispositifs pour le moins étonnants (cf cette pierre de 5 tonnes suspendue au-dessus des deux acteurs telle l’épée de Damoclès afin de "mettre la pression" ou l’emballage cellophane des deux acteurs ) ,   "plaisants"  (menthol et larmes, blanchiment des dents) ; et  la broyeuse de trophées illustrera la tyrannie ravageuse de Lola, (le parangon de l’égocentrisme en broyeur d’égos !!)

 

S’ils connaissent les "affres" de la création, les personnages n’en sont pas moins souvent grotesques dans leurs souveraines prétentions, leurs poses et leurs snobismes outranciers. Et les trois acteurs Penelope Cruz (exubérante avec cette perruque rousse et ses minauderies) Antonio Banderas (étonnant numéro de faux « malade ») et Oscar Martinez (coupe Volpi  2017 pour Citoyen d’honneur  où il interprète un …prix Nobel) semblent s’en  "donner à cœur joie"  pour fustiger ce que précisément ils incarnent eux-mêmes…car le film est censé plaire au secteur qu'il parodie……

 

Malgré certaines longueurs, des gros plans fixes prolongés, complaisants, malgré l’absence d’une critique venimeuse (mais était-ce le but recherché ?) Compétition officielle est un film que je vous recommande pour son rythme souvent enlevé, son humour bon enfant ou corrosif, sa photo  "design", sa mise en scène  "théâtrale"  et la prestation de ses trois acteurs.

 

Colette Lallement-Duchoze

 

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5 juin 2022 7 05 /06 /juin /2022 07:02

Documentaire d' Alexander  Abaturov  2017

 

Fiche technique : Le Fils (titre original Syn). France, Russie. 2017. 70 minutes // Auteur & réalisateur : Alexander Abaturov // Image : Alexander Abaturov, Artyom Petrov & Alexander Kuznetsov // Son : Alexander Kalachnikov // Montage : Alexander Abaturov & Luc Forveille // Producteur délégué : Petit à Petit Production.

Proposé en partenariat avec Tënk la plateforme de documentaires d'auteurs il résonne  particulièrement aujourd'hui

 

https://www.mediapart.fr/studio/documentaires/international/le-fils-mourir-pour-la-russie

 

Dima est mort le 23 mai 2013, à l'âge de vingt-et-un ans. Enrôlé dans l'armée Russe, il est tué d'une balle dans la tête, lors d'une mission spéciale au Daghestan. Pendant que ses parents affrontent le vide laissé par sa disparition, ceux qu'il appelait ses frères, s'entraînent toujours pour la guerre dans des conditions difficiles qui créent un lien puissant entre eux. Ces deux univers se mêlent. Ils racontent la mort et l'absence.

Le fils
 
 
 
 
 
 

Alexander Abaturov les a suivis pendant deux ans. En parallèle, il suit l’immense tristesse et les larmes emprisonnées des parents de Dima, tué au combat en 2013.

Jamais l’ennemi n’est nommé. Ce fut l’Afghanistan, la Tchétchénie, la Géorgie… C’est sans doute l’Ukraine aujourd’hui. Abaturov ne dénonce rien, mais aux bribes de discussions enregistrées, à l’évocation de ces autres fils qui ne sont jamais revenus, il parvient avec beaucoup de retenue à raconter l’implacable destin dans lequel ces jeunes hommes sont engagés. Une universelle malédiction".

Ce documentaire, proposé en partenariat avec Tënk, la plateforme de documentaires d’auteurs, est visible pendant un mois sur Mediapart.

Ecoutons le réalisateur  "A la mort de mon cousin, c’est ma tante qui m’a dit de faire un film, et au début, je ne l’ai pas prise au sérieux, je trouvais que c’était impossible de traiter d’un sujet aussi difficile et de se questionner sur le cinéma, à cause du lien intime que j’avais avec mon cousin. Mais avec le temps, c’est devenu un moyen d’évacuer la douleur, de faire sortir l’énergie, et ça a pris quatre ans. 

L’autorisation de filmer a été l’enjeu principal du film, mais la Russie est le pays des merveilles où tout est interdit, mais où tout est possible si on frappe aux bonnes portes. L’armée, c’est un milieu très fermé, à la fois administrativement, et au sein même de la communauté militaire. Les militaires ne parlent jamais de leurs missions, de leurs expériences à des civils. En fait, j’ai remarqué que pour les civils, les militaires sont des civils déguisés dans de drôles d’uniformes, et pour les militaires, les civils sont à part, on ne se mélange pas. Moi, j’étais explicitement un civil qui n’a jamais fait son service militaire, et j’ai dû me faire accepter et gagner leur confiance afin qu’ils m’aident. Au début, j’avais beaucoup de colère envers ces soldats, mais en fait ce sont les victimes de cette situation politique, et je me suis rendu compte qu’ils étaient tous mes cousins. Au départ, ils m’ont accepté parce que j’étais le cousin de Dima, et pour eux c’était important de faire ce film. Ce sont des gens extrêmement simples et honnêtes. Pour moi, tous les visages qui sont dans le film sont les symboles de cette machine qu’est l’armée, et qui essaie de faire de la viande hachée avec toutes leurs individualités. Mais au final, l’individu est plus fort que la machine. 

Il y a plusieurs niveaux dans le film, ça parle de la Russie, mais  il y a un niveau très intime et familial. Ça parle aussi de tous ces gens en Russie, qui sont obligés de faire leur service militaire : j’ai voulu que ce soit un récit planétaire" 

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3 juin 2022 5 03 /06 /juin /2022 08:04

de Blerta Basholli (Kosovo 2021)

avec Yilka Gashi Cun Lajci Aurita Agushi

 

Récompensé au festival Sundance par trois prix : grand prix du jury, meilleure réalisatrice et prix du public

A remporté l'Antigone d'or au festival du cinéma méditerranéen de Montpellier 2021

Le mari de Fahrije est porté disparu depuis la guerre du Kosovo. Outre ce deuil, sa famille est également confrontée à d’importantes difficultés financières. Pour pouvoir subvenir à leurs besoins, Fahrije a lancé une petite entreprise agricole. Mais, dans le village traditionnel patriarcal où elle habite, son ambition et ses initiatives pour évoluer avec d’autres femmes ne sont pas vues d’un bon œil. Fahrije lutte non seulement pour faire vivre sa famille mais également contre une communauté. hostile, qui cherche à la faire échouer

La ruche

Un des thèmes récurrents du cinéma des pays de l’ex Yougoslavie est l’obsession d’un passé douloureux (Seconde Guerre Mondiale;  guerre civile et l'épisode de Srebrenica en 1995, guerre du Kosovo) que certains réalisateurs traitent avec humour (cf la parade La parade - Le blog de cinexpressions),  un mélange d’âpreté de réalisme (Téret Teret - Le blog de cinexpressions). Pour évoquer les « séquelles » de la guerre du Kosovo la réalisatrice Blerta Basholli s’inspirant d’une histoire vraie, celle de Fahrije Hoti,  va explorer « le quotidien des femmes dont les époux ont disparu pendant la guerre du Kosovo »

Gros plan sur un visage inquiet ; un camion vient restituer les « restes » de ….. Bravant l’interdit Fahrije (car il s’agit de cette veuve) pénètre à l’intérieur, à la recherche de …  Une scène d’ouverture toute en non-dits et nuances : l’épouse doit attendre - pour pouvoir faire son deuil - de savoir avec certitude ce qu’il est advenu du mari disparu …En écho à cette ouverture, vers la fin, ce sera la difficile, douloureuse identification : des lambeaux de vêtements, témoins des atrocités et seuls vestiges de ce qui fut une Vie !

En combinaison d’apicultrice, Fahrije a pris le relais de son mari. ; n’ayant pas sa dextérité, elle conclut chaque essai par une piqûre (gros plan avec l'effet spéculaire du miroir!). A la toute fin du film,  une abeille glisse sur sa peau, l’effleure sans la piquer…Un apprivoisement, une conquête, une victoire !

La ruche ? ou l’économie de survie (créées par le mari les ruches étaient un atout financier mais le miel se vend mal ; et l’épouse décide de créer une petite entreprise ; fabrication artisanale d’avjar). La ruche ou la métaphore de ces femmes abeilles qui défient les obstacles (d’ordre économique familial idéologique) et dans la fraternité, la solidarité sans faille, avec pugnacité, se sont affranchies des préjugés qui les reléguaient au rôle d’épouse soumise. La ruche, une histoire de deuil et de résilience, à travers une destinée qui contient tous les destins de ces veuves de guerre capables de s’émanciper.

Couleurs froides, silence souvent glacial (cf la séquence de la douche du beau-père handicapé), le village Krushe e Madhe filmé en légère contre plongée aux couleurs de carte postale, voiture qui sinue vers la ville -avec ces allers et retours dictés par la volonté de survie, en parallèle à ceux entre passé et présent plus discrets mais ô combien signifiants, circulation des regards si éloquents dans le non-dit de la réprobation ou de l’acquiescement, tout dans ce premier film participe  d’une réflexion sur le deuil et  l’émancipation. Quand après un acte de vandalisme (une main perverse a renversé tous les bocaux d’avjar),  Fahrije prend avec délicatesse les tessons, c’est à la fois l’image d’une vie lacérée déchiquetée et la farouche détermination à la reconstruire

L’actrice Yllka Gashi, par sa fausse impassibilité, et une surprenante constance de ses traits (hormis dans cette scène qui célèbre par le chant et les rires la victoire et dans cette autre en écho inversé où effondrée dévastée, Farije doit accepter l’inéluctable !!) incarne ce personnage à la fois humble et hors norme !

 

Un film que je vous recommande vivement 

 

 

Colette Lallement-Duchoze


 

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2 juin 2022 4 02 /06 /juin /2022 09:04

de Nathalie Álvarez Mesen ( Costa Rica 2021)

avec  Ana Julia Porras Espinoza  Daniel Castañeda Rincón Flor María Vargas Chaves Wendy Chinchilla Araya

 

présenté à la Quinzaine des Réalisateurs Cannes 2021

Dans un village reculé du Costa Rica, Clara, une femme de 40 ans renfermée sur elle-même, entreprend de se libérer des conventions religieuses et sociales répressives qui ont dominé sa vie, la menant à un éveil sexuel et spirituel.

Clara Sola

Clara la guérisseuse, Clara l’oreille confidente de Yuca sa jument immaculée, Clara la corsetée (sens propre et figuré) Clara sévèrement punie (piments ou brûlure des mains) quand elle enfreint certaines règles édictées par une mère férocement sévère (qui encaisse les « bénéfices » des « croyants » mais refuse une opération salvatrice), Clara l’épouse de la glèbe, l’amoureuse des insectes (cf le souffle qui va ranimer le lucane) cette femme en osmose avec les arcanes de la forêt entend l’appel de son corps et dans la solitude d’une chambre spartiate s’adonne aux plaisirs solitaires, ses gloussements déchirent le silence de la nuit. Santiago le travailleur cristallise aussi cette épiphanie (et la sensualité est incarnée par la bouillonnante Maria, sa nièce)

Après un si long sommeil après une si longue absence Clara Sola, 40 ans, accède enfin à la Vie : elle  "débloque" toutes les cages (celles qui délimitent un territoire autorisé dont rend compte la première séquence, celles plus subtiles et moins visibles surgies d'un tréfonds)

 

C’est cet itinéraire que filme Nathalie Alvarez Mersen -jeune réalisatrice suédo-costaricienne- dans un « conte » empreint de « réalisme magique ».

L’actrice qui est quasiment de tous les plans impose -par son visage son regard hébété son dos déformé par la scoliose, ses positions de recluse ses dialogues muets avec le monde animal ou tellurique- une focalisation interne (le séisme, l’embrasement de la Vierge, la couronne de lucioles) qui parfois (et c’est dommage) ne se départit pas d’une forme de dolence et d’indolence.

 

On est séduit certes mais on n’est pas emporté dans  (par) cette « unité cosmique »

 

Colette Lallement-Duchoze

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1 juin 2022 3 01 /06 /juin /2022 11:13

de Michel Hazanavicius (France 2022)

avec  Romain DurisBérénice BejoLyes SalemGrégory Gadebois Finnegan OldfieldCharlie DupontMarie PetiotMatilda LutzLuàna BajramiJean-Pascal ZadiYumi NaritaRaphaël Quenard

 

Présenté en soirée d'ouverture au festival de Cannes 2022

Dans un grand bâtiment désaffecté un zombie s'en prend à une jeune femme craintive. En réalité il s'agit du tournage d'un film de série Z  interrompu par un réalisateur autoritaire. Lors d'une pause, de véritables zombies apparaissent : ils sont le résultat d'une ancienne malédiction que le réalisateur a réveillée afin d'obtenir de ses acteurs l'émotion qu'il recherche. Tous sont finalement contaminés, à l’exception de la jeune femme, seule survivante.

Coupez

Décalquer et….s’approprier...

Non pas un simple remake du court métrage « ne coupez pas » de Shinichiro Ueda 2017.- mais un désir fou de  transcender et ridiculiser le genre même… du remake, avec une part non négligeable d’auto-dérision

 

Surtout ne pas s’énerver, ne pas quitter la salle après trente minutes d’un plan-séquence …ou presque . L’essentiel sera à découvrir.

Oui le tout début ne peut que hérisser le spectateur ; tout est bancal insipide, indigeste ; de la série B quoi !  

Puis voici les coulisses de la production , -Mounir (Lyes Salem) a été contacté par Matsuda pour produire Z, il a pensé à Rémi réputé pour faire des films rapides pas chers et dans la moyenne.  Débutent les répétitions difficiles  et voici le moment du tournage…

Chaque partie du film de Hazanavicius est annoncée par un encart   "un mois, deux semaines, une semaine, un jour ..auparavant"

Et … c’est dans la confrontation entre ce que vous avez vu -le produit fini- et sa genèse, les aléas du tournage, les rebondissements,  les camouflages , les blagues plus ou moins tordues, le rythme échevelé (ah les belles foulées de Romain Duris) les imprévus (certains énormes !) les répliques (dans tous les sens du terme !!!) qu’éclatera ce RIRE irrépressible, inspiré et inspirant celui d’une comédie barrée et absurde…mais bien ficelée.

Zombies je vais vous couper en deux par le cul ! Cette réplique de Bérénice Béjo  ne pourrait-elle pas -mutatis mutandis- s’appliquer à la structure à tiroirs de ce « film dans le film du film » ?

En parodiant toutes les "figures de style du cinéma d’horreur"  Hazanavicius rend aussi hommage à TOUS les artisans du 7ème art- chacun au poste qui lui est dédié participant à une (immense) entreprise collective -, et salue deux de ses devanciers récemment disparus -Tavernier et Belmondo- (cf le générique de fin)

« C’est un film qui commence de manière catastrophique, et dont le concept se révèle à mesure que l’histoire avance, pour finir de manière très inattendue. Se présentant au départ comme un film de zombies de sous-catégorie, il va progressivement passer au détournement de films de zombies, puis se transformer en comédie de situations, pour finir dans un genre nouveau, qui, en s’apparentant à un faux making of, réunit toutes les facettes que le film a explorées jusque-là dans un final explosif ».(Hazanavicius)

Coupez une mise en abyme cocasse

Coupez un film que je vous recommande

 

Colette Lallement-Duchoze 

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29 mai 2022 7 29 /05 /mai /2022 07:49

de Pawo Choyning Dorji   (Bhoutan 2020)

avec Sherab Dorji : Ugyen Dorji;  Ugyen Norbu Lhendup ;  Michen, Kelden Lhamo Gurung :Saldon; Pem Zam : Pem Zam, Sangay Lham : Kencho; Chimi Dem : Pema

 

Nommé aux Oscars 2022

Un jeune instituteur du Bhoutan est envoyé dans la partie la plus reculée du pays. Loin de la ville, le quotidien est rude, mais la force spirituelle des habitants du village transformera son destin.

L'école du bout du monde

Un récit initiatique (Ugyen, guitare et IPod en bandoulière rêve d’un avenir glorieux  de chanteur en Australie, mais il doit s’astreindre aux règles de l’ascétisme pour mener à terme son contrat avec le royaume, une dernière affectation !) une célébration des vertus du bouddhisme, (incarné par les rares habitants de Lunana) des paysages somptueux, oui le film du bhoutanais Pawo Choyning Dorji   (dont c’est le premier long métrage) ne peut que séduire !! Encore que...

Opposition ville/ montagnes à la solitude majestueuse, réalité moderne/sagesse ancienne, mouvements de caméra saccadés quand Ugyen est encore dans l’hésitation puis caméra fixe quand il est parvenu au somment, visages poupons d’enfants  aux regards avides de savoir, et à la simplicité bienveillante ; une école/étable au dénuement total, la présence d’un yack tutélaire ! un immense respect pour la nature, Yak lebi lhadar, le chant des éleveurs qui parle de séparation et de sacrifice dédié à cet auditoire somptueux dans sa sauvagerie même que sont les montagnes aux sommets enneigés, tout cela participe d’une démonstration ....un peu appuyée…

L’essentiel serait-il ailleurs ? Ne pas oublier que le Bhoutan est un petit royaume qui recherche le gross national happiness  -inscription que l’on peut lire dès le début sur le tee-shirt d’Ugyen- soit le BNB bonheur national brut… Or ce film ne dit-il pas en creux les conflits sociétaux du Bhoutan, et par-delà ne s’interroge-t-il pas sur les méfaits de l’individualisme -irrigué par la mondialisation outrancière- en lui (leur) opposant les vertus du partage de la solidarité dans le dénuement même ??

Il s'agit d'une histoire humaine universelle, sur la quête de ce que l'on désire, de sa place [dans le monde], du bonheur, (propos du réalisateur)

Un film à voir !

 

Colette Lallement-Duchoze

 

Petit rappel : « l’école du bout du monde  se trouve à Lunana. Situé à 3400 mètres d'altitude et à 10 jours de marche de la route la plus proche, ce village du Bhoutan où a été tourné le film ne compte pas plus d'une cinquantaine d'âmes. L'électricité n'est produite que grâce à l'énergie solaire. Pour y acheminer les équipements et matériels nécessaires au tournage du film, il a fallu recourir à 75 mules. Plus de 70 voyages en hélicoptère ont été effectués pour le transport des acteurs et actrices, et des équipes de tournage. 

Si le Bhoutan privilégie le bien-être de sa population plutôt que sa croissance économique, des milliers de Bhoutanais et Bhoutanaises ont quitté le pays ces dernières années à la recherche de meilleures opportunités économiques et de formation;  l’Australie est devenue « le pays de rêve "

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27 mai 2022 5 27 /05 /mai /2022 10:16

d'Arnaud Desplechin 

avec Melvil Poupaud, Marion Cotillard, Patrick Timsit, Benjamin Siksou, Golshifteh Farahani, Joël Cudennec…

 

 Compétition officielle Cannes 2022

Un frère et une sœur à l’orée de la cinquantaine… Alice est actrice, Louis fut professeur et poète. Alice hait son frère depuis plus de vingt ans. Ils ne se sont pas vus depuis tout ce temps – quand Louis croisait la sœur par hasard dans la rue, celle-ci ne le saluait pas et fuyait… Le frère et la sœur vont être amenés à se revoir lors du décès de leurs parents

Frère et sœur

 

Disons-le sans ambages : le film de Desplechin déçoit, pire il suinte l'ennui….

 

Un scénario qui patine, des « faux » incidents de parcours (l’accident gros comme un camion !!! dont sont victimes les parents venus en aide à une jeune conductrice et à partir de là rendre « vraisemblable » la « rencontre » « forcée » de la sœur et du frère au chevet de leurs parents mourants) ; un jeu d’acteurs peu convaincant dans les séquences où éclate la colère haineuse : Marion Cotillard et Melvil Poupaud en font trop- , une tendance morbide à « montrer » -et en gros plans- le corps, le visage en assistance respiratoire- ; la volonté d’exhausser au rang de mythe (l’hubris si légendaire) une sombre histoire de haine incestueuse - on ne connaîtra pas la cause, peu importe, le réalisateur privilégie l’expression de cette détestation ; mais aboutir (après moult scènes plus ou moins improbables) à un constat tautologique : -flash-back- « je te hais », parce que j’ai dit « je te hais »,  relève sinon du ridicule, du moins de l’enfantillage. Murés dans une haine réciproque frère et sœur en viennent à phagocyter tous les personnages secondaires (Faunia, la femme de Louis -Golshifteh Farahani- réduite au rôle de celle qui doit épouser aigreur, acrimonie, alcoolisme, sautes d’humeur du mari ; la « jeune » immigrée roumaine Lucia qui dévorant de son regard l’actrice fétiche fait frétiller l’ego d’Alice ! le psy réduit au « sourire » bienveillant de Timsit, Joseph, fils d’Alice qui en surimpression devient pour Louis le « fantôme » de Jacob, son fils prématurément décédé, etc. )

 

Alice est actrice et comme par un effet de mimétisme le film s’impose à l’écran avec une grandiloquence théâtrale, (l’adaptation du film de John Huston  "The dead"  ou  la rencontre "complaisante"  -aux prétentions de  mise en abyme-  de  la scène  avec l’intrigue du film  "frère et sœur" ). Louis est (fut ? sera ?) auteur poète – le poids des mots sur (les) ses « maux »???

 

Une scène de lévitation, un Timsit à cheval, des paysages aux couleurs automnales (Pyrénées) et en écho le brun roux d’un village africain, tout cela ne saurait dynamiser une intrigue pour le moins chaotique

 

Et que dire de cet « après » -post mortem, après la mort des parents- dans une scène de « réconciliation » qui frise la surenchère grotesque (frère et sœur allongés dans le lit parental, elle dans une position fœtale, lui dont la nudité semble saluer une aube nouvelle, une renaissance ?) ; de cet éloignement d’Alice au Bénin -avec les clichés habituels, dits pittoresques et pourtant si post colonialistes…où la parole tel un happy end -celle d’une voix intérieure, qui s’en vient doubler celle d’une missive – est une ode à l’amour, à la vie? 

 

Bref, un film à éviter!!

 

Colette Lallement-Duchoze

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26 mai 2022 4 26 /05 /mai /2022 14:01

de Kornel Mundruczo  (Hongrie Allemagne 2021)

avec Lili Monori Annamaria Lang Harald Kolaas

 

Présenté en Compétition officielle festival de Cannes 2021 

Rescapée des camps nazis, une dame dans la force de l'âge tente de transmettre ses douloureux souvenirs à sa fille et son petit-fils, peu intéressés.

Evolution

Trois fragments

Trois générations d’une même famille Eva, Lena, Jonas

Trois lieux Auschwitz, Budapest, Berlin.

Comment s’est transmis un traumatisme ? Trois questionnements:

Comment y survivre, comment le vivre, comment essayer de s’en affranchir tout en respectant un « devoir de mémoire » ?

Car Evolution n’est pas un énième film sur la Shoah; c'est, de l’aveu même du réalisateur,  " un film  sur notre identité contemporaine. Cependant, nous devions regarder en arrière et nous confronter à sa composante historique pour comprendre pourquoi l’identité est désormais (évolution) si fluide "

 

Et voici trois manières singulières de filmer ce « trauma ».

En I (Eva ou le traumatisme.) Un long plan séquence de plus de 15’. Nous pénétrons dans un univers glauque avec trois hommes qui vont « lessiver » ce qui progressivement s’imposera comme ayant été le lieu de l’innommable, quand ils extirpent des grillages ou des interstices, des cheveux, par touffes de plus en plus denses… avant que ne retentissent les vagissements d’un bébé/enfant. Nativité sordide que celle d’Eva arrachée aux entrailles de l’horreur. Et quand nous quittons l’obscurité pour la « lumière » quelques plans (dont un aérien sur le camp enneigé) rappellent l’évacuation des prisonniers du camp d’Auschwitz par l’Armée Rouge

En II Lena (grand portrait du passé communiste) voici un nouveau long plan séquence dans le huis clos d’un appartement où vont « s’affronter» deux discours, deux douloureux "ressassements" (mère et fille de la minorité juive à Budapest) « tu voulais survivre alors que je ne demandais qu’à vivre » reprochera Lena à sa mère Eva…

En III alternance entre extérieurs (un quartier de Berlin) et intérieur (appartement où vit Jonas avec sa mère Lena). L’adolescent refuse d’être réduit à une identité (juive en l'occurrence) et c'est par une idylle amoureuse qu'il s’en émancipera 

 

Mais de l’un à l’autre de ces fragments circulent des « symboles » dont certains un peu trop appuyés (l’eau et le feu par exemple dans leur double et paradoxale connotation de dévastation et purification)

 

Un film choc ? comme se plaisent à le répéter certaines critiques ?

Je ne sais…en tout cas un film singulier; mais où se devine  ici et là,  la hâte avec laquelle il a été réalisé :13 jours -entre Budapest et Berlin

 

Un film à voir assurément ! 

 

Colette Lallement-Duchoze

 

PS la projection est précédée de la diffusion du  court-métrage documentaire "Cell 364" de Mathilde Babo et Zoé Rossion (2020 France -Allemagne)

"un ancien détenu de la Stasi  Hans-Jochen Scheidler, nous livre depuis son ancienne cellule un témoignage glaçant qui questionne la pérennité de nos démocraties contemporaines."

Une phrase pertinente  à méditer " qui dort dans  une démocratie se réveille dans  une dictature" 

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24 mai 2022 2 24 /05 /mai /2022 07:05

Justin Kurzel ·(Australie 2021)

 

avec Caleb Landry JonesEssie DavisAnthony LaPagliaJudy DavisSean Keenan

 

 

Festival Cannes 2021 prix d'interprétation masculine pour Caleb Landry Jones 

En Australie dans le milieu des années 90, Nitram vit chez ses parents, où le temps s’écoule entre solitude et frustration. Alors qu'il propose ses services comme jardinier, il rencontre Helen, une héritière marginale qui vit seule avec ses animaux. Ensemble, ils se construisent une vie à part. Quand Helen disparaît tragiquement, la colère et la solitude de Nitram ressurgissent. Commence alors une longue descente qui va le mener au pire.

Nitram

 

Je voulais que le public, en particulier ceux qui sont favorables au port d’armes, passe un moment avec un personnage qui ne devrait de toute évidence pas avoir accès aux armes à feu », (Kurzel notes d’intention).

Nitram (soit Martin épelé à l’envers) n’est donc ni un film à thèse (même si le réquisitoire contre le port d'armes est patent) ni un biopic (même si le réalisateur s’est inspiré de la tuerie de Port Arthur de 1996 qui d’ailleurs ne sera évoquée et partiellement filmée hors champ qu’à la fin) mais un questionnement : pourquoi Martin en est-il arrivé là ? entendons à une telle dérive ? Un tel choix a été contesté. L’eût-il été si la référence à la tuerie de 1996 n’avait pas été révélée in fine ?

 

Pendant plus de la moitié du film tout est mis en œuvre pour que le spectateur pénètre une psyché tourmentée sans forcément susciter empathie compréhension tant la mise en scène est froide voire glaçante, tant la « noirceur » du personnage est criante ! Nous voyons d’abord Martin très jeune passionné par les feux d’artifice (en guise de prologue et d’avertissement ???). Puis affublé du sobriquet Nitram le voici vivant en décalage permanent, lui le solitaire le mal-aimé (hormis par ses parents au rôle pour le moins ambigu) ; victime de sautes d’humeur effarantes, il semble trouver un « semblant » d’équilibre auprès d’Helen une femme mûre de 30 ans son aînée et fortunée (Essie Davies, l’épouse du réalisateur) ; et le basculement -lorsque celle-ci meurt dans un accident de voiture-, telle une spirale qui va progressivement le transformer en Léviathan.

 

L’alternance entre la lenteur du rythme et les ellipses, entre séquences de type « documentaire » (cf celle chez l’armurier si glaçante ; Nitram n’a pas de permis et pourtant …) et celles plus romanesques (cf la parenthèse vécue avec Helen, à l’abri du monde dit normal, hors d’une société qui ne les « comprend » pas, oasis enchantée mais éphémère), crée précisément un tempo. ; un choix de cadres très resserrés comme pour « envelopper » le personnage principal, et/ou privilégier la « sensorialité » du récit ?

 

Saluons la prestation de l’acteur texan Caleb Landry Jones (récompensé d’ailleurs par le festival de Cannes 2021). Avec sa « gueule » d’éternel faux enfant, son allure poisseuse ou lunaire, il envahit l’écran ; ou bien il est repoussé dans un coin de l’image comme s’il était de facto à l’écart ; il agace souvent (et c’est d’ailleurs le but recherché)  

 

Un film qui - et c’est un truisme- ne peut laisser indifférent

Un film que je vous recommande

 

Colette Lallement-Duchoze

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Ce blog est destiné à collecter nos ressentis de spectateurs, à partager nos impressions sur les films (surtout ceux classés Art et Essai).

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