1 avril 2023 6 01 /04 /avril /2023 03:33

Documentaire réalisé par Fanny Molins 2022

 

Festival de Cannes 2022 (programmation de l'ACID Grand Prix du Jury du meilleur long métrage Français indépendant

et Prix du public du meilleur long métrage français indépendant - Champs-Élysées Film Festival 2022

Atlantic Bar est initialement un projet photographique : Fanny Molins voulait depuis longtemps immortaliser les bars de quartier, comme un témoignage des récits de vie que nous écoutons peu. Après une longue période d'observation et d'immersion puis une première série de photographies, l’envie d’individualiser ceux que l’on désigne collectivement comme des « piliers de bar » et le désir de garder une trace ont fait basculer le projet vers l'écriture d'un film. En plein milieu du tournage, le bar fut soudain mis en vente par le propriétaire. Cette annonce, vécue par Nathalie comme le symbole de son impuissance et du mépris de sa classe sociale, l'a fait replonger dans sa maladie. Ces évènements ont confirmé un sentiment qu’elle et Jean-Jacques éprouvent depuis des années : il y a une société qui aujourd’hui veut leur extinction. Atlantic Bar est ainsi un film sur les vies pas simples des gens simples.

Atlantic bar

 

Vivre au Moyen Age pour être bouffon du roi, c’est le rêve de ce poète qui ici - Atlantic Bar 73 Rue Portagnel,  Arles-  donne un baiser à  sa Muse et  consigne dans un calepin les vers  de l'Inspirante Inspirée! 

Les cimetières sont pleins de héros morts. Moi, j’aime mieux être un lâche vivant qu’un héros mort ! et c’est le fameux adage revisité avec une lucidité assumée… 

 

Les gens ne sont-ils pas des légendes ?

Les dieux ne se cachent-ils pas sous des faces avinées

 

La caméra de Fanny Molins capte les visages à la peau crevassée, les sourires, les regards malicieux, les cicatrices, alterne plans d’ensemble et plans rapprochés, se glisse dans les coulisses (à l’étage vit le couple de gérants et Nathalie  sans modération, sans fard, dit  son imprégnation alcoolique). De même elle accompagne une sortie en mer, se faufile dans les rues, comme pour mieux imiter le flux et reflux, les va-et-vient de cette communauté, de ces déshérités de la Vie avec leurs fêlures. Mais jamais elle n’ira s’apitoyant!

 

Ici on écoute Johnny quand le bar ne retentit pas de la vague de tendresse qu’interprète Bourvil. On chante on danse on joue (en  "tapant" le carton, en achetant les billets d’espoir et de hasard ) on entrechoque son verre dans le sourire la gouaille et la joie partagée, sous la houlette de Nathalie et Jean-Jacques…

 

Il faut pénétrer dans cet îlot qui a su préserver solidarité et authenticité, être à l’écoute des histoires de chacun, mais aussi de  cette solitude tapie, là,  au fond de soi,  dans la  dignité! 

 

Et pourtant  ce bar de quartier  l'Atlantic bar va fermer !  

Une âme va s’envoler à l’instar de ces mouettes qui strient le ciel immensément bleu ?

Mais la porte de derrière sera toujours ouverte !

Osons la franchir dans ses fragments d’éternité

 

 

Colette Lallement-Duchoze

 

NB : programmé dans le cadre   "la séance indépendante" 

(séances samedi 13h30, dimanche 11h et 20h10, lundi 15h50, mardi 13h30)

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29 mars 2023 3 29 /03 /mars /2023 06:34

de Maryam Touzani (Maroc 2022) 

avec Lubna Azabal, Saleh Bakri, Ayoub Missioui

 

 

Cannes Festival 2022 Un Certain Regard Prix critique internationale FIPRESCI

 

Valois de la mise en scène au festival du film francophone d’Angoulême 2022

 

Halim est marié depuis longtemps à Mina, avec qui il tient un magasin traditionnel de caftans dans la médina de Salé, au Maroc. Le couple vit depuis toujours avec le secret d'Halim, son homosexualité qu'il a appris à taire. Afin de répondre à une clientèle exigeante, ils engagent un jeune homme talentueux comme apprenti. Mina réalise peu à peu à quel point son mari est ému par sa présence.

Le bleu du caftan

N'aie pas peur d'aimer (Mina à Halim)

 

Suavité, sensualité, délicatesse, langueur, pudeur, volupté, autant de substantifs déclinés pour faire l’éloge de ce film ! Un film où s’entrelacent le désir, ses interdits -l’homosexualité est criminalisée dans le code pénal marocain- la nostalgie du travail artisanal séculaire, un film où l’on revisite la dialectique Eros et Thanatos. Un film épure où les regards les frôlements esquissent (ou signent) les aveux. Un film où les différents huis clos (échoppe, appartement, hammam) seront les écrins de forces vives réprimées ou exaltées

 

Certes la prestation de l’actrice belge Lubna Azabal (rappelez-vous Incendies et plus récemment Pour la France) et celle de l’acteur palestinien Saleh Bakri  (la visite de la fanfare, la source des femmes, Wajib entre autres) sont impeccables. Certes le travail de la directrice de la photographie, Virginie Surdej, qui avait déjà travaillé avec Maryam Touzani pour Adam est "exemplaire" ( cf la répartition des couleurs ocres ternes ou au contraires très vives, jeux de lumière, ombres silhouettées au hammam) 

 

Mais l’insistance sur le "tissage" des thématiques, (les nouages dans leur sens propre et figuré), la lenteur des travellings sur les plis et déplis du tissu (auxquels répondent en écho plis et déplis du sens), la surenchère de certains gestes qu’accentue le recours quasi systématique au gros plan (mains visages),  la vacuité de certains plans (cf au hammam quand la caméra filme le mouvement et la rotation des pieds comme métonymies …),  la redondance (inutile) de certains autres (superposition des mains pour caresser la cicatrice),  toutes les connotations -trop évidentes- du caftan, la retenue dans le jeu qui tend à  " figer"  les deux personnages masculins -avant un final/apothéose ou du moins prétendu tel-, autant de  " bémols"  dans le concert de louanges !

 

 

Colette Lallement-Duchoze

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27 mars 2023 1 27 /03 /mars /2023 15:14

6ème EDITION FESTIVAL NORMAND DU CINEMA LGBTQI+

 

DU MERCREDI 5 AU SAMEDI 8 AVRIL 2023

 

CINEMA OMNIA REPUBLIQUE ROUEN

 

 

mercredi 5 avril 19h30

 

FILM D OUVERTURE DU FESTIVAL 

COEUR ERRANT  de Leonardo Brzezicki (Argentine 2021)

 

jeudi 6 avril

 

19h30 BLUE JEAN de Georgia Oakley (Royaume-Uni 2023)

avant-première

 

21h40 WILDHOOD de Bretten Hannam (Canada 2021)

Ciné Friendly 6ème Edition

 

 

 

vendredi 7avril

 

19h30 CHAMBRE A LOUER   de Eylan Fox (USA Israël 2020)

 

21h40 QUERELLE de Rainer Werner Fassbinder  (Allemagne, France 1982)

 

 

samedi 8 avril

 

13h50 LES BATTANTES de Astar Elkayam  (Israël 2022)

 

15h45 SOY NINO  documentaire de Lorena Zilleruelo (Chili France 2022) 

 

17h50 CAMILA SORTIRA  CE SOIR de Ines Maria Barrionuevo (Argentine 2021)

 

21h SOIREE COURTS METRAGES QUEER ET MUSICAUX 

 

Mon CRS fiction musicale de Mac Martin (France 2022)

Dancing Queer documentaire de Lucie Cabrera (France 2022)

Hideous fiction musicale de Yann Gonzalez (Royaume-Uni 2022) 

 

 

SAMEDI 8 AVRIL SOIREE DE CLOTURE 

RVD A PARTIR DE 22H 

AU   MILK  1 BIS RUE DU PERE ADAM

ROUEN 76000

www.barmilk.com

 

 

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24 mars 2023 5 24 /03 /mars /2023 13:29

d'Andrès Ramirez Pulido (Colombie 2022) 

 

avec  Jhojan Estiven Jiménez, Maicol Andrés JimenezMiguel VieraDiego Rincon .

 

Grand Prix et Prix SACD de la 61e Semaine de la Critique, Cannes 2022

 

 Rouen Festival A L'Est mercredi 1er mars 2023 

Eliú, un garçon de la campagne, est incarcéré dans un centre expérimental pour mineurs au coeur de la forêt tropicale colombienne, pour un crime qu'il a commis avec son ami El Mono. Chaque jour, les adolescents effectuent des travaux manuels éprouvants et suivent des thérapies de groupe intenses. Un jour, El Mono est transféré dans le même centre et ramène avec lui un passé dont Eliú tente de s'éloigner.

L'Eden

"Je reconnais ma culpabilité, je suis le seul à blâmer et je suis ici pour en payer le prix" formule mantra que des jeunes "délinquants" regroupés dans un coin isolé de la forêt tropicale colombienne, doivent psalmodier pour se débarrasser à jamais du mal qui les habite. Du moins cela fait partie de la méthode du thérapeute Alvaro (un illuminé ?), méthode opposée à celle du garde-chiourme Godoy adepte des sévices physiques !

 

Un "bassin" où stagne une eau poisseuse, où surnagent des nénuphars et des déchets, où la lumière peine à se diffracter, un univers clos par les arbres ténébreux de la jungle, un fourmillement de bruits insolites, tel est l’environnement de ce "camp de rééducation" , un camp où les conditions d’hébergement sont non seulement rudimentaires mais inhumaines (les 7 sont enchaînés la nuit dans ce qui fait office de "dortoir" ) Du glauque -sens propre et figuré-, en harmonie avec le Mal ? avec le lourd passé ? (dont la relation au père abject que l’on désire éliminer) . Tout cela (soit l’essentiel du film)  vient juste après une séquence nocturne assez elliptique - en guise de prologue ; qui mériterait à elle seule un commentaire détaillé -comme pour pallier le minimalisme des paroles et des indices, l’ambiance mortifère et la fuite -qui d’ailleurs sera reprise en flash-back…Scène d’ouverture -drogue alcool meurtre- comme prélude à ?

 

Voici des délinquants. Leurs forfaits ? selon les cases du formulaire à remplir « menteur, rebelle, dealer, harceleur, bâtard, insomniaque, épileptique, suicidaire, dépressif, narcoleptique » El Mono qui rejoindra Eliù -complice de l’assassinat- cochera sans fard, les cases "voleur, escroc, bandit, assassin, drug addict et criminel ";  El Mono perspicace ( ?) refuserait l’intox ? Se méfier des apparences, se méfier des grilles de lecture…(Même si à un moment  nous constatons que ces délinquants sont  de  vrais esclaves économiques -leurs durs labeurs quotidiens servent en fait des magnats de la finance désireux de  "récupérer" un sol impeccable pour leurs spéculations immobilières-)

 

Le film est centré sur le personnage d’Eliù un jeune qui se débat avec sa culpabilité. Un enfant de la campagne presque mutique au visage éteint morne, dont le regard semble scruter son for intérieur à la recherche de ? A l'instar de ce personnage c'est le film  tout entier qui  est à la fois "sombre et radical". Bien plus le réalisateur a voulu  "que cette histoire connecte le spectateur à sa propre humanité"  (un film à la  portée universelle? )

 

 

Hésitant entre le ton du documentaire (froid et distant) et celui de la fiction voire du fantastique (où l’on descend dans les entrailles de la terre comme dans celles du passé, où la nature redevient métaphoriquement le ventre maternel avec ses grottes et ses forêts très humides ; où l’invisible va garantir une forme de rédemption) le film illustre surtout un vide affectif pour ne pas dire un   "néant"  et un questionnement sur la figure du père! 

Au titre antiphrastique l’Eden (sortie nationale mars 2023) préférons celui de « jauria » la Meute (Cannes 2022)

 

Un film à la beauté "convulsive" et "atmosphérique" : travail méticuleux sur la texture de la peau,  sur tout ce qui suinte, sur les lumières autour de  cette hacienda abandonnée,  choix  et traitement des plans séquences; musique suggestive de Pierre  Desprats pour évoquer la moiteur torpide ou la sauvagerie 

 

A voir, assurément!

 

Colette Lallement-Duchoze 

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23 mars 2023 4 23 /03 /mars /2023 09:30

de Manuela Martelli (Chili 2022) 

 

Avec Aline Küppenheim, Nicolas Sepulveda, H Medina

 

Quinzaine des réalisateurs Cannes 2022

 

festival AL'Est Rouen jeudi 2 mars 2023

Chili, 1976. Trois ans après le coup d’État de Pinochet, Carmen part superviser la rénovation de la maison familiale en bord de mer. Son mari, ses enfants et petits-enfants vont et viennent pendant les vacances d’hiver. Lorsque le prêtre lui demande de s’occuper d’un jeune qu’il héberge en secret, Carmen se retrouve en terre inconnue, loin de la vie bourgeoise et tranquille à laquelle elle est habituée.

Chili 1976

Inspiré par sa grand-mère, dédié à sa mère et à toutes les femmes intrépides, (cf générique de fin) ce premier long métrage de l’actrice Manuela Martelli frappe d’emblée par  la puissance suggestive du hors champ et de la  bande-son.

Ne vous attendez pas à voir une docufiction sur le Chili, 3 ans après l’installation de Pinochet au pouvoir ; sur l’année 1976 la plus  noire et sanglante de la dictature, sur le pouvoir de la DINA  cette police créée par le dictateur.  La réalisatrice adopte en effet le point de vue de Carmen, une bourgeoise, la cinquantaine, femme de médecin, chef de service à l’hôpital Barros Luco de Santiago -(décliner cette appartenance sert de passeport)- une maîtresse de maison accaparée par la rénovation de sa villa de vacances en bord de mer et les va-et-vient de ses petits-enfants. Les événements "majeurs" que vit le Chili, ont lieu à l’extérieur de sa "bulle sécurisée".  Or progressivement Carmen va s’approcher de ce monde  insoupçonné. Le spectateur est ainsi invité à  "suivre"  l’histoire du Chili à travers les propres  "découvertes"  du personnage principal, dans un film qui s’apparente souvent à un thriller :-du moins Manuela Martelli  lui emprunte les codes (tout ce qui ne peut directement être vu ou entendu, tout ce qui se passe à la périphérie, la musique, le suspens, l’idée que quelque chose est sur le point d’arriver). Carmen héberge et soigne un « voyou » (ce sont les propos du prêtre Sanchez concernant le blessé !) Dès lors ses déplacements vont s’inscrire dans une « géographie » inconnue, celle des zones de contrôle permanent, de couvre-feu à respecter ; l’angoisse d’être suivie, les mensonges réitérés, la suspicion qu’elle « lit » dans les regards (cf la séquence dans un bar où les clients sont figés) tout cela exprime une tension intérieure que la réalisatrice met en parallèle avec la tension  politique. A l’instar du personnage (si brillamment interprété par Aline Küppenheim) la musique elle aussi se transforme tout en restant très intense et suggestive ;  elle joue d'abord le rôle de contrepoint à l’univers sécurisé de Carmen, puis avec les changements, et/ou prises de conscience ( ?), les synthétiseurs vont céder la place à des instruments plus traditionnels

Certains procédés peuvent sembler outranciers (gros plan sur la goutte de peinture rose qui s’en vient tacher le bleu de l’escarpin dès la scène d’ouverture ;  duplications ou effets spéculaires répétés) mais ils acquièrent rétrospectivement une fonction symbolique. Et inversement ce sera au hors champ de composer le « tragique » de cette année 1976 (de la déflagration initiale sur le trottoir en face de la droguerie, ne nous parvient que le son, d’un enlèvement qu’une vue en plongée, de la fouille de la voiture que des feuilles éparses).

Ajoutons que la réalisatrice tout en filmant en plans (très) rapprochés Elias, le « blessé » (Nicolas Sepulveda) et Carmen (qui le panse avec délicatesse) évite le piège du passage trop facile à la « romance »

Un film original (structure et point de vue) à ne pas manquer! 

Colette Lallement-Duchoze

 

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21 mars 2023 2 21 /03 /mars /2023 09:32

de Fabian Hernandez  (Colombie 2021) 

avec Felipe Ramirez , Juanita Carrillo Ortiz, Diego Alexander Mayorga

 

Quinzaine des Réalisateurs Cannes 2022

 

Présenté à Rouen dans le cadre du festival à L' Est  jeudi 2 mars 2023

Carlos vit dans un foyer à Bogota, un refuge à l’abri de la violence extérieure. C’est Noël et il aimerait partager un moment avec sa famille, -sa sœur Nicole et sa mère, incarcérée, dont il se sent responsable . A sa sortie du foyer il est confronté à la rudesse des rues de son quartier, où règne la loi du plus fort. Il doit montrer qu'il peut lui aussi être l’un de ces mâles alpha. Il lui faudra choisir entre adopter les codes d’une masculinité agressive, ou, à l’opposé, embrasser sa nature profonde.

 Un Varón

Le film est dédié au père Javier de Nicolo (celui qui avait accueilli le jeune Fabiàn Hernandez)

Face à la caméra en plan fixe défilent plusieurs « varons » ( ?) : Tout dans leurs mimiques leur accent leur gestuelle leur vocabulaire, semble décliner une définition de leur masculinité, de leur virilité telle qu’elle doit se manifester dès lors qu’on est confronté aux puissances infernales de la rue ; défile ainsi tout ce qui participe à la fabrique du « mâle » drogue, sexe, arme. La masculinité comme passeport pour la vie. C’est la scène d’ouverture

Puis la caméra va suivre Carlos qui sera de tous les plans. Il incarne un questionnement à la fois humain et existentiel « est-ce qu’être varon va de pair avec la violence » et dans l’affirmative « y aurait-il une autre voie pour un être un homme ? Le réalisateur dit s’être inspiré de sa propre expérience et avoir voulu « faire un film honnête sur un sujet traité le plus souvent d’une manière qui ne l’est pas » ; entendons par là, refuser les clichés sur la Colombie pourvoyeuse de .. et de…. ; bannir toute esthétisation de la violence.  Celle-ci est certes manifeste dans les discours dans les rixes les propos, on la devine, menaçante, prête à exploser mais elle sera filmée "sans érotisation, sans instrumentalisation plus ou moins sordideà des fins de divertissement".  Plus authentique plus sincère serait le film mais par ricochet moins dense, moins intense ? pas sûr !  car ce jeune homme solitaire,  contraint à « exhiber sa masculinité », laisse échapper par intermittences des aspirations profondes (cf la scène avec la femme aux ongles longs,  cette prostituée si maternelle, le rouge à lèvres qui s’en vient colorer son reflet sur le miroir, le regard équivoque, les appels téléphoniques à la mère adulée)

 

Voici Carlos chez la coiffeuse exigeant une « coupe de mec », celle qui se marierait si bien avec des sourcils taillés au rasoir, un accoutrement fait d’un jean taille basse et de tee-shirts, avec l’exercice de ces poings tendus signes de ralliement !  Tout cela vaut pour l’apparence !!  Or le film est construit sur un tiraillement intérieur, illustré d’ailleurs par les constants allers et retours, les allées et venues de Carlos, et par les « conseils » opposés prodigués par les femmes (dont la sœur) et par ses « pairs » (autres varons) ; le plan final laisse ouverte la possibilité d’un choix que ne dicterait plus le « déterminisme social » ?

Dans l’environnement de Carlos seules résistent -ô paradoxe éloquent ! les habitations minables masures des favelas à côté de ces champs de « ruines » -démolitions de constructions plus récentes et dont les monticules de gravats servent d’itinéraires,  de cheminements qui louvoient , difficiles.

Tracer sa propre voie et laisser les larmes inonder le visage, (dont rend compte un très (trop) long plan) alors que la décision de « tuer » engage sa propre survie.

Ô  douleur non encore éprouvée! 

 

Un film que je vous recommande

 

Colette Lallement-Duchoze

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19 mars 2023 7 19 /03 /mars /2023 18:21

 

Le 9ème festival de films de femmes 

aura lieu 

 

 

du jeudi 23 au dimanche 26 mars 2023

 

 

au cinéma Omnia République Rouen

 

 

 

Jeudi 23 mars 20h

 

film d'ouverture

 

Jane Campion la femme cinéma (2020 France) 

 

en présence de la réalisatrice Julie Bertuccelli

 

débat en fin de séance 

Elles font leur cinéma 9ème édition

 

 

 

vendredi 24 mars 

 

18h  Women on both sides of the camera   

        documentaire de Mahshad Afshar G-B 2020

       

       

Débat en fin de séance avec Véronique Le Bris, journaliste fondatrice du prix Alice Guy, et autrice de livres sur les femmes et le cinéma 

      

 

 

20h30  Avant-première  Camila sortira ce soir    d'Inès Maria Barrionuevo  2021 Argentine 

 

 

 

samedi 25 mars

 

15h             4 courts métrages documentaires 

 

17h             5 courts métrages fictions ;   à l'issue de cette séance, vote du public et remise du trophée la Lucie,  (réalisé  par Cléo   Cheuret)                             

                 

20h30        Fogareu de Flavia Naves Brésil 2022

 

dimanche 26 mars

 

10h30  Regard noir   documentaire co-réalisé par Aïssa Maïga et Isabelle Siméoni (France 2021) 

             

Séance suivie d'un échange  avec Véronique Le Bris 

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18 mars 2023 6 18 /03 /mars /2023 17:40

de Steven Spielberg   (USA 2022)

avec Gabriel LeBelle, Michelle Williams, Paul Dano 

Sammy Fabelman grandit aux États-Unis après la Seconde Guerre mondiale. L'adolescent découvre un jour un secret de famille bouleversant. Il se rend compte que le cinéma va l'aider à voir et accepter la réalité.

The Fabelmans

The Fabelmans ou Le grand déraillement.

Cela commence avec le film de Cecil B De Mille Sous le plus grand chapiteau du monde. Sammy gamin est à la fois émerveillé intrigué et choqué par le déraillement d’un train qui s’opère là,  sur l’écran,  au Fox Theater de Philadelphie. Et il n’aura de cesse de le  "rejouer"  d’abord avec une maquette, puis un appareil caméra super 8,. Car c’est précisément en "reproduisant"  cette scène originelle qu’il pourra s’en affranchir

De là serait né le besoin irrépressible du très jeune Spielberg de faire des images ….animées ? (si l’on admet que le film met à nu sa vie et sa vision du cinéma,  si l’on admet que the fabelmans (l’homme à fables ?) est autobiographique)

Déraillement du train : à la fois trauma et antidote   (et le paradoxe est précisément  dans cette simultanéité) On pourrait multiplier les dénotations et connotations du "déraillement" (bousculement des habitudes, secousses et perturbations dues au divorce des parents; ébranlement des convictions et troubles consécutifs à un antisémitisme primaire). Aisé et scolaire -j'en conviens-, cet exercice ne rendrait pas suffisamment compte de la dynamique interne :confrontations de forces contradictoires jusqu’à leur dépassement presque dialectique en une sorte d’acmé qui éclate dans la scène finale ; la plus belle leçon de cinéma  prodiguée  en  quelques mots  par John Ford (interprété par un David Lynch méconnaissable, caricaturé tel un personnage de BD): comment cadrer l’horizon ; il n’y a  que les imbéciles pour croire que le mieux est le « centre »

Ainsi la recherche de l’équilibre – quête fondamentale de Sammy tout au long de ce film- tombe à faux !

Le cinéma ne serait-il pas avant tout l’art du « déséquilibre » ?

Plus de 2h à la rencontre d’une telle épiphanie !!!!

(Mais heureusement  les prestations de certains acteurs sont convaincantes, et parfois s’exhalent  des effluences d’humour ) 

A  vous de juger

 

Colette Lallement-Duchoze

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17 mars 2023 5 17 /03 /mars /2023 11:39

d'Emmanuelle Nicot (2022)

 

avec Zelda Samson, Alexis Manenti, Fanta Guirassy 

 

présenté au festival de  Cannes Semaine de la Critique 2022

 

prix Fondation Louis Roederer de la révélation décerné à Zelda Samson 

Dalva a 12 ans mais s'habille, se maquille et se vit comme une femme. Un soir, elle est brusquement retirée du domicile paternel. D'abord révoltée et dans l'incompréhension totale, elle va faire la connaissance de Jayden, un éducateur, et de Samia, une adolescente au fort caractère. Une nouvelle vie semble alors s'offrir à Dalva, celle d'une jeune fille de son âge.

Dalva

NON Dalva, premier long métrage d'Emmanuelle Nicot, ne saurait être "un film convenu sur l'inceste"

 

La problématique soulevée est moins l’inceste que la   "résilience". La réalisatrice l’a dit et répété lors de la discussion qui a suivi la projection du film au festival d’Angers Premiers Plans  en janvier 2023  Mon intention était de faire un film de reconstruction, de libération, d’émancipation, montrer un cheminement vers la lumière 

Y est-elle parvenue ?

La réponse est, sans conteste,  OUI

Entre le prologue, écran noir, cris de déchirement, arrachement supposé au  "père", hors champ, et la séquence finale -salle d’audience, pour le procès "à venir" -  où la « distance » entre le père et la fille n’est pas seulement d’ordre spatial mais surtout -et définitivement- mental-,  c’est le chemin parcouru par Dalva qui « intéresse » la cinéaste.

Une quête de l’existence, plus qu’une quête de sens ,  même si les deux sont intimement liées. Une quête douloureuse en ses étapes successives (tentatives de fugue, résistances, refus, dénégations, tentatives de « séduction », violences verbales ou comportementales, etc…et première « révélation » lors du « choc de la rencontre au parloir !)

Douleur qu’accentue le format 4,3 (soit un rapport de 1,3 entre la largeur et la hauteur de l’image) celui de l’enfermement, celui de l’emprise (car Dalva avant d’être placée dans le centre de protection de l’enfance n’aura connu -cela est suggéré- que la relation au père sans référent extérieur sans la présence de la mère)

Enfermée dans le cadre, comme dans le déni.

Univers qui ira se craquelant ; fragmentaire et contradictoire, mutique et solitaire, avant de se « re »constituer » lentement,  plus sensoriel et affectif ( ce dont témoigne ce gros plan sur la main de Dalva serrant la cuisse de sa mère, mère longtemps déniée, conspuée) 

La jeune Zelda Samson (qui est quasiment de tous les plans et dont le visage de trois quarts envahit parfois l’écran) rend palpable ce huis clos intérieur tout comme elle illumine les métamorphoses ; elle a d’ailleurs gagné le prix Fondation Louis Roederer décerné à la Semaine de la Critique 2022

 

Le rôle de l’éducateur est primordial dans la « libération » et Alexis Manenti (César du meilleur espoir pour les Misérables) interprète avec beaucoup de nuances le personnage de Jayden. Ses regards ses silences comme autant de paroles apaisantes, ses réactions plus véhémentes comme autant d’armes de dissuasion, ses gestes comme autant de marques d’empathie. Non pas prodiguer un amour de "substitution"  mais être près d’elle, l’accompagner afin qu’elle soit « mieux aimée »

 

Rien de didactique ni de sentencieux donc, qui ferait de Dalva un film convenu

 

Comment « incarner » le père ? que l’on voit à deux reprises (visite au parloir de la prison, banc des accusés) comment rendre compte de la dualité Homme/Monstre, pour ne pas tomber dans les clichés ?

 

Cette question délicate épineuse n’a pu être soulevée lors de la rencontre mardi 14 mars à l’Omnia Rouen (en présence de la réalisatrice, de Zelda Samson et d'Alexis Menanti)

Car -et il faut bien l’avouer- un film est souvent prétexte à…

On a entendu des interventions très autocentrées à valeur de témoignages (fonction déterminante de la parole pour « sauver » l’enfant de l’emprise ; rôle dévolu à l’Education nationale, etc…) florilège des « moi, je… » Dommage !

 

Sortie nationale  le 22 mars 2023 

Un film à ne pas manquer! 

 

 

Colette Lallement-Duchoze

 

 

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16 mars 2023 4 16 /03 /mars /2023 10:24

documentaire réalisé par Laura Poitras (2022 USA) 

 

 

Lion d'Or Festival de Venise 2022

 

Festival international du film de Stockholm 2022 : meilleur film documentaire

 

 

Nan Goldin a révolutionné l'art de la photographie.

Immense artiste elle est aussi une activiste infatigable qui se bat contre les médicaments opiacés responsables de centaines de milliers de morts

Toute la beauté et le sang versé

Structuré en plusieurs séquences,  ce documentaire réinscrit le parcours de l’artiste et de la militante dans une trajectoire familiale. Ainsi dès le 2ème  "mouvement"   (après une ouverture sur la manifestation devant le Metropolitan Museum de New York contre la famille Sackler géant de l’industrie pharmaceutique qui s’enrichit grâce aux opiacés mais aussi grand mécène de la culture) c’est la relation entre les deux sœurs – illustrée par maintes photographies- qui est mise en valeur (Barbara, la sœur aînée, éjectée du foyer familial, Barbara une adolescente rebelle régulièrement internée et qui se "suicide"  à 18 ans)

Le documentaire obéit à une construction circulaire : la sœur revendiquant son homosexualité et prématurément disparue va irriguer la dernière séquence (cf le split screen de rails mortifères si tragique dans son élégance !) de même qu’elle aura insufflé un esprit libertaire, esprit en conformité avec les choix de l’artiste dont nous avons suivi  le parcours (archives interviews œuvres).

Plusieurs fils narratifs -comme autant de visages ou plutôt comme autant d'éléments composant une personnalité- (Nan Goldin activiste et militante, Nan Goldin artiste photographe, Nan Goldin l’amoureuse, l’amante Nan Goldin marquée à jamais par la mort  de sa sœur aînée) s’enchevêtrent ainsi  dans ce documentaire  "exemplaire"  (=à nul autre pareil!) tissant une intrigue à la chronologie éclatée et à la beauté (souvent) subversive

Voici le collectif P.A.I.N (prescription addiction intervention now) avec lequel Nan Goldin mène un combat -dont le documentaire retrace les différentes étapes. Si les stratégies rappellent celles d’Act-up, d’autres seront complètement « inédites » compte tenu de la "notoriété" de l’artiste : Nan Goldin menace en effet  de retirer ses œuvres là où les "partenaires culturels"  -musées et galeries-,  reçoivent de l’argent du  "mécène"   Sackler (odieusement impuni  !!)  

Voici, en outre, un procès en « téléjustice » : nous voyons les visages de deux ou trois membres de la famille Sackler, contraints d’entendre les cris de douleur de « patients » au seuil de la mort, suite à l’ingestion de ces médicaments opiacés (on dénombre 500 000 morts !!)

Toute la beauté et le sang versé (extrait d’une lettre de la sœur ) : un  réquisitoire qui vibre ainsi d’un souffle pamphlétaire !

C'est aussi  un "bel"  hommage à  l'artiste photographe,  qui toujours  s’est inspirée de sa propre  "vie"  (questionnement sur les « marges », sur ses addictions, sur les formes d’existence en dehors des normes sacralisées, sur la  "contre-culture" , les homosexuels, les travestis, les toxicos,  les paumés). Artiste qui était entrée dans le monde de l'art en taillant une pipe à un chauffeur de taxi qu'elle "ne pouvait pas payer, pour se rendre à la seule galerie alors prête à montrer ses photos" !!

Une artiste de renommée mondiale !! (honorée dans les musées et galeries. On  a pu la "découvrir"  à Paris au Centre Pompidou en 2001 et 2008, et en 2004 dans le cadre du Festival d’automne elle avait « installé » Chapelle Saint Louis de la Salpêtrière, Sœurs Saintes et Sibylles,)

 

Guide précieux,  toute la beauté et le sang versé est un documentaire à ne pas rater !!

 

 

Colette Lallement-Duchoze 

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