21 avril 2023 5 21 /04 /avril /2023 05:52

de  Cyril Schäublin. (Suisse 2022)

 Avec Clara Gostynski, Alexei Evstratov. Valentin Merz

Titre original: Unrueh

 

Festival Angers premiers Plans 2023 Grand prix du Jury (section Diagonales)

Prix du meilleur réalisateur  Berlinale 2022  

Une vallée dans le nord-ouest de la Suisse, en 1872.Il s’agit de l’histoire de Joséphine, qui se fait embaucher dans une fabrique horlogère. On la forme à la production de l’axe du balancier (Unrueh), une pièce minuscule entraînant le balancement au centre d’une montre mécanique. Avant de recevoir son salaire et afin de financer sa nouvelle vie dans ce village, elle emprunte de l’argent à la banque du coin. Bientôt en désaccord avec l’organisation du travail et la répartition des biens au sein du village et de l’usine, elle rejoint le mouvement local des travailleurs anarchistes des horlogers, la Fédération Jurassienne. Elle y fait la connaissance du lunaire Piotr, issu de la communauté des gens du voyage russe. Errant dans les bois environnants, Joséphine et Piotr s’interrogent : Qui nous raconte nos propres histoires ? Le temps, l’argent, les dettes et le gouvernement ne sont-ils pas que des fictions ?

Désordres

Un minimalisme formel, une utilisation innovante du « cadrage » (les personnages sont souvent à la limite et/ou au bord du cadre ; la verticalité plane en lieu et place des autres dimensions, plusieurs scènes semblent se dérouler simultanément) une certaine placidité (les infos qui circulent quelle que soit leur gravité sont proférées avec le même détachement) la longueur des plans fixes, le multilinguisme (avec cette fausse étrangeté que l’on répond dans une autre langue que celle utilisée par le "questionneur") des couleurs délavées, tout cela a de quoi surprendre voire dérouter. Ce  film dont l’action se situe fin XIX° et qui par certains aspects (ouvrièr.e.s au travail en atelier, gros plans d’horlogeries, références à l’anarchisme) rappelle le documentaire, n’entraînera pas forcément l’adhésion du spectateur. Et pourtant !!!

 

Loin d’être un «exercice de style» ce deuxième long métrage de Schaüblin est éminemment politique. Après s’être documenté sur « la condition ouvrière » (Simone Weil 1909-1943) après avoir lu les mémoires de Kropotkine, le réalisateur va « juxtaposer » (de là naît une certaine étrangeté) scènes du XIX° « reconstituées » et interrogations sur la façon dont une société (fin XIX° ou début XXI°) traite le pouvoir, la distribution de la richesse, utilise la technologie (dans le film, la photographie l’horlogerie le télégraphe ) pour créer des identités nationales

La « mesure du temps » va métaphoriser l’ensemble. De très gros plans sur une montre, des horloges (dont on remonte le mécanisme) sur le système du « balancier » -Unrueh- (celui que Joséphine confectionne, et dans un long face à face elle en explique le précieux et redoutable mécanisme à Kropotkine ! qui écoute médusé comme si… le temps s’était arrêté !!)

L’heure est différente -fabrique, municipalité, église, télégraphe- chacun de ces lieux d’activités, d’identités et de références revendique sa légitimité ; que signifie dès lors « être à la même heure ». L’heure imposée par le patron doit-elle prévaloir sur les autres ? si précisément chaque seconde qui passe renvoie à sa valeur économique…Un intérêt majeur du film est de mettre en évidence l’absurdité de chronométrer un travail de précision !

 

Au spectateur d’établir la « passerelle   (à défaut de la franchir)  entre la société « reconstituée » et celle de notre présent !

 

Un film intrigant certes - que la présence de deux policiers (genre Dupont) irrigue d’humour …décalé (à la Tati ?) -,

Un film que je vous recommande vivement!!!

 

Colette Lallement-Duchoze

 

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20 avril 2023 4 20 /04 /avril /2023 13:28

Documentaire réalisé par Nicolas Philibert (2022)

avec "l'équipage" soignés et soignants de l'Adamant

 

Ours d'Or Berlinale 2023

L’Adamant est un Centre de Jour unique en son genre : c’est un bâtiment flottant. Édifié sur la Seine, en plein cœur de Paris, il accueille des adultes souffrant de troubles psychiques, leur offrant un cadre de soins qui les structure dans le temps et l’espace, les aide à renouer avec le monde, à retrouver un peu d’élan. L’équipe qui l’anime est de celles qui tentent de résister autant qu’elles peuvent au délabrement et à la déshumanisation de la psychiatrie. Ce film nous invite à monter à son bord pour aller à la rencontre des patients et soignants qui en inventent jour après jour le quotidien.

Sur L'Adamant

Dès la scène d’ouverture (avant même le générique) dans laquelle un « patient » interprète in extenso  « la bombe humaine » du groupe Téléphone, vous serez comme happé ; éjecté de votre siège, projeté hors du temps mais avec cette sensation que le détonateur est réellement « près de votre cœur ». En écho (dans le dernier tiers du film) vous serez aux côtés d’un autre patient, ce poète qui écrit compose interprète just open the doors (ou sa rencontre avec Jim … et Julia Morrisson)

Une voix ! un chœur d’applaudissements ! Nous sommes sur l’Adamant Un lieu à l’architecture « adamantine » ( ?) Voyez ces volets qui s’ouvrent comme des paupières sur l’onde de la Seine, afin de laisser entrer la lumière « à travers les interstices » (comme le recommandait Fernand Deligny cité en exergue ?). Laissez-vous envahir par ces petits espaces lumineux à la rencontre de ces êtres si bouleversants d’humanité dans leur créativité et dans leurs témoignages face à la caméra de Nicolas Philibert qui jamais ne filme en surplomb !

Au montage il fait alterner scènes de groupes, où la « communauté » s’adonne à différentes activités (bilan comptable, cuisine, accueil des « nouveaux », ateliers d’écriture, danse) et face-à-face plus individualisés  -l’œil de la caméra et celui de Nicolas Philibert resteront hors champ -; et si un détail (bouche édentée, regard hébété) attire notre attention, c’est qu’il s’inscrit dans un « tout »  (c’est peut-être parce que nos gueules sont cabossées que nous suscitons la méfiance, nous les fous dit en substance, très lucide, un « patient » -(étymologie celui qui souffre, qui subit).

Un choix formel très classique et pourtant on a parfois l’impression que les furtives « intrusions » dans la capitale (vue sur les quais, sur les lignes du métro, sur les arbres aux couleurs automnales) ou la succession des mini séquences à l’intérieur du bateau, l’absence délibérée de voix off, colorent de façon différente ou inattendue ce qui a précédé ou ce qui va suivre ; serait-ce pour souligner une certaine hétérogénéité (les pathologies sont toutes différentes, la façon de les aborder ou de les commenter différente elle aussi) ou parfois au contraire signaler une forme d’interpénétration (qui est qui ? patient soignant ? ) . Vers la fin,  l’intervention de la « danseuse » qui revendique son savoir ses compétences sans exiger quoi que ce soit en retour  pour animer un « atelier danse » en serait la preuve flagrante !! (une problématique : à partir de quel moment accepter au sein de l’équipe soignante un ( e) ex patient( e) ? Cette intervention qui oppose la "frilosité" des soignants à l''audace des "soignés" , donnerait tort aux esprits chagrins qui reprochent à Nicolas Philbert  son parti pris trop bienveillant  ......Oui le documentariste  a choisi l'humanité contre la violence "Les patients en psychiatrie sont toujours stigmatisés (...) et toujours considérés par le prisme de la violence. Je voulais inverser ce cliché et montrer à quel point ils sont humains"  Son documentaire manque-t-il pour autant d'aspérités? Que nenni -et pour preuve!!

Sur l'Adamant, un documentaire à la fois sensible, poétique et ...politique

A NE PAS RATER

 

 

Colette Lallement-Duchoze

 

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18 avril 2023 2 18 /04 /avril /2023 05:30

documentaire réalisé par Florian Heinzen-Ziob (Allemagne 2022)

Production : Fontäne Film

Avec : Malou Airaudo, Clémentine Deluy, Josephine Ann Endicott, Jorge Puerta Armenta, Sangeun Lee, Courtney Richardson, Julian Amir Lacey, Francesco Pio Ricci, Gloria Ugwarelojo Biachi, Luciene Cabral, Franne Christie Dossou, Tom Jules Samie
 

Chorégraphie : Pina Bausch

Musique : Igor Stravinsky, Christoph Willibald Gluck

Iphigénie en Tauride / Le Sacre du printemps. Au Semperoper en Allemagne et à l’École des Sables près de Dakar, de jeunes danseurs, guidés par d’anciens membres du Tanztheater de Pina Bausch, revisitent ses chorégraphies légendaires. Pour ces artistes, issus de la danse contemporaine, du hip hop ou du ballet classique, danser Pina, c’est questionner ses limites, ses désirs, et métamorphoser une œuvre tout en se laissant soi-même métamorphoser par elle.

Dancing Pina

C’est à une authentique aventure humaine et artistique que nous convie Florian Heinzen-Ziob dans ce film documentaire ; il a rendu palpable le geste qui dit l’intériorité de chacun des danseurs « Pour ces artistes, issus de la danse contemporaine, du hip-hop ou du ballet classique, danser Pina, c’est questionner ses limites, ses désirs, et métamorphoser une œuvre tout en se laissant métamorphoser par elle »  a-t-il confié !!

Courez vous imprégner de ces gestes de transmission si beaux dans leur générosité ; vous qui avez vu sur scène Dominique Mercy, Malou Airaudo, Joséphine Ann Endicott il y a des décennies, écoutez-les,  voyez-les perpétuer l’héritage de celle qui a révolutionné « l’art de la danse »

En alternant les images (répétitions surtout) de Iphigénie en Tauride (Ballet Opéra de Dresde,) -avec Malou Airaudo et Clémentine Duluy, et du Sacre du printemps à Dakar -où Jorge Puerta Amenta et Joséphine Ann Endicott « dirigent » 32 danseuses et danseurs venu.e.s de 14 pays du continent africain-, en « passant » d’un lieu (le théâtre somptueux de Dresde) à l’autre, (les « sables » de Dakar), en alternant danse et interviews (dont celles de Sangeun Lee et de la danseuse capverdienne Luciény Kaabral) , le réalisateur met en exergue des similitudes autant, sinon plus que des contrastes. On peut certes regretter le « systématisme » de ce montage alterné, de  ce  "champ contre-champ"  mais le « dialogue » entre les deux compagnies et les jeux d’opposition (froideur des studios du Semperoper, chaleur et lumière naturelle de l’école des sables) tissent en fait cette arabesque que commente non sans ironie Joséphine  Ann Endicott « c’est une position confortable à la Pina Bausch ».

Montrer  des images d’archives, les « incorporer » au présent celui des répétitions illustre les modalités de transmission ; théâtre et cinéma certes mais surtout « travail d’appropriation » ou  comment réinvestir avec sa propre histoire une pièce créée  il y a 50 ans,  tout en apprivoisant un « nouveau vocabulaire », tout en sachant que la danse de Pina Bausch n’est pas l’apanage de certains corps … Sangeun Lee une Iphigénie  très (trop)  grande ? « ne te fais pas plus petite. Tu es belle » 

La danse n’est pas seulement cette « succession de pas aussi magnifiquement exécutés soient-ils » c’est un état de dépassement, un surcroît d’âme. Ce passage précisément du « remarquable » au « sublime » . Grâce  à ce « geste » dans sa double acception de mouvement et d’intention. Par-delà tous ces jetés de bras ces « jets » de torse, ces halètements cette énergie viscérale, c’est lui qui  existe avant tout humainement, en soi et en relation à l’autre – à l’autre sexe notamment –

Et la puissance tellurique du Sacre -telle que l’avait désirée et chorégraphiée Pina-Bausch dès sa création en 1975, éclate là sous nos yeux :  la lutte sauvage, le « choix » de « l’Elue » que l’on va sacrifier le déchirement et le désespoir vont épouser le souffle du vent, sur les côtes océanes, au soleil couchant (la covid ayant interdit toute représentation publique !!)

Un documentaire à ne pas rater !!

 

 

Colette Lallement-Duchoze 

 

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16 avril 2023 7 16 /04 /avril /2023 11:48

d'André Téchiné (2022)

 

avec Benjamin Voisin, Noémie Merlant, Audrey Dana 

David, lieutenant des forces françaises engagées au Mali, est grièvement blessé dans une explosion. Rapatrié en France, il souffre d’amnésie et commence une longue convalescence sous le regard dévoué de sa sœur Jeanne. Dans la maison familiale des Pyrénées, entre montagnes et lacs, Jeanne tente de raviver sa mémoire, mais David ne parait pas soucieux de se réconcilier avec celui qu’il était

Les âmes sœurs

A partir d’une scène originelle, ancrée dans un factuel historique (Mali) et marquée du sceau d’une double déflagration, (c’est le prologue) le film se propose de « rétablir » reconstruire ce qui a été dévasté et comme mis en « miettes » ; reconstruction qui pour David comme pour sa sœur Jeanne équivaut à une nouvelle naissance. Elle va s’élaborer en deux temps.

Soit deux mouvements - soins dispensés à l’hôpital militaire à Paris, soins à domicile (en Ariège) prodigués par la sœur ; puis retournement narratif quand David retrouve progressivement la mémoire ; retournement qui a posteriori impose une autre coloration (une autre lecture) à la première partie. Soit deux thématiques inceste et mémoire ! Déconstruction, reconstruction ! réconciliation avec soi-même, avec ce que l'on a été ?

Avec cette façon de filmer si particulière, la marque du cinéaste, plans rapprochés qui enserrent deux visages deux nuques deux êtres « les âmes sœurs » dans le même cadre ; et en contraste ces gros plans sur le visage de l’un et de l’autre (surtout celui de Jeanne qui en frontal impose ses silences chargés de non-dits à chaque escapade avec son chien comme une ponctuation dans le rythme à la fois narratif et dramatique).

La dernière séquence -qui joue le rôle d’épilogue- tout en laissant ouvert le champ des possibles- utilise l’élément liquide (les flots tumultueux que l’on brave avec son corps, l’eau et sa fonction lustrale) comme métaphore d’une nouvelle naissance.

 

Mémoire et nouveau départ ? une thématique chère au cinéaste mais traitée avec plus ou moins de brio !! (Et l’on pourrait (re)formuler ici les mêmes griefs que pour « l’adieu à la nuit » (cf L'adieu à la nuit - Le blog de cinexpressions), dénoncer en outre cette forme de complaisance (douteuse) dans les scènes consacrées aux « soins » (très gros plans sur les plaques rouges, sur les grimaces du visage déformé par la douleur) car on peut reconnaître la place prépondérante  accordée au CORPS tout en décriant le choix d’un compte rendu quasi clinique (qui rivaliserait avec le documentaire)

 

Les paysages comme dans tous les films de Téchiné sont moins ces paysages intérieurs si chers au Romantisme que ces « chambres d’écho » ; certes ils se prêtent au jeu de métaphores (ramifications végétales et crise en arborescence ; grottes et strates du passé aboli et revisité par exemple) mais ils sont d’abord les éléments constitutifs au récit  lui-même enserrant enfermant les deux protagonistes dans leur mal- ou leur bien-être (les « êtres» se définissent par et dans les paysages, ce ne sont pas des « personnages » qui se « reflètent » dans les paysages ou l’inverse)

 

 

Et si la « vraie » consistance de ce film était dans le jeu prodigieux des deux acteurs ?

J’ai eu beaucoup de chance de rencontrer ce couple d’acteurs, je leur dois toute la consistance du film, affirme le réalisateur.

 

 

Colette Lallement-Duchoze

 

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15 avril 2023 6 15 /04 /avril /2023 05:46

de Joanna Hogg  (G-B, USA 2022)

 

avec Tilda SwintonJoseph MydellCarly-Sophia DaviesZinnia Davies-CookeAugust JoshiAlfie Sankey-Green

 

Sélection Mostra Venise 2022

De retour dans un hôtel désormais hanté par son passé mystérieux, une artiste et sa mère âgée confrontent des secrets enfouis depuis longtemps dans leur ancienne maison familiale.

Eternal daughter

Ce film vaut surtout pour l’interprétation de Tilda Swinton qui incarne à  la fois Julie, la fille,  et Rosalind, la mère

Voici un manoir  style géorgien, hôtel quasi désert, avec sa cage d’escalier (voir l’affiche)  et ses couloirs claustrophobes, un parc aux arbres séculaires, enveloppé de brumes, brouillards fantasmatiques, une atmosphère qui renvoie aux films « gothiques » -ce qu’accentuent les sinistres grincements qui percent l’obscurité, la visite de formes spectrales et la musique   . Tout cela est bien convenu  !!!

Convenues, les références à Hitchcock (l’arrivée dans l’immense allée et la furtive lumière émanant d’une fenêtre renvoient à Rebecca, le retour à Manderley -roman de Daphné du Maurier- et  la plongée dans le passé (Julie/Rosalind) ; ou celle à Orson Welles (le nom de la chambre Rosebud rappelle le dernier mot prononcé par l'acteur dans Citizen Kane ) Il en va de même pour la démarche : on arpente les couloirs comme on arpente les coulisses du passé, guidé que l’on est par des "sons" bizarres qui s’en viennent heurter, voire percuter,  la conscience ; on fait ses  "rondes"  de nuit comme on ferait celles de la "mémoire" Idem pour la thématique : deuil, relations mère/fille -Julie animée du seul désir de "comprendre" sa mère, de mettre en pleine lumière les incidences inévitables sur sa propre identité de fille, ne parvient pas à démêler l’écheveau -inextricable par définition- d’un passé qui lui échappe(ra) même s’il est ponctué de "révélations". Comme les deux "personnages" ne sont jamais filmés "ensemble"  dans le même cadre (en lieu et place d’une présence simultanée voici des champs et contre-champs) interpréter le final comme un « twist » est frappé d’inanité !

La mort, et partant le  deuil,  est omniprésente dans ce film. Et la quête de Julie en sera précisément l’acceptation (vécue comme une « délivrance »). Cheminement douloureux dont rend compte (entre autres)  cette séquence où ses appels effarés (elle est à la recherche de son chien Louis) se confondent (dans son esprit ?) avec les croassements des corbeaux ou les glapissements des renards ; une confusion (le chien était en fait immobile à l’intérieur) comme reflet de sa  "sensibilité maladive" , ou miroir des quiproquos répétés ? (le mélange des rêves des souvenirs et de la réalité).

Le huis clos du château, de la chambre (partagée avec le « fantôme » de la mère que l’on veut ressusciter) le calme séraphique  du gardien et les différents rôles de la réceptionniste ne renvoient-ils pas tels des effets spéculaires (renforcés d’ailleurs par la présence systématique de miroirs ou de vitres)  à la « complexité » du personnage de Julie, au jeu caméléon de Tilda Swinton, -dont celui de la gémellité (illustrée dès le début par les deux peluches offertes à Rosalind) ?

On retiendra le plan sur le serrement  des mains  qui scelle le passage vers la mort ; c’est le seul plan de la simultanéité (partielle), c’est aussi d’un point de vue narratif et dramatique la pérennité d’un souvenir tangible, et n’est-on pas en droit de l’interpréter comme la mise en abyme d’un film qui a fait cohabiter les vivants et les morts ?

 

 

Colette Lallement-Duchoze

 

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11 avril 2023 2 11 /04 /avril /2023 10:32

de  Sophie Letourneur (2022) 

co-écrit avec  Laetitia Goffi, 

 

avec Philippe Katerine et Sophie Letourneur. 

 

Une escapade romantique peut-elle raviver la flamme dans un couple ? Elle a réussi à le convaincre de partir quelques jours sans enfant. Ce sera où il a envie, sauf en Italie. Il y est déjà allé avec toutes ses ex... L'Espagne ? Les sentiers de l'Aubrac ? Ce sera finalement la Sicile – car selon lui, c'est pas tout à fait l'Italie....

Voyages en Italie

Nonchalante lenteur, ton monocorde (afin de souligner l’équivalence de toute information prosaïque politique ou culturelle ?) pauvreté de l’écriture, effet de réel capté dans ses « ratés » mêmes (moustiques, grillages qui empêchent l’accès aux sites, restaurants fermés), tout cela au service d’un décalage (à l’instar de celui du titre où le « s » du pluriel démarque le film de Sophie Letourneur de celui de Rossellini ?)

Du décalage (entre autres) naîtrait l’intérêt de ce film où les protagonistes dans leur insignifiance même sont si proches de nous ! vous avez dit Rossellini ? Sophie ne connaît pas !!! Moretti ? peut-être dans cette quête du temps perdu, sur une Vespa ou au volant d’une voiture (où avant chaque passage  d’une galeria on doit retirer ses lunettes de soleil ; ici c’est moins le comique de répétition que l’importance du « regard » -et de sa « cécité » qui prévaut)

Voici une chronique où sous des apparences foutraques, burlesques et des allures d’impro, tout (paroles autant que cadrages) est tracé au cordeau.

Une chronique composée de trois mouvements : deux séquences parisiennes encadrant le « séjour » italien ; or le glissement de la seconde (Italie) à la troisième (retour en France) est si fluide que l’on perçoit à peine le changement de chambre et de lit !!! (n'étaient-ce cette voix de l’enfant, hors champ, et la présence de couvertures )   Mais il sera plus question du discours sur les vacances que des vacances elles-mêmes, de ces petits riens qui ont façonné les journées « éreintantes » en Sicile ou à Vulcano (location de voiture, boissons rafraîchissantes, choix de chaussures de marche, "vespa", crème solaire, etc…) petits riens que nous avons partagés et que dans un montage alterné (la visualisation de ce qui fut et son commentaire au présent) nous continuons à partager.

La longue étreinte « amoureuse » -pour ne pas dire sexuelle- dans la pénombre, serait-elle le signe (tout comme le cratère qui rougeoie) d’un renouveau ? (on a appris que le volcan est en éruption toutes les 20’ ??)  Le « miracle » tant espéré qui avait guidé le choix du couple ? ou tout simplement le constat que l’étiolement du désir est inhérent à une relation dans la durée, que l’ordinaire ne saurait s’allier à l’extraordinaire, que les décors (sites archéologiques ou naturels) ne sont pas des écrins d’un merveilleux ressuscité.

 

Le discours sur une  "construction" -celle d’un voyage- ne ressemble-t-il  pas étrangement à celui de (et sur) la déconstruction du couple ? dont le lit est (sera, restera)  le témoin privilégié....

Rire jaune, rire franc ? absence de rire ? peu importe.

Un film que je vous recommande !

 

 

Colette Lallement-Duchoze

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10 avril 2023 1 10 /04 /avril /2023 11:04

de Stephen Frears (G-B 2022)

Scénaristes : Steve Coogan, Jeff Pope

 

avec Sally Hawkins, Steve Coogan, Harry Lloyd 

 

D'après l'œuvre de Philippa Langley (The Search for Richard III)

"The Lost King" retrace l’aventure de Philippa Langley, passionnée d’histoire à la volonté de fer qui, sur une simple intuition et malgré l’incompréhension de ses proches et la défiance du monde universitaire, a voulu rétablir la vérité autour de Richard III, l’un des monarques les plus controversés de l’histoire.

The lost King

Inspiré de  faits réels, ce que dit expressément le générique- (comme pour the Queen 2006 ou Philomena 2013) the lost King met en scène (et ce dans tous les sens de l’expression) une "héroïne" -avec ses fêlures (elle est atteinte du « syndrome de fatigue chronique »-, sa détermination qui vire à la monomanie-, et surtout à travers elle la puissance de l’intuition opposée aux certitudes sclérosantes des sachants, universitaires et autres pontes. Le cinéaste va nous entraîner dans une "chasse" aux "fake news", tout en écorchant au passage les travers  du patriarcat ; non seulement Philippa Langley, cette jeune femme qui s'improvise historienne, va réhabiliter la mémoire de Richard III (longtemps conspué, avili par la pièce de Shakespeare) mais  "retrouver"  sa dépouille (quoi qu’il en coûte) sous un parking de Leicester.....Sally Hawkins (rappelez-vous La forme de l'eau de Guillermo del Toro 2018)  incarne Philippa  avec un mélange de candeur et de combativité, un jeu tout en nuances -qui ne peut qu’entraîner l’adhésion- ce que renforce d’ailleurs le contraste entre l’apparente chétivité et l’énormité de la tâche

 

Ainsi, en partant d’une « anecdote », Stephen Frears interroge notre rapport à l’histoire telle qu’on la forge, telle qu’on la fige. The lost king : une  question éminemment  philosophique  (ou politique?) sur la Relativité de l’Histoire ou du moins sur l’évolution des perspectives historiques en fonction des époques ?  

 

On pourra toujours  déplorer des effets d’insistance (dont la présence de Richard III qui accompagne Philippa tout au long de sa recherche et de ses mésaventures ; oiseuse fantasmagorie ? fantôme salvateur ?) des outrances des clichés et leur traitement simplificateur (l’université qui s’accapare sans vergogne et sous les feux de la rampe la découverte de Philippa après l’avoir moquée publiquement ! le rôle loufoque de la Richard III Society, ensemble hétérogène de piliers de bar), un goût trop prononcé pour ces vues en plongée (où l’être humain est rabaissé à l’état d’homoncule) etc.

 

The lost king n’en reste pas moins une comédie où triomphent l’ironie et l’humour, une comédie au rythme souvent trépidant ; où le tempo -scandé par les aléas de la recherche et les rebondissements qui n’altèrent en rien la ténacité du personnage principal, et par l’alternance entre scènes de solitude mélancolique et scènes de groupes moqueurs-, impose à la narration (certes classique) une fluidité que renforce la musique d’Alexandre Desplat

 

the lost king ou La résurrection d’un cinéaste, d’une femme, et d’un monarque ».(citizen kane Ecran noir)

 

Un film à voir! 

 

Colette Lallement-Duchoze

 

 

 

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7 avril 2023 5 07 /04 /avril /2023 11:38

Documentaire réalisé par Audrey Ginestet (2022) 

 

Prix Loridan-Ivens CNAP festival Cinéma du réel 2022

Cela fait 10 ans que Manon est inculpée dans « l’affaire Tarnac » accusée avec 8 autres personnes d’avoir participé à une entreprise terroriste pour des sabotages sur des lignes TGV. A l’approche du procès je prends ma caméra et je rejoins le groupe de femmes qui aide Manon à préparer sa défense.

 

 

 

Relaxe

Ne pas s’attendre à un exposé sur ce que  fut « l’affaire Tarnac » (quelques plans à l’Assemblée nationale sur le visage de la Ministre  de l’Intérieur  qui « éructe » sa « haine » de l’extrême gauche ;  et quelques encarts explicatifs, des voix enregistrées de journalistes de la presse audiovisuelle )

Car l’essentiel est ailleurs ! ce qui a motivé la documentariste ce sont les « coulisses » la justice et son tribunal sont le spectacle et avant on est dans les coulisses dans les répétitions. J’ai voulu montrer une parole juste c’est pourquoi j’ai proposé de mettre en place un simulacre de tribunal afin que les inculpés se préparent au procès : c’était ma façon de les aider. (Audrey Ginestet est la compagne du frère de Manon, Benjamin Glibert lui aussi inculpé. Ils sont musiciens et membres du groupe Aquaserge)

Et de fait nous serons les témoins de « répétitions » où les amies de Manon « jouent le rôle » de l’avocate de la juge  (le tribunal correctionnel de Paris doit se prononcer en mars 2018 soit presque 10 ans après la « mascarade » de novembre 2008). (pour rappel : la qualification de terrorisme a été abandonnée un an plus tôt et un non-lieu partiel déjà prononcé, restent des accusations d’association de malfaiteurs et des délits mineurs). On travaille collectivement à l’élaboration de… on peaufine les déclarations, etc. Pour sa défense, Manon préfère « lire » sa « déclaration » que répondre à d’éventuelles questions (un long plan fixe sur son visage, le regard souvent hébété, une voix mal assurée, qui se cherche)

Le titre du documentaire est suffisamment éloquent !!! après avoir entendu (off) et lu les paroles de la présidente de la 14ème chambre, Corinne Goetzmann « l’audience a permis de comprendre que le « groupe de Tarnac » était une fiction », nous assisterons à un immense feu de joie (40000 pages !) où les flammes embrasent de leur incandescence les rires explosifs et les gestes chorégraphiés d’une liesse enfin exaltée !

Relaxe ! Voilà autant de pages de vie qui fleurent  bon l’honnêteté. L’humilité. Loin de cette mascarade aux relents de politique délétère - celle qui hélas ! façonne les consciences autant que les alibis. Pages de vie, cette forme de poésie du quotidien où le visage de l’enfant (la fille de Manon) s’impose à l’écran en gros plan à l’envers, où les lèvres et la bouche agrippent l’embout d’un instrument de musique, où les larmes naissent d’un excès de vérité (quand Manon rappelle, en lisant sa « déclaration », les années de tourmentes infligées pour …rien) où le collectif l’emporte sur l’individuel, (cf. entre autres cette belle séquence qui a guidé le choix de  l'affiche),  où les activités (bar épicerie associatif, aide aux réfugiés dans leur demande d’asile, concerts) filmées dans la délicatesse d’instantanés scandent les jours, où la dénonciation en arborescence des iniquités et autres mensonges n’en est pas moins évidente !

 Relaxe ou  la vraie nature d’un engagement politique, loin des clichés mortifères dans lesquels on aura emprisonné des vies !

Cinéma vérité cinéma du réel , à voir de toute urgence !

 

Colette Lallement-Duchoze

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6 avril 2023 4 06 /04 /avril /2023 08:32

Festival Courtivore - 22è édition

Du 3 Mai au 7 Juin 2023

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


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3 avril 2023 1 03 /04 /avril /2023 06:04

de Laura Mora  (Colombie 2022)

avec Carlos Andrés Castaneda, Brahian Acevedo Davison FlorezCristian CampañaCristian David DuqueJacqueline DuqueLuis Eduardo BenjumeaVioleta Zabala

 

Coquille d’or au Festival international du film de Saint-Sébastien,

Prix Feroz Zinemaldia

Prix SIGNIS de l’Association catholique mondiale pour la communication.  

Présenté à Rouen samedi 4 mars 2023 Festival à L'Est (compétition d'Est en Ouest) 

Rape (17 ans), Culebro (16 ans), Sere (14 ans), Winny (11 ans), Nano (13 ans), 5 enfants des rues de Medellín. 5 rois sans royaume, sans famille, sans loi, sans racine. Leur espoir renaît lorsque le gouvernement promet à Rà le droit d'acquérir un  terrain duquel sa famille avait été chassée, comme des milliers d’autres Colombiens, par les paramilitaires) .Ils quittent la ville, traversent la chaîne de montagnes jusqu’au Bajo Cauca, à la recherche de leur propre Royaume.

Los reyes del mundo

La première séquence frappe par son ambiance et ses ruptures de rythme : voici une ville nimbée d’un bleu nocturne, apaisant avant que la bande-son et le passage violent du métro ne s’en viennent perturber l’apparente sérénité. Et voici une mob défoncée conduite par Rà la machette à portée de main. Nous sommes à Medellin.! La caméra nous mène à la rencontre d’un clan  de cinq adolescents, une  famille d’orphelins; des laissés pour compte ? livrés à eux-mêmes vivotant de trafics et de chapardages, de drogue, des jeunes qui n’ont que la violence en  héritage ?

Mais le film va bifurquer ! 

 

Munis de papiers officiels ces jeunes vont partir vers leur « terre promise » eux les « rois du monde », rois sans couronne certes , mais,  chevillé à leur corps, l’espoir d’un « chez soi et d’une vie digne », loin des tourment(e)s urbain(e)s (souvent c’est le mouvement inverse, de la campagne vers la ville, qui sert de dynamique)

Pénétrer dans cette forêt aussi fascinante que dangereuse, aussi luxuriante que périlleuse, se laisser guider par un mystérieux cheval (vision due aux substances hallucinogènes ? allégorie de l’espoir ?) vivre pleinement certaines rencontres comme offrandes d’apôtres salvateurs (les prostituées, l’ermite) assister aux dissensions internes du groupe (jusqu’à sa dissolution) plonger dans les ténèbres à la quête de ce Graal, c’est l’odyssée que nous propose Laura Mora Ortega dans ce deuxième long métrage (après  Matar a Jesus ( cf Matar a Jesus - Le blog de cinexpressions

 

Un road movie qui joue sur les changements d’atmosphère (photographie superbe de David Callego) et de son, sur l’alternance entre rêve et réalité, fable onirique et cinéma du réel, entre ralentis pauses et rythme plus débridé, Road movie où une voix off intérieure  se heurte à des images d’une réalité crue, où sur le fond blanc de l’écran se détachent les silhouettes de ces jeunes vus de dos : rêvent-ils,  "morts-vivants",  à ce "monde parfait où ce que vous ne voulez pas n'existe pas"? l'épilogue renforcera  l'ambigüité !!

 

Un film aux couleurs ocres des ruines, au blanc cotonneux des rêves, un film aussi dense que la verte compacité de la forêt colombienne !

Un film à voir c’est une évidence !

 

Colette Lallement-Duchoze

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