1 juin 2023 4 01 /06 /juin /2023 04:04

documentaire réalisé par Anne Richard (2021)

 

à voir sur KUB

 

Droit au coeur - KuB (kubweb.media)

Synopsis "Cela fait dix ans qu’Irène Frachon attend ce moment où, face à la mer, elle pourrait se satisfaire du délibéré des juges dans le procès hors-norme dit du Mediator. Le Dr Irène Frachon, pneumologue à l’hôpital de Brest, est celle par qui le scandale est arrivé. Celle qui a lancé l’alerte de ce médicament nocif devant les autorités pour le faire interdire, l’a relayée dans les médias pour en faire une affaire, puis portée jusque devant les tribunaux. Cela fait dix ans qu’elle l’attend".

Droit au cœur

Début 2023, l'affaire du Médiator rebondit devant la cour d'appel de Paris où Irène Frachon doit une fois encore revenir à la barre pour témoigner de ses effets létaux. Au même moment sort une bd qui revient sur cette épuisante lutte contre Servier, le géant de l'industrie pharmaceutique.

Pour mieux comprendre le combat de cette femme, voici Irène FrachonDroit au cœur, une mise en perspective sur plus de dix ans, signé par la documentariste Anne Richard. Le film s’appuie sur la machinerie médiatique et juridique mise en branle par le procès pour reparcourir les méandres de cette histoire-fleuve.
Devenue proche d’Irène Frachon, la réalisatrice la filme au plus près, apparemment apaisée mais toujours folle de rage à l’intérieur au moment où s’ouvre le procès. Cette femme remarquable par son éthique, sa ténacité à toute épreuve, a su garder intacte sa révolte malgré une longue guerre d'usure.

Irène FrachonDroit au cœur revient ainsi sur la solitude des lanceurs d’alertes dont se désolidarisent ceux qui ne souhaitent pas compromettre leur carrière que ce soit dans le milieu hospitalier, industriel, médiatique ou politique. Brimades, pressions, intimidations… voilà les signes qui sont adressés aux alliés de celle qui ose s’attaquer aux intérêts d'un géant.

Édito : Serge Steyer
Droit au cœur

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31 mai 2023 3 31 /05 /mai /2023 06:30

de Joe Lawlor et Christine  Molloy (Irlande 2021)

avec  Ann Skelly, Aidan Gillen, Orla Brady

Rose, étudiante en médecine vétérinaire, décide de contacter Ellen, sa mère biologique qu’elle n’a pas connue. C’est une actrice à succès qui ne veut pas développer de relation avec Rose. Cette dernière se montre très tenace et Ellen finira par révéler un secret qu'elle a caché pendant plus de 20 ans. À la suite de cette découverte, Rose va se rapprocher de son père biologique…

Faces cachées

Construit comme une tragédie à l’antique ( dans laquelle les deux femmes victimes du diabolique prédateur se vengeront telles les Erinyes ou les Euménides), théâtralisé à l’extrême (jeu des espaces clos, des cadrages, plans fixes prolongés,  et plans séquences) ce film a hélas!  le revers de ses qualités.

Cette quête des origines avec suspense, ce drame de l’identité qui s'opère en deux temps et qui est vécu sur le mode majeur-, cet entremêlement de réalisme cru et d’images mentales (par moments en effet la frontière est ténue entre ce qui s’impose à l’écran et ce qu’imagine, anticipe Rose/Julie dont la pugnacité est sans pareil et l’actrice Ann Skelly brille sans conteste dans son interprétation) , auraient pu entraîner l’adhésion du spectateur.

Hélas ! la musique stridente et envahissante, l’artificialité de la mise en scène, le parallélisme trop appuyé entre le « métier » du père biologique, archéologue, et la volonté d’exhumer les strates du passé, le dénouement attendu, les dialogues qui trop souvent donnent la fâcheuse impression d’être récités, sans conviction, tout cela et bien d’autres choses encore, fait que l’on « décroche » assez vite (alors que le tout début était prometteur ) déçu de s’être allé, presque malgré soi, à sélectionner un tel film.

Attention: La forme peut tuer le fond

 

Colette Lallement-Duchoze

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26 mai 2023 5 26 /05 /mai /2023 20:46

d'Elias Belkeddar (France, Algérie 2022)

 

avec Reda Kateb, Benoît Magimel, Zina Bouzid

 

festival Cannes 2023 hors compétition

Omar, plus connu sous le nom d'Omar la Fraise, est un bandit à l'ancienne. Contraint à la cavale en Algérie, il vit de petites magouilles, accompagné de son illustre acolyte Roger. Après avoir régné sur le milieu du banditisme français durant des décennies, ils doivent ensemble accepter leur nouvelle vie alors qu'ils n'ont vécu jusqu'à présent que dans la débauche et la violence...

Omar la fraise

 

Moins une histoire de gangsters que d’amitié indéfectible (celle qui lie Omar et Roger), moins une façon de filmer à la Tarentino -même si ici et là de grands mouvements frénétiques de caméra font gicler le sang - que le portrait d’une ville d’un pays loin des clichés dont nous les étrangers sommes imprégnés. Et pourtant en voulant mélanger différents « genres » - romance amoureuse, comédie, drame, thriller- le réalisateur (dont c’est le premier long  métrage) peine à convaincre. Après un prologue fulgurant (opposition entre l’immensité ocre d’un paysage inviolé et les ruelles grouillantes de la ville) et détonant (rythme rapide et chorégraphié dans la passation de la came qu’accompagne une musique presque sur dimensionnée) le manque de fluidité, les clichés capillotractés sur l’amour, le récit assez bancal, les vociférations oiseuses, tout cela fait que l’on « décroche » facilement – ce qui ne remet pas en cause  la « prestation » des deux acteurs, qui, on le devine ont dû beaucoup s’amuser….

 

Certes, Elias Belkeddar se plaît à tordre le cou aux « clichés » attendus sur les « mafieux ». Voici une immense villa sans meuble, une piscine sans eau, des soirées en boîte bien arrosées, de la cocaïne, des fringues d’un autre âge, une mini séance de sport matinale : que sont devenus les gangsters parisiens ? leur quotidien de l’autre côté de la Méditerranée semble presque « ennuyeux » !!!

Et voici que se profile, avant d’être incarnée l’existence de ces mômes des rues habiles à la lame acérée, des enfants contraints de « tuer » pour survivre ?  Aptes à écouter et à faire leurs, les préceptes d’Omar qui leur enseigne l’art de truander « Je voulais raconter l’envers du décor de la figure du gangster. J’aimais l’idée de prendre des figures de psychopathes et d’enfants des rues qui sont vraiment dans l’ultra-violence et arriver à susciter de la tendresse pour eux »

 

Cela étant - et quand bien même le film distille une forme de « tendresse » au plus fort de la violence et de ses morts inutiles- Omar la fraise reste dans un entre deux (l'errance des deux compères puis  le traitement de la « conquête amoureuse » et au final  l’histoire de vengeance  en témoignent  aisément!)

 

Dommage !

 

 

Colette Lallement-Duchoze

 

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26 mai 2023 5 26 /05 /mai /2023 05:43

Documentaire expérimental réalisé par Alexandre Sokourov (Russie 2022)

 

présenté au festival de Locarno 2022

Il était une fois deux vagabonds.....non ils étaient trois, heu non quatre......et il y en avait d’autres, nombreux et différents. On les vit pendant longtemps, puis quelque chose se passa et ils disparurent. Et durant des années on n’en entendit plus parler. Mais depuis quelque temps, on entend des voix dans la nuit, des fragments de questions, des gémissements... de millions de voix. Cette nuit les tréfonds du ciel se sont ouverts…(Sokourov)

 

 

Staline, Hitler, Churchill et Mussolini errent dans le purgatoire, attendant une hypothétique ouverture de la porte du paradis. Apparaissant en plusieurs versions d'eux-mêmes, parfois conscients de leur mort, parfois ressassant leurs projets de conquêtes et de grandeur, ils échangent entre eux des invectives. Les trois dictateurs paradent devant leur peuple, représenté comme des flots tourmentés de figures indistinctes. Churchill voit s'ouvrir, pour lui seul, les portes du Paradis

Fairytale

L’écran s’embrase et sa coulée rouge va épouser de noires nuées, c’est sur des images d’une puissance inégalée - que renforce la musique-, que s’ouvre le film expérimental de Sokourov. Apocalypse ? Comme si le cinéaste invitait le spectateur à imaginer un « après » (les forces naturelles qui avaient préexisté perdureront dans leur démesure ?) Et  voici que dans des brumes fantomatiques se dessinent des architectures et que déambulent des personnages -et leurs doubles- facilement identifiables : Churchill Mussolini Staline Hitler….Sont-ils au purgatoire ? attendant que cette immense porte s’ouvre enfin pour les accueillir….?

Déformer reformer modifier accoler des portraits « authentiques » et des personnages « reconstruits » à partir de  (recours au deepfake) , utiliser des images d’archives et les intégrer dans des décors inspirés par des maîtres de la gravure (dont Dürer Piranèse). Un travail de titan ! Il y a quelque chose de bluffant, visuellement, qui ne peut laisser insensible (le spectateur a cédé sur la vraisemblance ou la logique -présence anachronique de Napoléon ou du Christ en grabataire maugréant contre le Père-  et en échange il regarde une fable à la hauteur de ces concessions ? ; ou bien sans rompre un « contrat » il se verra  -effet spéculaire garanti- dans cette masse qui ondoie tour à tour idolâtre et victime expiatoire ? ou dans la figure récurrente du soldat, seul être individualisé émergeant des miasmes et proférant des propos comminatoires ?)

Voici des fantoches (dont trois ex dictateurs et un "faux démocrate" ) soliloquant devisant -parfois s’invectivant, tout entiers à leurs tics, à leurs marottes, obnubilés par l’exercice du pouvoir suprême,. Eux  et leurs doubles, qui se croisent s’accolent dans ces limbes (un infra monde ?) Staline et Mussolini se charrient tels des « potaches » alors que sur eux plane l’ombre de Lénine, Churchill attend le feu vert de la Reine,  Hitler ne s’est nullement départi de sa paranoïa mortifère

Ce « conte », une farce hallucinée (Hitler détruit un moulin et voici que l’on convoque Cervantès…) serait le prolongement d’une trilogie Moloch Taurus Le Soleil (Sokourov avait vilipendé trois  dictateurs du XX° Hitler Staline et Hirohito)

Visuellement audacieux Fairytale est un film que je vous recommande - même s’il donne l’impression de « tourner en rond » dans le ressassement des soliloques -chacun dans la langue d’origine- déclamés par des acteurs ; soliloques qui souvent se chevauchent créant ainsi un « paysage sonore »

 

 

Colette Lallement-Duchoze

 

Sokourov sur le blog : Francofonia, le Louvre sous l'Occupation - Le blog de cinexpressions

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25 mai 2023 4 25 /05 /mai /2023 09:43

de Valérie Donzelli (2022) 

avec Virginie Efira (Blanche, Rose) Melvil Poupaud (Grégoire Lamoureux) Dominique Reymond (l'avocate) Marie Rivière (la mère) Romane Bohringer (Delphine) Virginie Ledoyen (Candice)  Bertrand Belin (David) Laurence Côte (Catherine) Nathalie Richard (la gynécologue) 

 

 

scénario Audrey Diwan et Valérie Donzelli à partir du roman d'Eric Reinhard paru en 2014

photographie Laurent Tangy

 

Présenté à Cannes Première au Festival de Cannes 2023.

Quand Blanche (Virginie Efira) croise le chemin de Grégoire (Melvil Poupaud), elle pense rencontrer celui qu’elle cherche. Les liens qui les unissent se tissent rapidement et leur histoire se construit dans l’emportement. Le couple déménage, Blanche s’éloigne de sa famille, de sa sœur jumelle, s’ouvre à une nouvelle vie. Mais fil après fil, elle se retrouve sous l’emprise d’un homme possessif et dangereux.

Avertissement : La situation décrite dans ce film, une femme prise dans une situation de harcèlement perverse par son mari, est susceptible de perturber un public sensible.

L'amour et les forêts

Adapté du roman d’Eric Reinhard (paru en 2014) le film de Valérie Donzelli (co-scénariste Audrey Diwan) est une suite de longs flash-backs ; ainsi formulé ce constat serait tout à fait anodin, s’il ne s’inscrivait dans le contexte d’une "parole libérée". En effet dès le premier plan Blanche (saluons la prestation de Virginia Effira, son talent à restituer tant de nuances), le visage presque dévasté le regard comme lointain et pourtant déterminé, est face à une femme (avocate ? psy ?) et elle va DIRE son vécu:  l’emprise, la descente aux enfers, leurs cercles concentriques. Le film sera ainsi ponctué par ce dialogue, une ponctuation dont la fonction narrative et dramatique est évidente : la femme (on apprendra que c'est une avocate)  peut relancer la chronologie, réveiller un détail, susciter, questionner afin de mettre en évidence (et pour le spectateur et pour la victime) la façon dont se construit un système -le mécanisme de l’emprise-,  ainsi que les violences conjugales -qui d’ailleurs vont de pair avec les violences économiques- et au final entreprendre les démarches au pénal !

 

Valérie Donzelli en privilégiant les plans-séquences, non seulement fait monter la tension mais nous plonge en permanence dans la psyché de Blanche. Que Virginie Efira interprète les deux sœurs,  loin d’être une afféterie dans le traitement  de la sororité et de la gémellité, ou l’illustration d’une antinomie - l’introvertie (Blanche) et l’extravertie (Rose)-, relève d’un parti pris : si Rose est censée  "sauver"  Blanche, ne serait-ce pas Blanche qui va (irait) in fine au secours d’elle-même ?

 

Même si dès le début  on  "devine" qu’au terme d’un long parcours de souffrances, c’est à une nouvelle naissance que l’on est censé assister,  la cinéaste a  "construit" son film comme un thriller. A la mélodie du bonheur (première partie  empreinte  de mièvrerie, délibérément assumée ?) va succéder le cauchemar -savamment structuré d’ailleurs, de plus en plus anxiogène, depuis l’éloignement des autres, l’exil de soi, jusqu’à une forme de « folie » et la volonté d’en finir, en passant par l’enfermement, la dépendance, le harcèlement, l’inversion des rôles -le mari diabolique, un narcissique pervers (excellent Melvil Poupaud) tout en plaidant coupable avoue être la « victime ». Et la maison isolée est à la fois prison (c’est la maison de l’enfermement) et métaphore, le réceptacle d’une conscience. On devine les influences des maîtres incontestés dont se réclame Valérie Donzelli (Rohmer, Hitchcock et Demy pour l’interlude musical).

La palette des couleurs ira s’assombrissant, (l’escapade dans la forêt avec "l’amant" où la lumière diffractée éclaire en la saluant la joie reconquise, n’en sera que plus contrastée, d’autant qu’elle réapparaîtra furtivement tels des flashes)

 

Le mouvement le plus "convaincant" serait celui où à l’écran se succèdent à un rythme rapide -sans être trépidant- des mini scènes, comme autant de tableautins : Blanche au lycée, Blanche à la superette, etc. illustrant ses propos en voix off. (quoi qu'elle fasse, quel que soit le lieu , quel que soit le moment, elle est  harcelée épiée, une  spirale infernale  qui la conduira à.... 

Je voulais faire un film très sensoriel, très mental, qu'on ressente vraiment le point de vue de cette femme

 

 

Un film à voir ! assurément! 

 

 

Colette Lallement-Duchoze

 

 

Ps pour les "problèmes"  d’adaptation (du roman à l’écran) cf France5   la grande librairie  du 24/05/2023

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20 mai 2023 6 20 /05 /mai /2023 09:30

Jeanne, jeune fille du peuple avide de culture et de plaisirs, utilise son intelligence et son charme pour gravir un à un les échelons de l'échelle sociale. Elle devient la favorite du roi Louis XV qui, ignorant son statut de courtisane, retrouve grâce à elle le goût de vivre. Ils tombent éperdument amoureux et, en dépit des convenances et de l'étiquette, Jeanne s'installe à Versailles où son arrivée scandalise la cour

Jeanne du Barry

Commentaire de Sege Diaz

 

Le phénomène du transfuge est à la mode et les commentaires à ce propos, parfois déraillent. Comment peut-on admirer ou s'identifier à une jeune femme qui se prostitue auprès des puissants peu ragoutants pour grimper dans l'échelle sociale ? Est-ce cela l'émancipation ? Dans quel but ? Non pas pour renverser l'ordre établi mais pour le conserver à son profit. Oh ! quelle révolution que celle de mettre à la cour des robes rayées que les courtisanes finissent par adopter par mimétisme opportuniste.

 

Certains critiques et la réalisatrice elle-même ont même vu dans ce film un contenu féministe. Or, ce long métrage qui est l'aboutissement du rêve de princesse d'une jolie jeune femme devenue cinéaste s'inscrit dans l'idéologie dominante des magazines Jours de France, Figaro Madame et Point de vue image du (grand) monde.

Nul doute que ce film co-produit avec les éminents féministes du Golf persique saura trouver fortune : notamment en Angleterre où la moitié de la population reste aliénée et attachée à la monarchie, en France où on s'indigne encore si peu devant l'injustice profonde, et en Amérique pour les mêmes raisons où le bonheur se résume au montant de son compte en banque.

 

Disons que les seules qualités de ce film reposent sur la richesse des costumes, et  la photographie soignée. Pour le reste....les erreurs historiques se succèdent, pour exemple le peintre qui a installé son chevalet au milieu d'un champ pour faire le portrait de la Jeanne enfant. Il est bon de rappeler que ce sont les impressionnistes au 19ème siècle qui ont innové dans le domaine grâce à l'invention des tubes de peinture transportables.

Quant au choix douteux de Johnny Depp, quelle erreur de casting ! On l'imagine mieux dans Napoléon Bonaparte ...Clin d’œil au public américain pour faire entrer les dollars. On a évité le pire, Maïwenn avait d'abord songé à Gérard Depardieu pour interpréter Louis XV.

Un relent nauséabond d'admiration envers la monarchie amorale et hors-sol imprègne le film et le rend difficilement supportable. Les gaffes de la Du Barry ne nous font pas croire à une critique du grotesque des rites de la cour, bien au contraire.

 

Bref, un film qui a servi de prétexte à Maïwenn pour étaler son narcissisme et qui n'avait pas sa place dans la sélection du festival de Cannes 2023

 

 

 

 

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19 mai 2023 5 19 /05 /mai /2023 06:47

de Chad Chenouga (France 2022) 

 

avec Roschdy Zem, Yolande Moreau, Marina Hands, Jibril Bhira (Naël) 

Sabri Lahlali, principal adjoint d’un collège de quartier, est prêt à tout pour que son fils, sur le point de passer le brevet, ait le dossier scolaire idéal. Mais il ne sait pas jusqu’où son entreprise va le mener...

Le principal

La caméra très proche de Sabri Lahlali semble faire corps avec lui. Roschdy Zem en principal adjoint (costume cravate) sera de tous les plans. Sa stature -quand il est filmé de dos- envahit tout l’écran. Il déambule dans l’établissement avec ses couloirs ses escaliers ses portes que l’on ouvre et ferme, droit dans ses bottes, animé par la volonté de faire régner l’ordre !!! Tout régenter à l’intérieur de l’établissement (les professeurs les élèves doivent lui obéir) mais aussi dans sa vie privée (ainsi son fils doit impérativement avoir une mention au brevet, sa femme dont il est séparé doit lui revenir). En haut des escaliers, une simple contre plongée suffirait à illustrer ce « pouvoir ». La démarche un peu chaloupée de l’acteur semble (toutefois) légèrement compenser l’excès de rigidité !

Le principal, un « transfuge de classe ? Lui qui a rompu un déterminisme social : à force de travail il a réussi à s’extirper de la cité HLM ; à la différence de son frère excellent Hedi Bouchenafa, bipolaire ? borderline ?)

Ses instants de « détente » ? en position d’élève face à la principale, (Yolande Moreau) amoureuse des lettres, avec laquelle il échange livres et discussions (même si la ficelle est un peu grosse parfois quand le roman joue le rôle de mise en abyme)

Ce goût de l’excellence qu’il veut inculquer à son fils (afin peut-être de ne pas lui faire vivre les mêmes galères que lui !!! un fils qui se sent si proche de son oncle !!!) le conduit à commettre « l’irréparable » ? Or le pouvoir (rectorat) passera l’éponge au nom de… l’excellence précisément !!! mais un fils traumatisé pour avoir « obéi » au diktat d’un père (désormais abhorré)

 

Ténuité scénaristique ; approche pour le moins tendancieuse

Malgré la prestation de Roschdy Zem,  et quelques problèmes abordés -dont le renouvellement des élites et la méritocratie- Le principal est un film décevant !!

 

Colette Lallement-Duchoze

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18 mai 2023 4 18 /05 /mai /2023 08:44

de Zeno Graton (Belgique France 2022)

 

avec  Khalil Gharbia, Julien De Saint-Jean, Amine Hamidou, Eye Haïdara, 

 

musique Bachar Mar-Khalifé 

 

nominations et sélection

Joe, 17 ans, est sur le point de sortir d’un centre fermé pour mineurs délinquants. Si son juge approuve sa libération, il ira vivre en autonomie. Mais l'arrivée d'un nouveau jeune, William, va remettre en question son désir de liberté

Le Paradis

"Si un poisson est pris dans la glace, il ne ressuscite pas. Il meurt."

 

Romance homosexuelle en milieu "carcéral", -le cinéaste dit s’être inspiré de Jean Genet-,  en IPPJ plus exactement  - (Institutions publiques de la protection de la jeunesse) telle  est bien l’unique thématique de ce premier long métrage. Ne vous attendez donc pas à une sorte de docu fiction sur les conditions que vivent au quotidien les jeunes en centre fermé pour mineurs, sur la "violence" du vivre ensemble Certains critiques fustigent, poliment certes, le manque d’aspérité, l’aspect trop lisse dans la peinture de la vie au quotidien. Là n’est pas le propos, même si le cinéaste fait la part belle au rôle des éducateurs (encadrer responsabiliser), à la répétition fastidieuse des tâches (activités sportives pour canaliser la violence, ateliers de soudure comme préparation à un « métier », rencontre /débats pour susciter l’imagination créatrice etc...) Or la simple récurrence du plan sur la grille qui sépare le centre du monde extérieur, sur le mur/ paroi qui sépare les  cellules et  qui va servir de partition, -on frappe comme pour crier son amour- , en dit long sur l’enfermement (fût-il intérieur) Nul besoin de violence explicite; elle est suffisamment larvée et/ou latente.

 

Si la thématique n’est pas "originale"  en revanche la façon de la filmer est assez inédite.

Filmer le désir, un désir sans entrave (Joe et William savent débusquer des lieux propices à leurs ébats) filmer la douleur (William pleure quand Joe est prêt à quitter le centre ; alors que trop souvent pleurer est considéré comme contraire à la virilité).

 

Et le choix du scope (sa distance avec la réalité -mettre en avant les personnages les éloigner des décors naturels ou autres) n’est pas anodin mais aussi le fait que Zeno Graton ait été chef opérateur, avant d'être réalisateur

Atmosphère de « fable », gros plans pour les scènes entre Joe et William (faire contraster scènes de groupe et duos, un contraste moins formel que sensoriel, car la caméra elle-même devenue l’intime peut mettre en évidence un détail, un regard, un geste.

La longueur du plan doit suggérer un « ressenti », celui de la durée.

 

C’est que le temps est bien la   "dynamique"  interne de ce film. Si on "prépare"  Joe à quitter le centre (après 6 mois) en le " responsabilisant" -  lui apprendre à être autonome- , le temps est devenu son ennemi  car la patience requise est vécue sur le mode de l’impossible (la fugue à deux en est l’illustration suprême)

Joe et William prisonniers de leur désir de leur fougue, embrasés par leur passion (qui a été réellement vécue comme une onde de choc) vont perdre inévitablement une part de liberté !!! 

 

Un film à voir !!

 

Colette Lallement-Duchoze

 

 

 

 

 

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16 mai 2023 2 16 /05 /mai /2023 16:26

De Jan Gassman (Suisse 2022)

 

avec Valentina Di Pace, Dominik Fellman, Danny Exnar 

 

Musique Michelle Gurevich

 

Image Yunus Roy Imer 

 

 

Acid Cannes 2022

Zurich Film Festival 2022

 

Bigna, une scientifique de 28 ans, contrôle toute son existence - y compris sa vie sexuelle, énigmatique. Frank, 33 ans, cherche quant à lui un sens à la sienne en se nourrissant de l'affection des autres et en plongeant dans l'obscurité des paradis artificiels. Leurs deux trajectoires contradictoires se rencontrent et se lient l'une à l'autre, jusqu'à l'obsession d'un amour fou.

99 moons

Voici des images du  tsunami 2011 qui défilent sur l’écran d’un PC. C’est le prologue. Zoom sur une voiture contrainte de faire demi-tour face à l’impétuosité des flots. Nous sommes aux côtés de Bigna (Valentina Di Pace) jeune scientifique sismologue BCBG. Nous la retrouvons au volant de sa voiture. Dans un parking souterrain, elle change de « look » Un homme masqué frappe violemment à la vitre; s’ensuit une bagarre;  Bigna plaque l’individu au sol et ….surprise !! …elle coince le visage de l’inconnu entre ses cuisses, c’est le prélude à la jouissance par cunnilingus ! 

 

Les faits auraient dû s’arrêter là, car Bigna instigatrice de ces jeux de sexe savamment orchestrés, ne doit en aucun cas revoir son partenaire. Mais Frank, (Dominik Fellmann) – qui travaille dans une boîte de nuit post-futuriste où tout le monde porte des casques pour écouter la musique, et où la putridité n’a pas sa place, est -presque anormalement- mû par cette irrépressible envie de revoir sa partenaire…

 

Deux êtres si dissemblables (milieu social, mode de vie, conception de l’existence) mais inexorablement attirés ….

A partir de là Jean Gassmann va explorer ce que le prologue était censé encoder: le phénomène « amoureux » s’il s’apparente à un « choc », si deux êtres si différents sont comme des plaques tectoniques qui entrent en collision,  l’impact -intensité spasmodique du désir, serait incontrôlable (à la différence des phénomènes naturels que l’on pourrait « observer mesurer anticiper »)

 

Le choc amoureux ou le pouvoir anarchiste dans une société fortement marquée par les principes économiques, précise le cinéaste dans les « notes d’intention »

Une relation qu’il structure en 6 chapitres, scandée par le passage des « lunes », -soit une durée de 8 ans-, une relation où les scènes d’amour torride sont filmées en frontal, où alternent ambiances nocturnes des paradis artificiels et séquences dans un paysage comme inviolé. Une relation où sont abordés des problèmes concrets :la jouissance sans pénétration, l’usure du couple,  la maternité,  la différence entre sexe et amour!

 

On fusionne on se sépare on se fuit on se retrouve ; et à chaque fois -quels que soient les lieux et les moments  - ce sera la déflagration (là encore l’image du séisme est éloquente)  Inséparables même dans la séparation?

Bigna et Frank ont en  commun : la recherche d’une forme d’absolu  ce quelque chose d’unique et d’indicible qui va au-delà des formes traditionnelles du "couple"; cette recherche serait-elle frappée d'inanité?  (seule Bigna après bifurcations et détours ne succombera pas au conformisme ambiant ) et le "tremblement"  final n'est plus celui de la chair, mais celui de la terre en Suisse ; la construction circulaire n'est pas anodine !!!

 

 

Une démarche qui se veut originale mais le ‘ "chassé-croisé"  assez répétitif, les ellipses l’absence délibérée de psychologie, (l’essentiel appréhendé dans l’instantanéité est consacré aux déflagrations charnelles ) l’absence de contextualisation et bien d’autres choses, tout cela fait que malgré la "peinture" d'une torride attraction, on reste trop souvent extérieur à la gravitation erratique de ces "corps .....célestes?".

Dommage!

 

Colette Lallement-Duchoze

 

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15 mai 2023 1 15 /05 /mai /2023 06:31

documentaire réalisé par Viviane Candas (France 2022)

Recherches iconographiques : Nabil Djedouani // Montage : Claudine Dumoulin // Images : Jacques Reboud, François Pages, Roni Katzenelson // Son : Laurent Lafran, Gérald Galian // Montage son : Marc Nouyrigat // Mixage : Clément Laforce // Étalonnage : Rémi Mazet // Une production Les films de l’Atltantide - La Terra Trema

 

Une ville plurielle : le tiers de sa population vient de l’immigration, ses nouvelles générations sont plus religieuses que leurs parents. Démarré en 1986 sur fond de montée du FN autour d’une famille algérienne retrouvée en 2018, le film révèle les problèmes d’exclusion que la loi sur le séparatisme prétend régler.

MarseilleS

 

Commentaire Médiapart 13 mai 2023

Culture et idées documentaire

 

Film singulier, « marseilleS » offre un voyage, entre France et Algérie, sur les traces d’un fantôme que l’on peut appeler colonialisme. À partir d’archives exceptionnelles, la réalisatrice Viviane Candas ausculte la généalogie d’un racisme contemporain. Ou comment l’extrême droitisation de l’arène politique a une histoire qui remonte à loin.

On est passé de la citoyenneté à l’identité.

"Film singulier, aussi surprenant dans sa forme que « dissensuel » dans son intention, marseilleS questionne l’identité plurielle et ausculte la généalogie d’un racisme contemporain. 

La réalisatrice nous offre un tout autre voyage, entre France et Algérie, sur les traces d’un fantôme que nous appellerons colonialisme. Le film zigzague entre plusieurs périodes, plusieurs lieux – il faut de la souplesse pour saisir un spectre – à la recherche d’une explication de la montée du racisme en France. En creux, le film se loge dans l’impossible récit du passé, tant le déni est constant, permanent, comme un mur entre les communautés, encore inébranlable, malgré les nombreux coups de butoir…Mais Viviane Candas ne craint pas de jouer les passe-murailles. Le film tente l’impossible, à l’aide d’une mosaïque de séquences, piochées entre deux filmages, réalisés à 32 ans d’intervalle.

 

L’essai politique de la cinéaste puise sa force dans la richesse exceptionnelle de ses archives. En confrontant les différentes strates de ses matériaux sur plus de 30 ans, elle « établit des continuités par-dessus des béances impensées » où « la banalisation de l’extrême droite se comprend moins avec le passé récent qu’à partir de nappes de passé plus éloignées », comme le considèrent Saad Chakali et Alexia Roux pour l’excellent site critique Des Nouvelles du front cinématographique. Chacun des récits du film, disent-ils, « s’incarne dans des gens qui pensent d’où ils arrivent, qui pensent ce qui leur arrive et qui pensent ce dont ils héritent » et restitue ainsi « la mémoire à ceux qui en ont été dépossédée ».

« La France n’est pas prête à reconnaître la vérité par rapport au passé »

 

En 1986 à Marseille, la réalisatrice filme son amie Fatima Haggoug Bendeddouche, immigrée algérienne, passée du bidonville de La Timone à la mairie de la ville où elle est cadre. Les scènes où elle raconte sa ville et les injonctions contradictoires qui s’accumulent sur les immigrés algériens sont d’une beauté inoubliable tant elles charpentent l’ensemble du film. Elle fait aussi longuement parler ses enfants qui mettent des mots, très articulés, sur leur sentiment d’appartenance, leurs réactions face au racisme, leur rapport à la religion. Puis, comme juxtaposé à cette réalité, ou plutôt lui tournant le dos, le film donne la parole à des militants du Front national qui, sans filtre, disent l’animosité toute particulière qu’ils vouent à ces immigré·es qui « envahissent » la cité phocéenne. En 2018, elle retrouve les fils de son amie Fatima, désormais adultes, pour qu’ils mettent, de nouveau, des mots sur les séquelles de la guerre d’Algérie, les ratonnades de 1973, la marche des Beurs de 1983, les problèmes de l’immigration et la place de l’islam dans leur vie malgré le terrorisme islamiste. Pour éclairer « le drame » de cette deuxième génération, restée, malgré ses avancées sociales, orpheline politiquement, Viviane Candas fait quelques allers-retours fort utiles sur l’actualité algérienne : la nationalisation des hydrocarbures en 1971, le massacre d’octobre 88, où « l’armée nationale du peuple tire sur le peuple », le terrorisme des années noires, et le rôle majeur des islamistes dans la vie des Algérien·nes. Alors que le rêve de retour des parents s’est évanoui dans la nuit, les enfants se sont enracinés à Marseille, comme partout en France, mais l’idéologie d’extrême droite n’a pas changé. Elle est même devenue dominante.

 

Les derniers mots de Nejma, filmée dans une émission sans spectateurs, pourraient être envoyés tels quels à tous ceux qui, ici, veulent, honnêtement, réconcilier les récits et apaiser les esprits : « La question de la mémoire est fondamentale, en termes de repères, en termes d’identité et de restitution de la vérité. Malheureusement, j’ai l’impression que la France n’est pas prête à reconnaître ça. Elle n’est pas prête à reconnaître la vérité par rapport au passé. Pas prête à reconnaître ses erreurs. Elle n’est pas prête non plus à reconnaître ses crimes. Moi qui suis de la deuxième génération, je suis relativement intégrée, mais j’ai aussi l’impression d’être orpheline de cette histoire qui ne m’a pas été restituée. […] Quand on en arrivera là, je pense que d’une certaine manière, on sera vraiment intégrés. »

 

Fait rare pour un film produit en France, c’est sur une chaîne de télévision algérienne qu’il sera diffusé en avant-première exclusive. « On inverse le jeu, conclut sa réalisatrice, c’est l’Algérie qui tend à la France un miroir peu complaisant. »

 

Médiapart 13 mai 2023

 

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