1 septembre 2023 5 01 /09 /septembre /2023 04:51

d'Alexander Abaturov (2022)

Photographie Paul Guilhaume 

Son Myriam René, Sorin Apostol, Frédéric Buy 

Musique Benoît de Villeneuve, Benjamin Morando, Delphine Malausséna, Les Percussions de Strasbourg 

 

À l’été 2021, une vague de chaleur et une sécheresse exceptionnelle provoquent des incendies géants qui ravagent 19 millions d’hectares dans le nord-est de la Sibérie. Dans cette région, au cœur de la taïga, le village de Shologon se voile d’un épais nuage de fumée. Les cendres noires portées par le vent propagent des nouvelles alarmantes : la forêt est en feu et les flammes approchent. Abandonnés par le gouvernement, livrés à eux-mêmes, les habitants doivent s’unir pour combattre le Dragon

Paradis

Pénétrer dans les entrailles du Monstre, filmer au plus près la solidarité humaine tout en dénonçant l’incurie délibérée des pouvoirs tel est le parti pris assumé du documentariste  Alexander Abaturov (dont nous avions apprécié Le Fils Le fils - Le blog de cinexpressions)

C’est l’apocalypse zombie s’esclaffent les gamins.

Un paradis transformé en enfer ? La vie en Sibérie est peut-être plus rude qu’ailleurs, mais c’est notre paradis et nous n’en avons pas d’autre. Le paradis, c’est l’ici et le maintenant. Mais le paradis est aussi fragile et peut se transformer en enfer Dans ces zones de contrôle  (appellation ironique, cynique, qui ne résisterait pas à un examen critique et historique) l’état s’est désengagé   "légalement"  et laisse les habitants livrés à eux-mêmes au plus fort des désastres

Refus du sensationnalisme ? Or les crépitements tumultueux, les couleurs jaunes rouges ambrées des flammes qui saignent de rage et de véhémence, les visages affairés et souillés, la répartition des couleurs contrastées et celle de l’espace -forêt et immensité céleste- rappellent un embrasement apocalyptique et transforment l’écran de la salle en brasier. Comme si en  "filmant"  le feu on ne pouvait échapper à ces aspects  "spectaculaires". Et les images sur écran dé téléphone en décuplent la tragique portée. Or, dans cette contrée si lointaine de Sibérie, et plus particulièrement le village de Shologon, une  "foi"  animiste habite les villageois qui vont convoquer les « divinités » ancestrales. Le feu est perçu comme un prédateur un Dragon qui dort, menace, rugit, s’empare de la forêt ; lui faire face ensemble, parer sa menace, puis contrer  son piège dévastateur, n’est-ce pas  la force intrinsèque de Paradis, sa dynamique ?

La fumée (plus que le rouge flamboiement ou le crépitement) est assurément « la trame dramaturgique » du film (symbole de la menace qui gronde, elle aussi est mortifère) Le film semble composé de deux « parties » : la menace (attente angoissée, analyse précise de cartes, mesures préventives) et l’incendie lui-même dévastateur (lutte, mise en place d’un contre incendie).

Le son est très important  dans ce film/documentaire  J’ai décidé de ne pas utiliser de musique traditionnelle yakoute ni de chant de gorge. Notre choix s’est porté sur les tambours et les instruments à percussion. C’est un patrimoine partagé : dans le monde entier, les humains ont toujours joué des percussions. Elles existent partout, dans toutes les cultures. L’idée n’était pas de poser un regard exotique sur les personnes filmées, mais de montrer ce que nous avons en commun avec elles

Paradis: une catastrophe écologique?  Ce que confirme le carton informatif qui s’affiche à l’écran avant que ne défile le générique de fin 19 millions d’hectares consumés  en Russie pendant l’été 2021, 90 % des incendies venaient des « zones de contrôle ». Pour la première fois, on a vu des cendres voler jusqu’au pôle Nord .

Certes il y a un happy end (la pluie salvatrice puis la pêche « miraculeuse ») mais ce n’est que « provisoire » (tant que l’inconscience en haut lieu et son lot de choix capitalistes éhontés perdureront !!!)

Un film à voir de toute urgence

 

Colette Lallement-Duchoze

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26 août 2023 6 26 /08 /août /2023 05:22

De Azra Deniz Okyay (Turquie 2020)

 

avec Dilayda GüneşBeril Kayar et Nalan Kuruçim

 

 

2020 - Grand Prix de la Semaine de la critique de Venise 

2021 - Prix de la meilleure réalisatrice et meilleure actrice - Festival du film de Casablanca

 

Istanbul, dans un futur proche. Alors que la ville est en proie à des troubles politiques et sous la menace d’un black out, Dilem, une jeune danseuse activiste, croise le destin d’une mère dont le fils est en prison, d’une artiste féministe et d’un trafiquant rusé au cœur d’un réseau de trafic de drogue et d’arnaques immobilières...

 
 

Les fantômes d'Istanbul

Trop c’est trop

Caméra trop mobile, qui ne cesse de virevolter avec effets trop « racoleurs » 

Traitement simultané de trop de thèmes (place des femmes dans la société turque, gentrification, prisons, rôle abusif de la police, exploitation des réfugiés syriens,  éducation)

Musique trop illustrative et souvent hallucinée

 

Certes il s’agit de chaos. Une voix -radio-, annonce une énième coupure d’électricité et par une astuce de rupture chronologique le film dans un premier temps sera un flash-back avant que ne surgissent en capitales HAYALETLER (“fantômes” en turc), -soit 20’ avant la fin - qu’accompagne une musique fracassante ; effet de circularité puis prolongement à la fois narratif et sonore (nocturne) . 

 

Certes il s’agit d’une « fausse » dystopie  (qui a d’ailleurs reçu le Grand Prix de la Semaine critique à Venise en 2020) et on devine la recherche d’une adéquation entre « fond et forme » : une capitale au bord de l’implosion, un récit fracturé dans une nuit de tous les dangers, une nuit du désespoir absolu (dont le fil directeur est ce personnage féminin danseuse activiste croisant le destin d’une femme travaillant dans le ramassage d’ordures et dont le fils aurait été incarcéré sans raison apparente ni suffisante ainsi que celui d’un « trafiquant » de drogue qui exploite des réfugiés syriens sur fond de pseudo réhabilitation de quartiers historiques d’Istanbul)

 

Bienvenue dans cette « nouvelle Turquie » ! scande la publicité mensongère

L’ironie participe elle aussi d’une condamnation d’un état, d’un gouvernement, dont l’incurie les dysfonctionnements le musèlement de la parole ou de l’activité,  la répression tous azimuts sont ici illustré.es par le heurt de destins croisés sur les blocs d’une immanence, celle de « fantômes » bien réels et tangibles dans le Crépuscule

 

Une complexité distillée avec heurts et fracas

Une complexité qui agace autant qu’elle aurait dû plaire (à défaut de séduire)

Une convulsion de tous les instants et qui emprisonne le spectateur de/dans ses rets insidieux

 

A vous de juger

 

 

Colette Lallement-Duchoze

 

 

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25 août 2023 5 25 /08 /août /2023 05:55

de  Nuri Bilge Ceylan (Turquie 1997)

 

 

avec Mehmet Emin Toprak : Saffet Havva Saglam : Hulya Cihat Butun : Ali Fatma Ceylan : la grand-mère Mehmet Emin Ceylan : le grand-père Sercihan Alioglu : le père Semra Yilmaz : la mère Latif Altintas : l'instituteur Muzaffer Özdemir : Ahmet le fou

Les années 1970 dans un petit village turc. Au fil des saisons, une fille et son frère se frottent au monde  adulte, à sa complexité, à sa cruauté, alors que le temps de l'enfance se déploie lentement 

Kasaba

Premier long métrage -jusque-là inédit en France- Kasaba  est une chronique familiale (Nuri Bilge Ceylan adapte un récit écrit par sa soeur Emine Ceylan,   inspiré des souvenirs de leur enfance commune dans une petite ville reculée d'Anatolie dans les années 1970 )

Son découpage correspond aux saisons et le point de vue adopté est celui des deux enfants.

Un noir et blanc (souvent charbonneux) avec des effets de contraste surprenants (cette plume d’un blanc duveteux sur laquelle souffle un écolier dans une salle de classe « sinistre » ; ce cauchemar de l’enfant qui compare sa mère à cette tortue agonisant lentement, et qui la voit s’écrouler de sa masse noire dans l’embrasure de la fenêtre, cette silhouette du jeune oncle qui se détache sur un chemin sinueux afin de rejoindre la ville …un rêve jamais réalisé !!!).

Une  chronique qui  contient déjà des « thématiques » chères au cinéaste turc : le problème des « racines » à la fois historiques et géographiques, la guerre, la mort. Une chronique ou plutôt une évocation « nostalgique » parfois « amère » La première séquence, un hiver, une salle de classe, invite immanquablement à établir un parallèle avec le dernier film « les herbes sèches » (les rapports presque sadiques entre maître et élève ; la gamine humiliée devant  tous ses camarades : car sa gamelle, que l’instituteur a reniflée,  ne contenait que des produits périmés à l’odeur méphitique…

 

On retiendra la longue séquence du piquenique en forêt dans laquelle les « adultes » discutent (vie chère, mesquineries reproches) ou racontent (la geste d’Alexandre le Grand par exemple) alors que leurs paroles sont comme intériorisées par les deux enfants et que les reflets du feu irisent les visages  d’une pâle lueur;  mais aussi ce très gros plan sur les yeux de l’âne que des mouches s’en viennent douloureusement importuner et en contrepoint l’œil moqueur d’Ali ; ou encore ce très gros plan sur ce visage du « fou » qui a chuté sur la plaque de verglas et qui est la risée des gamins…

 

Kasaba un récit minimaliste, qui révèle déjà les exigences de son auteur (dont le sens de l'image, du cadre, et la capacité à transcender le quotidien le plus banal)

Un film à ne pas manquer !

 

Colette Lallement-Duchoze

 

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23 août 2023 3 23 /08 /août /2023 08:17

de Nuri Bilge Ceylan  (Turquie 2022 3h20)

 

 avec  Deniz Celiloğlu (Samet), Merve Dizdar (Nuray), Musab Ekici (Kenan)...

 

Festival Cannes 2023 prix d’interprétation féminine (Merve Dizdar)

Samet est un jeune enseignant dans un village reculé d’Anatolie. Alors qu’il attend depuis plusieurs années sa mutation à Istanbul, une série d’événements lui fait perdre tout espoir. Jusqu’au jour où il rencontre Nuray, jeune professeure comme lui…

Les herbes sèches

Une immensité neigeuse telle un linceul envahit l’écran tout comme elle mêle en une confondante unité le ciel et la terre; un point noir, un homme, minuscule virgule sur et sous cette voûte. La caméra par un travelling avant puis arrière l’habille dans une corporéité, … si fragile, face à la splendeur muette du paysage.. C'est la scène d'ouverture

Nous sommes en Anatolie ; l’homme est ce professeur d’arts plastiques dans le collège d’un village isolé. Un bus l’a déposé. Il marche. Il est taraudé par une obsession « être muté à Istanbul » Le lieu serait-il responsable de son « mal-être » ? ce que laisse entendre une voix off, la sienne

Voix off (qui duplique le réel tout comme les photos prises par Samet s’en viennent figer momentanément la narration) voix multiples qui s’affrontent (celles de la hiérarchie lors d'une  convocation pour gestes déplacés sur des collégiennes, celles des collègues entre eux dans les évaluations personnelles, celles qui opposent deux façons d’appréhender le monde et d’agir sur lui, celles qui condamnent ou s’auto-congratulent, font le procès de la société, dénoncent ses redoutables hypocrisies, celles de voisins villageois), voix sirupeuse et manipulatrice du « maître » qui désarçonne avec cynisme l’obéissance convenue de « l’élève »: le film est traversé par des blocs de discussions dans lesquelles Samet donne une image peu sympathique de lui en tant qu’être humain et en tant qu’enseignant. Trop d’ambivalences : il méprise cet univers autant qu’il s’ingénie à attirer l’attention de tous  sur lui !!! (Nuray saura le "pousser dans ses retranchements")

L’essentiel du film oppose intérieurs (où la lumière les clairs obscurs, une caméra fixe ou des champs-contrechamps sont les témoins « chaleureux » de longues discussions philosophiques et/ou politiques) et des extérieurs (filmés de jour avec la récurrence de cette scène de la quête de l’eau comme une pause salvatrice ou filmés de nuit avec ce jeu des ombres presque maléfiques et le crissement des pas sur le tapis de neige). Et quand vers la fin le film bascule vers l’été (admirable surimpression entre les flocons de la neige hivernale et les herbes sèches de l’été) le personnage principal est censé avoir résolu sa quête (filmé de dos il gravit une colline tapissée d’herbes sèches ou surplombant un espace jusque-là enfoui sous un blanc manteau et qui soudainement se révèle dans sa palette de couleurs ocres et vertes et ses sensuelles rondeurs) .

En fait il prend surtout conscience de ses désillusions …Or certains « décrochages » à l’intérieur d’une séquence (dont le plus énigmatique est le changement d’axe lors du duo "amoureux" Samet/Nuray) ne nous avaient-ils pas déjà alerté? L’acteur Deniz Celiloğlu impressionne dans sa façon d’incarner un homme aux « visages » multiples,,  de mettre à nu ses ambiguïtés. Samet  ne serait-il pas comme ces herbes sèches qui hélas n’ont pas le temps de verdir ???

 

Un film à ne pas rater !!

 

Colette Lallement-Duchoze

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22 août 2023 2 22 /08 /août /2023 10:32

programme de deux courts métrages inédits La voix humaine (2020) et Strange way of life (2023) 

 

La Voix Humaine  (2020)

drame théâtral avec Tilda  Swinton

 

Depuis trois jours, une femme, recluse dans son appartement avec un chien, attend avec fébrilité l'appel de l'homme qui l'a récemment quittée. Tandis qu'elle sombre dans le désespoir, la sonnerie du téléphone retentit et la sort de sa torpeur

L'expérience Almodovar

"Mon rêve était de disparaître avec toi, n’importe où".

 

Un décor (théâtre ? cinéma ?) un plateau désert (parce que déserté par ?) une femme éblouissante dans une robe (Balenciaga ?) d’un rouge éclatant ; puis toute de noir vêtue (comme si elle changeait à la fois de peau et d’intériorité) ; seule, elle  arpente comme hébétée des lieux dont la facticité contraste avec le tourment profond (que nous devinons).

Suit un générique facétieux : des instruments des ustensiles de quincaillerie agencés en forme de lettres

Le décor -une vue aérienne prouve, si besoin était, que les "pièces"  sont agencées en enfilade pour un espace provisoire et sophistiqué – sera celui d’un appartement. - soit une « boîte » dans une plus grande ! Une hache délicieusement empaquetée, un chien en laisse, ou déboussolé, des produits de beauté de marque jouxtant des boîtes de comprimés, un costume noir épousant sur le lit le corps de l’absent !!! nous  suivons la femme  d'une pièce à l'autre dans l'attente  fébrile d'un appel téléphonique 

Almodovar va revisiter le texte de Cocteau en l’actualisant  et en l'irriguant de ses propres appétences

 Il reste fidèle  à certains extraits du monologue de 1930 - des plans rapprochés ou gros plans sur le visage de Tilda Swinton quand elle répond à l'appel tant attendu, saisissent le désarroi d'une femme abandonnée  et recluse (même si  fanfaronne elle avoue avoir "bien profité"  de la Vie!!!

Le décor devient un personnage à part entière: mobilier tableaux luminaires, bar en bois courbé, chaises Art déco à imprimé léopard, couleurs; apparemment tout cela contraste  avec les tenues si ajustées que porte Tilda Swinton -même si leurs couleurs sont éclatantes. On sait les exigences du cinéaste espagnol pour créer harmonies ou dysharmonies entre  un "environnement"  et ses personnages

La pièce de Cocteau revisitée aura une  fin  ouverte - sens propre :sur l’extérieur, après l'enfermement ; sens figuré  sur un futur désormais maîtrisé  Délaissée par l'infidèle ,  la femme  impose sa voix au chien (qui n'obéissait jusque-là qu'à son maître) et surtout change la donne,  elle sera  " maîtresse"   de son propre destin ! (ah l’impériale Tilda Swinton) . De TOUT faire table rase: en mettant le feu à l’appartement elle brûle aussi  ce qui la reliait à l’homme  (costume déjà lacéré à coups de hache, valises -qu’il était censé venir chercher-,  et surtout  illusion de l’amour….)

Un court métrage d’une puissance à la fois suggestive  et flamboyante 

Un court métrage à ne pas rater ! 

 

Colette Lallement-Duchoze

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20 août 2023 7 20 /08 /août /2023 15:52

de Justine Triet (2023 France)

avec Sandra Hüller : Sandra;  Swann Arlaud : Vincent;  Milo Machado Graner : Daniel;  lAntoine Reinartz : l'avocat général ; Samuel Theis : Samuel ; Jehnny Beth : Marge; Saadia Bentaïeb : Nour;  Camille Rutherford : Zoé ; Anne Rotger : la présidente ; Sophie Fillières : Monica ; Arthur Harari : l’animateur de l’émission littéraire

 

Palme d'or festival de Cannes 2023

Festival du film de Sidney 2023 Prix du public GIO du meilleur long métrage narratif international 

Brussels International Film Festival 2023 : Prix du public de la Compétition Internationale

Sandra, Samuel et leur fils malvoyant de 11 ans, Daniel, vivent depuis un an loin de tout, à la montagne. Un jour, Samuel est retrouvé mort au pied de leur maison. Une enquête pour mort suspecte est ouverte. Sandra est bientôt inculpée malgré le doute : suicide ou homicide ? Un an plus tard, Daniel assiste au procès de sa mère, véritable dissection du couple.

Anatomie d'une chute

Et quand on ne peut pas connaître la vérité, il ne nous reste qu’à faire un choix ( Marge à Daniel)

 

Une chute mortelle -et suspecte; à partir de là, observer analyser comme pour une dissection, une autopsie, d'une part les mécanismes de la justice (rôle de l’avocat général dans l’interprétation des faits dont il met en exergue les enjeux « sexués », reconstitutions méthodiques pour écarter ou valider telle « approche» telle « appréciation »)  et simultanément le délitement d’un couple (dont la chute était « inévitable »? Sandra a osé transgresser par ses choix de vie, les préceptes d’une « société » bienpensante et « machiste »…) Car bien vite on aura occulté le « mobile » éventuel pour se focaliser sur le théâtre de la « vie », celui d’un couple, d’une famille. Une plongée dans l’intimité à la limite de l’impudeur ! Un procès où nous, spectateurs,  serons les « jurés »  -ceux de la fiction étant absents ...de  l’écran !

Un compte rendu clinique à la froideur glaçante comme le suggère le titre ? Oui et non. Justine Triet module, joue avec les contrastes, transforme, sa caméra peut frémir de l’effervescence du tribunal, et des zooms (inattendus) ou des mouvements heurtés prouveraient qu’elle se démarque avec succès des « films de procès » (où dominent souvent plans fixes et lignes symétriques). De plus le « point de vue » de l’enfant sera primordial ; Daniel découvre une réalité jusque-là étrangère (tout comme Sandra est l’étrangère par sa langue, par ses convictions, par son « apparente » froideur) et ce procès qui introduit les siens dans l’arène publique va s’apparenter à un thrène des temps modernes (l’émotion culmine dans ce plan d’une pietà inversée où l’enfant caresse la douleur de sa mère, apaisée).

Et comme pour un palimpseste, on lit en filigrane la genèse , l'anatomie de la « création littéraire » en particulier (Sandra est écrivaine, le couple souffre d’une rivalité artistique et d’ailleurs leur compétition professionnelle sera utilisée comme « pièce à charge »), les rapports entre réalité et fiction, autobiographie et imagination, et peut-être aussi  "l'anatomie" de toute création artistique  (œuvre cinématographique comprise)

Un film où le son est très important (cf la musique du début, rap de 50Cent -comme élément perturbateur, ce à quoi répond apaisant le prélude de Chopin, les divers enregistrements, -que le mari a réalisés à l’insu souvent de sa femme- ,( preuves de violentes disputes et simultanément "matière"  "support" à  la "création littéraire"), la « parole » des journalistes à l’affût du « sensationnalisme », de la subreptice transformation d’un fait divers en « crime » - avec pour acmé  cette remarque sur un plateau télé d’un commentateur (Arthur Harari) à propos de  l’œuvre de Sandra, son lien avec le procès  c’est quand même plus intéressant une écrivaine qui tue son mari qu’un prof qui se suicide

 

Admirablement filmé et sans temps mort, riche et dense par les thématiques abordées, servi par des acteurs talentueux (interprétation magistrale de Sandra Hüller en particulier) jouant sans cesse avec les regards -ceux de tous les protagonistes et le nôtre ! Oui la Palme d'or  (souvent contestée) a été décernée cette année à un chef d'œuvre !!

 

Un enfant malvoyant, seul à  "deviner"  les véritables enjeux ?

Un chien au regard pathétique, seul  témoin, détenteur du   "vrai"  ?

 

Colette Lallement-Duchoze

 

Anatomie d'une chute

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18 août 2023 5 18 /08 /août /2023 20:03

de Patric Chiha (France Belgique 2023)

 

avec Anaïs Demoustier, Tom Mercier, Béatrice Dalle

 

Diagonale 2023 : prix du meilleur costume pour Claire Dubien

Festival du film de Cabourg 2023 : compétition officielle

 

Pendant 25 ans, dans une immense boîte de nuit, un homme et une femme guettent ensemble un événement mystérieux. De 1979 à 2004, l’histoire du disco à la techno, l’histoire d’un amour, l’histoire d’une obsession. La " chose " finalement se manifestera, mais sous une forme autrement plus tragique que prévu

La bête dans la jungle

Au départ la nouvelle de Henry James 1903

La Bête dans la jungle « me hante depuis très longtemps ». Ainsi s’exprimait Patric Chiha lors de la rencontre débat (Omnia jeudi 17/08). Ce sentiment terrifiant de passer à côté de sa vie, justement parce qu’on espère une vie au-dessus de la vie, une vie extraordinaire

Pour l’adaptation cinématographique, il avoue avoir été fidèle au texte originel tout en s’en démarquant.

La " gardienne"  la physionomiste  (Béatrice Dalle) - Parque des temps modernes ?  allégorie de la mort? du temps?-, va  "raconter, commenter"  l’histoire de May et John à travers les différentes mutations de l’époque choisie 1979 / 2004 et par-delà des événements majeurs ( Mitterrand, sida, chute du mur, world trade center). Or certaines incursions dans le "réel" (quand le hors champ s'invite)  se muent en  intrusions trop appuyées et  font redondance avec les "incidences" évidentes de ces événements sur les personnages . Il en va de même de ce   point de vue "omniscient" trop  répétitif de La physionomiste

En revanche, le choix d’une boîte de nuit, en tant que huis clos, épouse l’enfermement des deux protagonistes dans leur "quête d’absolu"; l’omniprésence de la musique (disco puis techno) s’impose telle une sensuelle transcendance, l’importance des personnages dits secondaires (l’homme pipi la femme vestiaire le mari) et du groupe des danseurs -acteurs à part entière : leur corporéité leurs murmures leurs gestes leurs sourires, chorégraphient un espace saturé de volutes, dans leur "manière d'être au monde"  tout en enserrant le duo dans sa quête d’un sens dont le mystère est précisément de ne pas advenir ; le choix de phrasés particuliers dont celui de Tom Mercier (théâtraliser le texte? Imposer une distanciation voire une artificialité?), des clins d’œil à Cocteau (la belle et la bête les enfants terribles) mais en l’absence de l’onirisme fantastique, un clin d’œil plus évident à Lynch (quand Anaïs Demoustier pénètre dans le temple de la musique qui est aussi celui du Temps, suspendu). Tout cela n’entache en rien l’essentiel  de la nouvelle de H James : faire vibrer deux êtres dans l’intensité d’une attente … dans l’inassouvissement perpétuel (jusqu’à en « mourir ») (Anaïs Demoustier resplendissante d’énergie solaire, Tom  Mercier comme figé dans son être-là d’un bloc d’absence,  donnent « corps » à cette « douloureuse attente »). Peu importe que les acteurs ne « soient pas grimés » quand ils passent le cap des 30, 40 ans (c’est précisément la force de cette attente intérieure, leur présent immobile dans la fixité de l’éternel  ; tout peut changer (la mode vestimentaire, la musique) tout peut s’effondrer, eux ne changent pas  (surtout John ) et dès lors la question « pourquoi ne pas les avoir vieillis eux qui traversent 25 ans  d’une vie» peut paraître saugrenue (il faut reconnaître que Patric Chiha l’a contournée -habilement-, tel un casuiste, pour revendiquer sa spécificité par rapport à d’autres réalisateurs…)

De l’alchimie -travail très solidaire avec toute l’équipe technique, affirmait-il,  naît une œuvre singulière, hypnotique -parfois- où, en dehors de la musique, le regard est souverain pour la « narration » (c’est du moins mon impression). Jeu de miroirs (réels ou symboliques)  qui renvoient l’image du couple (comme pour le décupler ad libitum) Regard qui épie l’autre, (cf la variété des angles de vue) le saisit dans les moments où il se livre par le Verbe MAIS en ne percevant de lui que de furtives « présences » comme si un « faisceau de réciprocités » habitait chacun et que le corps électrisé par la musique aurait dû mais n’a pu, faire advenir. Et l’état de catalepsie dans lequel est plongé John l’empêche de voir que May serait précisément la solution…(il ne se souvient  pas avoir dévoilé son « secret » lors de leur première rencontre « Vous m’avez dit que depuis votre plus tendre enfance, vous aviez, au plus profond de vous, la conviction d'être réservé à un sort rare et mystérieux », ils étaient ados (cf le plan d’ouverture d’abord délibérément flou , auquel répond en écho le dernier dans une circularité à valeur "universelle" ? ) 

 Si je le pouvais je vivrais encore pour vous, mais je ne le peux plus

Quand John COMPREND…. il est trop tard !

Et la métaphore de la montre – un cadeau de May-, qui se brise sur la pierre tombale, n’en sera que plus éloquente !

Une proposition ambitieuse, un traitement  audacieux et curieux  certes, mais dont les  afféteries et les redondances sont susceptibles de gêner  la "perception" du regardeur !!!

 

Colette Lallement-Duchoze

 

ps: La Bête, adaptation de la nouvelle par Bonello, sortira dans les salles en février 2024 

 

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17 août 2023 4 17 /08 /août /2023 10:23

de Sofia Alaoui(Maroc France 2023)

 

avec Oumaïma Barid :( Itto) Mehdi Dehbi :( Amine )  Fouad Oughaou :( Fouad)

directeur de la photographie Noé Bach

 

Prix   "Creative Vision" dans la compétition Cinéma du monde de Sundance

Itto, jeune marocaine d’origine modeste, s’est adaptée à l’opulence de la famille de son mari, chez qui elle vit. Alors qu’elle se réjouissait d’une journée de tranquillité sans sa belle-famille, des événements surnaturels plongent le pays dans l’état d’urgence. Des phénomènes de plus en plus inquiétants suggèrent qu’une présence mystérieuse approche. Seule, elle peine à trouver de l'aide…

Animalia

Une succession de plans sur les intérieurs couleur pourpre d’une luxueuse maison « bourgeoise » (cadrages apparemment décalés l’œil du regardeur s’est-il substitué à celui de la caméra). Itto est cette jeune femme étrangère qui scrute -hors champ- ce richissime habitat. Etrangère car, d’un milieu modeste, elle n’appartient pas à la classe sociale de son époux (mais elle s’est adaptée à l’opulence…tout en s’acoquinant avec le personnel de service, subissant de ce fait  les foudres de sa belle-mère). Un décor, une ambiance, de veine apparemment naturaliste    

Mais…. Très vite tout va basculer, tout va se mettre à vaciller. On a décrété l’état d’urgence (à l’image de cette tache indélébile et qui agace tant la belle-mère?) Le « tendre » rendez-vous au clair de lune au bord du lac semble soudain frappé d’inanité (d’autant qu’Amine n’est motivé que par l’argent à l’instar de la société capitaliste qu’il incarne)

Panique. Nuages qui s’effilochent animaux qui s’affolent tempête au vert incandescent Serait-ce l’apocalypse ???Un univers contaminé irradié ???

Le film verse dès lors dans un mélange (pas toujours convaincant) de science-fiction et de spiritualité (clins d’œil à The Tree of life  de Terrence Malick pour le rapport spirituel à la nature ? à Melancholia de Lars von Trier pour la rencontre apocalyptique?). La bande-son – avec ses fracassantes dissonances et les bruissements du vent – illustre en l’accentuant une atmosphère anxiogène....

En tentant de rejoindre son mari, Itto nous entraîne dans des paysages à la rudesse altière de l’Atlas marocain . Sa « fuite » - seule face à l’Inconnu dans la campagne d’Icmilchil (être nouveau dont les éléments dessinent les contours dans leur déchaînement même ? intervention divine?, dérèglement climatique ? rencontres du troisième type ?)- lui sera salutaire. Itto notre moderne Iris, porteuse d’un message ? à l’incompréhension de cette catastrophe planétaire, distillée avec des effets de ralentis et de couleurs opaques, s’oppose l’éloquence des contrastes entre les comportements des animaux et ceux des humains.

L’étonnant court métrage « qu’importe si les bêtes meurent » (grand prix Sundance 2020, César du meilleur court) nous avait déjà habitué à ce goût très prononcé pour les ambiances presque apocalyptiques, au mélange de réalisme et de fantastique dans leur traitement et à ce regard acéré sur la société dont Sofia Alaoui est issue.

Animalia: Un premier long métrage allégorique (une invasion inexpliquée et ses salutaires répercussions à la fois collectives et individuelles)

Qu’importe dès lors s’il nous laisse à la marge,

car après tout qui se connaît soi-même connaît déjà la vérité de tout ! (Itto)

 

 

Colette Lallement-Duchoze

 

PS: "Réaliser ce genre de films, c’est devenu presque militant. On attend toujours que les cinéastes arabes soient dans une espèce de critique sociale réaliste, comme si on ne pouvait avoir accès au cinéma métaphysique, uniquement destiné au public américain. C’est d’autant plus “cool” d’avoir été sélectionnée par un festival américain, parce qu’en Europe nous sommes conditionnés, alors qu’on peut faire un autre type de cinéma" , confie Sofia Alaoui à Arab News en français

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16 août 2023 3 16 /08 /août /2023 05:42

de  Daigo  Matsui (Japon 2021) 

 

avec Sosuke Ikematsu, Sairo Ito, Yumi Kawai, Reika Ohzeki

 

Prix du public Festival international du film  de Tokyo (octobre 2021)

Les 26 juillet se suivent et ne se ressemblent pas. C'est le jour où un danseur professionnel et une conductrice de taxi se sont rencontrés , celui où ils se sont aimés, et celui où ils se sont séparés....

Rendez-vous à Tokyo

 

Une chronologie inversée ( de la rupture à  la rencontre)  le principe d'une narration centrée sur seule journée  ( le 26 juillet date de l' anniversaire de Teruo)  une  histoire d'amour ( avec ses émerveillements  ses douleurs ses attentes ses pièges, sa banalité et son caractère d’exception ) jusque-là   rien d'original! 

Mais  le réalisateur a su mêler les ambiances, alterner les contraires et surtout faire du  spectateur un témoin et un  complice, en parsemant sa narration de détails comme autant d'indices, et c'est à ce dernier  de reconstituer le puzzle apparent, de revisiter le film de Jarmusch ( Night on earth, le  taxi, habitacle de tous les possibles l'horloge, qui ponctue la temporalité, le premier fragment avec Gena Rowlands et Wivona Ryder (re)vu sur petit écran), et dans les flashbacks successifs, de sympathiser "aussi" avec les personnages dits secondaires (mais qui ont participé peu ou prou à cette histoire plus mélancolique que romantique ) : l'homme qui attend la femme sur un banc, les clients du taxi, le barman , et dont la présence est traitée à  la manière de  vignettes  

7 rendez-vous, (le titre original  "je viens juste de me souvenir"  est moins médiocre) 7 étapes initiatiques 7 facettes d'une histoire, d'un parcours 7 façons de transcender l'ordinaire (même  si chaque séquence débute "apparemment" par le même rituel matinal - plans  sur le lit, sur la table basse, sur  la pièce,-  puis passage devant l'homme assis ) Il y a des moments de grâce absolue  ( la danse improvisée dans une rue où les amoureux sont "seuls au monde") d'autres plus "conventionnels" (aquarium) Il y a des dialogues  "convenus" mais qui font partie du répertoire amoureux (peu importe à quel point tu changes je t’aimerai toujours)

C'est aussi un film "d'atmosphère "  et la capitale ne sera pas seulement décor mais l'écrin des  états d'âme (ainsi au tout début la pluvieuse et grouillante mégapole  se donne à  voir et à entendre  comme la musique d'une rupture - définitive ??? )

 Ajoutons la prestation de l'actrice Saisi Ito, la raucité sensuelle de sa voix, son air clownesque (on pense à  Gelsomina dans la Strada )

 

Tout cela pour affirmer qu'il eût été bien dommage de passer à côté de cette pépite -même si par moments j'ai eu l'impression d'assister à un " exercice de style" ( la dernière séance:  c'était  hier 15 août )

 

 

Colette Lallement-Duchoze 

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15 août 2023 2 15 /08 /août /2023 07:02

de Quentin Dupieux (France 2022)

 

avec Raphaël Quenard, Pio Marmaï, Blanche Gardin

En pleine représentation de la pièce "Le Cocu", un très mauvais boulevard, Yannick se lève et interrompt soudainement le spectacle pour reprendre la soirée en main...

Yannick

Foin de l’absurde ou du fantastique (pneu serial killer et psychopathe « Rubber, » faux film d’anticipation « fumer fait tousser », rêve d’immortalité « incroyable mais vrai ») la seule incongruité (et encore!!) dans Yannick étant l’intervention intempestive d’un spectateur lors d’une représentation théâtrale.

Voici un lieu, un huis clos : une salle de théâtre, sa scène « éclairée » vue en contreplongée par le public dans l’obscurité (unité de lieu). Un renversement de perspective et d’éclairage avant une « étrange » fusion (unité d’action avec les « fameux » rebondissements liés  ici aux  "jeux de masques" ); un troisième "espace", le dehors où rode, sournois,  le réel répressif jouera  le rôle de final avant que l’écran noir n’impose le silence du non-dit -(Ne pas spoiler).

A la fin de Au poste un rideau s’ouvre, se ferme. Surprise : on venait d’assister à une comédie foutraque puis  on accompagnait  les acteurs au restaurant en train d'éplucher  les critiques. du Figarock... Esquissée, déjà plus prégnante dans le Daim -où Georges se révèle piètre réalisateur apprenant son métier- sur le tas , la thématique relation et dépendance auteur/public, est ici plus amplement développée. Mais surtout Yannick nous interroge sur la pertinence de l’art dans la vie d’un être  "lambda" (et invisible), sur l’arrogance de ces fieffés acteurs (dont Pio Marmaï exploite avec verve toutes les facettes insoupçonnées). C’est en cela que le dernier film de Quentin Dupieux est très   "captivant"  (et ce, dans toutes les acceptions de ce terme) quoi qu’en disent et pensent certains spectateurs !!!!!

Reprenons : un spectateur outré par la médiocrité de la pièce, se sent floué (veilleur de nuit à Melun, il a profité de son jour de congé, pour assister après 45 minutes de transport en commun et 15 minutes à pied, à une "comédie divertissante".) Résultat ? auteur, acteurs, système l’ont  "cocufié" . On le sommerait de pactiser avec la nullité ? il risque en outre d’être encore plus angoissé…alors qu’il était venu  se  "divertir" (sens pascalien) Qu’à cela ne tienne ! Il décide de tout (re)prendre en main (armée) et à zéro (quitte à ce que le temps, l’attente ne deviennent personnages).

Venez découvrir les subtilités qu’exige l’élaboration d’un texte, les nuances des jeux d’acteurs (Pio Marmaï  « adaptant» sa diction et sa présence à toutes les « circonstances », par exemple)

Laissez-vous emporter par la performance époustouflante (sens propre) de Raphael Quenard / Yannick : qu’il soit apprenti dramaturge, contestataire bon enfant, soumis aux diktats éhontés de l’acteur lors d’un renversement de situation, attendrissant ou inquiétant, son phrasé son regard sa gestuelle,  tout chez lui -qui résonne juste- est au service d’un discours beaucoup plus politique qu’il n’y paraît….

Ne serait-ce pas  la surprise de ce film ?

 

 

Colette Lallement-Duchoze

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Ce blog est destiné à collecter nos ressentis de spectateurs, à partager nos impressions sur les films (surtout ceux classés Art et Essai).

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