9 octobre 2023 1 09 /10 /octobre /2023 06:18

Du collectif Art Vif  (2022)

Laurent Brard (scénario réalisation montage)

Acteurs:  Mohamed LARADJI , Martin LEGROS,  Mohamed MIS,  Myriam LOTTON, Auxane TERTRAIS, Agnès Mane Françoise Chichery,  Edouard Belleville

 

Prix du meilleur acteur au Festival International IndepenTARN 2023 pour Martin Legros 

 

Présenté dans le cadre du festival Terres de Paroles dimanche 8 octobre 2023 à l'Omnia en présence de membres du Collectif ArtVif

Synopsis : Tom va sortir de prison. Au quartier, le trafic et sa réputation de petit caïd l’attendent. Rien ne semble pouvoir le détourner d’un avenir de délinquant tout tracé. Mais une rencontre inespérée va élargir son regard et, peu à peu, lui permettre d’orienter son destin dans une autre direction. Avec Tom, autour d’un jardin partagé, c’est l’image du quartier tout entier qui va changer…

Yolo on n'a qu'une vie

De gros plans sur une parcelle de terre que la bêche retourne, que le râteau racle, que des mains triturent. Qui regarde ? C’est un groupe d’ex taulards, Tom en particulier qui d’emblée va associer  la culture de la terre à une apparition -il a été ébloui par M Jourdain (Auxane Tertrais). C’est la scène d’ouverture ! (lui fera écho la scène finale)

Un projet pour ne pas retourner en prison ? Il est là à portée de main, à portée de regard au pied de la Cité Mais il exige une lente maturation (rumination) faite de silences, d’attentes, d’observations (ainsi quand l’unique plant de tomate risque d’être piétiné et que Tom le surveille de l’appartement où il  "vit" avec sa mère !!) Ce qui motive la lenteur – ou du moins les effets de lenteur- dans la première partie du film. Tom sera « métamorphosé » au grand étonnement du caïd du quartier T’es chelou depuis que t’es sorti du placard

Il est de tous les plans (silhouetté ou le visage filmé en gros plan, seul ou avec ses potes, avec sa mère, à Pôle Emploi, avec les voisins) l’esprit ailleurs, le visage fermé, presque mutique, (rares seront les moments où ce visage s’éclaire de sourires ;  lors de son  "élection" à main levée par exemple, comme  "président" ,  une nomination purement formelle tant règne l’esprit de groupe (à l’instar du collectif Art Vif). Martin Legros, l’interprète, a d’ailleurs reçu le Prix du meilleur acteur au Festival International IndepenTARN 2023

La récurrence des plans en plongée sur le quartier de la Guérinière à Caen, ou en contre plongée sur les façades des immeubles, ancre la  "fiction" dans le réel, qui ainsi l’apparenterait à une docu-fiction?  Aidé par ses potes d’abord réticents et les voisins il concrétise le projet : jardin potager, jardin partagé. Ambiance festive, tout cela salué d’ailleurs par la "responsable"  qui plaidera sa cause auprès du juge !

Le film -empreint d’humour dans les dialogues et certaines situations- mêle réalisme et poésie. Un trio de musiciens, un homme rhapsode des temps modernes nouvel héraut de la communauté, côtoient une réalité plus sordide où les caïds se disputent le territoire dans leur trafic de drogue, où la police est constamment à l’affût d’une incartade (comme si elle la souhaitait) avant d’intervenir manu militari ! (cf la descente dans l’appartement où l’étonnante placidité de la mère s’oppose à la violence déraisonnable de la « police »)

Le quartier la Guérinière n’est pas un ghetto ce dont témoignent les lignes de fuite comme autant d’échappées ou tout simplement une ouverture vers des possibles, qui métaphorise la "sortie"  de Tom de son enfermement -celui lié à ses anciens démons,- avant la  "sortie" définitive du  "milieu" (cf séquence finale).

 

Yolo, (acronyme anglais pour signifier qu’on ne vit qu’une fois, « You only live once ») a été  "réalisé grâce à l’implication bénévole de toute l’équipe de tournage et de post-production ; tourné en 13 jours au sein d’un quartier emblématique de la ville de Caen (La Guérinière), en associant des acteurs venus de tous horizons, ainsi que des habitants"

Yolo, une ode à la « graine de vie » (dans ses sens propre et figuré)

Yolo un hymne à la solidarité,

Yolo un film à ne pas rater !!

 

 

Colette Lallement-Duchoze

 

 

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7 octobre 2023 6 07 /10 /octobre /2023 12:27

d'Amat Escalante (Mexique 2023)

 

avec : Juan Daniel García Treviño (Emiliano), Ester Expósito (Mónica Aldama), Bárbara Mori (Carmen Aldama)...

 

Présenté à Cannes 2023 section Cannes Première

Dans une petite ville du Mexique, Emiliano recherche les responsables de la disparition de sa mère. Activiste écologiste, elle s'opposait à l'industrie minière locale. Sans aucune aide de la police ou du système judiciaire, ses recherches le mènent à la riche famille Aldama.

Lost in the night

Quel changement notoire dans le traitement de la violence. Elle n’est plus frontale, d’une crudité parfois insupportable  (cf . Heli - Le blog de cinexpressions) ; elle n’en est pas moins suggérée, diffuse et ce, dès les premières scènes,  les « préludes ». Un plan large presque panoramique ouvre le film (étrangeté des éléments qui composent ce « paysage » extérieur) ; se succèdent des plans  sur  le "paysage intérieur"  d’une maison luxueuse abandonnée ; avec "coupes à l’écran rouge",  telle une giclée sanglante (cf Los Bastardos), Sur un mur, l’affiche du film de Zulawski, Possession : un indice ? un clin d’œil à La région sauvage ?. (La région sauvage - Le blog de cinexpressions )   Violence abstraite !! Puis nous assistons à un affrontement assez houleux entre locaux et officiels à propos de l’implantation d’une mine, en présence d'une police complice qui tue sans vergogne ; une femme activiste écolo s’oppose à ce projet…elle sera suivie, kidnappée,  tabassée, rayée de l’H(h)istoire. Violence politique !!  Et ultime incipit,  voici Emiliano le fils de la "disparue" Après une ellipse temporelle de 3 ans, il entreprend les recherches. Embauché avec sa petite amie chez les Aldama (lieu de la disparition comme indiqué par le capitaine sur son lit de mort). Après ces prologues -qui contiennent telle une mise en abyme les thématiques chères au cinéaste -le film va mêler enquête, corruption et lutte de classes, entraînant son public dans un thriller nocturne où s’imposent,  malgré le brouillage des « pistes » et de la lumière (cf le titre « perdus dans la nuit »),  le pamphlet (contre le Mexique corrompu) et la satire (milieu de l’art et de « l’influence »). …

Dans ce nouvel opus,  le réalisateur s’attache plus aux « personnages » qu’il ne le faisait auparavant ! même s’ils incarnent des milieux « sociaux » avec cette répartition : aux humbles, la lucidité, aux nantis corsetés dans leur outrecuidance, les dévoilements de leurs folies et frustrations. Voici le couple bourgeois espagnol (relents du colonialisme ?) Lui, artiste poursuivi par une secte car il a utilisé le cadavre du gourou pédophile pour son « œuvre » , elle,  pop star, et Monica -née d’une première liaison- influenceuse connue sur Instagram génération Z. Leur maison ? un décor construit pour un an dans l’esprit de l’expressionnisme allemand (à la Fassbinder).

Un « prolétaire » s’immisce dans leur quotidien ? La famille va voler en éclat. La comparaison avec Théorème est « tentante » mais s'arrête là !!  Emiliano est présenté surtout comme un justicier sympathique et un amant ….fidèle ! Or, par des jeux de renversement, il sera tour à tour, le « loup » et la « proie », chasseur et dupe, chat et souris (ce dont témoignent les traques et les courses effrénées). L’eau ? une thématique majeure : le lac lieu de l’enfouissement salvateur -quand Emiliano échappe à ses poursuivants- ou de la perte définitive ….

Ô secrets immémoriels !

Un film à voir !! c’est une évidence !

 (à l’affiche depuis mercredi 4 octobre mais à des  horaires….contraignants ! )

 

 

Colette Lallement-Duchoze

 

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5 octobre 2023 4 05 /10 /octobre /2023 13:36

de Claude Schmitz (France/Belgique 2023) 

 

avec Olivier Rabourdin (Gabriel / François), Louise Leroy (Jade), Tibo Vandenborre (Jige), Marc Barbé (Valery), Kate Moran (Shelby), Edwin Gaffney (Scott), Rodolphe Burger (Alain), Francis Soetens (Francis)

 

 

Présenté à Cannes 2023 Quinzaine des cinéastes 

À la demande de sa nièce, un détective plutôt spécialisé dans les adultères se retrouve à enquêter sur la mort trouble de son frère jumeau, avec qui il avait coupé les ponts. Il rallie la demeure bling-bling du flambeur défunt, non loin de la frontière franco-espagnole, autour de laquelle gravite une faune interlope : veuve américaine revenue de tout, pilote d’hélicoptère ancien marine, vieux Hells Angels à l’accent méridional, flics crapoteux recherchant un gitan disparu.

L'autre Laurens

La bande annonce était alléchante !! las !

Oui les courts extraits très pittoresques (détective privé, bikers, flics corrompus, trafiquants de drogue, etc.. tous rappelant peu ou prou des personnages de B Dumont, dans des décors à la fois mythiques et improbables, une musique lancinante) suscitaient l’envie de voir ce film !

 

 

Certes Olivier Rabourdin, aux traits burinés (qu’accentuent encore certains gros plans) aux cheveux en bataille (pour ne pas dire hirsutes) excelle en détective privé blasé que sa nièce (cheveux blonds et moue à la BB) « réveille » de sa fausse léthargie. Certes le duo de flics de Perpignan (Rodolphe Burger et Francis Soetens) est truculent de bout en bout (ah ces répliques à la Audiard). Certes l’hybridité voulue (mélange de faux western, de série B, de comédie d’action, sur fond de revenants et de trafic, dans les Pyrénées orientales) et le côté kitsch ou futuriste des décors, ont de quoi « émoustiller » ! et le plan d’ouverture (au bord d’une route un cactus et un lampadaire aux deux néons roses ) -était si racoleur ! très stylisé aux couleurs saturées de bleu profond comme la nuit) 

 

Et pourtant !! à cause de cette « mixité » formelle (entendons mélange des genres) censée « traiter » une multitude de thématiques (dont la paternité, le « féminisme » le racisme et  la volonté de faire voler en éclats les mécanismes d’un patriarcat poussiéreux), le déroulement est par moments très (pour ne pas dire trop) poussif !! s’étire inutilement !!! Les clins d’œil à Hamlet ou à l’ami américain (même dans la haine viscérale) porteurs de… symboles (?) sont « lourdingues » (le pire est le parallélisme appuyé  entre les tours jumelles qui s’écrasent le 11 septembre 2001 et la séparation des frères Laurens  le même jour !!)

 

Trop long et diffus

 

Un bémol : la musique confiée à Thomas Turine -bien que surdimensionnée et envahissante - a le pouvoir de créer une atmosphère crépusculaire même quand ce « compositeur » arrange du Bach !!

 

Colette Lallement-Duchoze

 

 

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4 octobre 2023 3 04 /10 /octobre /2023 08:23

d'Iris Kaltenbâck (2023)

 

avec  Hafsia Herzi Alexis Manenti Nina Meurisse Younès Boucif

 

 

Présenté à Cannes 2023  Semaine de la Critique 

 

 

Lydia, sage-femme très investie dans son travail, est en pleine rupture amoureuse. Au même moment, sa meilleure amie, Salomé, lui annonce qu’elle est enceinte et lui demande de suivre sa grossesse. Le jour où Lydia recroise Milos, une conquête d’un soir, alors qu'elle tient le bébé de son amie dans ses bras, elle s’enfonce dans un mensonge, au risque de tout perdre…

Le ravissement

Ce film est inspiré d’un fait divers (c’est ce qu’affirmait hier soir la réalisatrice lors d’une rencontre débat à l’issue de la projection). Mais on ne peut s’empêcher d’établir certains parallèles avec  Le ravissement de Lol V Stein,  roman de Marguerite Duras - même si ces rapprochements n’ont pas été signalés par tous ceux qui ont pris la parole! . Lol V Stein est « ravie » à elle-même par cette histoire d’amour -qui n’est pas la sienne- imaginée et racontée par un homme qui l’aime, Jacques Hold, amant de sa meilleure amie Tatiana. De même Lydia est  "ravie"  à elle-même par la parole de Milos censée élucider son geste, ses dérapages. Très vite, le spectateur sait qu’un procès a eu lieu (ravissement délictueux passible de …) et cette voix off  oriente notre « appréhension » du personnage. A l’instar de Jacques Hold contraint de devoir chercher Lol là où elle commence à bouger, venir à ma rencontre et partir d’éléments factuels vérifiables, Milos se sent investi de cette mission : débusquer le(s) moment(s) d’une prise de conscience, revoir les "lieux", se remémorer les confidences…et ô suprême "ironie" ! alors que le ton frappe par sa neutralité, les  "images"  parfois  "contrediraient"  un jugement trop hâtif. Un des intérêts de la  "voix off" dans un tel contexte réside précisément dans ce  décalage apparent!  Si  Iris Kaltenbäck ne "juge"  pas son personnage -Un personnage habité par trop d’amour? en revanche, elle "manipule"  son public par l’exercice consommé du suspense … (indices à la fois suffisants et incomplets pour « imaginer » le pire !! ) Fort heureusement elle n'impose pas  un décodage unique  !!

Dès le début la cinéaste décline une forme de ravissement. Lydia prise dans le tourbillon de ce quartier parisien, tache rouge dans la foule de piétons, se démenant avec sa pâtisserie et son portable, est comme ravie à sa propre existence; ce que vient confirmer pour ne pas dire aggraver l’aveu d’infidélité de son compagnon. Désorientée et désormais sans repère refusant d'affronter ses propres chagrins, elle va « fabriquer » un autre ravissement par identification. Elle prend en charge la grossesse de sa meilleure amie Salomé et la naissance de l’enfant, jusqu’à épuisement de la parturiente …- comme s’il s’agissait du sien, tant elle s’est appropriée la conscience, l'être tout entier de Salomé.

Maïeuticienne dévouée, elle sera la compagne d’une nuit de Milos, un « machiniste » -autre solitude nocturne dont la capitale est peuplée. .Ses  tentatives réitérées pour instaurer une « relation » sont frappées d’inanité ; c’est au hasard d’une rencontre qu’elle s’enfermera dans le « mensonge » par usurpation d’identité (malgré quelques mises en garde que Milos n’entend pas ou ne veut pas entendre…) jusqu’à l’acte répréhensible

La visite au musée Henner, (drôle d’endroit pour un rendez-vous constate Milos) la « contemplation » des portraits de  femmes à la chevelure rousse, les explications « fabuleuses » prouveraient, si besoin était,  que Lydia est « réellement » passée de l’autre côté du miroir !!!  Fuyant le « réel », elle s’est « investie » dans un ailleurs si loin si proche !!!

Un premier long métrage de facture assez classique dans sa mise en scène, sa trame narrative chronologique, et son mélange de « fiction » et de « réalisme » (les séquences d’accouchement ont été tournées en live à la maternité des Lilas) . Il est valorisé par la prestation de deux acteurs : Alexis Manenti dont le jeu très sobre exalte la complexité (rappelez vous son interprétation dans Dalva), et Hafsia Herzi dont la seule présence à l’écran a une force d’aimantation insoupçonnée, un visage de madone qui  envahit parfois l’écran, un regard sombre qui dans le silence, dit le désarroi et la douleur …. !

 

 

Colette Lallement-Duchoze

 

 

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3 octobre 2023 2 03 /10 /octobre /2023 16:06

Film d'animation de Chiara Malta et Sébastien Laudenbach (2023)

 

avec les voix de Mélinée Leclerc (Linda) Clotilde Hesme (Paulette la mère) Laetitia Deutsch (Astrid la sœur de Paulette) Estéban (Serge l’agent de police débutant) Claudine Acs (mémé) Patrick Pineau (Jean-Michel le chauffeur du camion)

 

 

Festival international du film d'animation d'Annecy 2023 : Cristal du long métrage et Prix Fondation Gan à la diffusion

Présenté au festival Cannes 2023 ACID (association du cinéma indépendant pour sa diffusion)

 

Avant-première lundi 2 octobre 

sortie en salles le 18 octobre 

Non, ce n’est pas Linda qui a pris la bague de sa mère Paulette ! Cette punition est parfaitement injuste !… Et maintenant Paulette ferait tout pour se faire pardonner, même un poulet aux poivrons, elle qui ne sait pas cuisiner. Mais comment trouver un poulet un jour de grève générale ?… De poulailler en camion de pastèques, de flicaille zélée en routier allergique, de mémé en inondation, Paulette et sa fille partiront en quête du poulet, entraînant toute la « bande à Linda » et finalement tout.le  quartier. Mais Linda ne sait pas que ce poulet, jadis si bien cuisiné par son père, est la clef de son souvenir perdu… Au fait, quelqu’un sait tuer un poulet ?

Linda veut du poulet

Dès le prologue -alors que nous voyons LInda encore "bébé" - une voix off introduit le thème du cheminement mémoriel.(à partir de sensations gustatives...) 

Gamine, Linda  veut "porter"  la bague verte de sa mère ( cadeau précieux  offert par le mari disparu) !! Accusée de vol, puis  innocentée ! (ah le chat matois!!). elle demande à Paulette d'exaucer son vœu  "manger un poulet aux poivrons"  Et c'est le tout début d'une folle expédition,  Or tous les commerces sont fermés en ce jour de grève !!!  Que faire? La ruse de la mère,  l'aide de tous les amis de Linda  seront d'un précieux secours !!! 

Prétexte et motif, ce "poulet aux poivrons"  entraîne ainsi tous les personnages (famille, quartier de la cité , police) dans une course qui au final sera libératrice et salvatrice : car par-delà la « capture » d’un poulet vivant, ce sont des forces vives, celles qui remontent à la petite enfance (celle-là même que les préados, dont Linda, ne peuvent se rappeler)

Les deux co-scénaristes vont exploiter toutes les ressources graphiques,  pour mener à bien  ce « projet ». Une liberté d’expression qui d’emblée se manifeste dans cette volonté d’identifier chaque personnage par une couleur : -jaune pour Linda, orange pour Paulette, rose pour Astrid, vert pour Carmen,  rouge pour Afia, -soit afficher en la revendiquant la diversité; alors que le bleu pour les policiers, et le violet pour la mamie semblent correspondre à un statut. Toutes ces couleurs se mélangent sur un  arbre (l'Arbre de la Vie ?) quand le jeune agent assis sur une branche attend … penaud.... déconfit par la tournure que prennent les événements!

Et ces mêmes personnages seront dessinés différemment selon la distance et les échelles : vus de près voici des dessins en ligne noire, trait ouvert et la couleur spécifique ; vus de loin ils sont réduits à des « icônes » colorées telles des gommettes !!

Les décors ? Réalisés par la plasticienne Margaux Duseigneur, ils frappent par l’alternance entre stylisation (façades immeubles, route) et épaisseur picturale (tels des aplats aux couleurs flashy et/ou pastels). Toujours évocateurs -entendons qu’ils suggèrent plus qu’ils ne décrivent!!!

 Le rythme soutenu est parfois proche de la cavalcade, une danse de la vie- (les enfants sont toujours bondissants,  tant éclate leur « appétit » de vivre, appétence et nourritures terrestres !)

Omniprésent, l'humour n'est jamais corrosif: ni dans les répliques savoureuses ni même dans les « critiques » - en fait de simples égratignures « bon enfant ». Ainsi l’agent de police débutant -auquel Estéban prête sa voix ou personnage construit à partir de sa voix ? - plus niais que méchant-, applique à la lettre un règlement absurde ; les participants au cours de yoga obéissent sans sourciller à leur « professeur » même quand celle-ci enfreint les règles qu’elle impose ! la fuite d’eau et ses corollaires, l’énorme chat autant débonnaire que matois –(le chemin parcouru par la bague …)  A cela  s'ajoutent des « jeux » "de miroirs" ou de "correspondances" :scène à l’école où la maitresse donne un cours sur la Révolution française et annonce la grève du lendemain, comme un continuum historique; les revendications des enfants « on a faim " en écho à celles des adultes  manifestants  "du pognon" !! (une insoumission qui n'a rien de révolutionnaire!!)

 

Linda veut du poulet entraîne le public dans un univers drôle et pétillant   qui se prête à une lecture plurielle 

 

Colette Lallement-Duchoze 

Et avant sa sortie en salles le 18 octobre, découvrez en accès libre ce court-métrage de 21’ réalisé en 2020 par le même duo

A comme Azur, de Chiara Malta - KuB (kubweb.media)

www.kubweb.media

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2 octobre 2023 1 02 /10 /octobre /2023 08:01

Documentaire réalisé par Yves-Marie Mahé (2023)

 

Un documentaire d'archives sur le festival mythique  qui eut lieu à Hyères de 1965 à 1983. Il  fut, après Cannes, le second festival le plus important en France, programmant les premiers et seconds films inédits et innovants de réalisateurs français et internationaux . 

Jeune cinéma

Sans voix off actuelle, adoptant l’ordre chronologique (mettre en évidence une évolution ?), le documentaire d'Yves-Marie Mahé tente de faire revivre un festival (créé par l’écrivain Maurice Périsset) avec son bouillonnement, ses effervescences ses contradictions mais surtout sa réflexion sur un cinéma hors des chemins officiels (ceux de Cannes par exemple) soit un cinéma "jeune" (au sens de avant-gardiste?) et  " indépendant "

Séquence d’ouverture : Godard est en train de tourner Pierrot le fou à Hyères avec J-P  Belmondo et Anna Karina. Nous sommes en 1965. C’est l’année de naissance de ce festival. Un festival méconnu ou tout simplement oublié ?

Or d’après les archives que le documentariste a exploitées, ce fut un authentique  laboratoire  pour un cinéma « différent » (Marguerite Duras refuse l’épithète « parallèle » quand en face il n’y a rien…)  Il a sélectionné les premiers films, des œuvres en marge de « la production courante » a permis à bon nombre de réalisateurs de se faire connaître du public (dont P Garrel C Akerman Marion Hänsel) d’ouvrir à l’internationale, de découvrir Med Hondo, (à un moment on apprend pourquoi le « jeune cinéma allemand » est le plus en vogue : à l’époque où en France n’existaient que 3 chaînes de télévision, il y en avait 11 en l’Allemagne ce qui mathématiquement multipliait les « chances » de distribution…) . Bien sûr il y eut des divergences des batailles  des contradictions (lors d’une table ronde à laquelle participent Chantal Akerman, Yvan Lagrange et Bob Swain éclatent des griefs fusent de violentes récriminations « ce festival n’est-il pas essentiellement nombriliste ?  Voyez Sami Frey, membre du jury refusant de  décerner un prix tant il se sent « illégitime » (peu d’œuvres sélectionnées auront leur chance )

Un documentaire  très riche en images d'archives, extraits de films, au rythme souvent trépidant mais qui a toutefois le défaut de ses qualités. L’ordre chronologique adopté n’est-il pas sclérosant dans la mesure où les « archives » se réduisent à une fonction purement « informative » ou jouent le rôle de "vignettes" (certes servies par des artistes de talent Emmanuelle Riva Bernadette Lafont Marie-France Pisier) Impression déplaisante de "collages". De sorte que l’on ne ressent pas vraiment l’inventivité incendiaire (et ce n’est pas la scène d’émasculation tirée de(?) qui prouverait le contraire tant elle semble complaisante). De plus l’essentiel est fait de reportages télévisés dont on voit trop les fâcheuses tendances ou  "ficelles"  : utilisation des images fixes (photographies ou titres de presse), filmées systématiquement avec un léger zoom pour donner un sentiment factice de mouvement et ne pas perdre l’attention du spectateur. (Thomas Grignon  "Hyères encore j’avais 20 ans")

Cela étant, Jeune cinéma aura au moins le mérite de faire "connaître" en la ressuscitant, une période essentielle de la cinéphilie française, son désir irrépressible de liberté ! sa revendication d’un regard nouveau (pour ne pas dire " neuf") où les silences confus du débutant Leos Carax, les distinguos pour le moins condescendants de Marguerite Duras le disputent aux condamnations sans appel d’un Chapier ! 

 

Colette Lallement-Duchoze 

 

 

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30 septembre 2023 6 30 /09 /septembre /2023 11:41

de Cédric Kahn (2023)

avec Arthur Harari (Maître Georges Kiejman) Arieh Worthalter (Pierre Goldman) Stéphan Guérin-Tillié (Président) Jerzy Radziwiłowicz (Alter Goldman) Jeremy Lewin (Chouraqui) Nicolas Briançon (Maître Garaud) Laetitia Masson (psychiatre)

 

présenté à Cannes 2023 Quinzaine des Cinéastes 

En novembre 1975, débute le deuxième procès de Pierre Goldman, militant d'extrême gauche, condamné en première instance à la réclusion criminelle à perpétuité pour quatre braquages à main armée, dont un ayant entraîné la mort de deux pharmaciennes. Il clame son innocence dans cette dernière affaire et devient en quelques semaines l'icône de la gauche intellectuelle. Georges Kiejman, jeune avocat, assure sa défense. Mais très vite, leurs rapports se tendent. Goldman, insaisissable et provocateur, risque la peine capitale et rend l’issue du procès incertaine.

Le procès Goldman

"je suis innocent, parce que je suis innocent"  Ontologie et Justice !!!!

 

Le choix du format 4,3 et le refus des "pièges"  inhérents au genre (sévérité des plans rectilignes , recours aux flash-back, protocole figé, par exemple) le réalisateur les met au service d’une approche qui doit allier fluidité et complexité.

 

Fluidité ? Une gageure tant les diverses rugosités sont évidentes. Et surtout  le face à face perturbant avec un accusé hors du commun, révolutionnaire devenu braqueur,  auréolé par le succès  de son livre écrit en prison, "Souvenirs obscurs d'un Juif polonais né en France",  un accusé à l'aplomb désarmant dont témoigne  le très court prologue hors prétoire.  Il convenait de varier les angles de vue, passer comme subrepticement d’un plan à un autre, (jeu de travellings latéraux) avec trois caméras filmant en même temps, interrompre par un écran noir, tout en faisant de la parole un personnage à part entière. Parole  des témoins bien évidemment, éructations accompagnées de gestes des  "supporters"  de Goldman, interventions intempestives, harangue et diatribes de l’accusé etc... Parole qui se duplique dans l’image du locuteur (rares gros plans mais visages filmés au plus près quand ils ne s’estompent pas dans un plan plus large ou des plans moyens);  ou parole qui résonne telle une voix off , quand elle n’est pas étouffée… ..( au moment du verdict,  la liesse des proches de Goldman couvre la voix du président !)

 

Complexité ? dans le huis clos (que le format choisi amenuise encore) Cédric Kahn crée une toile arachnéenne qui va prendre le spectateur dans son réseau insidieux, lui faire perdre l’équilibre (à l’instar de certains jurés qui avouent ne plus rien comprendre).  Multiplicité des témoignages, des points de vue, dans la recherche de la Vérité, une vérité toujours approchée jamais embrassée tant les fluctuations de la mémoire, les schémas intellectuels conscients ou inconscients, les haines viscérales  dictent les choix.  Voilà un des aspects de la complexité de l’appareil judiciaire que le jeune avocat Kiejman a su mettre en exergue. Complexité aussi dans les choix de stratégie de la  "défense" : l’avocat veut allier pathétique rigueur, judéité alors que son client revendique une « innocence » ontologique  "Je suis innocent parce que je suis innocent "

Au final c’est moins la « culpabilité » de Goldman (ou son innocence) qui est « mise en scène » que la « fragilité » d’un système fondé sur la toute-puissance de l’aveu, et la subtilité des nuances -justice et justesse, juger et rendre justice, etc…- y gagne en vraisemblance

 

Par-delà ce procès, où resurgit tout un pan de l’Histoire  de la Seconde Guerre mondiale, - rappel des origines juives de Goldman, du militantisme de ses parents, de l’antisémitisme, du racisme, des méthodes de la police-, n’est-ce pas notre époque qui, mutatis mutandis, se lit en filigrane ?

 

Oui ce film résonne comme un " avertissement"  

Oui ce film mérite le déplacement (malgré des  caricatures  -dont le témoignage de cette femme raciste, les mimiques, le rire sardonique de l’accusation-, et malgré cette tendance à la théâtralisation là où on attendait l’épure!)

 

 

Colette Lallement-Duchoze

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29 septembre 2023 5 29 /09 /septembre /2023 06:54

de Radu Jude (Roumanie 2023)

 

avec Ilinca Manolache (Angela Raducani), Ovidiu Pîrșan (lui-même), Nina Hoss (Doris Goethe), Dorina Lazar (Angela Coman), Laszlo Miske (Gyuri), Uwe Boll (lui-même)..Katia Pascariu (la femme d'Ovidiu) .

 

 

prix spécial du jury Locarno 2023

Angela, assistante de production, parcourt la ville de Bucarest pour le casting d’une publicité sur la sécurité au travail commandée par une multinationale. Sa journée se résume à de multiples rencontres

N’attendez pas trop de la fin du monde

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25 septembre 2023 1 25 /09 /septembre /2023 10:23

De Faouzi Bensaïdi (Maroc 2022)

 

avec Fehd Benchemsi (Mehdi)  Attaf Abdelhadi Talbi (Abdelhadi Taleb) (Hamid )Dergoune Rabii Benjhaile (L'Évadé) Hajar Graigaa Selma / Hadda Mohamed Choubi (Père de  Naïma) Nezha Rahil (Patronne) Faouzi Bensaïdi (l’épicier bradeur)

 

présenté au festival Cannes 2023 La Quinzaine des Réalisateurs 

Amis de longue date, Mehdi et Hamid, travaillent pour une agence de recouvrement. Ils sillonnent les villages du grand Sud marocain dans leur vieille voiture et se partagent des chambres doubles dans des hôtels miteux. Payés une misère, ils essaient de jouer aux durs pour faire du chiffre. Un jour, dans une station-service plantée au milieu du désert, une moto se gare devant eux. Un homme est menotté au porte-bagage, menaçant. C’est l’Évadé. Leur rencontre marque le début d’un périple imprévu et mystique…

Déserts

Voici une carte du Maroc dépliée sur le capot d’une voiture; les deux occupants se chamaillent peinant à s’orienter se repérer ; la carte est emportée par une saute de vent soudaine…Le spectateur lui aussi sera désorienté presque déboussolé quand après avoir suivi les deux « pieds nickelés » dans un road movie burlesque et cruel à la fois, on le fait « basculer » dans un conte quasi mystique où l’évadé mutique redistribue à sa manière les cartes du Tendre pour  l'aimée et du partage pour les deux larrons du début !!!

Déserts : un terme aux multiples acceptions !

L’emploi du pluriel signifie qu’il y a un désert pour chaque homme affirmait le réalisateur

Mais il  est aussi des « déserts affectifs », des déserts créés par l’ultralibéralisme ; et ces déserts « humains et politiques » s’inscrivent au Maroc dans des paysages arides désolés aux couleurs ocres d’une sidérante beauté. Voici des habitations troglodytes où s’entassent des familles qui survivent dans la misère ; accablées de dettes, incapables de rembourser,  elles donneront en échange à ces « agents du recouvrement » qui une chèvre, qui un tapis (le seul destiné aux enfants …) qui une camionnette bien piteuse. Voici une population rurale désertée par le pouvoir, une humanité profondément ancrée dans  les traditions,  et malgré la virulence des propos leur apparente inhumanité, les deux compères spécialistes du recouvrement et  sommés de faire « du chiffre », sont embarqués dans la même galère !!!! Nous sommes témoins de leurs mésaventures, rions des gags dont ils sont souvent les « victimes » ; tout cela singulièrement théâtralisé (répartition de -et dans- l’espace, gémellité et comique de répétition, personnages/pantins ; la séquence de management vaut son pesant de ridicule assumé et de cruauté latente). Le contraste entre le burlesque de situations et le tragique du sous-texte social n’en sera que plus patent (un peu trop surligné !!)

 

On sait que le désert ne se découvre pas mais se rencontre ; milieu naturel de l’extrême il va dans une deuxième partie du film servir d’écrin à une forme de conte mystique et anachronique où le personnage de l’évadé et sa dulcinée se réapproprient l’espace et le temps; un espace/temps des origines ?. Filmés de dos et face à la vastitude, les « amants » quittent souvent le cadre comme pour s’ensevelir dans le sable, puis ressurgissent, miraculés, alors que le "méchant" ,  excellent cavalier,  les poursuit de sa vengeance…

 

Une procession de « migrants » et la soudaine « réapparition » de Hamid et Mehdi nous rappelle si besoin était le contexte initial

 

Un film étrange qui brouille les genres (western road movie burlesque conte) juxtapose images surréalistes (cf récurrence de ces stries et stridences à chaque passage chez le  "récupérateur de métaux") et comédie caustique

 

Un film qui tord le cou à certains de nos clichés sur les Marocains !!

 

Un film à ne pas manquer ! (malgré d’évidentes complaisances )

 

Colette Lallement-Duchoze

 

PS:  Est-ce une composition de Dhafer Youssef (cet oudiste et vocaliste original) que l’on entend plusieurs fois ??

 

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21 septembre 2023 4 21 /09 /septembre /2023 05:23

 

JEUDI 28 SEPTEMBRE  A 18H

 

CINEMA OMNIA REPUBLIQUE

 

Soirée Moteur (réseau des festivals de cinéma de Rouen)

 

 

Le réseau des festivals de cinéma de Rouen vous invite

le jeudi 28 septembre

au cinéma Omnia-République à 18h

à une soirée de courts-métrages

pour la présentation de la saison 2023/2024.

 

A l'issue de la projection, nous partagerons un moment de convivialité autour d'un verre.

 

Entrée libre.

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