de Ken Loach (Grande-Bretagne 2023)
avec Dave Turner, Ebla Mari, Claire Rodgerson
Présenté en Compétition au festival de Cannes 2023
TJ Ballantyne est le propriétaire du "Old Oak", un pub situé dans une petite bourgade du nord de l’Angleterre. Il y sert quotidiennement les mêmes habitués désœuvrés pour qui l’endroit est devenu le dernier lieu où se retrouver. L’arrivée de réfugiés syriens va créer des tensions dans le village. TJ va cependant se lier d’amitié avec Yara, une jeune migrante passionnée par la photographie. Ensemble, ils vont tenter de redonner vie à la communauté locale en développant une cantine pour les plus démunis, quelles que soient leurs origines...
2016 : un village du nord-est de l’Angleterre, ex cité minière ( les photos qui tapissent un mur illustrent un passé de solidarité ouvrière, puis de douleurs consécutives à l'époque Thatcher ) cité désormais gangrenée par le "paupérisme dû au chômage", un terreau propice au repli sur soi, aux préjugés racistes.
Le tempo du film de Ken Loach sera scandé par la confrontation entre réfugiés Syriens et locaux désabusés ; entre les deux, TJ Ballantyne le patron du " old oak" , gros bonhomme empli de bonhomie …
Old oak (vieux chêne). Osons la métaphore !
The old oak est certes le patronyme, l’appellation de ce "bar pub". Sur l'enseigne, la dernière lettre K est bancale, (cf l'affiche) tant elle est " usée" et pas seulement par les ans. Les efforts du patron pour la recadrer ne présentent-ils pas des similitudes avec le "recadrement" des esprits enclins à ne pas accepter l’autre (au seul prétexte qu’il est l’étranger, l’intrus, et qui par déduction hâtive et simpliste devient le bouc-émissaire) ?
Old oak c’est aussi ce qui fait l’entité de ce même patron: robustesse solidité naturelles, certes mises à mal au cours de son existence (tentative de suicide, avortée grâce à la rencontre "épiphanique" avec la chienne Marra ; et le jeu de la balle -(balle envoyée sur les flots que la chienne rapporte fidèle et amusée)- semble reproduire -mutatis mutandis bien évidemment- le schéma d’un sauvetage. Or cette chienne sera la victime de deux « bâtards » assoiffés de ( ?) préfiguration d’un malheur ? chiens délibérément dé-laissés par leurs jeunes maîtres (les fils des « racistes » qui polluent l’atmosphère que le patron souhaiterait plus "saine" dans une solidarité retrouvée) Car malgré sa rage intérieure, TJ est comme "enraciné" dans ses convictions (celles du réalisateur ?)
Oak c’est sur les « gonfanons » les étendards, l’image d’un chêne plus que séculaire ! et dans la procession finale il est bien l’emblème de la « résistance » à tous les préjugés et le symbole d’une fierté retrouvée par-delà la « mort » du prolétariat britannique
Oui malgré les orages dévastateurs le chêne n'a pas rompu
Et comme le fil directeur de ce film est la relation amicale entre Yara la réfugiée syrienne photographe et TJ Ballantyne, la courbe sinusoïdale -ou plutôt la dialectique bonheur/malheur- est au service de ce credo que professe Ken Loach. : Oui un monde apaisé est encore possible malgré tous les malgré. Oui il faut croire en l’humain malgré les "crises" ravageuses.
Cette utopie pourrait paraître fabriquée et naïve. Ses contempteurs – ceux qui martèlent que l’Anglais fait des films de gauche pour des gens de droite – ne manqueront pas de l’éreinter à ce sujet. Mais chez Loach, du fait de tout son parcours d’homme et de cinéaste, cette utopie vous emporte par sa profonde sincérité Thierry Chèze (Première)
Une "fable" à voir de toute urgence (malgré certaines longueurs, des scènes capillotractées ou cousues de fil blanc et quelques effets de grossissement)
Colette Lallement-Duchoze