19 novembre 2023 7 19 /11 /novembre /2023 07:33

de Tran Anh Hung (France 2023)

 

avec Juliette Binoche, (Eugénie) Benoît Magimel (Dodin)  Galatea Bellugi  (Violette) Emmanuel Sallinger (Rabaz) Patrick d'Assumçao (Grimaud ) Jan Hammenecker (Magot)

 

Prix de la Mise en Scène Cannes 2023

Argument: Eugénie, cuisinière hors pair, est depuis 20 ans au service du célèbre gastronome Dodin. A force de passer du temps ensemble en cuisine, une passion amoureuse s’est construite entre eux où l’amour est étroitement lié à la pratique de la gastronomie. De cette union naissent des plats tous plus savoureux et délicats les uns que les autres qui vont jusqu’à émerveiller les plus grands de ce monde. Pourtant, Eugénie, avide de liberté, n’a jamais voulu se marier avec Dodin. Ce dernier décide alors de faire quelque chose qu’il n’a encore jamais fait : cuisiner pour elle.

 

La passion de Dodin Bouffant

Elle cueille avec délicatesse des légumes; sa main experte lacère à peine la terre féconde du potager, (scène d’ouverture) Chapeautée, robe longue, elle (Eugénie) va pénétrer dans le « saint des saints » cette immense cuisine aux couleurs mordorées réceptacle d’une liturgie. En effet chaque geste, chaque posture, chaque déplacement est comme théâtralisé dans une sorte de dilatation du temps. Les crépitements, les rissolements, le bouillonnement d’une marmite, la lame qui cisèle une herbe, le raclement d’une cuillère seront l’accompagnement musical et pendant presque 20 minutes nous assistons à la métamorphose des produits, à leur transformation (alchimique ?) dans une circulation d’odeurs et de regards ; seule séquence au rythme assez rapide au service d’une chorégraphie millimétrée.

Une autre séquence apparemment plus « bavarde » -où maître Dodin fait goûter une sauce à la jeune apprentie, qui doit en retrouver tous les ingrédients et à chaque élément répertorié,  voici la sauce « recomposée » à l’écran - serait comme une mise en abyme de ce film sur « l’art de la gastronomie », un « art total » (visuel sensuel, tactile, musical)

 

Ce sont les deux seules séquences qui auront trouvé grâce à mes yeux dans ce film librement adapté du roman de Marcel Rouff. Film soporifique par moments!! 

 

Quand Benoît Magimel doit identifier une recette il donne l’impression désagréable de « réciter » de même quand il doit s’exprimer en une langue assez boursouflée ou du moins pontifiante (on ne peut s’empêcher de comparer avec d’autres acteurs bien plus à l’aise en des circonstances similaires)

Quand la passion de Dodin pour l’art culinaire se double d’une passion pour Eugénie sa cuisinière depuis 20 ans, pourquoi pas ? Mais à la condition expresse que ces « deux passions » n’en fassent qu’une, l’une fonctionnant grâce à l’autre (ce serait d’ailleurs le sens du titre « la passion de Dodin Bouffant ») or la symbiose n’est pas toujours opérationnelle

Quand une poire trône voluptueuse dans une composition qui rappelle une nature morte. Soit. Mais qu’au plan suivant c’est le corps nu vu de dos qui épouse les contours du fruit, c’est du kitch, l’apothéose du mauvais goût (quand bien même ce « tableau vivant » est vu ou fantasmé  par Dodin)

 

Que ce film ait reçu le prix de la mise en scène au festival de Cannes 2023, on est en droit de s'interroger !!!

 

 

Serait-ce pour l’Apologie de l’artisanat, des recettes de nos terroirs et de la transmission des savoirs que ce film a été sélectionné pour les Oscars 2024 ? Images prisées - faciles à monnayer -,  à l’étranger ?

 

Colette Lallement-Duchoze 

 

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18 novembre 2023 6 18 /11 /novembre /2023 13:54

de Stephan Castang ('Belgique France 2023)

 

avec Karim Leklou, Vimala Pons,  François Chattot

 

Festival de Cannes 2023 Semaine de la Critique

Argument: Du jour au lendemain, Vincent est agressé à plusieurs reprises et sans raison par des gens qui tentent de le tuer. Son existence d’homme sans histoires en est bouleversée et, quand le phénomène s’amplifie, il n’a d’autre choix que de fuir et de changer son mode de vie...

Vincent doit mourir

Il aura suffi d’un regard, d’un seul regard pour transformer Vincent un homme quelconque,  sans histoire, en une bête traquée !!! on s’acharne contre lui (sur son lieu de travail, dans son immeuble, dans la rue, etc.) jusqu’à vouloir l’anéantir (Vincent doit mourir ?)

 

Le film de Stéphan Castang appartient au genre « survivaliste » -si l’on adopte le point de vue du personnage éponyme (contraint pour survivre à changer de milieu, à se barricader dans la maison de son père dans le Beaujolais), au genre dystopique (si l’on s’interroge sur les origines ce cette haine qui gangrène les rapports entre les individus dans notre société), à une « romance » quand l’abject réel est transcendé par l’amour, grâce à la rencontre avec Margaux (un bateau qui prend le large loin du naufrage ambiant où TOUT est contaminé) Et si au final c’était la métaphore de tous ceux qui combattent dans un univers merdique pour essayer de survivre (ce dont témoignerait la (trop) longue séquence de la fosse septique) ?

 

Certes l’acteur Karim Leklou est époustouflant de crédibilité (visage et regard portent les stigmates de l’angoisse omniprésente qui le taraude) ; certes l’humour consiste en une forme d’absurde (au sens étymologique de « discordant ») J’avais  demandé aux acteurs de ne surtout pas jouer sur des codes de comédie. Il fallait au contraire jouer le drame, la tragédie, la passion, la panique. C’est le décalage avec la situation qui crée l’humour» On pourra toujours apprécier la construction en crescendo jusqu’au capharnaüm qui culmine dans la séquence d’autoroute (les corps morts ou demi vivants qui émergent des carcasses de voitures rappellent étrangement les zombies, dans une atmosphère embuée et bleutée)

 

Mais force est de reconnaître que la complaisance dans le gore et la « merde » pour ce VDM (tiens tiens !!! un même sigle) est outrancière même si l’on admet que le film est non pas post mais pré-apocalyptique, par l'évocation d’une apocalypse intime."

Mais surtout on a l’impression que le réalisateur esquive une forme qui lui serait « propre » -esthétique ou politique- à partir de l’enjeu initial (auquel on avait pourtant adhéré)

 

A vous de juger

 

Colette Lallement-Duchoze

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17 novembre 2023 5 17 /11 /novembre /2023 10:46

documentaire de Barbet Schroeder (Suisse 2023)

 

avec Ricardo Cavallo

 

Festival de Locarno Hors Compétition

Argument: Barbet Schroeder dresse le portrait de son ami Ricardo Cavallo, qui consacre sa vie à la peinture. De Buenos Aires jusqu’au Finistère, en passant par Paris, ce film est une invitation à plonger dans l'histoire de la peinture, mais aussi à découvrir la vie de cet homme qui, avec simplicité et humilité, s’est toujours engagé entièrement, jusqu'à transmettre sa passion aux enfants de son village.

Ricardo et la peinture

C’est une histoire de regards (avec ces jeux de miroirs quand à l’écran surgit un paysage familier et qu’au plan suivant vous le voyez transfiguré par la palette du coloriste; ou quand Ricardo commente de son œil exercé une toile de Velasquez) ; c’est une histoire d’amitié (à plusieurs reprises filmés de dos le cinéaste et le peintre -qui se connaissent depuis 40 ans- marchent côte à côte, arpentant les allées du Louvre par exemple, enserrés par ce bras protecteur qui se pose délicatement, ils sont comme en osmose ! « Attends, on va réfléchir ensemble . C’est une histoire de « transmission » (non seulement le spectateur sera à l'écoute du (des)  discours de Ricardo sur la peinture, sur sa « dette » envers ses Maîtres -Caravage Velasquez, Raphaël Goya mais nous le voyons dispenser gratuitement des cours à des enfants de l’école Blei Mor La peinture, le dessin, c'est une arme pour avancer dans la vie .

 

Séquence d’ouverture : harnaché de son matériel de peintre -dont la  palette, le chevalet- Ricardo descend pour ne pas dire dévale allègrement jusqu’à cette grotte, et son gabbro …En écho, au final,  le même, les mêmes lieux – la Baie de Morlaix et plus précisément les rochers de Saint Jean du Doigt -où il a élu domicile (après avoir fui Paris dont nous verrons son mini atelier, une chambre de bonne au 7ème étage sans ascenseur où il dormait à même le sol)

Une vie érémitique (ne manger que du riz et des oranges, dormir toujours la fenêtre ouverte) qui n’est pas sans rappeler -quand il pénètre dans la grotte- les trois étapes du mythe de la caverne de Platon -illusion à l’intérieur, révélation du Vrai à la sortie et transmission

 

Faire un film sur la peinture, est une sacrée gageure  (B Schroeder) qu’à cela ne tienne rétorque-ra le peintre!  car l’essentiel est moins ce que je raconte, que le tableau final. Et n’y aurait-il pas des similitudes entre une toile composée de ces petits carrés — soigneusement numérotés et rangés – et ces plans qui au montage vont participer à la construction d’un film ; avec les mêmes questionnements sur le « rendu , les mêmes refus d’une œuvre imparfaite, les mêmes hésitations . J’appelle mes tableaux des « compositions » car tous ces éléments qui coexistent dans un circuit fermé demandent une résolution d’ordre « symphonique »

 

Voyage dans le temps (les portraits du Fayoum qui nous regardent, comme tous les disparus ; la grotte  Chauvet telle une passerelle ) Voyage dans l’espace (de Buenos Aires au Finistère en passant par le Pérou et Paris) ce film est dédié au galeriste Karl Flinker. C’est lui qui a « découvert » et fait connaître l’œuvre du peintre d’origine argentine et permis à Barbet Schroeder d’entrer en contact avec lui

 

Ricardo et la peinture : une œuvre « magistrale » comme ces toiles immenses de 10m de long qui se fondent en le transformant dans le paysage ? Non et on peut même déplorer une certaine complaisance (cf la longue séquence avec le collectionneur avocat et vigneron Philippe Pech de Laclause, ou avec le galeriste Pierre Astier)

 

Mais la sincérité du réalisateur et  son admiration pour le peintre irriguent le documentaire et font du portrait de Ricardo une œuvre tout à la fois émouvante de simplicité et dense dans sa beauté existentielle

 

 

Colette Lallement-Duchoze

 

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16 novembre 2023 4 16 /11 /novembre /2023 08:19

De Monia Chokri (Canada 2023)

 

avec Magalie Lépine Blondeau, Pierre Yves Cardinal 

 

Festival de Cannes 2023 Un Certain Regard 

Sophia est professeure de philosophie à Montréal et vit en couple avec Xavier depuis 10 ans. Sylvain est charpentier dans les Laurentides et doit rénover leur maison de campagne. Quand Sophia rencontre Sylvain pour la première fois, c’est le coup de foudre. Les opposés s'attirent, mais cela peut-il durer ?

Simple comme Sylvain

Amare amabam (j'aimais aimer Saint Augustin) 

 

L’amour en tant que concept décliné depuis Platon jusqu’à Jankélévitch, c’est l’enseignement que professe Sophia (prénom ô combien symbolique !) dans une université du 3ème âge ; en contrepoint, elle va vivre une aventure sexuellement torride sur fond de clivages sociaux et intellectuels. C’est l’intérêt majeur de ce long métrage moins hystérique que « la femme de mon frère » tout aussi comique et hilarant (un humour dévastateur des répliques si savoureuses qu’elles suscitent le fou rire) Une comédie où l’on confond allègrement Rimbaud et Sardou où le plan cul peut être aussi beau que les rencontres d’Isidore Ducasse !

 

Monia Chokri (qui interprète Françoise, si fière d’avoir couché avec son coach sportif alors que sa relation sexuelle avec Philippe est fort  satisfaisante) dissèque les composantes de l’amour, du désir, propres au couple en jonglant habilement avec certains clichés et en libérant (entendons en décomplexant) le rapport sexuel. Chacun des protagonistes semble suivre la voie (voix) de la passion plus forte que celle de la raison ! mais nul jeu de massacre ! c’est le désir enfin désacralisé

 

La scène d’ouverture survoltée (comme la caméra) mêle agapes climat familial (espièglerie des enfants, répartition des tâches) et discussions sur …l’amour; -ce sont les protagonistes- avant que la caméra ne se focalise sur le couple Sophia Xavier séparé à l’écran (comme pour un split screen) et bifurque…La rencontre de Sylvain le charpentier va bouleverser le "cours" d’une existence désormais fondée sur la "complicité amoureuse" . Premiers ébats, premiers mensonges. Monia Chokri ne « juge » pas elle laisse advenir tous les fantasmes les filme (en évitant le porno). Et si les deux univers ("bourgeois"  et "prolo") frisent la caricature ils sont constamment renvoyés dos à dos (tout comme chacun des protagonistes est épinglé dans ses tics sous forme de pochades )

Et tout en faisant sien un schéma ultra classique (de la rencontre entre deux êtres dissemblables, jusqu’à la solitude en passant par le sexe torride, l’implosion du couple établi) la réalisatrice aura une fois de plus "démontré" et "démonté"  l’illusoire… sans prétention politique, juste la dose de l’intime …..au féminin !!!

Tout cela sur fond de décors cosy et dans une ambiance presque  "bon enfant"

 

 

Simple comme Sylvain est certes une comédie sympathique intelligente servie par le talent de Magalie Lépine-Blondeau mais en aucun cas LA comédie de l’année!

 

Colette Lallement-Duchoze

 

 

 

 

Serge Diaz le jeudi 16 novembre 2023 à 09:38

 
En tous cas ce film est une bonne surprise et n'est pas que drôle, il est profond. Il montre avec légèreté et intelligence, en effet, comment la différence de classe implique une différence culturelle et créée un fossé pour un amour durable.. Cette comédie a un fond triste car elle renvoie le spectateur à ses libres fantasmes, nécessaires à tout être humain, mais immédiatement réprimés par la vie en société qui, elle, impose ses codes. En résumé, on a affaire dans ce film à une belle tragi-comédie qui sera un marqueur de ce début de siècle..

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15 novembre 2023 3 15 /11 /novembre /2023 06:54

d'Anna Jadowska (Pologne 2022)

 

avec Dorota Pomykała,  Adam Bobik,  Bogdan Koca,  Awa Wycichowska,  Piotr Gadomski

 

 

Prix d'interprétation féminine Festival Trebeca 2022

Mirka, sage-femme d'une soixantaine d'années, mène une vie irréprochable auprès de son mari et de leur fils. Pourtant, un matin, quelque chose change. Après s'être levée tôt, avoir étendu le linge et acheté de la nourriture pour ses poissons, elle tente de braquer une banque armée d'un couteau de cuisine. Son geste désespéré échoue mais l'oblige à reconsidérer sa vie.

Une femme sur le toit

Lent travelling latéral sur une façade de HLM (où la compacité couvre les 2/3 du cadre) puis travelling ascendant et arrêt au dernier étage : c’est là que vit Mirka, une sexagénaire dont la pâleur et la couleur pastel de son vêtement se confondent avec celles utilisées de bout en bout par la réalisatrice (quand ce n’est pas le blanc laiteux omniprésent du milieu hospitalier)  Une « trappe » permet d'accéder  au toit, un toit qui non seulement « surplombe » (vue en plongée) mais définit la « limite » (entre vie et trépas…) ; limite que les pieds nus de Mirka seraient prêts à franchir ?

Comme le film est avare en informations, que l’essentiel doit se lire (se deviner) sur un regard interrogateur, sur des gestes, sur le corps (l’actrice est de tous les plans quand elle n’envahit pas l’écran) -  le langage corporel est l’unique langage- : le spectateur devra se contenter de questionnements. Et ils pullulent.

Mirka commet un acte « délictueux » : assise face à l’employée de banque elle brandit  un couteau de cuisine et dit calmement  « c’est un hold-up »......A partir de ce geste (alors que le braquage n'a pas abouti...) , tout un mécanisme répressif va se mettre en place (convocation, interrogatoire, garde à vue, incarcération, séjour en HP, procès etc). Le mari souffre plus du qu’en dira-t-on, que de la douleur de son épouse, le fils prépare son départ pour la Grande-Bretagne. Mirka perd son emploi de sage-femme. Ô douleur non encore éprouvée ! Et pourtant !

Ce film librement inspiré d’un fait divers, et qui a été récompensé au festival du film de Tribeca 2022 (prix d’interprétation pour Dorota Pomykała) est l’histoire « d’une émancipation tardive » ; le parcours de Mirka -qui au final parviendra à « prendre de la hauteur » et ce faisant le titre acquerra une autre signification, illustre le statut de la femme sexagénaire dans la société polonaise (endettement poids des traditions soumission) Le cas d’une jeune parturiente, à la clinique où exerce Mirka, dit aussi expressément l’oppression de la femme soumise à un « devoir de maternité »

 

Le choix du « monochrome », de la pâleur blafarde, avec une surexposition de la lumière pourra déplaire à certains (qui contestent l’esthétisation de la rudesse et de la précarité). Or n’est-ce pas pour mettre en évidence l’invisibilité d’un personnage ? Mirka (admirable Dorota Pomykała) accomplit les gestes quotidiens routiniers, dans un silence sidéral, dans une atmosphère éthérée, sans que son entourage proche ne se rende compte de son profond mal-être. Solitude et aveuglement ! La lumière de la saison estivale est inquiétante (hormis en ces instants furtifs où le corps de Mirka allongée se confond avec la blondeur des épis)

C’est le soleil « noir », celui de l’évanouissement, de l’enfouissement avant le « sursaut » final.

Une « lueur » d’espoir après une longue marche (funèbre) ?

 

 

Colette Lallement-Duchoze

 

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4 novembre 2023 6 04 /11 /novembre /2023 11:24

de Vasilis Katsoupis  (Grèce G-B 2023)

 

avec  Willem Dafoe (Nemo) Gene Bervoets (le propriétaire du penthouse)  Eliza Stuyck (Jasmine)

 

Présenté en avant-première  à la Berlinale 2023 en compétition pour le prix Panorama

Argument: Nemo, cambrioleur chevronné, se retrouve piégé dans un luxueux appartement new-yorkais, essentiellement décoré d'œuvres d'art. Il  va devoir faire preuve de créativité et de ténacité pour survivre et tenter de s'échapper

A l'intérieur

Après la séquence d’ouverture consacrée au  braquage, le film va bifurquer vers l’intérieur (on pourra jouer , gloser sur la polysémie de ce terme) et se transformer en manuel de survie …Survie dans un contexte très particulier d’opulence et de gigantisme, celui d’un appartement à New-York, avec piscine, serre, aquarium, aux murs tapissés d’œuvres d’art pour collectionneur multimilliardaire, appartement habité deux jours par an par son propriétaire !

Robinson des temps modernes, Nemo pris au piège -suite à l’activation automatique d’un système de sécurité non neutralisé-,  tente -dans un premier temps- de « sortir ». En vain ! impossible d’ouvrir la porte blindée, de casser les vitres, de communiquer avec l’extérieur. Survivre ? eau infecte, provisions limitées. La froideur des lieux va contraster avec la température avoisinant les 40°…Nemo en brisant l’alarme a allumé le chauffage… Son corps dégouline de sueur sa bouche, filmée en très gros plan grapille quelques glaçons dans le freezer ; mais la clim réversible peut afficher des températures « polaires » et le corps se recroqueville, s’emmitoufle dans des plaids luxueux

Ne pas succomber …. Moments d’angoisse extrême et d’abattement alternent avec instants d’espoir (découverte d’astuces salvatrices)

 

Nemo sera l’écorché d’Egon Schiele. Sa merde deviendra « installation ».... Et après avoir tout bousillé, après avoir épuisé les réserves  de survie, il sera lui-même « créateur » (œil cercles concentriques) tout en récitant du William Blake. Folie destructrice,  folie créatrice ?

 

L’autoportrait d’Egon Schiele était introuvable au moment du braquage. A  l'écran, sous nos yeux , s’est progressivement construit un autre portrait (où les traits burinés de l’acteur rappellent étrangement les cordes de la douleur » et les lignes de torsion des corps  dessinés ou peints par  l'artiste viennois)

C’est à coup sûr l’intérêt majeur de ce film. Bien plus (à mon humble avis) que l’utilité de l’art quand il est censé accompagner le « confiné » (allusion explicite à ce que nous avons vécu !) Les chats meurent, la musique s'éteint, mais l'art, c'est pour toujours", ou son inanité (collection particulière aux prétentions muséales) ou encore son mariage éhonté avec la toute-puissance de l’argent

 

Que ce huis clos soit (vite) lassant pour certains spectateurs., je le conçois aisément. Non que la prestation de Willem Dafoe soit incriminée  (sa performance est impressionnante et il est « impayable » quand il danse la Macarena !!!) Mais difficile d’éviter certains « pièges » (symbolisme facile du pigeon mort, fausses échappées oniriques, jeux de miroir inversé avec les personnages de l’immeuble vus sur l’écran), et de « tourner en rond »

 

A l’intérieur n’en reste pas moins un film que je vous recommande

 

 

Colette Lallement-Duchoze

 

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3 novembre 2023 5 03 /11 /novembre /2023 12:17

De Mona Achache (France Belgique 2023)

Avec Marion  Cotillard (Carole AchacheMona Achache : elle-même  Marie Bunel : (Kathleen EvinPierre Aussedat : (Nikos Papatakis)

 

 

 

Festival de Cannes 2023 : sélection officielle, section « Séances Spéciales », en compétition pour L'Œil d'or

Festival La Rochelle Cinéma 2023 : sélection officielle, section « documentaires »

Festival Avant-premières des Cinémas Indépendants Parisiens 2023 : sélection officielle

Festival international du film d'Oldenbourg 2023 : sélection officielle

 

Sortie en salles le 15 novembre 

Argument: À la mort de sa mère, Mona Achache découvre des milliers de photos, de lettres et d'enregistrements, mais ces secrets enfouis résistent à l'énigme de sa disparition. Alors, par la puissance du cinéma et la grâce de l'incarnation, elle décide de la ressusciter pour rejouer sa vie et la comprendre

 

Little girl blue

 

Mimétisme atavique ? La mère de la réalisatrice, Carole Achache avait écrit sur sa mère Monique Lange découvrant enfin celle qui fut une énigme « Elle rend son âme. Elle me lègue ses agendas. Je tombe sur une mine d’or. Je les lis, je les décrypte. Je vois mais c’est trop tard » (Fille de). Monique Lange avait elle-même écrit sur sa propre mère…. Mona Achache quant à elle choisit le documentaire, pour « recoller » les morceaux d’une vie, et partant, se libérer de son trauma (consécutif au suicide inexpliqué de sa mère en 2016). La création comme thérapie ? Mais son documentaire sera "particulier" : en confiant à Marion Cotillard le « rôle » de Carole, en l’affublant de ses habits « fétiches » dont le jean, en lui faisant porter une perruque, en utilisant son parfum (Marion Cotillard actrice sera la mère ressuscitée) la réalisatrice ne se départit pas de son statut de « fille » et son docu-fiction , un genre hybride,  ne saurait convaincre.

 

Pourquoi ? La mise en scène est constamment une mise en abyme. Le portrait de Carole est constamment phagocyté par le jeu de l’actrice qui  imite à « merveille » le « modèle » (cigarettes, dos légèrement voûté, paroles qui se superposent à celles authentiques enregistrées, avant de fusionner). Eprise du « rôle » qu’elle doit incarner, Marion Cotillard, exprime ses propres doutes, ses propres hésitations ; le portrait de Carole est ainsi sur-joué dans ses fragmentations mêmes, reléguant au second plan la relation mère/fille (hormis dans le plan final qui fait écho au plan d’ouverture mais où les deux femmes vues de dos contemplent apaisées, réconciliées,  l’ondulation des flots avant que Mona ne couvre le corps nu de sa mère/Marion de son propre lainage)

Little girl blue se présente(rait)  ainsi comme une « reconstitution » (laborieuse ?) qui aura mis en valeur le talent de l’actrice Marion Cotillard !

 

Cela étant, on sera sensible à la « construction » de ce film : qui rappelle le puzzle, l’installation, l’enquête « policière », à son décor stylisé théâtral, avec avant-scène, scène et coulisses (à l’instar des circonvolutions d’une mémoire qui se pense et qui en se réappropriant un passé douloureux, en vient à le « comprendre» et le transcender)

Tolérer (voire provoquer comme le fit Monique Lange) des comportements abusifs sur des «jeunes » (et Carole en fut victime) est inacceptable (ce que dénonce Mona Achache, clouant ainsi au pilori Jean Genet …adulé en tant qu'écrivain)

 

L’essentiel au final ne serait-il pas le propre "ressenti" de la réalisatrice ?

Présente à l’issue de la projection (jeudi 2 novembre) pour « échanger » avec le public (un public très enthousiaste au demeurant) elle a affirmé que « la réalisation de ce film fut une catharsis» (plus efficace que des séances de psychanalyse)

 

Je vous laisse juge

 

Colette Lallement-Duchoze

 

 

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2 novembre 2023 4 02 /11 /novembre /2023 16:57

d'Anna Novion (2023)

 

avec Ella Rumpf (Marguerite) Jean-Pierre Darroussin (Laurent Werner) Clotilde Courau (Suzanne)  Julien Frison (Lucas) Sonia Bonny (Noa)

 

Sélection Officielle Festival de Cannes 2023

Argument: L'avenir de Marguerite, brillante élève en Mathématiques à l'ENS, semble tout tracé. Seule fille de sa promo, elle termine une thèse qu’elle doit exposer devant un parterre de chercheurs. Le jour J, une erreur bouscule toutes ses certitudes et l’édifice s’effondre. Marguerite décide de tout quitter pour tout recommencer.

Le théorème de Marguerite

Une trajectoire apparemment toute tracée,  qui déraille …Voilà une « inconnue » qui marquerait une fin ? Or, à travers des labyrinthes (dont les formules équations qui envahissent tout l’espace de l’appartement seraient l’illustration ou/et la métaphore) ce déraillement est la promesse d’une « ère » nouvelle !

Tel sera le parcours de Marguerite : « perdue » à cause des maths, elle va se (re)construire grâce …aux maths… après moult rebondissements - certains s’inscrivent dans la sérendipité (cf le schéma d’une pyramide inversée sur une feuille glissée à même le sol). Oui de rencontres apparemment dues au hasard, de mensonges -par omission volontaire- , en passant par des activités plus ou moins licites mais lucratives (le mah-jong par exemple) jusqu’à la découverte de l’amour, Marguerite (admirablement interprétée par Ella Rumpf) aura connu les affres de la recherche solitaire tout en s’ouvrant progressivement au monde des « vivants » . Un récit  "d'apprentissage" donc en forme d'énigme ! 

 

D’emblée lors d’un face à face Marguerite  nous apparaît comme « hors sol » ce qu’accentue le gros plan sur son visage et sur ses chaussons, puis dégingandée elle semble raser les murs avant de retrouver sa chambre de normalienne, elle la surdouée (HPI) fierté de sa mère et de son maître  (qui en fait exploite ses talents ; un rôle de félon qui sied à l’acteur JP Darroussin). Dès l’instant où se produit la « catastrophe » (un défaut de raisonnement signalé par le jeune opportuniste Lucas Savelli) c’est une faille sismale dans son univers. Or dans la phase d’adaptation à une « autre vie » (colocation, magasin, apprentissage, tissu relationnel) triomphe la dichotomie (l’orgasme avec le compagnon d’un soir, le pari avec les joueurs chevronnés de mah-jong, les sorties en boîte avec sa colocataire danseuse, tout cela n’influe pas encore sur son « être là » mais s’avère nécessaire pour la connaissance et la compréhension des « règles » qui régissent ce « monde nouveau ».. Après l'avoir appréhendé ce sera l'apprivoisement consenti, assumé. Un récit  "d'émancipation"  donc!

 

La réalisatrice a pris soin de marquer les étapes de cet itinéraire intérieur, intellectuel et amoureux, par des jeux de surimpressions, de très gros plans, une musique plus intense sans être trop illustrative. C’est d’abord un univers clos quasi géométrique (à l’instar de l’ordre qui régit l’Ecole Normale Supérieure) puis la caméra d’Anna Novion va évoluer au service d’une mise en scène plus riche en couleurs chaudes et plus « légère » aussi  (Marguerite danse avec son corps qui, lascif, caresse les rayons du magasin où elle est employée, tout comme elle danse avec ses craies de couleurs sur les murs qu’elle inonde de formules ésotériques (forcément ésotériques pour le profane !!) avant que les mêmes bras n’enserrent l’être aimé dans une étreinte à la fois énergique -tout comme le bouillonnement de son cerveau- et voluptueuse! 

 

Rébarbatives les mathématiques ? Que nenni…

On se laisse prendre au jeu des "inconnues", de leur multiplicité exponentielle et l'on oublie les clichés (même si certains frisent  la caricature!)

 

Colette Lallement-Duchoze

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2 novembre 2023 4 02 /11 /novembre /2023 05:29

de Kleber Mendonça Filho (Brésil 2023)

 

 

Séance Spéciale Festival de Cannes 2023

New Zealand International Film Festival 2023

Portraits fantômes est un voyage multidimensionnel dans la ville de Recife, capitale brésilienne de Pernambuco, à travers le temps, le cinéma, le son, l'architecture et l'urbanisme. Cette visite impressionniste qui associe l'archive, la fiction, l'extrait de film, les souvenirs personnels est à la fois une cartographie de la ville et un hommage à la salle de cinéma qui tout au long du vingtième siècle a été ce lieu de convivialité, réceptacle des rêves, des espoirs et des émotions.

Portraits fantômes

  Ce  film autobiographique est le fruit de 7 années de travail et de recherche 

 

Je me suis rappelé que quand on aime, il faut le dire 

 

Voici Monsieur Alexandre (Moura) ce projectionniste du cinéma Art Palacio qui a fermé son cinéma avec une clé de larmes,  mort en 2003 ; voici Joselice, la mère, morte prématurément, une historienne spécialiste de l’histoire orale ; voyez Janet Leigh et Tony Curtis main dans la main sur le pont au-dessus du fleuve Capibaribe ; voici Nico, ce chien mort depuis des années, mais dont les aboiements continuent à marquer quelques bandes son. Voici un docker qui vendait derrière le cinéma le Trianon affiches, photos et films jetés à la poubelle par les distributeurs. Voici un chauffeur de taxi Rubens Santos qui (re)joue l’homme invisible  dans la toute dernière séquence, laquelle  donne a posteriori tout son sens au film (la dialectique apparaître/disparaître ou l’inverse)

Si je fais du cinéma, c'est pour rendre visible ce que l'on ne voit plus 

 

Photos de famille (lui enfant adolescent, le frère Mucio) de lieux, (l’appartement labyrinthe de Setúbal qui a servi de décor à certains de ses films , le centre de Recife) des archives en noir et blanc ou couleur, des images animées, des extraits de films (les siens mais aussi d’autres cinéastes) , un tel support par la magie du montage ingénieux nous transporte à la fois dans un passé identifiable celui des années 60 par exemple et un présent barricadé face aux radicalismes, mais surtout nous fait vivre de l’intérieur (introspection) grâce à la voix off les soubresauts d’une histoire intime qui se confond avec l’Histoire

 

 Portraits fantômes  est structuré en trois parties distinctes mais malgré le titre qui singularise, des récurrences et des mouvements de va-et-vient tissent des liens de l’une à l’autre.

Portraits fantômes : une balade certes empreinte de nostalgie (dont témoignent des surimpressions et certains raccords) mais qui poétiquement est exhaussée en ballade

Portraits fantômes ou l’alchimie fiction/réalité car  "La vie vécue inspire les histoires racontées par les images, et les histoires servent d’appui pour imager les souvenirs"

 

A ne pas rater

 

 

Colette Lallement-Duchoze

 

ps Bacurau - Le blog de cinexpressions

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31 octobre 2023 2 31 /10 /octobre /2023 05:30

Douzième édition du 11 au 19 novembre 2023.
 

au  KINEPOLIS et à l’OMNIA

Festival This is England   (11-19 novembre 2023)

Le festival de courts-métrages britanniques This is England a été initié il y a maintenant 12 ans par le comité de jumelage Rouen Norwich Club. À l'époque, un groupe de passionnés a souhaité créer un pont culturel entre les deux rives de la Manche par le biais du cinéma. D'une poignée de films montrés à des groupes scolaires au départ, l'événement s'est peu à peu installé dans le paysage culturel et éducatif rouennais, pour proposer aujourd'hui à plus de 20 000 spectateurs (publics et scolaires) une semaine entière de compétition à la mi novembre.

This is England en chiffres, c'est 6 programmes de 90', soit 50 courts-métrages en moyenne, dans des salles de cinéma des 2 rives.

Grâce aux retours toujours plus enthousiastes des invités et spectateurs, le festival accueillera cette année, du 11 au 19 novembre, une soixantaine de professionnels du cinéma venant présenter leurs films (réalisateur.trices, producteur.trices, scénaristes, comédien.nes). L'occasion rêvée d’échanger chaque soir avec des artistes autour de leurs films et de leur vision libre et audacieuse de la création cinématographique 

Festival This is England   (11-19 novembre 2023)

A Closer Look (animation 3,15')  réalisé par Elena Gamper, retrace un épisode de la vie d'Antonie van Leeuwenhoek, un des précurseurs de la biologie cellulaire et de la microbiologie.

Projeté le 17 novembre 20h

Festival This is England   (11-19 novembre 2023)

Beltane de  Helena Houghton. Une virée en forêt qui tourne au cauchemar pour Josh et Sarah lorsqu'ils attisent la colère d'Unseelie Fae.

Projeté le 15 novembre 20h

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Ce blog est destiné à collecter nos ressentis de spectateurs, à partager nos impressions sur les films (surtout ceux classés Art et Essai).

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